Texte intégral
Monsieur le ministre,
monsieur le préfet,
madame la présidente,
monsieur le sénateur-maire,
mesdames et messieurs les élus, les présidents et les entrepreneurs, mesdames messieurs,
Tout ce que nous venons d'entendre, aujourd'hui, est, je crois, très important pour la France. Je le dis avec conviction. Il ne s'agit pas, là, d'un catalogue de mesures techniques. Il s'agit d'une réponse de la France dans la situation qui est aujourd'hui celle de l'économie mondiale. Nous voyons bien que l'économie mondiale est porteuse d'un certain nombre de phénomènes qui peuvent fragiliser les équilibres économiques et sociaux d'un pays comme le nôtre. Notre avenir n'est pas dans la concentration, dans le gigantisme, il n'est pas dans la banalisation et la standardisation. Ce n'est pas en courant derrière la puissance des autres que nous réussirons à défendre, à la fois les niveaux de performance qui sont ceux de l'économie française et puis aussi le niveau social de notre pays. Nous réussirons à faire en sorte que ces acquis économiques et sociaux de la France perdurent dans une économie de plus en plus mondialisée, si, à l'opposé de la concentration, du gigantisme, de la standardisation et de la banalisation, nous jouons la carte de la création, de l'innovation, de la recherche, de la valeur ajoutée, de tout ce qui injecte du talent dans la production. C'est de faire en sorte que nous soyons des militants dans notre économie de la valeur ajoutée, de cette capacité de faire de la création un objectif national.
C'est cela qu'il y a derrière cette mobilisation qui vous est présentée aujourd'hui : faire de la création un acte national de mobilisation ; faire de la création un élément de notre stratégie. Création économique - nous en parlons aujourd'hui - mais aussi création sociale, création culturelle. Notre pays doit se mobiliser pour faire en sorte que les femmes et les hommes puissent apporter leur part de talents dans cette nécessité d'une existence nationale dans une économie européenne et mondiale dont nous mesurons, aujourd'hui, toutes les incertitudes.
C'est cette priorité-là que nous voulons donner à notre économie en valorisant, autant que faire se peut, cette capacité d'initiative. C'est pour cela que je suis très heureux qu'on ait pu, ensemble, bâtir ce projet pour permettre à notre économie de trouver tout cet oxygène nécessaire pour donner plus d'emplois aux Français. Derrière ce programme, il y a un objectif, mesdames et messieurs les députés, pour la législature qui est la vôtre : il y a, là, l'ambition de créer un million d'entreprises dans les 5 ans. C'est donc un objectif quantifié pour lequel il nous faut dégager un grand nombre de moyens. Je suis très heureux que l'on ait pu faire des arbitrages positifs sur ces propositions.
Moi-même j'avais dû me heurter à certains obstacles en d'autres temps. Je trouve très heureux que l'on ait pu surmonter ces deux grands défauts qui sont toujours perçus par notre haute fonction publique comme étant les deux grands travers de toute innovation - j'avais découvert cela quand j'étais ministre des PME - : l'effet d'aubaine ou l'effet pervers. A chaque fois que vous proposez quelque chose il y a un effet d'aubaine : " il y a quelqu'un qui va en profiter". D'ailleurs, si on fait des mesures c'est pour que quelqu'un en profite ! L'effet d'aubaine c'est assez décevant. En plus, il y a l'effet pervers : celui qui n'avait pas prévu d'en profiter et qui en profite quand même. C'est quelque chose de très dangereux et en conjuguant l'effet d'aubaine et l'effet pervers vous êtes sûr que vous ne toucherez à rien. Nous avons essayé de surmonter, ici, cette logique du frein pour passer à cette dynamique de l'accélérateur qu'anime R. Dutreil pour la création d'entreprises. Il va de soi que, derrière tout cela, il y a une exigence de notre économie. Il faut pour tous les Français, aujourd'hui, augmenter le nombre d'heures travaillées au total. C'est clair qu'on ne peut pas dire que c'est la croissance qui est la clé générale de notre développement et diminuer globalement le même total d'heures travaillées. Qu'il y en ait qui travaillent plus et d'autres qui travaillent moins et que surtout tous ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas la chance de travailler puissent travailler, voilà les vrais objectifs qui sont les nôtres. Pour faire en sorte qu'il puisse y avoir dans notre pays une croissance plus forte et une croissance mieux partagée, pour cela il faut créer cette dynamique du travail et faire que le travail soit une force pour la France et une force pour tous les Français. C'est un élément majeur de la stratégie qui vous est proposée aujourd'hui. Au fond, ce que nous recherchons dans cette stratégie nationale, c'est, dans une économie - je le disais à l'instant - incertaine, de nous donner les moyens d'organiser notre mobilisation dans ces trois directions.
D'abord, nous avons choisi la direction évidemment du pouvoir d'achat. Parce qu'on voit bien que dans le ralentissement mondial de la croissance aujourd'hui, la consommation est un des éléments moteurs de la dynamique économique. La croissance française, aujourd'hui, qui se tient mieux que pour celle de certains pays, se tient mieux grâce à la consommation. C'est pour cela que nous voulons jouer la carte du pouvoir d'achat pour soutenir la consommation. C'est ainsi que plus de 4 milliards et demi d'euros seront injectés d'ici à la fin de l'année dans notre économie avec notamment la prime pour l'emploi pour ceux qui ne payent pas d'impôts et les allégements d'impôts pour ceux qui en payent, de manière à ce qu'on puisse soutenir la consommation par le pouvoir d'achat. C'est aussi ce que nous ferons avec l'augmentation des plus bas salaires par l'harmonisation par le haut des Smic : faire en sorte qu'il y ait cette dynamique-là qui est la dynamique du pouvoir d'achat et la dynamique de la demande.
Parallèlement, il nous faut organiser évidemment cette dynamique de l'offre. C'est pour cela que nous voulons que les entreprises qui existent aujourd'hui puissent trouver, elles aussi, plus de capacité de développement. C'est pour cela que nous créons l'assouplissement pour les 35 heures, c'est pour cela que nous créons aussi un dispositif d'allégement des charges pour partager le coût de ce pouvoir d'achat dont je parlais tout à l'heure : l'allégement des charges pour participer aux financements de l'augmentation des Smic sur l'harmonisation des salaires.
Cette logique-là est une logique très importante qu'il nous faut soutenir. C'est un des éléments-clés de la démarche que nous proposons avec R. Dutreil : c'est cette démarche de l'allégement fiscal par rapport à des logiques de subventions et des logiques de financements. Je lisais, ici ou là, qu'il n'y avait pas beaucoup de subventions dans ce programme. Si on chiffre les allégements fiscaux c'est bien plus juste et c'est bien meilleur car derrière des subventions, il y a souvent des frontières, des injustices, ceux qui y ont droit, ceux qui n'y ont pas droit. Là, avec le seuil, on a une logique magique : derrière un seuil, il y a toujours un formulaire et derrière un formulaire, il y a toujours beaucoup d'immobilisme et beaucoup de tracasserie. C'est pour cela que nous préférons avoir une logique qui est une logique d'allégement fiscal. C'est ce que nous faisons pour les entreprises en achevant notamment l'allégement de la taxe professionnelle et en faisant en sorte qu'il y ait donc un allégement des charges pour financer cette harmonisation des Smic.
