Texte intégral
Mes chers amis,
je suis obligé de commencer ce discours par une nouvelle triste.
Nous venons d'apprendre le décès d'une grande dame qui avait manifesté par son engagement, à d'autres époques, la parenté de pensée qu'il y avait entre elle et nous. Elle a même participé, au nom de la famille réformatrice, au gouvernement.
Françoise Giroud vient de disparaître.
Je voudrais que nous fassions une minute de silence pour elle.
C'est la vie qui nous amène à passer de la joie exprimée d'être ensemble à des souvenirs partagés qui font aussi ce que nous sommes.
J'ai toujours cru que nous formions une chaîne au travers du temps et de l'action en politique et, peut-être, si je peux employer de grands mots, de l'Histoire.
J'ai toujours cru que, tous ceux qui à une époque ou à une autre ont travaillé avec nous, se sont engagés avec nous, ont contribué à leur manière à une oeuvre commune qui n'est pas achevée.
C'est pourquoi, je tiens tant à cette idée de l'intégrité d'une famille politique au travers du temps. Rassemblement, oui, mais à condition que rien ne soit nié de notre identité, de notre histoire et de notre message.
Ces trois jours de congrès ont été précieux et beaucoup d'entre vous ont dit à cette tribune, sont venus me dire dans les travées, combien ils adhéraient, ils retrouvaient leur raison de vivre et de s'engager dans ces murs de la Mutualité.
Nous avons été plus de 3500 à nous succéder au travers de ces journées de vendredi soir à aujourd'hui midi. Cela a été précieux pour moi et pour toute l'équipe qui, autour de moi, dirige notre mouvement.
Le plus âgé de notre rencontre avait près de 90 ans, le plus jeune avait à peine 12 ans.
Il m'avait écrit pour dire : " Je suis passionné par la politique et je voudrais assister à votre congrès. "
90 ans... 12 ans... !
Chacun de ceux qui était intermédiaire entre ces deux bouts de la chaîne, disait à sa manière : " C'est ma famille, mon engagement et ce que nous avons à dire à la France, personne ne peut le dire à notre place. "
Des milliers de participants, une salle qui n'a pas désempli malgré le marathon nocturne du premier soir et diurne d'hier. Plus de 200 contributions, des dizaines d'intervenants extérieurs. Tout cela, n'aurait pas été possible sans le travail de l'équipe qui a organisé le congrès.
Vous les avez déjà applaudis, Marielle de SARNEZ, Eric AZIÈRE, Bernard LEHIDEUX et toute l'équipe de notre siège. Je veux associer à ces remerciements la Fédération de Paris et son président Didier BARIANI.
Nous avons quelque chose à dire à la France et personne ne peut le dire à notre place.
Tout au long du congrès, il y a trois affirmations qui ont sans cesse été reprises et je veux revenir sur chacune des trois.
La première : attention, le 21 avril est toujours là.
La deuxième, : la société française a besoin d'un projet et d'un idéal.
La troisième : nous avons besoin d'un nouvel ordre du monde.
Je voudrais reprendre chacune de ces affirmations en les considérant chacune comme un appel.
Le 21 avril est toujours là !
Pour beaucoup, de sondeurs et d'observateurs, le 21 avril a été un choc.
Pour quelques uns d'entre nous, ce choc était prévisible. Il est fait fatale, même si nous ne connaissions exactement ni le moment, ni la forme de son irruption.
Le 21 avril, c'est une rage ; je ne la justifie pas, je la constate.
Des électeurs qui disent : " Notre démocratie, peut-être notre société, en tous cas notre démocratie ne marche pas.
Alors l'impuissance démocratique s'est concentrée sur la question de la sécurité, mais elle ne se résume pas à la question de la sécurité.
Sur le sujet de la sécurité, nous l'avons dit, l'action du gouvernement et du ministre de l'intérieur qui est une action énergique et assumée, qui apparaît convaincante à beaucoup de Français, a notre soutien.
Sans " chercher des poils sur les ufs ", parce que nous croyons qu'il fallait une réponse concrète, tangible pour les citoyens, pour améliorer le niveau de sécurité auquel ils estiment, à juste titre, avoir droit.
Nous savons bien que tout ne se résume pas à l'action des forces de l'ordre, mais quand l'état est présent et actif, les citoyens ont l'impression que la République, ce visage là de la République, n'est pas un vain mot.
Cependant, toutes les autres questions sont là, présentes et pressantes.
Dans le vote du 21 avril, il y avait pêle-mêle la démocratie incompréhensible, l'Etat impossible à réformer, l'absence de projet social.
Ces questions n'ont toujours pas de réponses.
Est-ce que la démocratie est plus compréhensible aujourd'hui qu'elle ne l'était au début du mois d'avril ? Est-ce qu'elle fonctionne mieux ?
Il y a un progrès : la cohabitation a disparu et en rétablissant le calendrier électoral de la Vème République, nous avons joué un rôle majeur dans cet assainissement en faisant, contre vents et marées, contre les mêmes qui en ont profité, que puisse jouer la mécanique de la cinquième République.
L'élection présidentielle est une élection où l'on dit des choses qui ne ressemblent à celles que l'on peut dire à aucune autre élection. On l'a bien vu en avril et en mai.
Puis, l'élection législative permet, à celui qui a été choisi, de trouver la majorité de son action.
Nous avions bien raison de rétablir, pour 2002 et pour les élections à venir, le calendrier de la Vème République puisqu'il est le seul à permettre dans nos institutions l'expression d'un véritable choix du pays.
Sur ce point, il y a eu un progrès.
Pour le reste, assistant aux questions d'actualité du mardi et du mercredi à l'Assemblée Nationale, en essayant d'avoir l'oreille du citoyen normal, je suis obligé de vous dire que les vociférations sont les mêmes : les chahuts d'un côté, les fausses indignations de l'autre.
L'explication des difficultés que le pays rencontre n'a pas changé. C'est toujours la faute des autres.
Seul l'héritage n'était pas le même : avant c'était la faute de la droite, maintenant c'est la faute de la gauche. Convenons que la substance du discours ne s'est pas beaucoup enrichi.
Il est vrai que le parti socialiste au pouvoir s'est gravement trompé, mais ce discours ne suffit pas.
Le déficit budgétaire, c'est toujours la faute des prédécesseurs. L'insincérité budgétaire, c'est toujours une fatalité et ce que fait le gouvernement est toujours formidable pour les uns et toujours complètement nul pour les autres.
Notre Parlement a toujours aussi peu de pouvoirs et, si j'osais je dirais moins que jamais, étant donné l'interdiction faite aux députés du parti majoritaire d'amender sur quelque point que ce soit l'oeuvre législative du Gouvernement.
Ce qui fait que, parmi les 577 députés et les 365 qui sont nos amis de la majorité, combien sont réduits au rôle de spectateur, rageur et désabusé, interdit de parole ? Combien se découragent ?
J'ai vécu au mois de décembre un des moments les plus décevants de la vie parlementaire de ces dernières années.
Un grand débat avait été organisé autour de Valéry Giscard d'Estaing, Président de la Convention pour l'avenir de l'Europe, sur la vision que la France devait défendre de son avenir, du moins la vision que le Parlement de la République recommandait que l'on défendît.
Ce débat avait été fixé au moment le plus fréquenté de la semaine parlementaire, c'est-à-dire le mardi après-midi, jour de présence maximale à 16 heures.
Le débat durait quatre heures et naturellement aucune autre réunion n'était programmée dans le même temps.
J'y songeais en vous voyant hier par milliers : avoir fait le débat du soir, le débat de la nuit et l'ensemble du débat de la journée. Plus de 12 heures sans bouger de vos fauteuils.
Quatre heures pour le Parlement de la République pour parler du sujet le plus important de notre avenir.
Peut-être ne le croirez-vous pas, mais au bout de deux heures et pour les deux dernières heures de la séance, la moyenne de présence sur les fauteuils de l'Assemblée Nationale a été de 17 députés sur 577 !
A telle enseigne - je m'empresse de dire que le groupe UDF était majoritaire parmi ces 17 - que Valéry Giscard d'Estaing, lui-même, a fini par quitter la séance avant qu'elle ne soit achevée. Tout cela m'a frappé.
Je ne connais pas un parlement au monde qui suscite autant le désintérêt de ses membres alors qu'ils sont élus depuis à peine six mois. Je ne connais pas un parlement au monde qui soit aussi délaissé de ses membres, même lorsqu'il s'agit de traiter de questions qui portent en elles la forme et le sens du siècle que nous allons vivre.
Ce qui m'a désespéré davantage encore, ou éclairé davantage encore, c'est qu'il n'y a pas eu un commentaire de presse, pas un éditorialiste, pour souligner, regretter ou s'indigner de cette désertion, comme s'il était devenu normal en France de n'avoir plus de parlement.
Comment en serait-il autrement quand on voit que les mêmes causes continuent à produire les mêmes effets ?
Un parlementaire, à la vérité, malgré ce que nous racontons tous les uns et les autres dans nos circonscriptions, n'a pas le droit de proposer le moindre texte de loi.
