Projet de déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le rôle des comités de bassin et des agences de l'eau, l'expérience du comité de bassin Loire-Bretagne, le principe pollueur-payeur et la coopération au niveau du Réseau international des organismes de bassin (RIOB), Johannesburg le 3 septembre 2002.

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Circonstance : Sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg (Afrique du Sud) du 28 août au 3 septembre 2002-table-ronde au Waterdome le 3 septembre

Texte intégral

MM les ministres, Mmes et MM les élus, MM les directeurs, mesdames et messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je découvre ce pavillon français au waterdome, ce lieu ouvert et convivial, ouvert comme un forum et où se tiennent de nombreuses sessions selon un programme dense et presque continu. Je salue d'ailleurs tout particulièrement les participants de la session qui vient de s'achever sur " genre et eau ", sujet dont vous imaginez bien qu'il va droit au coeur de la ministre que je suis.

Je rejoins vos travaux pour participer à cet échange, dont je sais par avance qu'il sera fructueux, quand je vois la qualité et la diversité des intervenants, sur un sujet crucial pour nous tous. En effet il est bien beau de dire dans les déclarations officielles ici ou là qu'il convient d'assurer une gestion intégrée des ressources en eau à l'échelle des bassins-versants, mais comment fait-on ? Nous sommes bien tous convaincus qu'il nous faut plus de dialogue et de concertation, de proximité des concitoyens, d'éducation, mais comment fait-on quand certains problèmes se posent à ces échelles de territoires très vastes que sont nos bassins-versants, où amont et aval, riches et pauvres, habitants, industriels, agriculteurs, commerce fluvial, récréation, pêche sont indéfectiblement liés par l'unicité de la ressource commune qu'est l'eau ? Chacun sait ici que cette eau n'a de vie que si la richesse de ses écosystèmes est préservée, et pour cela il faut bien que chaque usage qui en est fait respecte l'intérêt commun du bassin et s'intègre dans une politique de long terme. L'eau ne s'exploite pas comme un gisement minier que l'on épuise, le droit d'en user n'est pas le droit d'en abuser et de ruiner l'intérêt collectif en ruinant les écosystèmes et en portant préjudice aux autres usagers. Vous avez tenu une session spéciale sur les zones humides, c'est bien là que s'exprime plus que partout la richesse de la biodiversité dont on parle beaucoup par ailleurs.
Avant d'introduire nos débats en témoignant très simplement de mon expérience personnelle et de vous présenter rapidement les grands principes de notre organisation française, je tiens à saluer tout particulièrement MM. les ministres de Côte d'Ivoire et du Niger qui nous font l'honneur et le plaisir de partager ce dialogue avec nous.
Expérience personnelle et rôle des comités de bassin
Avant d'être ministre, j'ai été élue locale, dans une région où les problèmes d'eau suscitent débats et passions. Au-delà de la région, c'est au niveau du bassin de la Loire que la question des choix d'aménagement se sont posés de façon cruciale et des années de conflits, puis de débats et de concertation y ont été nécessaire pour trouver pour ce bassin une politique durable, raisonnable et acceptée d'aménagement. Le comité de bassin Loire-Bretagne a été le siège de débats épiques à ce sujets, comme d'ailleurs aujourd'hui à propos de question de pollution en Bretagne. Un comité de bassin, c'est la réunion de représentants de l'Etat, des collectivités locales de tout niveau (de la région à la commune), et de la société civile (industriels, agriculteurs, pêcheurs professionnels, navigation, etc... mais aussi associations de consommateurs et de protection de la nature). C'est là que s'exerce, pour le domaine de l'eau, le long travail d'élaboration des SDAGE, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, qui vont trouver leur place comme outils de la mise en oeuvre de la directive-cadre européenne sur l'eau adoptée au niveau communautaire en septembre 2000.
La directive-cadre sur l'eau