A côté de cela, évidemment, il nous faut avoir cette logique de création d'entreprises. Je crois que c'est un point très important pour nous tous. Il est difficile d'accepter cet écart avec nos amis britanniques. Dieu sait si nous avons de l'amitié pour nos amis britanniques, mais nous avons quand même grosso modo, monsieur le ministre, un écart d'un million d'entreprises, à population comparable. Si nous appliquons les ratios britanniques à l'économie française, il nous manque un million d'entreprises ! Notre réserve de croissance est là. Notre réserve de pouvoir d'achat et notre réserve de justice sociale sont dans ce million d'entreprises qui nous manquent. Il ne faut donc pas se satisfaire de cette situation-là. Comment se satisfaire de voir qu'il y a dix ans on créait 200000 entreprises par an et qu'aujourd'hui on est plutôt à 170000 ? Malgré la période de croissance que nous venons de connaître ! Si en période de croissance la création d'entreprises diminue, c'est vraiment qu'il y a un problème. Ce problème n'est pas dans la tête des Français mais il est dans nos procédures et dans notre organisation qui découragent plus qu'elles n'encouragent. Je crois qu'il y a vraiment un certain nombre de combats à mener. Quand je vois que 50000 entreprises disparaissent, chaque année, faute de repreneurs, on peut se dire qu'il y a là un vrai mal national et qu'il faut s'y attaquer. Là, nous avons une réserve et un potentiel. Pourquoi toujours aller chercher le plus difficile quand on a à portée de la main un certain nombre de décisions qui sont fertiles et qui sont accessibles ? C'est, je crois, une logique très importante. C'est pour cela que nous voulons nous mobiliser sur cette dynamique de création d'entreprises. Il y a beaucoup trop, aujourd'hui, de freins à la création d'entreprise. Parmi tous les freins, les services de l'Etat, les services administratifs, je le sais, sont responsables, parce qu'il y a beaucoup d'obstacles, de procédures qui découragent.
Il y a très longtemps, c'était quand j'étais à la place de R. Dutreil, j'avais pris le soin d'enregistrer tous les chefs d'entreprise qui parlaient à la télévision. J'avais pris une chaîne de télévision nationale, et j'avais enchaîné, comme cela, pendant l'année, le nombre de chefs d'entreprise qui s'étaient exprimés. On avait regardé cela les uns derrière les autres. Il n'y en avait pas un qui souriait. Ils allaient à la télévision pour demander, pour réclamer, pour contester, pour protester, pour faire en sorte d'exprimer toutes les difficultés de leur métier. Je sais que c'est vrai et que c'est nécessaire. Mais il y a aussi quand même dans l'acte d'entreprendre un peu de bonheur ; il y a de l'épanouissement, il y a du sens de la responsabilité et, au fond, ça fait du bien au coeur. Et dans la vie, il vaut mieux être créateur, mener sa propre barque que d'être dans des situations moins épanouissantes. Donc, je demande simplement, de temps en temps, à tous ceux qui dans l'exercice de la responsabilité, trouvent un peu de bonheur, de le faire savoir aux jeunes, parce que le bonheur, cela se partage et je vous assure, pour l'esprit d'entreprendre, c'est très important que les entrepreneurs sachent partager leur savoir.
Donc, nous avons besoin, évidemment, pour la dynamique du pays et pour notre croissance, je le disais - on a débattu sur le taux de croissance que nous avons choisi pour le budget 2003, ce taux de 2,5 %. C'est vrai que quand on regarde les différents services d'expertise - et Dieu sait si j'ai appris à me méfier des experts, parce que sur les vingt dernières années, il n'y en a pas un qui a donné les taux exacts... J'ai pris les prévisions et j'ai regardé les expertises. Tout cela me fait dire que, quand même il faut être prudent. Mais globalement, on voit bien que le chiffre de 2,5 % est un chiffre ambitieux. C'est un chiffre qui est cohérent avec un certain nombre d'estimations, mais c'est un chiffre ambitieux. Je crois qu'il faut considérer ce chiffre à la fois comme une estimation, mais aussi comme une mobilisation, et c'est pour cela qu'il nous faut mobiliser le pays et faire en sorte que grâce, notamment à la création d'entreprises, on puisse atteindre ce type de croissance.
Quand vous regardez la croissance mondiale, elle est en ralentissement. Mais quand vous regardez au niveau européen ce que font les Anglais d'un côté, ce que font les Allemands de l'autre, et vous voyez que la France est au milieu, on peut aussi avoir comme objectif de s'aligner sur les meilleurs plutôt que de s'aligner sur les moins bons. Et ce réservoir de croissance, il est dans notre capacité à développer des entreprises nouvelles et à mieux transmettre les entreprises existantes. C'est un des éléments majeurs de la stratégie qui est la nôtre pour le pays.
J'ajoute qu'au-delà de cette perspective de croissance, comme le disait très bien R. Dutreil, et cela a été développé par les tables rondes ce matin, la logique sociale est très importante aussi. Je crois qu'il est important de penser à l'intégration. Je crois que nous avons, aujourd'hui, beaucoup de générations issues de l'immigration dans lesquelles il y a des jeunes qui sont capables de créer des entreprises, qui sont capables d'y réussir, qui sont capables de mener à la performance leurs capacités personnelles. Ouvrons leur les portes.
On parlait tout à l'heure de la capacité que nous avons aussi à fertiliser l'énergie féminine. On ne peut pas accepter cette idée aujourd'hui qu'il y ait un tel écart entre la capacité créative chez les garçons et cette capacité chez les filles, à la sortie de l'université ou à la sortie des grandes écoles. Il y a là un écart qui est trop important.
Quand j'avais visité la " Small Business Administration " aux Etats-Unis, on voyait qu'il y avait un programme spécifique pour l'aide à la création en direction des femmes. Je crois qu'il y a dans le contrat de plan, pour un certain nombre de régions, nombre d'initiatives de cette nature. Il faut stimuler tout cela en utilisant les leviers sociaux pour cette dynamique d'intégration et cette dynamique de développement économique qui est évidemment très importante.
Je crois qu'il est essentiel de bien mesurer que les Françaises et les Français n'ont pas de retard culturel sur ce concept. Je crois, contrairement à ce qu'on a dit souvent, qu'il y avait chez les Français une certaine hésitation à s'engager dans l'entreprise, que les Français rêvaient tous d'être fonctionnaires. Je crois, que quand on interroge les jeunes aujourd'hui, ils sont conscients, ils sont lucides de la situation. Ils voient bien les risques de certains métiers, ils voient bien les atouts d'autres, ils sont très lucides et si on fait en sorte que la création d'entreprises, que le développement d'entreprises, soit accessible aux mêmes conditions que dans d'autres pays européens, nous aurons les mêmes types d'engagements. Il n'y a pas de handicaps si ce n'est un handicap d'organisation. Mais il n'y a pas dans la culture des Français, et notamment aujourd'hui dans l'état d'esprit des jeunes, de handicaps dans cette capacité à pouvoir atteindre le même niveau de développement que les autres pays européens.
En ce qui concerne le projet qui vous a été présenté à l'instant, j'insiste beaucoup sur la création d'entreprise en une journée. C'est un élément très important de la dynamique. Parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, on a tellement multiplié les guichets que, finalement, l'entrepreneur est à la fois dans cette situation où il y a une multitude de guichets et où il se trouve tout seul. Les accompagnateurs sont nombreux, mais c'est quand même la solitude qui est la règle. Donc, là, il y a quand même quelque chose qu'il faut qu'on aménage. C'est important de faire en sorte qu'on puisse créer son entreprise en une journée. Et notamment, on doit pouvoir être aidé de manière significative grâce aux nouvelles technologies.
L'élément aussi très important, c'est le choix de la forme juridique de l'entreprise. Il faut être bien conscient, les uns et les autres, que nous sommes tous demandeurs de complexités dans la société. Et les Français sont assez doués pour cela. Nous avons eu, pour nos fromages, le sens de la différence et de la qualité. Nous avons surtout cette capacité à vouloir que l'on ait un statut par individu, cette capacité à dire " moi, j'existe et vraiment, si ce pays s'intéresse à moi, il faut qu'il puisse m'apporter la réponse pour moi et rien que pour moi. " Et au fond, c'est cela la source de la complexité. La complexité c'est que l'on voudrait toujours mettre tout le monde sous le même système, dans les mêmes grandes lignes. L'on voit bien que ce n'est pas possible, parce que les différences sont là, et que la complexité dans la société est au coeur même des exigences de la société. Finalement, il n'y a que les dictatures qui sont vraiment très simples. Dès que vous voulez tenir compte des opinions des uns et des autres, vous êtes obligé de gérer de la complexité. Et pour gérer cette complexité, il faut savoir que c'est une aspiration de la société.