Si l'on réussit à en examiner quelques-uns sur les milliers qui se trouvent déposés dans la misérable " niche " - cela s'appelle ainsi - que l'on réserve quelques minutes par mois, comme un os à ronger, à l'initiative des représentants du peuple, c'est toujours sur des sujets secondaires puisque, au bout de 120 minutes que vous traitiez de la sécurité sociale ou du statut des infirmières ou des kinésithérapeutes, l'horloge est toujours la même, le débat se clos, le gong retentit et on passe à autre chose.
Naturellement, cela veut dire que l'on a à peine le temps d'aborder l'introduction d'un débat qui concerne parfois des sujets très importants.
Est-ce que cela a changé depuis le 21 avril ? Non.
Pour l'instant, ce n'est toujours pas la démocratie vers laquelle on va, c'est le verrouillage.
Dans le 21 avril, - les parlementaires n'aiment pas que je dise cela, je sais qu'ils ont des yeux noirs chaque fois que je parle - mais c'est bien de notre vocation qu'il s'agit. Si nous sommes là, si nous nous présentons aux élections les uns ou les autres, c'est pour porter une part de la parole de ceux qui nous font confiance et même, dans la conception qui est la mienne, la parole des autres.
Le Parlement, comme il est organisé, quelle parole porte-t-il ? Aucune !
Ce n'est pas attaquer un régime ou un autre, encore moins un gouvernement ou un autre surtout un gouvernement amical, que de s'obstiner contre vents et marées, contre les conformismes, que de s'obstiner à répéter que ce qui est, est et que, si nous voulons que les causes ne reproduisent pas les mêmes effets il faut bien que nous changions une situation qui est désormais devenue insupportable et que, sans la connaître parfaitement, les Français sentent, avec une intuition, sans aucun défaut.
Dans le 21 avril, il y avait aussi l'incompréhension que provoque notre démocratie locale.
L'esprit français s'est construit pendant deux siècles au tour d'une carte des pouvoirs locaux compréhensible par tous : la commune et le maire pour le quotidien ; le département et le Conseil général pour les choix d'aménagement ; le préfet, comme une puissance tutélaire représentant l'Etat au-dessus de tout cela. C'est une organisation qui avait beaucoup de défauts, qui a beaucoup vieilli, mais elle avait une vertu, que les politiques sous-estiment toujours dont ils sous-estiment toujours la portée, c'est qu'elle était compréhensible par chacun des citoyens et la compréhension du citoyen, c'est le commencement de la démocratie.
Ce jardin à la française, un peu trop bien dessiné, est devenu aujourd'hui, hélas, un labyrinthe et une jungle.
Au moment même où la complexité des temps requiert le renforcement de la démocratie locale, chacune des décisions des gouvernements successifs en vient à rendre cette responsabilité locale de moins en moins identifiée, de moins en moins compréhensible, au bout du compte, de moins en moins responsable.
Les communes, les intercommunalités, les PLU les Pays, les conseils de toute nature dont moi-même j'ignore jusqu'au nom, - les départements, les régions les groupements divers et variés, les conseils de développement et tous autres, les sigles barbares transforment la responsabilité des élus en un dédale démocratico-technocratique.
Est-on en train de le simplifier ? Question sérieuse ! Est-on en train de le clarifier à l'usage du citoyen ?
Pour l'instant, et malgré les débats de principe, c'est plutôt le contraire.
On garde tout ce qui existait déjà et on y ajoute l'expérimentation, principe très utile lorsqu'il s'agit de faire l'épreuve d'une réforme, mais qui laisse perplexe, s'il s'agissait d'en faire le principe d'organisation à la carte des collectivités locales françaises.
Notre démocratie est illisible. Elle ne fonctionne pas et elle est illisible ou, à mes yeux, elle ne fonctionne pas parce qu'elle est illisible.
Elle est devenue une affaire d'initiés.
Les pouvoirs s'en arrangent. Ils ont passé des années à en apprendre les dédales, mais la conscience civique n'y trouve pas son compte.
Le besoin de réforme est plus brûlant que jamais, même si aucun signe extérieur ne le fait apparaître dans ce climat d'indifférence publique. Le besoin de clarification, de simplification, quitte à remettre en cause habitude de pensée et conformisme, est toujours là. Est toujours là aussi, la défiance profonde, qu'en réalité, les pouvoirs nourrissent à l'égard du citoyen.
Dieu sait, Gilles de Robien et quelques autres se sont exprimés sur le sujet, que l'on nous a dit et redit qu'il y avait une France d'en haut et une France d'en bas. Expression troublante pour beaucoup de nos concitoyens.
Mais avez-vous observé que les décisions les plus importantes, on continue de les réserver au cercle des initiés, comme si ce peuple de citoyens ne pouvait pas se voir soumettre les grands principes qui organiseront la société de son pays ?
Je suis, vous le savez, nous sommes particulièrement sensibles à cette question en matière de retraite. Pour nous, la question des retraites n'est pas une question technique. Les retraites, nous les regardons comme la clef de voûte du pacte social.
S'il y a solidarité, c'est d'abord et avant tout parce que la vie fait que, un jour, l'âge venant, on n'a plus la force de travailler et que d'autres plus jeunes doivent vous garantir par leur contribution, que vous pourrez conserver, après une vie de travail, une part substantielle de vos revenus.
Ce n'est pas une question technocratique de savoir si ce droit à la solidarité est le même pour tous les Français quel que soit leur statut et, si nous admettons que certains doivent travailler moins longtemps, quelle est la raison de cet avantage ?
Ce n'est pas une question pour spécialiste de se demander si l'égalité doit être notre principe et si la justice devrait régler le cas de ceux qui partent avant les autres.
C'est une question pour citoyens et non pas une question pour experts. C'est une réponse de citoyens et non pas une réponse d'experts de dire que, dans les temps que nous allons vivre, le principe d'égalité voudrait qu'à terme avec la progressivité nécessaire, dans 10 ans ou dans 15 ans, la durée des cotisations soit la même pour tous les Français, qu'ils soit employés par un artisan, par une PME, par une grande entreprise, par une entreprise publique ou par l'Etat.
Le principe de justice voudrait que, si certains doivent partir avant les autres, ce ne soit pas les plus protégés, mais les plus exposés et ceux dont l'espérance de vie est la plus courte.
Notre crainte est qu'en renonçant à s'appuyer sur ce point, sur la conscience et la capacité de décision du peuple français, on renonce en même temps au moteur le plus puissant, au service de la réforme nécessaire.
Si l'on renonce à considérer les citoyens comme des décideurs, c'est-à-dire comme des responsables, on les transforme, qu'on le veuille ou pas et qu'ils le veuillent ou pas, en consommateurs, c'est-à-dire en défenseurs des acquis. Il n'y a pas de moyen terme entre les deux.
Associés, ils se comporteront en responsables. Ecartés, ils se comporteront en défenseurs des acquis. Tel est du moins l'idéal auquel nous croyons, si les mots ont un sens.
Si Démocratie n'est pas seulement une invocation vaine, si l'on n'a pas oublié que cela signifie que l'on considère le peuple comme capable d'être responsable, que l'on pense et que l'on croit qu'il y a plus de sagesse dans le citoyen que dans la communauté des experts, de leur calculatrice et de leurs chiffres, alors il faut prendre cette profession de foi au sérieux et s'appuyer sur le peuple au lieu de se défier de lui.
En formulant ce diagnostic, je ne me situe nullement en critique du Gouvernement. Je me place en partenaire et en co-responsable. En éclairant le chemin qui reste à parcourir, nous appelons à l'effort.
Le meilleur allié du Gouvernement n'est pas celui qui manie la brosse à reluire et qui l'ovationne à tout propos. C'est celui qui parle avec lui, les yeux dans les yeux, du mal français, des injustices de la France et qui lui suggère un itinéraire et une méthode pour y répondre.
Contrairement à ce qui a été dit, nous n'avons aucune querelle, aucun contentieux de quelque nature qu'il soit avec le Gouvernement de la France dirigé par Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes en désaccord avec l'idée de l'UMP, le parti qui le soutient.
Nous sommes en désaccord avec l'idée d'un parti unique, d'un monopole concentrant tous les pouvoirs de toute nature entre ses mains. Mais quand nous parlons au gouvernement, nous ne lui parlons pas du parti qui le soutient, nous lui parlons du pays dont il a la charge.
C'est aussi ma réponse à Alain Juppé qui, paraît-il, n'aime pas notre liberté de ton.
Je veux lui dire simplement ceci. L'UMP a tous les pouvoirs au niveau de l'Etat : la Présidence de la République, le Premier ministre, 38 ministres sur 39 la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, un groupe de 365 députés, autant que de jours dans l'année, la majorité absolue au Sénat, et une influence déterminante sur tous les centres de décision. Jamais aucun parti, depuis que la République existe, n'a concentré autant de pouvoir entre ses mains.
Il voulait au mois de décembre, de surcroît, nous empêcher de présenter et de soutenir un candidat dans une circonscription où nous étions sortant.
Aujourd'hui, il voudrait qu'en plus de tout cela leurs alliés se taisent !