Cette directive-cadre reconnaît la prééminence de la gestion de l'eau par bassins-versants - les " districts hydrographiques " - et à travers son adoption nous nous sommes donnés ensemble une ambition considérable de restaurer le bon état écologique de nos rivières d'ici à 2015. Un objectif précis et daté, des obligations de résultats et une grande marge d'appréciation locale pour la définition des moyens les plus efficaces pour y parvenir, des obligations d'évaluation et de suivi, voilà un texte qui nous aide à bâtir des politiques publiques modernes et faisant bien la part des choses entre les décisions locales et les arbitrages et orientations globales de niveau européen ou national.
Des plans d'action : réglementation et incitation financière appliquant le principe pollueur-payeur
Pour parvenir à cette situation satisfaisante, les efforts collectifs à mobiliser sont considérables. Nous disposons pour cela de deux outils complémentaires, je dirais pour simplifier la carotte et le bâton.
Commençons par le bâton : la réglementation. Il faut bien arbitrer et prendre ses responsabilités dans le partage de l'eau, dans la limitation des rejets qui garantissent le respect de notre patrimoine commun : l'Etat exerce aujourd'hui directement, à travers ses services déconcentrés, ce rôle d'arbitre des conflits et de sanction des écarts.
Mais prescrire n'est pas guérir : dépourvus d'aide financière, bien des collectivités, des industriels, des agriculteurs n'ont pas les moyens de faire face à cette ambition collective sans mettre à mal leurs équilibre financiers. C'est là qu'interviennent les six agences de l'eau, une par grand bassin. Ce sont des établissements publics de l'Etat, mais dans le conseil d'administration desquels Etat, collectivités locales et société civile se partagent les sièges en parts égales, par des élections faites au sein du comité de bassin. Les agences de l'eau trouvent leurs recettes dans des taxes sur la pollution (le fameux principe pollueur-payeur) et ces moyens leur permettent, en les mutualisant à cette grande échelle de territoire, d'aider les travaux les plus nécessaires à l'intérêt commun du bassin. Cela marche depuis presque 40 ans, et là aussi le débat est permanent et pas toujours facile : quelle est la répartition juste de ces charges entre consommateurs domestiques et activités productives, à quel niveau ces taxes et ces incitations sont-elles le plus efficaces, il est logique, légitime, nécessaire et efficace de se reposer régulièrement la question.
Notre expérience est que dans sa flexibilité, son adaptabilité, dans le dialogue qu'il permet entre acteurs, dans la clarification qu'il opère des rôles et responsabilités des uns et des autres, ce système est bon et nous convient. De la bonne gouvernance en quelque sorte, inventée bien avant, en 1964, que ce terme ne connaisse l'engouement actuel. Cela ne veut évidemment pas dire que nous considérions qu'il serait nécessairement bon pour d'autres.
Echanges d'expériences à travers le réseau international des organismes de bassin et création du Réseau Africain des organismes de bassin.
Mais j'observe cependant que de nombreux pays s'orientent vers des organisations similaires : c'est tout l'intérêt pour nous d'échanger autour de ces questions cruciales, et c'est le sens de l'initiative de type II que nous soutenons pour favoriser la coopération régionale dans la gestion de l 'eau, avec la création du Réseau Africain des Organismes de bassins. Aujourd'hui le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB) compte 134 organismes-membres ou observateurs dans 51 pays. Pour compléter son implantation en Afrique, le Réseau Africain des Organismes de bassin a été créé à l'occasion de l'Assemblée Générale constitutive tenue à Dakar, les 10 et 11 juillet 2002 , à l'initiative du groupe des organismes de bassin de l'Afrique de l'Ouest et du Lac Tchad, avec le soutien du Partenariat pour l'eau de l'Afrique de l'Ouest (GWP/WAWP) et du RIOB. Ce Réseau est ouvert à tous les organismes de bassin et aux administrations gouvernementales de l'Afrique chargées de la gestion des ressources en eau ainsi qu'aux autres partenaires et acteurs concernés.
Conclusion
C'est dire toute l'actualité et l'importance de nos débats d'aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.johannesbourg.environnement.gouv.fr, le 1er octobre 2002)