Quand j'étais député européen, cher ami britannique, cher ami espagnol, que je voyais débarquer tous ces interprètes, monsieur le directeur, quand je voyais débarquer toute cette logistique qui sortait de trains entiers pour venir nous accompagner dans notre travail parlementaire, au Parlement européen, on dit " oh ! ce serait tellement simple de simplifier, si tout le monde parlait anglais." Ah oui ! mais moi je veux parler français, et le Luxembourgeois lui-même est attaché à sa langue. Tout le monde est attaché à son identité ; c'est pour cela que le monde est complexe, c'est pour cela qu'il faut être vigilant sur la capacité, aujourd'hui, à organiser les simplifications qui ne soient pas mutilantes.
Si notre système de création d'entreprises est si complexe, c'est parce que nous avons un statut juridique qui est très complexe. Mais les travailleurs indépendants sont contents d'être indépendants. Il y a un certain nombre de systèmes qui sont bien adaptés à tel type d'organisation, et que nous avons voulu faire de la dentelle. Et la dentelle, elle est toujours spécifique. C'est pour cela que la SARL à 1 euro, c'est un élément très important. Cela va être la première étape de la création. Cela va devenir la première phase, et ensuite, quand l'entreprise sera musclée, quand l'entreprise aura trouvé ses premiers développements, elle pourra choisir son statut qui sera le mieux approprié. Ce qui est trop difficile aujourd'hui, c'est qu'on propose des formules sophistiquées à un entrepreneur qui n'est pas prêt à cette étape, parce qu'il ne connaît pas encore suffisamment bien son entreprise et l'intérêt de son entreprise au moment où il crée, par définition.
C'est un élément très important que d'avoir cette forme d'intervention d'une SARL à 1 euro, qui va être tellement facile d'accès que ce sera la phase 1 de la création. Ensuite, quand l'entreprise a défini son identité, quand elle a défini son projet, que l'entrepreneur lui-même a conscience maintenant de son métier et de son marché, à ce moment-là, il peut s'adapter à la forme juridique qui est la sienne. J'ai vu qu'à ce moment-là, on pourra faire appel aux avocats - les avocats étant dans le langage britannique ce que nous, nous appelons les technocrates - on a compris que ce n'était pas les mêmes.
Je voudrais vous dire aussi que, dans ce que dit R. Dutreil dans les propositions, il y a un élément très important et un arbitrage qui était difficile, parce que cela fait longtemps que l'idée était dans nos circuits administratifs. C'est ce que nous pouvons appeler " le patrimoine affecté ", " l'affectation du patrimoine ." C'est une affaire compliquée, mais c'est un élément très important de mettre à l'abri une partie du patrimoine de l'entrepreneur. Il faut définir quelle doit être cette partie : la maison principale. On voit bien qu'il y a là un élément très important pour faire en sorte que quand il y a accident économique, qu'il n'y ait pas, encore en plus, accident familial et accident personnel, qui soit aggravé, avec une contagion des accidents. Donc, on voit, là, la capacité à bâtir un dispositif qui soit un dispositif rigoureux, qui puisse satisfaire les exigences des banques, tout en faisant en sorte que, sur un minimum de patrimoine affecté, il y ait une vraie protection pour l'entrepreneur.
Sur l'allégement du poids des charges sociales, je crois que là aussi, c'est un élément très important. C'est un peu la logique générale de ce plan : faire en sorte que des allégements fiscaux et sociaux puissent permettre cette dynamique et non plus simplement la logique des subventions, parce qu'on a vu, là, beaucoup trop de difficultés. Je pense qu'il est important qu'on réfléchisse à cela. Je souhaiterais, madame la présidente, monsieur le sénateur-maire, messieurs les conseillers généraux, que l'on mette de la décentralisation - j'y reviendrai - dans tout cela pour qu'il y ait plus de subventions. La subvention nationale crée quelquefois des distorsions de concurrence. On va aider quelqu'un à se créer, qui, lui, va venir faire concurrence à quelqu'un qui est déjà créé. Quand on est sur le local, on peut mieux apprécier la situation et je préfère que le national, lui, procède donc par un certain nombre d'allégements, ce qui me paraît très important.
Cette idée très importante aussi qu'on ne paye pas de charges la première année, est un élément aussi d'organisation de l'entreprise, pour qu'on lui donne du muscle avant de lui demander l'effort. C'est important de muscler l'entreprise et de ne lui demander l'effort que quand elle a commencé à avoir sa première capacité d'action. On a trop vu souvent des entreprises qui devaient, chacun le sait, payer l'Urssaf avant d'avoir encaissé le moindre euro de chiffre d'affaires. Dans cette logique, je crois que la dynamique d'allégement est la vraie dynamique entrepreneuriale et c'est la direction dans laquelle il nous faut aller.
Quatrième élément très important de cette réflexion, c'est le financement des projets. Je crois qu'il est très important qu'on aille au plus près du créateur d'entreprise pour aller l'aider à trouver son financement. Quand on regarde les choses de manière globale, - je crois que c'est F. Hurel qui avait mis cela dans son rapport - on trouve environ 20 % de l'argent dans l'Etat, 20 % dans les banques et les 60 % qui restent sont, dans l'environnement proche du créateur. Ces 60 % finalement, c'est la famille, le territoire et tout ce qui est autour du créateur, et qui est finalement le levier principal du financement de la création d'entreprise. C'est pour cela que ce fonds d'investissement de proximité, qui est proche de ce qu'on a déjà connu pour les activités à risques ou pour les entreprises innovantes, les FCPI, d'avoir un fonds au niveau d'une collectivité, au niveau d'un territoire, de faire en sorte que l'on fasse appel à l'épargne privée, que l'épargne soit incitée à venir par une capacité fiscale avantageuse et donc, que l'on puisse mobiliser de l'argent du territoire pour le développement du territoire. Je pense que c'est important. Parce que sans être dans l'esprit féodal - nous ne sommes pas dans cette période où il faut avoir un esprit féodal, enfermé sur soi-même-, mais au contraire, la connaissance du territoire, l'appartenance au territoire est un facteur de mobilisation. Il y a une épargne disponible pour tous ceux qui veulent participer au développement de leur territoire. Et je suis sûr qu'un fonds d'investissement de proximité, placé auprès d'une collectivité territoriale, qui mobilise les épargnants et qui permette ensuite d'aider des créateurs dans les territoires en question, je pense qu'il y a là une logique, qui est une logique utile et qui viendra renforcer la dynamique de financement des projets. C'est un des éléments très importants.
J'insiste sur ce qui a été dit tout à l'heure par R. Dutreil sur le dispositif Madelin, parce là nous faisons un effort financier qui est considérable, puisque pour quelqu'un qui pourra investir 40000 euros dans une entreprise, il aura une déduction d'impôt, non pas de revenu imposable, mais une réduction d'impôts de 10000 euros. Cela fait vraiment quelque chose de significatif pour inciter dans cette logique de la proximité.