Qu'Alain Juppé se rassure et qu'il réfléchisse à ceci : les meilleurs soutiens, ce ne sont pas ceux qui disent oui à tout, ce sont ceux qui essaient de voir clair, d'avertir des dangers et qui sont assez libres pour approuver quand ils sentent que la direction est bonne et pour avertir quand ils voient qu'elle est mauvaise.
Des alliés libres, au début cela paraît inconfortable. Après, on s'aperçoit que s'ils sont lucides et justes dans leur jugement, leur liberté d'esprit est le meilleur des atouts.
Puisque Alain Juppé s'est exprimé sur ce sujet, j'ai quelque chose à lui dire.
Il y a un moyen plus simple que de nous envoyer des télégrammes et des oukases par presse interposée.
Il connaît mon numéro de téléphone et je suis prêt à parler de ce sujet avec lui. Je suis même prêt à aller plus loin.
Je suis prêt a rencontrer, en tant que Président de l'UDF, le Président de l'UMP pour que nous discutions ensemble, en partenaires respectueux les uns les autres, des meilleurs moyens de garantir notre travail en commun et de faire que celui-ci soit utile au service du pays.
J'espère que cette rencontre aura lieu mais je peux vous dire les deux premières choses que je dirai à Alain Juppé, lorsque nous nous rencontrerons.
Je lui parlerai du mode de scrutin aux élections régionales et du mode de scrutin aux élections européennes.
Les modes de scrutin, c'est très compliqué, très technique, très lassant, mais il se trouve que c'est la règle du jeu de la démocratie pour les citoyens et le moyen, pour eux, de trouver une influence sur l'avenir du pays.
Voilà pourquoi, s'agissant des élections régionales, texte qui, en l'état, m'apparaît équitable, j'entends dire que se préparerait un amendement, dans la discussion parlementaire qui viserait, en changeant un mot, à changer l'esprit du mode de scrutin.
Pour l'instant, il est écrit que, pour se maintenir au deuxième tour, il faut faire 10 % des exprimés et, pour pouvoir fusionner avec une autre liste, qu'il faut faire 5 % des exprimés.
On me dit que l'UMP s'apprêterait à déposer un amendement pour changer le mot "exprimés" en "inscrits" et de faire en sorte que pour les élections régionales il faudrait obtenir 10 % des inscrits pour se maintenir au deuxième tour.
Mes chers amis, je veux que vous preniez la mesure de ce petit changement de mot qui n'est pas autre chose ou qui ne serait pas autre chose qu'une déclaration de guerre au pluralisme.
Je veux vous en donner la signification. Aux élections régionales, habituellement, 10 % des inscrits cela veut donc dire 20 % des votants.
Puis je rappeler aux autorités qui nous gouvernent que 20 % des votants, est un score qui n'a pas été atteint, même par Jacques Chirac au premier tour de l'élection présidentielle
Nous sommes heureux de voir Jean Louis Borloo qui nous rejoint dans cette salle, dans les rangs de ceux qui forment sa famille et, comme il a pu l'observer, nous lui avions gardé une place libre au premier rang depuis six mois!
Puis-je ajouter au-delà de ce sourire amical, que le secteur ministériel dont il a la charge devrait être considéré par tous, comme un des plus importants que doive assumer l'Etat ?
Le mode de scrutin aux européennes a deux implications.
La première implication est de savoir ce que doit être pour un pays comme la France, la nature du débat européen.
Nous, nous croyons que le débat européen est un grand, pour ne pas dire le plus grand, débat national.
Nous croyons que les députés européens représentent à Bruxelles la France, notre pays, notre histoire, nos débats, notre société. Nous croyons que la question de savoir quel visage l'Europe doit prendre, est la plus grande des questions nationales.
Si tel est le cas, c'est une mauvaise inspiration que de vouloir arracher la question européenne au débat national pour tenter d'en faire une question régionale pour notre pays.
Il y a une deuxième implication. Est-ce que ce mode scrutin respectera le pluralisme français ou est-ce qu'il piétinera le pluralisme français ?
On avait voulu faire - ce projet funeste qui a été abandonné - un mode de scrutin en 22 régions. Cela aurait voulu dire que, dans plus de la moitié des régions françaises il n'y aurait eu que deux députés, c'est-à-dire une négation du pluralisme en réservant les sièges aux deux partis arrivés en tête quel que soit ces deux partis.
Nous avons besoin de pluralisme en Europe parce que, comme vous l'aurez observé, le Parlement européen, n'est pas une instance qui soutient un gouvernement européen, c'est une instance dans laquelle en raison de la majorité qualifiée, les décisions se prennent par accord entre les grandes familles politiques et, dès lors, il est légitime que la diversité française, que le pluralisme français soit intégralement représenté au sein du Parlement européen. C'est une nation tout entière qui doit y trouver sa représentation.
Sur la voie de ce pluralisme, la définition de huit circonscriptions inter régionales est un progrès par rapport à 22, à condition que le mode de scrutin soit compréhensible par tous les citoyens puisque c'est pour eux qu'il est fait.
Or, mes chers amis, je vous demande de me croire, je vous parle avec la loyauté la plus complète.
Il y a huit jours, qu'avec les spécialistes les plus pointus, les connaisseurs de tous les modes de scrutin de la planète, nous sommes réunis en réunion ininterrompue pour essayer de comprendre le mode de scrutin concocté par les experts du gouvernement. Je suis obligé de vous dire qu'à cette heure-ci, nous n'y sommes pas parvenus !
Pour l'instant, nous pensons que le nombre de sièges peut être calculé dans la circonscription inter régionale, mais que l'affectation des sièges à chaque région dépendra de l'analyse dans le score obtenu par chaque liste, du poids relatif des voix obtenues par cette liste dans chacune des régions, sans être arrivé à comprendre comment cette affectation serait faite, mais en ayant la certitude qu'il est parfaitement possible pour une petite région du territoire que le député européen qui lui sera affecté sera le représentant d'une liste arrivée en 5, 6, 7 ou 8ème position dans cette région, sans qu'il n'y ait aucune garantie que la figure de proue d'une liste puisse être élue, parce que s'il fait une voix de moins qu'une autre région, ce n'est pas à lui qu'ira le siège, c'est à un autre.
Germain Gengenwin, président de la Fédération du Bas-Rhin vient d'en tirer la conclusion devant vous : avec un tel mode de scrutin, les Français n'iront pas voter !
Avec un tel mode de scrutin l'Europe paraîtra encore plus lointaine, encore plus obscure, encore plus opaque, encore plus éloignée. On aura en réalité perpétré un crime contre l'idée européenne et contre la participation active des citoyens.
La deuxième affirmation , c'est que la France a besoin d'un projet, d'un idéal.
Je me suis beaucoup interrogé sur les raisons qui avaient conduit à l'échec de la gauche au pouvoir après cinq années qui avaient été marquées des meilleurs sondages qu'un gouvernement n'ait jamais eus, jusqu'au bout ou presque, et qui s'est conclue par l'incapacité de se qualifier pour le deuxième tour de l'élection présidentielle.
Je voudrais, ce n'est pas mon affaire mais c'est pour notre réflexion et notre feuille de route, formuler un diagnostic.
Je crois que le parti socialiste a perdu, parce qu'il est apparu comme défendant des avantages et oubliant en chemin la justice.
Or, défendre les avantages, ce n'est pas garantir la justice. Et même, les avantages des uns créent souvent l'injustice pour les autres.
Un ami l'a dit à cette tribune à propos des 35 heures. Les 35 heures ont coûté quelques 30 milliards d'euros et peut-être davantage.
C'était beaucoup plus qu'il n'en fallait pour un Plan Marshall pour les banlieues et c'était beaucoup plus qu'il n'en fallait pour une politique déterminante d'allégement des charges pour faire reculer le chômage.
Fort de ce constat, je veux assigner une ligne à notre mouvement qui inspirera ces travaux pour l'élaboration de son projet.
Nous devons être dans la Démocratie française le parti de la justice.
C'est un grand chapitre pour les années à venir.
Ceci touchera aussi bien la politique d'insertion.
Nous avons eu un débat extrêmement émouvant avec Valérie Létard et l'une de nos militantes qui est venu dire : " Je suis handicapée physique et je travaille et c'est ce travail là qui me sauve. Pourquoi n'aidez-vous pas davantage les handicapés à travailler ? Pourquoi ne faites-vous pas en sorte que RMI, ce ne soit pas seulement la garantie d'un petit revenu, mais que ce soit la certitude que l'on va vous aider à trouver une place dans la société de l'activité, dans la société de l'utilité. "
Nous voulons définir un revenu minimum qui ne soit pas seulement d'assistance, mais aussi d'assistance à l'activité et à l'insertion.
Tout revenu d'assistance devrait entraîner au bout de quelques mois une obligation d'activité d'intérêt général, non pas pour ce type de formation parking souvent sans fruit réel, mais par un travail utile qui est une première marche vers une vraie réinsertion.
Naturellement, le parti de la justice s'intéresse en priorité des priorités, à l'éducation.