En ce qui concerne le statut du salarié et celui de chef d'entreprise, là aussi, il faut faire en sorte qu'on ait un meilleur " tuilage ". En France, on voudrait toujours faire passer du statut A au statut B avec des ruptures. En fait, on passe d'une situation à une autre comme dans la vie, toujours par étape et toujours progressivement. C'est ça l'humanisation de l'économie : c'est de ne pas enfermer les gens dans des statistiques, dans des structures, dans des colonnes et dire "vous êtes dans la colonne salarié, vous allez passer dans la colonne entrepreneur". Humainement, on y passe progressivement parce que l'idée vient, elle germe, on discute. On est salarié avant d'être entrepreneur. Puis, un jour, on s'aperçoit qu'on est entrepreneur. Il y a là, je crois, un passage à organiser. C'est un élément très important de cette dynamique qui est proposée : avoir un statut à temps partiel afin, en étant loyal avec son entreprise et en accord avec l'entrepreneur, de pouvoir préparer sa création d'entreprise et passer progressivement du statut A au statut B, sans pour cela qu'on se mette dans cette situation de rupture qui effraye beaucoup d'acteurs et qui empêche le passage à la création d'entreprise.
Je n'insiste pas sur ce qui a été dit par R. Dutreil tout à l'heure pour inciter les entrepreneurs à céder plutôt que cesser leur activité. Je crois qu'il est très important aussi d'anticiper. Insistons beaucoup sur cette idée d'anticipation parce que c'est toujours la même chose (ce doit d'ailleurs être vrai en politique aussi), plus on s'y prend tôt, mieux, on réussit à passer le témoin. Il faut éviter de perdre du temps et un entrepreneur se donne quelquefois des délais trop longs pour passer la main. Parce qu'au fur et à mesure que l'on vieillit dans l'entreprise - et c'est vrai dans toutes les activités humaines -, moins on investit, moins on valorise l'entreprise et plus c'est difficile de trouver. On doit inciter, par un certain nombre de mesures, l'entrepreneur à préparer sa succession relativement tôt, au moment où il est fort. C'est quand on est fort qu'on réussit le mieux à pouvoir prévoir l'avenir et à préparer l'entreprise à convaincre les clients, à convaincre les partenaires, le banquier. Ce n'est pas quand on est dans une situation de fragilité, qu'on est le dos au mur et qu'on veut essayer de tirer pour ses enfants quelques avantages ici ou là... Ce n'est pas dans cette situation qu'on est le mieux placé pour pouvoir décider. On est le mieux placé quand on a un repreneur, qu'on a encore le potentiel fort auprès des clients, le potentiel fort auprès des banquiers et qu'on met toute cette synergie au service du nouveau projet de l'entreprise. C'est pour cela qu'il faut que la fiscalité soit stimulante pour ces types de transmissions quelque peu anticipées. Je crois qu'il y a là des initiatives très importantes. Je note aussi notre attachement, et vous pouvez compter sur notre détermination pour qu'on puisse augmenter ce seuil d'exonération des plus-values, comme le soulignait tout à l'heure R. Dutreil.
Il est aussi important pour nous - et je le souligne aussi -, que quand il peut y avoir donation, quand il n'y a pas d'enfant, qu'il puisse y avoir donation au profit d'un salarié de l'entreprise avec le même statut, comme si c'était un des enfants de la famille. Là aussi, je crois que c'est une barrière qu'il faut pouvoir mentalement franchir. C'est pour cela, que dans ce dispositif, nous avons touché à la substance même de la création d'entreprise. Nous voulons permettre la mobilisation de l'énergie humaine. Ce n'est pas une approche technocratique, une approche technique, c'est une approche que je dirais politique, au sens le plus noble du mot, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on mobilise, dès l'école, l'esprit de création et que l'on puisse ensuite permettre à la personne qui a cette vocation de pouvoir s'assumer comme créateur.
Très franchement, je crois que nous sommes au coeur d'un sujet essentiel pour la France. Je crois que la logique PME est une bonne logique pour la France, à bien des égards. C'est une question qui touche aussi bien à la philosophie, à l'économie et même à l'organisation de l'Etat. Au plan de la philosophie : pourquoi ne pas parler un peu aussi de ces grandes idées qui peuvent animer aujourd'hui un pays qui se veut attaché à ses valeurs de la République ? Nous voyons bien que les tentations du matérialisme laisseraient penser que finalement, l'énergie humaine est programmée, que chacun a son propre destin et que finalement, on est prédéterminés, que ce sont nos gènes, que la responsabilité serait à l'extérieur de nous mêmes. Nous ne sommes pas innocents de nous, nous sommes responsables de nous et les jeunes de ce pays sont aussi responsables ! Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas les accompagner mais cela veut dire aussi que la responsabilité, c'est quelque chose de très important dans l'idéal républicain qui est le nôtre. Le dépassement de soi, la capacité à trouver en soi une énergie qu'on a envie de valoriser, cela fait partie des messages qu'un peuple a besoin d'entendre. C'est pour cela que le fait PME est quelque chose qui dépasse la seule logique économique, parce que c'est un lieu d'épanouissement, un lieu de responsabilité, un lieu où quelqu'un peut conduire sa vie. Et c'est un élément très important, c'est un appel aux valeurs de l'humanisme de croire en cette capacité que l'homme a de créer.
Je crois que sur le plan économique, c'est aussi très important parce que finalement, on mobilise bien une équipe quand l'équipe se connaît, quand la dimension humaine est reconnue, quand on est dans des espaces où l'humain peut exister, où on peut se parler. On voit bien aujourd'hui tous les dégâts du gigantisme. Vouloir traiter les hommes de chiffres, c'est quelque chose qui, fondamentalement, est une erreur. Jamais on ne mobilisera un pays, une équipe avec ces idées que ce sont les statistiques qui gouvernent les mouvements. Non ! c'est la foi des hommes, le talent des hommes, leur capacité à se mobiliser qui sont très importants. Sur le plan économique, je crois vraiment que le fait PME est un fait d'avenir. Nous en avons besoin pour mobiliser toute l'énergie nationale et aussi notre énergie européenne. Mais aussi, cela impose à l'Etat de faire en sorte que lui qui, par nécessité, est global, grand, doit pouvoir s'adapter pour gérer au mieux cette dynamique de la petite et moyenne entreprise.
C'est pour cela que nous voulons, parallèlement à cet effort vis-à-vis des petites entreprises, des moyennes entreprises, faire un effort pour que l'Etat et la décentralisation se conjuguent pour être le plus proche possible du terrain, pour être au plus près des acteurs de la société civile. C'est tout le projet que nous engageons avec la réforme constitutionnelle pour moderniser nos institutions de la République. On ne peut pas dire que l'on veut que les territoires soient mobilisés pour leur dynamique entrepreneuriale et vouloir tout diriger avec un Etat très centralisé. Il nous faut donc aussi adapter l'Etat à cette logique économique et c'est pour cela que nous lançons un grand débat national pour la modernisation de nos institutions. Nous allons ouvrir la Constitution pour donner plus de libertés aux territoires, pour permettre l'expérimentation, pour ouvrir un certain nombre d'initiatives, pour faire en sorte que l'Etat, en gardant ce qui est dans sa logique de cohérence, en le gardant garant de l'équité nationale, garant des valeurs de la République, puisse faire en sorte que notre organisation du service public soit au plus proche du territoire.
Ici, dans cette région où vous avez eu beaucoup d'innovations dans l'organisation même des responsabilités, je crois qu'il y a là tout un champ qui est très important. On ne peut dire "l'avenir, c'est les petites et les moyennes entreprises", et "tout se décidera à Paris". Non, il faut faire en sorte que Paris s'occupe d'alléger le poids des charges, qu'il y ait plus de capacité d'initiative et que les logiques de proximité se développent dans la ville, dans le département et dans la région.
C'est cela qui nous anime et si nous avons réussi à bâtir un plan crédible, capable de mobiliser beaucoup d'énergie autour de la création d'entreprise, c'est parce qu'il y a derrière une idée supérieure. Cette idée qui est une belle idée politique, portée par notre histoire, c'est l'idée de l'humanisme républicain. Au fond, est-ce qu'il y a un meilleur destin que de faire de chaque citoyen le créateur de son avenir ?
Je vous remercie.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 octobre 2002)
monsieur le préfet,
madame la présidente,
monsieur le sénateur-maire,
mesdames et messieurs les élus, les présidents et les entrepreneurs, mesdames messieurs,
Tout ce que nous venons d'entendre, aujourd'hui, est, je crois, très important pour la France. Je le dis avec conviction. Il ne s'agit pas, là, d'un catalogue de mesures techniques. Il s'agit d'une réponse de la France dans la situation qui est aujourd'hui celle de l'économie mondiale. Nous voyons bien que l'économie mondiale est porteuse d'un certain nombre de phénomènes qui peuvent fragiliser les équilibres économiques et sociaux d'un pays comme le nôtre. Notre avenir n'est pas dans la concentration, dans le gigantisme, il n'est pas dans la banalisation et la standardisation. Ce n'est pas en courant derrière la puissance des autres que nous réussirons à défendre, à la fois les niveaux de performance qui sont ceux de l'économie française et puis aussi le niveau social de notre pays. Nous réussirons à faire en sorte que ces acquis économiques et sociaux de la France perdurent dans une économie de plus en plus mondialisée, si, à l'opposé de la concentration, du gigantisme, de la standardisation et de la banalisation, nous jouons la carte de la création, de l'innovation, de la recherche, de la valeur ajoutée, de tout ce qui injecte du talent dans la production. C'est de faire en sorte que nous soyons des militants dans notre économie de la valeur ajoutée, de cette capacité de faire de la création un objectif national.
C'est cela qu'il y a derrière cette mobilisation qui vous est présentée aujourd'hui : faire de la création un acte national de mobilisation ; faire de la création un élément de notre stratégie. Création économique - nous en parlons aujourd'hui - mais aussi création sociale, création culturelle. Notre pays doit se mobiliser pour faire en sorte que les femmes et les hommes puissent apporter leur part de talents dans cette nécessité d'une existence nationale dans une économie européenne et mondiale dont nous mesurons, aujourd'hui, toutes les incertitudes.
C'est cette priorité-là que nous voulons donner à notre économie en valorisant, autant que faire se peut, cette capacité d'initiative. C'est pour cela que je suis très heureux qu'on ait pu, ensemble, bâtir ce projet pour permettre à notre économie de trouver tout cet oxygène nécessaire pour donner plus d'emplois aux Français. Derrière ce programme, il y a un objectif, mesdames et messieurs les députés, pour la législature qui est la vôtre : il y a, là, l'ambition de créer un million d'entreprises dans les 5 ans. C'est donc un objectif quantifié pour lequel il nous faut dégager un grand nombre de moyens. Je suis très heureux que l'on ait pu faire des arbitrages positifs sur ces propositions.
Moi-même j'avais dû me heurter à certains obstacles en d'autres temps. Je trouve très heureux que l'on ait pu surmonter ces deux grands défauts qui sont toujours perçus par notre haute fonction publique comme étant les deux grands travers de toute innovation - j'avais découvert cela quand j'étais ministre des PME - : l'effet d'aubaine ou l'effet pervers. A chaque fois que vous proposez quelque chose il y a un effet d'aubaine : " il y a quelqu'un qui va en profiter". D'ailleurs, si on fait des mesures c'est pour que quelqu'un en profite ! L'effet d'aubaine c'est assez décevant. En plus, il y a l'effet pervers : celui qui n'avait pas prévu d'en profiter et qui en profite quand même. C'est quelque chose de très dangereux et en conjuguant l'effet d'aubaine et l'effet pervers vous êtes sûr que vous ne toucherez à rien. Nous avons essayé de surmonter, ici, cette logique du frein pour passer à cette dynamique de l'accélérateur qu'anime R. Dutreil pour la création d'entreprises. Il va de soi que, derrière tout cela, il y a une exigence de notre économie. Il faut pour tous les Français, aujourd'hui, augmenter le nombre d'heures travaillées au total. C'est clair qu'on ne peut pas dire que c'est la croissance qui est la clé générale de notre développement et diminuer globalement le même total d'heures travaillées. Qu'il y en ait qui travaillent plus et d'autres qui travaillent moins et que surtout tous ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas la chance de travailler puissent travailler, voilà les vrais objectifs qui sont les nôtres. Pour faire en sorte qu'il puisse y avoir dans notre pays une croissance plus forte et une croissance mieux partagée, pour cela il faut créer cette dynamique du travail et faire que le travail soit une force pour la France et une force pour tous les Français. C'est un élément majeur de la stratégie qui vous est proposée aujourd'hui. Au fond, ce que nous recherchons dans cette stratégie nationale, c'est, dans une économie - je le disais à l'instant - incertaine, de nous donner les moyens d'organiser notre mobilisation dans ces trois directions.
D'abord, nous avons choisi la direction évidemment du pouvoir d'achat. Parce qu'on voit bien que dans le ralentissement mondial de la croissance aujourd'hui, la consommation est un des éléments moteurs de la dynamique économique. La croissance française, aujourd'hui, qui se tient mieux que pour celle de certains pays, se tient mieux grâce à la consommation. C'est pour cela que nous voulons jouer la carte du pouvoir d'achat pour soutenir la consommation. C'est ainsi que plus de 4 milliards et demi d'euros seront injectés d'ici à la fin de l'année dans notre économie avec notamment la prime pour l'emploi pour ceux qui ne payent pas d'impôts et les allégements d'impôts pour ceux qui en payent, de manière à ce qu'on puisse soutenir la consommation par le pouvoir d'achat. C'est aussi ce que nous ferons avec l'augmentation des plus bas salaires par l'harmonisation par le haut des Smic : faire en sorte qu'il y ait cette dynamique-là qui est la dynamique du pouvoir d'achat et la dynamique de la demande.
Parallèlement, il nous faut organiser évidemment cette dynamique de l'offre. C'est pour cela que nous voulons que les entreprises qui existent aujourd'hui puissent trouver, elles aussi, plus de capacité de développement. C'est pour cela que nous créons l'assouplissement pour les 35 heures, c'est pour cela que nous créons aussi un dispositif d'allégement des charges pour partager le coût de ce pouvoir d'achat dont je parlais tout à l'heure : l'allégement des charges pour participer aux financements de l'augmentation des Smic sur l'harmonisation des salaires.
Cette logique-là est une logique très importante qu'il nous faut soutenir. C'est un des éléments-clés de la démarche que nous proposons avec R. Dutreil : c'est cette démarche de l'allégement fiscal par rapport à des logiques de subventions et des logiques de financements. Je lisais, ici ou là, qu'il n'y avait pas beaucoup de subventions dans ce programme. Si on chiffre les allégements fiscaux c'est bien plus juste et c'est bien meilleur car derrière des subventions, il y a souvent des frontières, des injustices, ceux qui y ont droit, ceux qui n'y ont pas droit. Là, avec le seuil, on a une logique magique : derrière un seuil, il y a toujours un formulaire et derrière un formulaire, il y a toujours beaucoup d'immobilisme et beaucoup de tracasserie. C'est pour cela que nous préférons avoir une logique qui est une logique d'allégement fiscal. C'est ce que nous faisons pour les entreprises en achevant notamment l'allégement de la taxe professionnelle et en faisant en sorte qu'il y ait donc un allégement des charges pour financer cette harmonisation des Smic.