En faisant en sorte qu'une réflexion soit conduite sur les moyens simples, concrets, applicables, qui feraient s'arracher notre système éducatif dont je veux dire devant vous-mêmes, si personne ne croit qu'il est le meilleur au monde, et qu'il est regardé du monde entier, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, qui veut abandonner son modèle pour prendre le nôtre, comme un modèle formidable, à ce seul échec et, Dieu sait, qu'il est important, près d'environ 1 sur 5 des enfants ne réussit pas à acquérir les outils nécessaires pour suivre.
Comment fait-on concrètement ? J'ai proposé des idées pendant la campagne présidentielle. Elles n'ont pas encore été reprises, je ne doute pas qu'un jour ou l'autre elles le seront.
Garantir par une rigueur qui est en fait une générosité, par une rigueur qui est en fait la plus grande des générosités, qu'aucun enfant ne pourra plus entrer en France en sixième sans avoir appris à lire et à écrire préalablement à cette entrée en sixième.
Et ainsi, sortant de cette hétérogénéité qui rend le travail des professeurs impossible, cela paraît de la rigueur, c'est de la générosité.
De même, en matière de politique du logement, on a défendu des options par exemple, la propriété du logement.
Je vais vous dire quelque chose qui va vous surprendre. Je crois que le droit au logement un jour ne sera pas un vain mot.
Naturellement, la présentation de Lionel Jospin était publicitaire, elle faisait bateleur. Mais nous avons en France les ressources nécessaires, l'imagination nécessaire, même en respectant le marché, pour trouver des logements d'insertion disséminés, suffisamment nombreux sur notre territoire pour qu'en effet le nombre des SDF baisse de manière considérable et que nous n'ayons pas que des asiles de nuit à offrir dont on est exclu le lendemain matin, que nous ayons une politique plus humaine, responsable.
Je veux dire que comme président du Conseil général des logements de cette nature, nous en avons réalisé des centaines, avec garantie de loyer payé à celui qui en est le propriétaire et que c'est probablement une des politiques les plus efficaces et les moins chères que nous ayons réalisée au Conseil général.
C'est possible. Il ne faut pas le présenter comme une publicité, mais comme une démarche sérieuse pour une société qui refuse désormais ce cas le plus provocateur et le plus choquant : l'exclusion acceptée par tous.
Le troisième point : nous avons besoin d'un nouvel ordre du monde.
Je voudrais répéter ce que j'ai souvent dit devant vous depuis des mois et je le fais à un moment où les bruits de guerre deviennent insistants au Moyen-Orient.
Ce qui se joue dans l'affaire de la guerre programmée à l'Irak, ce n'est pas seulement un conflit, ce n'est pas seulement la situation au Proche et au Moyen-Orient. Pourtant, Dieu sait que le rapprochement de cette allumette et de ce baril de poudre présente en soi un danger sur lequel nous devons nous interroger. Ce qui se joue, c'est la question de l'ordre du monde.
Question sur laquelle nous avons été, depuis des années, dangereusement coupables et dangereusement absents.
La question est de savoir si une puissance solitaire, même la plus puissante des puissances, peut décréter de sa propre autorité, de sa propre souveraineté, qu'une guerre doit être entreprise sur l'un des théâtres les plus dangereux de la planète.
La réponse à cette question commandera le visage de notre pauvre planète au XXIème siècle.
De deux choses l'une. Ou bien il sera prouvé que le droit international peut être respecté, que lorsque l'on dit que l'on cherche des armes, on cherche vraiment des armes et que lorsque l'on dit que l'on a besoin de preuves, on a vraiment besoin de preuves, que c'est la délibération des Nations Unies qui entraîne une décision aussi grave dans ses conséquences et nous pourrons espérer que l'ordre du monde soit un ordre régi par le Droit.
Ou bien c'est l'autre option qui s'imposera : guerre unilatérale, preuve considérée comme acquise et au bout du compte, c'est un autre ordre du monde qui apparaîtra. L'ordre du monde dominé par une seule puissance, fut-elle la plus démocrate et la mieux inspirée qui considérera que sa seule décision, c'est-à-dire ses seuls intérêts sont à prendre en compte au moment où il faut décider d'un conflit.
C'est contre cela que nous avons bâti les Nations Unies. C'est pour défendre le Droit et ne pas abandonner le monde à la seule loi de la force, que nous avons conduit ces politiques compliquées, ces 50 dernières années.
Je veux donc dire que j'approuve les attitudes et les choix qui, jusqu'à ce jour, ont été ceux du Président de la République française dont je trouve, qu'avec sa diplomatie et le ministre des affaires étrangères, sur ce sujet, ils ont bien défendu l'idéal qui doit être celui de la France.
Mais que nous soyons dans l'incertitude sur l'issue de cette crise, mes cher amis, c'est aussi de notre faute.
Je veux dire que la France porte une responsabilité depuis des décennies sur la création de la situation qui fait que nous en sommes à espérer que notre voix sera entendue et pas à avoir la certitude que si nous avons raison, cette raison doit s'imposer.
C'est en partie de notre faute si l'Europe n'existe pas, si elle est divisée, si elle est impuissante, si elle n'est pas écoutée et si elle est dispersée. C'est une situation dans laquelle nous avons notre part de responsabilité.
Permettez-moi de vous dire que le compromis franco-allemand, arrêté ces derniers jours, qui vise à répondre à la question que nous avons posée les premiers d'une présidence pour l'Europe - souvenez-vous notre thème de 1999 : une Présidence pour l'Europe, une Constitution pour l'Europe. Dieu sait les sarcasmes que nous avions recueillis à cette époque par des personnalités qui pourtant, aujourd'hui, ont un soutien public très important.
Répondre à la question de la nécessité d'un président pour l'Europe en en créant deux pour trouver un compromis avec les Allemands, c'est se tromper de réponse et, au bout du compte, se préparer de cruelles désillusions.
Je sais bien que les initiés y trouvent leur compte. Ceux qui savent qu'il y a un conseil qui regroupe les chefs d'Etats et de gouvernements, qu'il y a un parlement, qu'il y a nécessité d'accord entre les 2, que l'Europe c'est une double logique. Ceux-là comprennent ce type d'équilibre subtil.
Mais moi, je pose une question qui est plus simple que toutes ces questions institutionnelles.
Nous voulons bâtir une puissance. Connaissez-vous une seule puissance sur la planète de quelque taille qu'elle soit qui ait deux présidents et qui soit entendue ?
Est-ce que on écouterait mieux les Etats-Unis s'il y avait deux présidents plutôt qu'un seul ?
Il suffit de poser la question avec cette simplicité roborative, pour voir que l'on nous prépare, sous forme de compromis, un projet purement et simplement incompréhensible par les citoyens, illisible par eux et inaudible par nos partenaires étrangers, c'est-à-dire le contraire de ce que nous voulons faire pour l'avenir de l'Europe.
Parce que nous savons, nous l'avons vécu en France avec la cohabitation, que quand vous instaurez l'un en face de l'autre deux pouvoirs, chacun avec sa légitimité, de surcroît l'un des deux - ce fameux président du conseil - désigné par le titre de " Président de l'union ", chargé de la politique étrangère et de la sécurité, et qu'en face vous mettez un président pour les affaires intérieures, vous préparez inéluctablement des conflits de compétence, de légitimité entre les deux.
La question sera de savoir qui prend le pas sur l'autre ?
Voyez-vous, certains de nos amis disent - c'était la thèse Alain LAMASSOURE hier - le Président de la commission prendra inéluctablement le pas sur le Président du Conseil.
Imaginez que Valéry Giscard d'Estaing soit ce Président du Conseil. Est-ce que le Président de la Commission prendra facilement le pas sur lui, notamment lorsqu'il s'agira d'affaires de sécurité et de défense ?
Alors on me dira, oui à l'avance. On me dira , il n'y aura aucune difficulté, à l'avance.
On nous disait bien, et les meilleurs esprits, qu'il n'y avait aucun problème dans la cohabitation que nous promettait en 86, en 1993, puis en 1997 nos institutions.
On a vu ! Gouverner, c'est prévoir. Dessiner, c'est connaître les hommes.
L'Europe, c'est un projet tout simple : c'est faire ensemble ce que nous ne pouvons pas faire tout seul. Encore s'agit-il de le faire.
Encore s'agit-il de dégager une volonté et de l'exprimer. Cela ne se fait pas dans la concurrence entre deux pouvoirs non clairement séparés, aspirant au même titre et en réalité, à la même fonction.
Si nous voulons la puissance de l'Europe, il faut la simplicité de ces institutions. Il faut une constitution et un Président et il ne faut pas plus de deux présidents qu'il ne faut de deux constitutions.
C'est parce que nous mettons un grand espoir dans l'idée européenne que nous sommes pour l'Europe des peuples, contre l'Europe des initiés, pour l'Europe de la volonté, contre l'Europe du compromis et nous considérons que c'est l'honneur de la France et le devoir de la France de présenter pour cet avenir un plan lisible par tous..
Nous avons deux grandes années devant nous.
Bonne année 2003 ! Bonne année 2004.
Merci à tous.