A côté de cela, évidemment, il nous faut avoir cette logique de création d'entreprises. Je crois que c'est un point très important pour nous tous. Il est difficile d'accepter cet écart avec nos amis britanniques. Dieu sait si nous avons de l'amitié pour nos amis britanniques, mais nous avons quand même grosso modo, monsieur le ministre, un écart d'un million d'entreprises, à population comparable. Si nous appliquons les ratios britanniques à l'économie française, il nous manque un million d'entreprises ! Notre réserve de croissance est là. Notre réserve de pouvoir d'achat et notre réserve de justice sociale sont dans ce million d'entreprises qui nous manquent. Il ne faut donc pas se satisfaire de cette situation-là. Comment se satisfaire de voir qu'il y a dix ans on créait 200000 entreprises par an et qu'aujourd'hui on est plutôt à 170000 ? Malgré la période de croissance que nous venons de connaître ! Si en période de croissance la création d'entreprises diminue, c'est vraiment qu'il y a un problème. Ce problème n'est pas dans la tête des Français mais il est dans nos procédures et dans notre organisation qui découragent plus qu'elles n'encouragent. Je crois qu'il y a vraiment un certain nombre de combats à mener. Quand je vois que 50000 entreprises disparaissent, chaque année, faute de repreneurs, on peut se dire qu'il y a là un vrai mal national et qu'il faut s'y attaquer. Là, nous avons une réserve et un potentiel. Pourquoi toujours aller chercher le plus difficile quand on a à portée de la main un certain nombre de décisions qui sont fertiles et qui sont accessibles ? C'est, je crois, une logique très importante. C'est pour cela que nous voulons nous mobiliser sur cette dynamique de création d'entreprises. Il y a beaucoup trop, aujourd'hui, de freins à la création d'entreprise. Parmi tous les freins, les services de l'Etat, les services administratifs, je le sais, sont responsables, parce qu'il y a beaucoup d'obstacles, de procédures qui découragent.
Il y a très longtemps, c'était quand j'étais à la place de R. Dutreil, j'avais pris le soin d'enregistrer tous les chefs d'entreprise qui parlaient à la télévision. J'avais pris une chaîne de télévision nationale, et j'avais enchaîné, comme cela, pendant l'année, le nombre de chefs d'entreprise qui s'étaient exprimés. On avait regardé cela les uns derrière les autres. Il n'y en avait pas un qui souriait. Ils allaient à la télévision pour demander, pour réclamer, pour contester, pour protester, pour faire en sorte d'exprimer toutes les difficultés de leur métier. Je sais que c'est vrai et que c'est nécessaire. Mais il y a aussi quand même dans l'acte d'entreprendre un peu de bonheur ; il y a de l'épanouissement, il y a du sens de la responsabilité et, au fond, ça fait du bien au coeur. Et dans la vie, il vaut mieux être créateur, mener sa propre barque que d'être dans des situations moins épanouissantes. Donc, je demande simplement, de temps en temps, à tous ceux qui dans l'exercice de la responsabilité, trouvent un peu de bonheur, de le faire savoir aux jeunes, parce que le bonheur, cela se partage et je vous assure, pour l'esprit d'entreprendre, c'est très important que les entrepreneurs sachent partager leur savoir.
Donc, nous avons besoin, évidemment, pour la dynamique du pays et pour notre croissance, je le disais - on a débattu sur le taux de croissance que nous avons choisi pour le budget 2003, ce taux de 2,5 %. C'est vrai que quand on regarde les différents services d'expertise - et Dieu sait si j'ai appris à me méfier des experts, parce que sur les vingt dernières années, il n'y en a pas un qui a donné les taux exacts... J'ai pris les prévisions et j'ai regardé les expertises. Tout cela me fait dire que, quand même il faut être prudent. Mais globalement, on voit bien que le chiffre de 2,5 % est un chiffre ambitieux. C'est un chiffre qui est cohérent avec un certain nombre d'estimations, mais c'est un chiffre ambitieux. Je crois qu'il faut considérer ce chiffre à la fois comme une estimation, mais aussi comme une mobilisation, et c'est pour cela qu'il nous faut mobiliser le pays et faire en sorte que grâce, notamment à la création d'entreprises, on puisse atteindre ce type de croissance.
Quand vous regardez la croissance mondiale, elle est en ralentissement. Mais quand vous regardez au niveau européen ce que font les Anglais d'un côté, ce que font les Allemands de l'autre, et vous voyez que la France est au milieu, on peut aussi avoir comme objectif de s'aligner sur les meilleurs plutôt que de s'aligner sur les moins bons. Et ce réservoir de croissance, il est dans notre capacité à développer des entreprises nouvelles et à mieux transmettre les entreprises existantes. C'est un des éléments majeurs de la stratégie qui est la nôtre pour le pays.
J'ajoute qu'au-delà de cette perspective de croissance, comme le disait très bien R. Dutreil, et cela a été développé par les tables rondes ce matin, la logique sociale est très importante aussi. Je crois qu'il est important de penser à l'intégration. Je crois que nous avons, aujourd'hui, beaucoup de générations issues de l'immigration dans lesquelles il y a des jeunes qui sont capables de créer des entreprises, qui sont capables d'y réussir, qui sont capables de mener à la performance leurs capacités personnelles. Ouvrons leur les portes.
On parlait tout à l'heure de la capacité que nous avons aussi à fertiliser l'énergie féminine. On ne peut pas accepter cette idée aujourd'hui qu'il y ait un tel écart entre la capacité créative chez les garçons et cette capacité chez les filles, à la sortie de l'université ou à la sortie des grandes écoles. Il y a là un écart qui est trop important.
Quand j'avais visité la " Small Business Administration " aux Etats-Unis, on voyait qu'il y avait un programme spécifique pour l'aide à la création en direction des femmes. Je crois qu'il y a dans le contrat de plan, pour un certain nombre de régions, nombre d'initiatives de cette nature. Il faut stimuler tout cela en utilisant les leviers sociaux pour cette dynamique d'intégration et cette dynamique de développement économique qui est évidemment très importante.
Je crois qu'il est essentiel de bien mesurer que les Françaises et les Français n'ont pas de retard culturel sur ce concept. Je crois, contrairement à ce qu'on a dit souvent, qu'il y avait chez les Français une certaine hésitation à s'engager dans l'entreprise, que les Français rêvaient tous d'être fonctionnaires. Je crois, que quand on interroge les jeunes aujourd'hui, ils sont conscients, ils sont lucides de la situation. Ils voient bien les risques de certains métiers, ils voient bien les atouts d'autres, ils sont très lucides et si on fait en sorte que la création d'entreprises, que le développement d'entreprises, soit accessible aux mêmes conditions que dans d'autres pays européens, nous aurons les mêmes types d'engagements. Il n'y a pas de handicaps si ce n'est un handicap d'organisation. Mais il n'y a pas dans la culture des Français, et notamment aujourd'hui dans l'état d'esprit des jeunes, de handicaps dans cette capacité à pouvoir atteindre le même niveau de développement que les autres pays européens.
En ce qui concerne le projet qui vous a été présenté à l'instant, j'insiste beaucoup sur la création d'entreprise en une journée. C'est un élément très important de la dynamique. Parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, on a tellement multiplié les guichets que, finalement, l'entrepreneur est à la fois dans cette situation où il y a une multitude de guichets et où il se trouve tout seul. Les accompagnateurs sont nombreux, mais c'est quand même la solitude qui est la règle. Donc, là, il y a quand même quelque chose qu'il faut qu'on aménage. C'est important de faire en sorte qu'on puisse créer son entreprise en une journée. Et notamment, on doit pouvoir être aidé de manière significative grâce aux nouvelles technologies.
L'élément aussi très important, c'est le choix de la forme juridique de l'entreprise. Il faut être bien conscient, les uns et les autres, que nous sommes tous demandeurs de complexités dans la société. Et les Français sont assez doués pour cela. Nous avons eu, pour nos fromages, le sens de la différence et de la qualité. Nous avons surtout cette capacité à vouloir que l'on ait un statut par individu, cette capacité à dire " moi, j'existe et vraiment, si ce pays s'intéresse à moi, il faut qu'il puisse m'apporter la réponse pour moi et rien que pour moi. " Et au fond, c'est cela la source de la complexité. La complexité c'est que l'on voudrait toujours mettre tout le monde sous le même système, dans les mêmes grandes lignes. L'on voit bien que ce n'est pas possible, parce que les différences sont là, et que la complexité dans la société est au coeur même des exigences de la société. Finalement, il n'y a que les dictatures qui sont vraiment très simples. Dès que vous voulez tenir compte des opinions des uns et des autres, vous êtes obligé de gérer de la complexité. Et pour gérer cette complexité, il faut savoir que c'est une aspiration de la société.