(source http://new.udf.org, le 20 janvier 2003)
je suis obligé de commencer ce discours par une nouvelle triste.
Nous venons d'apprendre le décès d'une grande dame qui avait manifesté par son engagement, à d'autres époques, la parenté de pensée qu'il y avait entre elle et nous. Elle a même participé, au nom de la famille réformatrice, au gouvernement.
Françoise Giroud vient de disparaître.
Je voudrais que nous fassions une minute de silence pour elle.
C'est la vie qui nous amène à passer de la joie exprimée d'être ensemble à des souvenirs partagés qui font aussi ce que nous sommes.
J'ai toujours cru que nous formions une chaîne au travers du temps et de l'action en politique et, peut-être, si je peux employer de grands mots, de l'Histoire.
J'ai toujours cru que, tous ceux qui à une époque ou à une autre ont travaillé avec nous, se sont engagés avec nous, ont contribué à leur manière à une oeuvre commune qui n'est pas achevée.
C'est pourquoi, je tiens tant à cette idée de l'intégrité d'une famille politique au travers du temps. Rassemblement, oui, mais à condition que rien ne soit nié de notre identité, de notre histoire et de notre message.
Ces trois jours de congrès ont été précieux et beaucoup d'entre vous ont dit à cette tribune, sont venus me dire dans les travées, combien ils adhéraient, ils retrouvaient leur raison de vivre et de s'engager dans ces murs de la Mutualité.
Nous avons été plus de 3500 à nous succéder au travers de ces journées de vendredi soir à aujourd'hui midi. Cela a été précieux pour moi et pour toute l'équipe qui, autour de moi, dirige notre mouvement.
Le plus âgé de notre rencontre avait près de 90 ans, le plus jeune avait à peine 12 ans.
Il m'avait écrit pour dire : " Je suis passionné par la politique et je voudrais assister à votre congrès. "
90 ans... 12 ans... !
Chacun de ceux qui était intermédiaire entre ces deux bouts de la chaîne, disait à sa manière : " C'est ma famille, mon engagement et ce que nous avons à dire à la France, personne ne peut le dire à notre place. "
Des milliers de participants, une salle qui n'a pas désempli malgré le marathon nocturne du premier soir et diurne d'hier. Plus de 200 contributions, des dizaines d'intervenants extérieurs. Tout cela, n'aurait pas été possible sans le travail de l'équipe qui a organisé le congrès.
Vous les avez déjà applaudis, Marielle de SARNEZ, Eric AZIÈRE, Bernard LEHIDEUX et toute l'équipe de notre siège. Je veux associer à ces remerciements la Fédération de Paris et son président Didier BARIANI.
Nous avons quelque chose à dire à la France et personne ne peut le dire à notre place.
Tout au long du congrès, il y a trois affirmations qui ont sans cesse été reprises et je veux revenir sur chacune des trois.
La première : attention, le 21 avril est toujours là.
La deuxième, : la société française a besoin d'un projet et d'un idéal.
La troisième : nous avons besoin d'un nouvel ordre du monde.
Je voudrais reprendre chacune de ces affirmations en les considérant chacune comme un appel.
Le 21 avril est toujours là !
Pour beaucoup, de sondeurs et d'observateurs, le 21 avril a été un choc.
Pour quelques uns d'entre nous, ce choc était prévisible. Il est fait fatale, même si nous ne connaissions exactement ni le moment, ni la forme de son irruption.
Le 21 avril, c'est une rage ; je ne la justifie pas, je la constate.
Des électeurs qui disent : " Notre démocratie, peut-être notre société, en tous cas notre démocratie ne marche pas.
Alors l'impuissance démocratique s'est concentrée sur la question de la sécurité, mais elle ne se résume pas à la question de la sécurité.
Sur le sujet de la sécurité, nous l'avons dit, l'action du gouvernement et du ministre de l'intérieur qui est une action énergique et assumée, qui apparaît convaincante à beaucoup de Français, a notre soutien.
Sans " chercher des poils sur les ufs ", parce que nous croyons qu'il fallait une réponse concrète, tangible pour les citoyens, pour améliorer le niveau de sécurité auquel ils estiment, à juste titre, avoir droit.
Nous savons bien que tout ne se résume pas à l'action des forces de l'ordre, mais quand l'état est présent et actif, les citoyens ont l'impression que la République, ce visage là de la République, n'est pas un vain mot.
Cependant, toutes les autres questions sont là, présentes et pressantes.
Dans le vote du 21 avril, il y avait pêle-mêle la démocratie incompréhensible, l'Etat impossible à réformer, l'absence de projet social.
Ces questions n'ont toujours pas de réponses.
Est-ce que la démocratie est plus compréhensible aujourd'hui qu'elle ne l'était au début du mois d'avril ? Est-ce qu'elle fonctionne mieux ?
Il y a un progrès : la cohabitation a disparu et en rétablissant le calendrier électoral de la Vème République, nous avons joué un rôle majeur dans cet assainissement en faisant, contre vents et marées, contre les mêmes qui en ont profité, que puisse jouer la mécanique de la cinquième République.
L'élection présidentielle est une élection où l'on dit des choses qui ne ressemblent à celles que l'on peut dire à aucune autre élection. On l'a bien vu en avril et en mai.
Puis, l'élection législative permet, à celui qui a été choisi, de trouver la majorité de son action.
Nous avions bien raison de rétablir, pour 2002 et pour les élections à venir, le calendrier de la Vème République puisqu'il est le seul à permettre dans nos institutions l'expression d'un véritable choix du pays.
Sur ce point, il y a eu un progrès.
Pour le reste, assistant aux questions d'actualité du mardi et du mercredi à l'Assemblée Nationale, en essayant d'avoir l'oreille du citoyen normal, je suis obligé de vous dire que les vociférations sont les mêmes : les chahuts d'un côté, les fausses indignations de l'autre.
L'explication des difficultés que le pays rencontre n'a pas changé. C'est toujours la faute des autres.
Seul l'héritage n'était pas le même : avant c'était la faute de la droite, maintenant c'est la faute de la gauche. Convenons que la substance du discours ne s'est pas beaucoup enrichi.
Il est vrai que le parti socialiste au pouvoir s'est gravement trompé, mais ce discours ne suffit pas.
Le déficit budgétaire, c'est toujours la faute des prédécesseurs. L'insincérité budgétaire, c'est toujours une fatalité et ce que fait le gouvernement est toujours formidable pour les uns et toujours complètement nul pour les autres.
Notre Parlement a toujours aussi peu de pouvoirs et, si j'osais je dirais moins que jamais, étant donné l'interdiction faite aux députés du parti majoritaire d'amender sur quelque point que ce soit l'oeuvre législative du Gouvernement.
Ce qui fait que, parmi les 577 députés et les 365 qui sont nos amis de la majorité, combien sont réduits au rôle de spectateur, rageur et désabusé, interdit de parole ? Combien se découragent ?
J'ai vécu au mois de décembre un des moments les plus décevants de la vie parlementaire de ces dernières années.
Un grand débat avait été organisé autour de Valéry Giscard d'Estaing, Président de la Convention pour l'avenir de l'Europe, sur la vision que la France devait défendre de son avenir, du moins la vision que le Parlement de la République recommandait que l'on défendît.
Ce débat avait été fixé au moment le plus fréquenté de la semaine parlementaire, c'est-à-dire le mardi après-midi, jour de présence maximale à 16 heures.
Le débat durait quatre heures et naturellement aucune autre réunion n'était programmée dans le même temps.
J'y songeais en vous voyant hier par milliers : avoir fait le débat du soir, le débat de la nuit et l'ensemble du débat de la journée. Plus de 12 heures sans bouger de vos fauteuils.
Quatre heures pour le Parlement de la République pour parler du sujet le plus important de notre avenir.
Peut-être ne le croirez-vous pas, mais au bout de deux heures et pour les deux dernières heures de la séance, la moyenne de présence sur les fauteuils de l'Assemblée Nationale a été de 17 députés sur 577 !
A telle enseigne - je m'empresse de dire que le groupe UDF était majoritaire parmi ces 17 - que Valéry Giscard d'Estaing, lui-même, a fini par quitter la séance avant qu'elle ne soit achevée. Tout cela m'a frappé.
Je ne connais pas un parlement au monde qui suscite autant le désintérêt de ses membres alors qu'ils sont élus depuis à peine six mois. Je ne connais pas un parlement au monde qui soit aussi délaissé de ses membres, même lorsqu'il s'agit de traiter de questions qui portent en elles la forme et le sens du siècle que nous allons vivre.
Ce qui m'a désespéré davantage encore, ou éclairé davantage encore, c'est qu'il n'y a pas eu un commentaire de presse, pas un éditorialiste, pour souligner, regretter ou s'indigner de cette désertion, comme s'il était devenu normal en France de n'avoir plus de parlement.
Comment en serait-il autrement quand on voit que les mêmes causes continuent à produire les mêmes effets ?
Un parlementaire, à la vérité, malgré ce que nous racontons tous les uns et les autres dans nos circonscriptions, n'a pas le droit de proposer le moindre texte de loi.
Si l'on réussit à en examiner quelques-uns sur les milliers qui se trouvent déposés dans la misérable " niche " - cela s'appelle ainsi - que l'on réserve quelques minutes par mois, comme un os à ronger, à l'initiative des représentants du peuple, c'est toujours sur des sujets secondaires puisque, au bout de 120 minutes que vous traitiez de la sécurité sociale ou du statut des infirmières ou des kinésithérapeutes, l'horloge est toujours la même, le débat se clos, le gong retentit et on passe à autre chose.
Naturellement, cela veut dire que l'on a à peine le temps d'aborder l'introduction d'un débat qui concerne parfois des sujets très importants.
Est-ce que cela a changé depuis le 21 avril ? Non.
Pour l'instant, ce n'est toujours pas la démocratie vers laquelle on va, c'est le verrouillage.
Dans le 21 avril, - les parlementaires n'aiment pas que je dise cela, je sais qu'ils ont des yeux noirs chaque fois que je parle - mais c'est bien de notre vocation qu'il s'agit. Si nous sommes là, si nous nous présentons aux élections les uns ou les autres, c'est pour porter une part de la parole de ceux qui nous font confiance et même, dans la conception qui est la mienne, la parole des autres.
Le Parlement, comme il est organisé, quelle parole porte-t-il ? Aucune !
Ce n'est pas attaquer un régime ou un autre, encore moins un gouvernement ou un autre surtout un gouvernement amical, que de s'obstiner contre vents et marées, contre les conformismes, que de s'obstiner à répéter que ce qui est, est et que, si nous voulons que les causes ne reproduisent pas les mêmes effets il faut bien que nous changions une situation qui est désormais devenue insupportable et que, sans la connaître parfaitement, les Français sentent, avec une intuition, sans aucun défaut.
Dans le 21 avril, il y avait aussi l'incompréhension que provoque notre démocratie locale.
L'esprit français s'est construit pendant deux siècles au tour d'une carte des pouvoirs locaux compréhensible par tous : la commune et le maire pour le quotidien ; le département et le Conseil général pour les choix d'aménagement ; le préfet, comme une puissance tutélaire représentant l'Etat au-dessus de tout cela. C'est une organisation qui avait beaucoup de défauts, qui a beaucoup vieilli, mais elle avait une vertu, que les politiques sous-estiment toujours dont ils sous-estiment toujours la portée, c'est qu'elle était compréhensible par chacun des citoyens et la compréhension du citoyen, c'est le commencement de la démocratie.
Ce jardin à la française, un peu trop bien dessiné, est devenu aujourd'hui, hélas, un labyrinthe et une jungle.
Au moment même où la complexité des temps requiert le renforcement de la démocratie locale, chacune des décisions des gouvernements successifs en vient à rendre cette responsabilité locale de moins en moins identifiée, de moins en moins compréhensible, au bout du compte, de moins en moins responsable.
Les communes, les intercommunalités, les PLU les Pays, les conseils de toute nature dont moi-même j'ignore jusqu'au nom, - les départements, les régions les groupements divers et variés, les conseils de développement et tous autres, les sigles barbares transforment la responsabilité des élus en un dédale démocratico-technocratique.
Est-on en train de le simplifier ? Question sérieuse ! Est-on en train de le clarifier à l'usage du citoyen ?
Pour l'instant, et malgré les débats de principe, c'est plutôt le contraire.
On garde tout ce qui existait déjà et on y ajoute l'expérimentation, principe très utile lorsqu'il s'agit de faire l'épreuve d'une réforme, mais qui laisse perplexe, s'il s'agissait d'en faire le principe d'organisation à la carte des collectivités locales françaises.
Notre démocratie est illisible. Elle ne fonctionne pas et elle est illisible ou, à mes yeux, elle ne fonctionne pas parce qu'elle est illisible.
Elle est devenue une affaire d'initiés.
Les pouvoirs s'en arrangent. Ils ont passé des années à en apprendre les dédales, mais la conscience civique n'y trouve pas son compte.
Le besoin de réforme est plus brûlant que jamais, même si aucun signe extérieur ne le fait apparaître dans ce climat d'indifférence publique. Le besoin de clarification, de simplification, quitte à remettre en cause habitude de pensée et conformisme, est toujours là. Est toujours là aussi, la défiance profonde, qu'en réalité, les pouvoirs nourrissent à l'égard du citoyen.
Dieu sait, Gilles de Robien et quelques autres se sont exprimés sur le sujet, que l'on nous a dit et redit qu'il y avait une France d'en haut et une France d'en bas. Expression troublante pour beaucoup de nos concitoyens.
Mais avez-vous observé que les décisions les plus importantes, on continue de les réserver au cercle des initiés, comme si ce peuple de citoyens ne pouvait pas se voir soumettre les grands principes qui organiseront la société de son pays ?
Je suis, vous le savez, nous sommes particulièrement sensibles à cette question en matière de retraite. Pour nous, la question des retraites n'est pas une question technique. Les retraites, nous les regardons comme la clef de voûte du pacte social.
S'il y a solidarité, c'est d'abord et avant tout parce que la vie fait que, un jour, l'âge venant, on n'a plus la force de travailler et que d'autres plus jeunes doivent vous garantir par leur contribution, que vous pourrez conserver, après une vie de travail, une part substantielle de vos revenus.
Ce n'est pas une question technocratique de savoir si ce droit à la solidarité est le même pour tous les Français quel que soit leur statut et, si nous admettons que certains doivent travailler moins longtemps, quelle est la raison de cet avantage ?
Ce n'est pas une question pour spécialiste de se demander si l'égalité doit être notre principe et si la justice devrait régler le cas de ceux qui partent avant les autres.
C'est une question pour citoyens et non pas une question pour experts. C'est une réponse de citoyens et non pas une réponse d'experts de dire que, dans les temps que nous allons vivre, le principe d'égalité voudrait qu'à terme avec la progressivité nécessaire, dans 10 ans ou dans 15 ans, la durée des cotisations soit la même pour tous les Français, qu'ils soit employés par un artisan, par une PME, par une grande entreprise, par une entreprise publique ou par l'Etat.
Le principe de justice voudrait que, si certains doivent partir avant les autres, ce ne soit pas les plus protégés, mais les plus exposés et ceux dont l'espérance de vie est la plus courte.
Notre crainte est qu'en renonçant à s'appuyer sur ce point, sur la conscience et la capacité de décision du peuple français, on renonce en même temps au moteur le plus puissant, au service de la réforme nécessaire.
Si l'on renonce à considérer les citoyens comme des décideurs, c'est-à-dire comme des responsables, on les transforme, qu'on le veuille ou pas et qu'ils le veuillent ou pas, en consommateurs, c'est-à-dire en défenseurs des acquis. Il n'y a pas de moyen terme entre les deux.
Associés, ils se comporteront en responsables. Ecartés, ils se comporteront en défenseurs des acquis. Tel est du moins l'idéal auquel nous croyons, si les mots ont un sens.
Si Démocratie n'est pas seulement une invocation vaine, si l'on n'a pas oublié que cela signifie que l'on considère le peuple comme capable d'être responsable, que l'on pense et que l'on croit qu'il y a plus de sagesse dans le citoyen que dans la communauté des experts, de leur calculatrice et de leurs chiffres, alors il faut prendre cette profession de foi au sérieux et s'appuyer sur le peuple au lieu de se défier de lui.
En formulant ce diagnostic, je ne me situe nullement en critique du Gouvernement. Je me place en partenaire et en co-responsable. En éclairant le chemin qui reste à parcourir, nous appelons à l'effort.
Le meilleur allié du Gouvernement n'est pas celui qui manie la brosse à reluire et qui l'ovationne à tout propos. C'est celui qui parle avec lui, les yeux dans les yeux, du mal français, des injustices de la France et qui lui suggère un itinéraire et une méthode pour y répondre.
Contrairement à ce qui a été dit, nous n'avons aucune querelle, aucun contentieux de quelque nature qu'il soit avec le Gouvernement de la France dirigé par Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes en désaccord avec l'idée de l'UMP, le parti qui le soutient.
Nous sommes en désaccord avec l'idée d'un parti unique, d'un monopole concentrant tous les pouvoirs de toute nature entre ses mains. Mais quand nous parlons au gouvernement, nous ne lui parlons pas du parti qui le soutient, nous lui parlons du pays dont il a la charge.
C'est aussi ma réponse à Alain Juppé qui, paraît-il, n'aime pas notre liberté de ton.
Je veux lui dire simplement ceci. L'UMP a tous les pouvoirs au niveau de l'Etat : la Présidence de la République, le Premier ministre, 38 ministres sur 39 la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, un groupe de 365 députés, autant que de jours dans l'année, la majorité absolue au Sénat, et une influence déterminante sur tous les centres de décision. Jamais aucun parti, depuis que la République existe, n'a concentré autant de pouvoir entre ses mains.
Il voulait au mois de décembre, de surcroît, nous empêcher de présenter et de soutenir un candidat dans une circonscription où nous étions sortant.
Aujourd'hui, il voudrait qu'en plus de tout cela leurs alliés se taisent !