Quand j'étais député européen, cher ami britannique, cher ami espagnol, que je voyais débarquer tous ces interprètes, monsieur le directeur, quand je voyais débarquer toute cette logistique qui sortait de trains entiers pour venir nous accompagner dans notre travail parlementaire, au Parlement européen, on dit " oh ! ce serait tellement simple de simplifier, si tout le monde parlait anglais." Ah oui ! mais moi je veux parler français, et le Luxembourgeois lui-même est attaché à sa langue. Tout le monde est attaché à son identité ; c'est pour cela que le monde est complexe, c'est pour cela qu'il faut être vigilant sur la capacité, aujourd'hui, à organiser les simplifications qui ne soient pas mutilantes.
Si notre système de création d'entreprises est si complexe, c'est parce que nous avons un statut juridique qui est très complexe. Mais les travailleurs indépendants sont contents d'être indépendants. Il y a un certain nombre de systèmes qui sont bien adaptés à tel type d'organisation, et que nous avons voulu faire de la dentelle. Et la dentelle, elle est toujours spécifique. C'est pour cela que la SARL à 1 euro, c'est un élément très important. Cela va être la première étape de la création. Cela va devenir la première phase, et ensuite, quand l'entreprise sera musclée, quand l'entreprise aura trouvé ses premiers développements, elle pourra choisir son statut qui sera le mieux approprié. Ce qui est trop difficile aujourd'hui, c'est qu'on propose des formules sophistiquées à un entrepreneur qui n'est pas prêt à cette étape, parce qu'il ne connaît pas encore suffisamment bien son entreprise et l'intérêt de son entreprise au moment où il crée, par définition.
C'est un élément très important que d'avoir cette forme d'intervention d'une SARL à 1 euro, qui va être tellement facile d'accès que ce sera la phase 1 de la création. Ensuite, quand l'entreprise a défini son identité, quand elle a défini son projet, que l'entrepreneur lui-même a conscience maintenant de son métier et de son marché, à ce moment-là, il peut s'adapter à la forme juridique qui est la sienne. J'ai vu qu'à ce moment-là, on pourra faire appel aux avocats - les avocats étant dans le langage britannique ce que nous, nous appelons les technocrates - on a compris que ce n'était pas les mêmes.
Je voudrais vous dire aussi que, dans ce que dit R. Dutreil dans les propositions, il y a un élément très important et un arbitrage qui était difficile, parce que cela fait longtemps que l'idée était dans nos circuits administratifs. C'est ce que nous pouvons appeler " le patrimoine affecté ", " l'affectation du patrimoine ." C'est une affaire compliquée, mais c'est un élément très important de mettre à l'abri une partie du patrimoine de l'entrepreneur. Il faut définir quelle doit être cette partie : la maison principale. On voit bien qu'il y a là un élément très important pour faire en sorte que quand il y a accident économique, qu'il n'y ait pas, encore en plus, accident familial et accident personnel, qui soit aggravé, avec une contagion des accidents. Donc, on voit, là, la capacité à bâtir un dispositif qui soit un dispositif rigoureux, qui puisse satisfaire les exigences des banques, tout en faisant en sorte que, sur un minimum de patrimoine affecté, il y ait une vraie protection pour l'entrepreneur.
Sur l'allégement du poids des charges sociales, je crois que là aussi, c'est un élément très important. C'est un peu la logique générale de ce plan : faire en sorte que des allégements fiscaux et sociaux puissent permettre cette dynamique et non plus simplement la logique des subventions, parce qu'on a vu, là, beaucoup trop de difficultés. Je pense qu'il est important qu'on réfléchisse à cela. Je souhaiterais, madame la présidente, monsieur le sénateur-maire, messieurs les conseillers généraux, que l'on mette de la décentralisation - j'y reviendrai - dans tout cela pour qu'il y ait plus de subventions. La subvention nationale crée quelquefois des distorsions de concurrence. On va aider quelqu'un à se créer, qui, lui, va venir faire concurrence à quelqu'un qui est déjà créé. Quand on est sur le local, on peut mieux apprécier la situation et je préfère que le national, lui, procède donc par un certain nombre d'allégements, ce qui me paraît très important.
Cette idée très importante aussi qu'on ne paye pas de charges la première année, est un élément aussi d'organisation de l'entreprise, pour qu'on lui donne du muscle avant de lui demander l'effort. C'est important de muscler l'entreprise et de ne lui demander l'effort que quand elle a commencé à avoir sa première capacité d'action. On a trop vu souvent des entreprises qui devaient, chacun le sait, payer l'Urssaf avant d'avoir encaissé le moindre euro de chiffre d'affaires. Dans cette logique, je crois que la dynamique d'allégement est la vraie dynamique entrepreneuriale et c'est la direction dans laquelle il nous faut aller.
Quatrième élément très important de cette réflexion, c'est le financement des projets. Je crois qu'il est très important qu'on aille au plus près du créateur d'entreprise pour aller l'aider à trouver son financement. Quand on regarde les choses de manière globale, - je crois que c'est F. Hurel qui avait mis cela dans son rapport - on trouve environ 20 % de l'argent dans l'Etat, 20 % dans les banques et les 60 % qui restent sont, dans l'environnement proche du créateur. Ces 60 % finalement, c'est la famille, le territoire et tout ce qui est autour du créateur, et qui est finalement le levier principal du financement de la création d'entreprise. C'est pour cela que ce fonds d'investissement de proximité, qui est proche de ce qu'on a déjà connu pour les activités à risques ou pour les entreprises innovantes, les FCPI, d'avoir un fonds au niveau d'une collectivité, au niveau d'un territoire, de faire en sorte que l'on fasse appel à l'épargne privée, que l'épargne soit incitée à venir par une capacité fiscale avantageuse et donc, que l'on puisse mobiliser de l'argent du territoire pour le développement du territoire. Je pense que c'est important. Parce que sans être dans l'esprit féodal - nous ne sommes pas dans cette période où il faut avoir un esprit féodal, enfermé sur soi-même-, mais au contraire, la connaissance du territoire, l'appartenance au territoire est un facteur de mobilisation. Il y a une épargne disponible pour tous ceux qui veulent participer au développement de leur territoire. Et je suis sûr qu'un fonds d'investissement de proximité, placé auprès d'une collectivité territoriale, qui mobilise les épargnants et qui permette ensuite d'aider des créateurs dans les territoires en question, je pense qu'il y a là une logique, qui est une logique utile et qui viendra renforcer la dynamique de financement des projets. C'est un des éléments très importants.
J'insiste sur ce qui a été dit tout à l'heure par R. Dutreil sur le dispositif Madelin, parce là nous faisons un effort financier qui est considérable, puisque pour quelqu'un qui pourra investir 40000 euros dans une entreprise, il aura une déduction d'impôt, non pas de revenu imposable, mais une réduction d'impôts de 10000 euros. Cela fait vraiment quelque chose de significatif pour inciter dans cette logique de la proximité.