Qu'Alain Juppé se rassure et qu'il réfléchisse à ceci : les meilleurs soutiens, ce ne sont pas ceux qui disent oui à tout, ce sont ceux qui essaient de voir clair, d'avertir des dangers et qui sont assez libres pour approuver quand ils sentent que la direction est bonne et pour avertir quand ils voient qu'elle est mauvaise.
Des alliés libres, au début cela paraît inconfortable. Après, on s'aperçoit que s'ils sont lucides et justes dans leur jugement, leur liberté d'esprit est le meilleur des atouts.
Puisque Alain Juppé s'est exprimé sur ce sujet, j'ai quelque chose à lui dire.
Il y a un moyen plus simple que de nous envoyer des télégrammes et des oukases par presse interposée.
Il connaît mon numéro de téléphone et je suis prêt à parler de ce sujet avec lui. Je suis même prêt à aller plus loin.
Je suis prêt a rencontrer, en tant que Président de l'UDF, le Président de l'UMP pour que nous discutions ensemble, en partenaires respectueux les uns les autres, des meilleurs moyens de garantir notre travail en commun et de faire que celui-ci soit utile au service du pays.
J'espère que cette rencontre aura lieu mais je peux vous dire les deux premières choses que je dirai à Alain Juppé, lorsque nous nous rencontrerons.
Je lui parlerai du mode de scrutin aux élections régionales et du mode de scrutin aux élections européennes.
Les modes de scrutin, c'est très compliqué, très technique, très lassant, mais il se trouve que c'est la règle du jeu de la démocratie pour les citoyens et le moyen, pour eux, de trouver une influence sur l'avenir du pays.
Voilà pourquoi, s'agissant des élections régionales, texte qui, en l'état, m'apparaît équitable, j'entends dire que se préparerait un amendement, dans la discussion parlementaire qui viserait, en changeant un mot, à changer l'esprit du mode de scrutin.
Pour l'instant, il est écrit que, pour se maintenir au deuxième tour, il faut faire 10 % des exprimés et, pour pouvoir fusionner avec une autre liste, qu'il faut faire 5 % des exprimés.
On me dit que l'UMP s'apprêterait à déposer un amendement pour changer le mot "exprimés" en "inscrits" et de faire en sorte que pour les élections régionales il faudrait obtenir 10 % des inscrits pour se maintenir au deuxième tour.
Mes chers amis, je veux que vous preniez la mesure de ce petit changement de mot qui n'est pas autre chose ou qui ne serait pas autre chose qu'une déclaration de guerre au pluralisme.
Je veux vous en donner la signification. Aux élections régionales, habituellement, 10 % des inscrits cela veut donc dire 20 % des votants.
Puis je rappeler aux autorités qui nous gouvernent que 20 % des votants, est un score qui n'a pas été atteint, même par Jacques Chirac au premier tour de l'élection présidentielle
Nous sommes heureux de voir Jean Louis Borloo qui nous rejoint dans cette salle, dans les rangs de ceux qui forment sa famille et, comme il a pu l'observer, nous lui avions gardé une place libre au premier rang depuis six mois!
Puis-je ajouter au-delà de ce sourire amical, que le secteur ministériel dont il a la charge devrait être considéré par tous, comme un des plus importants que doive assumer l'Etat ?
Le mode de scrutin aux européennes a deux implications.
La première implication est de savoir ce que doit être pour un pays comme la France, la nature du débat européen.
Nous, nous croyons que le débat européen est un grand, pour ne pas dire le plus grand, débat national.
Nous croyons que les députés européens représentent à Bruxelles la France, notre pays, notre histoire, nos débats, notre société. Nous croyons que la question de savoir quel visage l'Europe doit prendre, est la plus grande des questions nationales.
Si tel est le cas, c'est une mauvaise inspiration que de vouloir arracher la question européenne au débat national pour tenter d'en faire une question régionale pour notre pays.
Il y a une deuxième implication. Est-ce que ce mode scrutin respectera le pluralisme français ou est-ce qu'il piétinera le pluralisme français ?
On avait voulu faire - ce projet funeste qui a été abandonné - un mode de scrutin en 22 régions. Cela aurait voulu dire que, dans plus de la moitié des régions françaises il n'y aurait eu que deux députés, c'est-à-dire une négation du pluralisme en réservant les sièges aux deux partis arrivés en tête quel que soit ces deux partis.
Nous avons besoin de pluralisme en Europe parce que, comme vous l'aurez observé, le Parlement européen, n'est pas une instance qui soutient un gouvernement européen, c'est une instance dans laquelle en raison de la majorité qualifiée, les décisions se prennent par accord entre les grandes familles politiques et, dès lors, il est légitime que la diversité française, que le pluralisme français soit intégralement représenté au sein du Parlement européen. C'est une nation tout entière qui doit y trouver sa représentation.
Sur la voie de ce pluralisme, la définition de huit circonscriptions inter régionales est un progrès par rapport à 22, à condition que le mode de scrutin soit compréhensible par tous les citoyens puisque c'est pour eux qu'il est fait.
Or, mes chers amis, je vous demande de me croire, je vous parle avec la loyauté la plus complète.
Il y a huit jours, qu'avec les spécialistes les plus pointus, les connaisseurs de tous les modes de scrutin de la planète, nous sommes réunis en réunion ininterrompue pour essayer de comprendre le mode de scrutin concocté par les experts du gouvernement. Je suis obligé de vous dire qu'à cette heure-ci, nous n'y sommes pas parvenus !
Pour l'instant, nous pensons que le nombre de sièges peut être calculé dans la circonscription inter régionale, mais que l'affectation des sièges à chaque région dépendra de l'analyse dans le score obtenu par chaque liste, du poids relatif des voix obtenues par cette liste dans chacune des régions, sans être arrivé à comprendre comment cette affectation serait faite, mais en ayant la certitude qu'il est parfaitement possible pour une petite région du territoire que le député européen qui lui sera affecté sera le représentant d'une liste arrivée en 5, 6, 7 ou 8ème position dans cette région, sans qu'il n'y ait aucune garantie que la figure de proue d'une liste puisse être élue, parce que s'il fait une voix de moins qu'une autre région, ce n'est pas à lui qu'ira le siège, c'est à un autre.
Germain Gengenwin, président de la Fédération du Bas-Rhin vient d'en tirer la conclusion devant vous : avec un tel mode de scrutin, les Français n'iront pas voter !
Avec un tel mode de scrutin l'Europe paraîtra encore plus lointaine, encore plus obscure, encore plus opaque, encore plus éloignée. On aura en réalité perpétré un crime contre l'idée européenne et contre la participation active des citoyens.
La deuxième affirmation , c'est que la France a besoin d'un projet, d'un idéal.
Je me suis beaucoup interrogé sur les raisons qui avaient conduit à l'échec de la gauche au pouvoir après cinq années qui avaient été marquées des meilleurs sondages qu'un gouvernement n'ait jamais eus, jusqu'au bout ou presque, et qui s'est conclue par l'incapacité de se qualifier pour le deuxième tour de l'élection présidentielle.
Je voudrais, ce n'est pas mon affaire mais c'est pour notre réflexion et notre feuille de route, formuler un diagnostic.
Je crois que le parti socialiste a perdu, parce qu'il est apparu comme défendant des avantages et oubliant en chemin la justice.
Or, défendre les avantages, ce n'est pas garantir la justice. Et même, les avantages des uns créent souvent l'injustice pour les autres.
Un ami l'a dit à cette tribune à propos des 35 heures. Les 35 heures ont coûté quelques 30 milliards d'euros et peut-être davantage.
C'était beaucoup plus qu'il n'en fallait pour un Plan Marshall pour les banlieues et c'était beaucoup plus qu'il n'en fallait pour une politique déterminante d'allégement des charges pour faire reculer le chômage.
Fort de ce constat, je veux assigner une ligne à notre mouvement qui inspirera ces travaux pour l'élaboration de son projet.
Nous devons être dans la Démocratie française le parti de la justice.
C'est un grand chapitre pour les années à venir.
Ceci touchera aussi bien la politique d'insertion.
Nous avons eu un débat extrêmement émouvant avec Valérie Létard et l'une de nos militantes qui est venu dire : " Je suis handicapée physique et je travaille et c'est ce travail là qui me sauve. Pourquoi n'aidez-vous pas davantage les handicapés à travailler ? Pourquoi ne faites-vous pas en sorte que RMI, ce ne soit pas seulement la garantie d'un petit revenu, mais que ce soit la certitude que l'on va vous aider à trouver une place dans la société de l'activité, dans la société de l'utilité. "
Nous voulons définir un revenu minimum qui ne soit pas seulement d'assistance, mais aussi d'assistance à l'activité et à l'insertion.
Tout revenu d'assistance devrait entraîner au bout de quelques mois une obligation d'activité d'intérêt général, non pas pour ce type de formation parking souvent sans fruit réel, mais par un travail utile qui est une première marche vers une vraie réinsertion.
Naturellement, le parti de la justice s'intéresse en priorité des priorités, à l'éducation.