En ce qui concerne le statut du salarié et celui de chef d'entreprise, là aussi, il faut faire en sorte qu'on ait un meilleur " tuilage ". En France, on voudrait toujours faire passer du statut A au statut B avec des ruptures. En fait, on passe d'une situation à une autre comme dans la vie, toujours par étape et toujours progressivement. C'est ça l'humanisation de l'économie : c'est de ne pas enfermer les gens dans des statistiques, dans des structures, dans des colonnes et dire "vous êtes dans la colonne salarié, vous allez passer dans la colonne entrepreneur". Humainement, on y passe progressivement parce que l'idée vient, elle germe, on discute. On est salarié avant d'être entrepreneur. Puis, un jour, on s'aperçoit qu'on est entrepreneur. Il y a là, je crois, un passage à organiser. C'est un élément très important de cette dynamique qui est proposée : avoir un statut à temps partiel afin, en étant loyal avec son entreprise et en accord avec l'entrepreneur, de pouvoir préparer sa création d'entreprise et passer progressivement du statut A au statut B, sans pour cela qu'on se mette dans cette situation de rupture qui effraye beaucoup d'acteurs et qui empêche le passage à la création d'entreprise.
Je n'insiste pas sur ce qui a été dit par R. Dutreil tout à l'heure pour inciter les entrepreneurs à céder plutôt que cesser leur activité. Je crois qu'il est très important aussi d'anticiper. Insistons beaucoup sur cette idée d'anticipation parce que c'est toujours la même chose (ce doit d'ailleurs être vrai en politique aussi), plus on s'y prend tôt, mieux, on réussit à passer le témoin. Il faut éviter de perdre du temps et un entrepreneur se donne quelquefois des délais trop longs pour passer la main. Parce qu'au fur et à mesure que l'on vieillit dans l'entreprise - et c'est vrai dans toutes les activités humaines -, moins on investit, moins on valorise l'entreprise et plus c'est difficile de trouver. On doit inciter, par un certain nombre de mesures, l'entrepreneur à préparer sa succession relativement tôt, au moment où il est fort. C'est quand on est fort qu'on réussit le mieux à pouvoir prévoir l'avenir et à préparer l'entreprise à convaincre les clients, à convaincre les partenaires, le banquier. Ce n'est pas quand on est dans une situation de fragilité, qu'on est le dos au mur et qu'on veut essayer de tirer pour ses enfants quelques avantages ici ou là... Ce n'est pas dans cette situation qu'on est le mieux placé pour pouvoir décider. On est le mieux placé quand on a un repreneur, qu'on a encore le potentiel fort auprès des clients, le potentiel fort auprès des banquiers et qu'on met toute cette synergie au service du nouveau projet de l'entreprise. C'est pour cela qu'il faut que la fiscalité soit stimulante pour ces types de transmissions quelque peu anticipées. Je crois qu'il y a là des initiatives très importantes. Je note aussi notre attachement, et vous pouvez compter sur notre détermination pour qu'on puisse augmenter ce seuil d'exonération des plus-values, comme le soulignait tout à l'heure R. Dutreil.
Il est aussi important pour nous - et je le souligne aussi -, que quand il peut y avoir donation, quand il n'y a pas d'enfant, qu'il puisse y avoir donation au profit d'un salarié de l'entreprise avec le même statut, comme si c'était un des enfants de la famille. Là aussi, je crois que c'est une barrière qu'il faut pouvoir mentalement franchir. C'est pour cela, que dans ce dispositif, nous avons touché à la substance même de la création d'entreprise. Nous voulons permettre la mobilisation de l'énergie humaine. Ce n'est pas une approche technocratique, une approche technique, c'est une approche que je dirais politique, au sens le plus noble du mot, c'est-à-dire de faire en sorte qu'on mobilise, dès l'école, l'esprit de création et que l'on puisse ensuite permettre à la personne qui a cette vocation de pouvoir s'assumer comme créateur.
Très franchement, je crois que nous sommes au coeur d'un sujet essentiel pour la France. Je crois que la logique PME est une bonne logique pour la France, à bien des égards. C'est une question qui touche aussi bien à la philosophie, à l'économie et même à l'organisation de l'Etat. Au plan de la philosophie : pourquoi ne pas parler un peu aussi de ces grandes idées qui peuvent animer aujourd'hui un pays qui se veut attaché à ses valeurs de la République ? Nous voyons bien que les tentations du matérialisme laisseraient penser que finalement, l'énergie humaine est programmée, que chacun a son propre destin et que finalement, on est prédéterminés, que ce sont nos gènes, que la responsabilité serait à l'extérieur de nous mêmes. Nous ne sommes pas innocents de nous, nous sommes responsables de nous et les jeunes de ce pays sont aussi responsables ! Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas les accompagner mais cela veut dire aussi que la responsabilité, c'est quelque chose de très important dans l'idéal républicain qui est le nôtre. Le dépassement de soi, la capacité à trouver en soi une énergie qu'on a envie de valoriser, cela fait partie des messages qu'un peuple a besoin d'entendre. C'est pour cela que le fait PME est quelque chose qui dépasse la seule logique économique, parce que c'est un lieu d'épanouissement, un lieu de responsabilité, un lieu où quelqu'un peut conduire sa vie. Et c'est un élément très important, c'est un appel aux valeurs de l'humanisme de croire en cette capacité que l'homme a de créer.
Je crois que sur le plan économique, c'est aussi très important parce que finalement, on mobilise bien une équipe quand l'équipe se connaît, quand la dimension humaine est reconnue, quand on est dans des espaces où l'humain peut exister, où on peut se parler. On voit bien aujourd'hui tous les dégâts du gigantisme. Vouloir traiter les hommes de chiffres, c'est quelque chose qui, fondamentalement, est une erreur. Jamais on ne mobilisera un pays, une équipe avec ces idées que ce sont les statistiques qui gouvernent les mouvements. Non ! c'est la foi des hommes, le talent des hommes, leur capacité à se mobiliser qui sont très importants. Sur le plan économique, je crois vraiment que le fait PME est un fait d'avenir. Nous en avons besoin pour mobiliser toute l'énergie nationale et aussi notre énergie européenne. Mais aussi, cela impose à l'Etat de faire en sorte que lui qui, par nécessité, est global, grand, doit pouvoir s'adapter pour gérer au mieux cette dynamique de la petite et moyenne entreprise.
C'est pour cela que nous voulons, parallèlement à cet effort vis-à-vis des petites entreprises, des moyennes entreprises, faire un effort pour que l'Etat et la décentralisation se conjuguent pour être le plus proche possible du terrain, pour être au plus près des acteurs de la société civile. C'est tout le projet que nous engageons avec la réforme constitutionnelle pour moderniser nos institutions de la République. On ne peut pas dire que l'on veut que les territoires soient mobilisés pour leur dynamique entrepreneuriale et vouloir tout diriger avec un Etat très centralisé. Il nous faut donc aussi adapter l'Etat à cette logique économique et c'est pour cela que nous lançons un grand débat national pour la modernisation de nos institutions. Nous allons ouvrir la Constitution pour donner plus de libertés aux territoires, pour permettre l'expérimentation, pour ouvrir un certain nombre d'initiatives, pour faire en sorte que l'Etat, en gardant ce qui est dans sa logique de cohérence, en le gardant garant de l'équité nationale, garant des valeurs de la République, puisse faire en sorte que notre organisation du service public soit au plus proche du territoire.
Ici, dans cette région où vous avez eu beaucoup d'innovations dans l'organisation même des responsabilités, je crois qu'il y a là tout un champ qui est très important. On ne peut dire "l'avenir, c'est les petites et les moyennes entreprises", et "tout se décidera à Paris". Non, il faut faire en sorte que Paris s'occupe d'alléger le poids des charges, qu'il y ait plus de capacité d'initiative et que les logiques de proximité se développent dans la ville, dans le département et dans la région.
C'est cela qui nous anime et si nous avons réussi à bâtir un plan crédible, capable de mobiliser beaucoup d'énergie autour de la création d'entreprise, c'est parce qu'il y a derrière une idée supérieure. Cette idée qui est une belle idée politique, portée par notre histoire, c'est l'idée de l'humanisme républicain. Au fond, est-ce qu'il y a un meilleur destin que de faire de chaque citoyen le créateur de son avenir ?
Je vous remercie.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 octobre 2002)