En faisant en sorte qu'une réflexion soit conduite sur les moyens simples, concrets, applicables, qui feraient s'arracher notre système éducatif dont je veux dire devant vous-mêmes, si personne ne croit qu'il est le meilleur au monde, et qu'il est regardé du monde entier, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, qui veut abandonner son modèle pour prendre le nôtre, comme un modèle formidable, à ce seul échec et, Dieu sait, qu'il est important, près d'environ 1 sur 5 des enfants ne réussit pas à acquérir les outils nécessaires pour suivre.
Comment fait-on concrètement ? J'ai proposé des idées pendant la campagne présidentielle. Elles n'ont pas encore été reprises, je ne doute pas qu'un jour ou l'autre elles le seront.
Garantir par une rigueur qui est en fait une générosité, par une rigueur qui est en fait la plus grande des générosités, qu'aucun enfant ne pourra plus entrer en France en sixième sans avoir appris à lire et à écrire préalablement à cette entrée en sixième.
Et ainsi, sortant de cette hétérogénéité qui rend le travail des professeurs impossible, cela paraît de la rigueur, c'est de la générosité.
De même, en matière de politique du logement, on a défendu des options par exemple, la propriété du logement.
Je vais vous dire quelque chose qui va vous surprendre. Je crois que le droit au logement un jour ne sera pas un vain mot.
Naturellement, la présentation de Lionel Jospin était publicitaire, elle faisait bateleur. Mais nous avons en France les ressources nécessaires, l'imagination nécessaire, même en respectant le marché, pour trouver des logements d'insertion disséminés, suffisamment nombreux sur notre territoire pour qu'en effet le nombre des SDF baisse de manière considérable et que nous n'ayons pas que des asiles de nuit à offrir dont on est exclu le lendemain matin, que nous ayons une politique plus humaine, responsable.
Je veux dire que comme président du Conseil général des logements de cette nature, nous en avons réalisé des centaines, avec garantie de loyer payé à celui qui en est le propriétaire et que c'est probablement une des politiques les plus efficaces et les moins chères que nous ayons réalisée au Conseil général.
C'est possible. Il ne faut pas le présenter comme une publicité, mais comme une démarche sérieuse pour une société qui refuse désormais ce cas le plus provocateur et le plus choquant : l'exclusion acceptée par tous.
Le troisième point : nous avons besoin d'un nouvel ordre du monde.
Je voudrais répéter ce que j'ai souvent dit devant vous depuis des mois et je le fais à un moment où les bruits de guerre deviennent insistants au Moyen-Orient.
Ce qui se joue dans l'affaire de la guerre programmée à l'Irak, ce n'est pas seulement un conflit, ce n'est pas seulement la situation au Proche et au Moyen-Orient. Pourtant, Dieu sait que le rapprochement de cette allumette et de ce baril de poudre présente en soi un danger sur lequel nous devons nous interroger. Ce qui se joue, c'est la question de l'ordre du monde.
Question sur laquelle nous avons été, depuis des années, dangereusement coupables et dangereusement absents.
La question est de savoir si une puissance solitaire, même la plus puissante des puissances, peut décréter de sa propre autorité, de sa propre souveraineté, qu'une guerre doit être entreprise sur l'un des théâtres les plus dangereux de la planète.
La réponse à cette question commandera le visage de notre pauvre planète au XXIème siècle.
De deux choses l'une. Ou bien il sera prouvé que le droit international peut être respecté, que lorsque l'on dit que l'on cherche des armes, on cherche vraiment des armes et que lorsque l'on dit que l'on a besoin de preuves, on a vraiment besoin de preuves, que c'est la délibération des Nations Unies qui entraîne une décision aussi grave dans ses conséquences et nous pourrons espérer que l'ordre du monde soit un ordre régi par le Droit.
Ou bien c'est l'autre option qui s'imposera : guerre unilatérale, preuve considérée comme acquise et au bout du compte, c'est un autre ordre du monde qui apparaîtra. L'ordre du monde dominé par une seule puissance, fut-elle la plus démocrate et la mieux inspirée qui considérera que sa seule décision, c'est-à-dire ses seuls intérêts sont à prendre en compte au moment où il faut décider d'un conflit.
C'est contre cela que nous avons bâti les Nations Unies. C'est pour défendre le Droit et ne pas abandonner le monde à la seule loi de la force, que nous avons conduit ces politiques compliquées, ces 50 dernières années.
Je veux donc dire que j'approuve les attitudes et les choix qui, jusqu'à ce jour, ont été ceux du Président de la République française dont je trouve, qu'avec sa diplomatie et le ministre des affaires étrangères, sur ce sujet, ils ont bien défendu l'idéal qui doit être celui de la France.
Mais que nous soyons dans l'incertitude sur l'issue de cette crise, mes cher amis, c'est aussi de notre faute.
Je veux dire que la France porte une responsabilité depuis des décennies sur la création de la situation qui fait que nous en sommes à espérer que notre voix sera entendue et pas à avoir la certitude que si nous avons raison, cette raison doit s'imposer.
C'est en partie de notre faute si l'Europe n'existe pas, si elle est divisée, si elle est impuissante, si elle n'est pas écoutée et si elle est dispersée. C'est une situation dans laquelle nous avons notre part de responsabilité.
Permettez-moi de vous dire que le compromis franco-allemand, arrêté ces derniers jours, qui vise à répondre à la question que nous avons posée les premiers d'une présidence pour l'Europe - souvenez-vous notre thème de 1999 : une Présidence pour l'Europe, une Constitution pour l'Europe. Dieu sait les sarcasmes que nous avions recueillis à cette époque par des personnalités qui pourtant, aujourd'hui, ont un soutien public très important.
Répondre à la question de la nécessité d'un président pour l'Europe en en créant deux pour trouver un compromis avec les Allemands, c'est se tromper de réponse et, au bout du compte, se préparer de cruelles désillusions.
Je sais bien que les initiés y trouvent leur compte. Ceux qui savent qu'il y a un conseil qui regroupe les chefs d'Etats et de gouvernements, qu'il y a un parlement, qu'il y a nécessité d'accord entre les 2, que l'Europe c'est une double logique. Ceux-là comprennent ce type d'équilibre subtil.
Mais moi, je pose une question qui est plus simple que toutes ces questions institutionnelles.
Nous voulons bâtir une puissance. Connaissez-vous une seule puissance sur la planète de quelque taille qu'elle soit qui ait deux présidents et qui soit entendue ?
Est-ce que on écouterait mieux les Etats-Unis s'il y avait deux présidents plutôt qu'un seul ?
Il suffit de poser la question avec cette simplicité roborative, pour voir que l'on nous prépare, sous forme de compromis, un projet purement et simplement incompréhensible par les citoyens, illisible par eux et inaudible par nos partenaires étrangers, c'est-à-dire le contraire de ce que nous voulons faire pour l'avenir de l'Europe.
Parce que nous savons, nous l'avons vécu en France avec la cohabitation, que quand vous instaurez l'un en face de l'autre deux pouvoirs, chacun avec sa légitimité, de surcroît l'un des deux - ce fameux président du conseil - désigné par le titre de " Président de l'union ", chargé de la politique étrangère et de la sécurité, et qu'en face vous mettez un président pour les affaires intérieures, vous préparez inéluctablement des conflits de compétence, de légitimité entre les deux.
La question sera de savoir qui prend le pas sur l'autre ?
Voyez-vous, certains de nos amis disent - c'était la thèse Alain LAMASSOURE hier - le Président de la commission prendra inéluctablement le pas sur le Président du Conseil.
Imaginez que Valéry Giscard d'Estaing soit ce Président du Conseil. Est-ce que le Président de la Commission prendra facilement le pas sur lui, notamment lorsqu'il s'agira d'affaires de sécurité et de défense ?
Alors on me dira, oui à l'avance. On me dira , il n'y aura aucune difficulté, à l'avance.
On nous disait bien, et les meilleurs esprits, qu'il n'y avait aucun problème dans la cohabitation que nous promettait en 86, en 1993, puis en 1997 nos institutions.
On a vu ! Gouverner, c'est prévoir. Dessiner, c'est connaître les hommes.
L'Europe, c'est un projet tout simple : c'est faire ensemble ce que nous ne pouvons pas faire tout seul. Encore s'agit-il de le faire.
Encore s'agit-il de dégager une volonté et de l'exprimer. Cela ne se fait pas dans la concurrence entre deux pouvoirs non clairement séparés, aspirant au même titre et en réalité, à la même fonction.
Si nous voulons la puissance de l'Europe, il faut la simplicité de ces institutions. Il faut une constitution et un Président et il ne faut pas plus de deux présidents qu'il ne faut de deux constitutions.
C'est parce que nous mettons un grand espoir dans l'idée européenne que nous sommes pour l'Europe des peuples, contre l'Europe des initiés, pour l'Europe de la volonté, contre l'Europe du compromis et nous considérons que c'est l'honneur de la France et le devoir de la France de présenter pour cet avenir un plan lisible par tous..
Nous avons deux grandes années devant nous.
Bonne année 2003 ! Bonne année 2004.
Merci à tous.
(source http://new.udf.org, le 20 janvier 2003)