Texte intégral
Nous sommes le 22 juillet 1998. Nous sommes donc un an et un jour après la remise de l'audit sur les finances publiques, le 21 juillet 1997.
Il y a un an, le déficit budgétaire était compris entre 3,5 % et 3,7 % ; en excluant la soulte de France-Télécom, il était même supérieur à 4 %. Aujourd'hui, je confirme qu'il sera en 1999 au maximum de 2,3 %.
*Il y a un an, nous devions veiller à ne pas briser, comme cela avait été le cas dans le passé, une conjoncture hésitante. Aujourd'hui, il s'agit de contribuer à installer une croissance durable.
*Il y a un an, l'opinion considérait la progression du chômage comme une fatalité. Aujourd'hui, si le taux de chômage reste fort, notamment pour le chômage de longue durée, tous les indicateurs de confiance ont retrouvé des niveaux élevés.
*Il y a un an, nous étions contraints d'adopter des mesures d'urgence pour qualifier la France pour l'euro. Aujourd'hui, la France fait partie des onze pays qui partagent l'euro et nous mettons en place, dans la fidélité à nos engagements, une réforme profonde de la fiscalité.
*Il y a un an, nous devions instaurer un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des grandes entreprises. Aujourd'hui, nous pouvons annoncer, et c'est une bonne nouvelle pour les Français, une baisse d'impôts.
Nous sommes le 22 juillet 1998 et notre rendez-vous, à ce stade de préparation de la loi de finances, n'est pas habituel. Il tient notamment à la modification du calendrier budgétaire qui a été décidée pour permettre au Parlement un examen plus approfondi. Il s'inscrit donc entre le débat d'orientation budgétaire, qui a eu lieu en juin, et la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres, qui aura lieu le 9 septembre prochain. Il sera donc, logiquement, plus précis que le premier mais moins que le second.
Première partie :
le contexte macro-économique
Les objectifs annoncés seront tenus :
*La croissance est là.
*Les finances publiques sont en voie de redressement.
1. Une croissance solide, tirée par la demande intérieure.
L'environnement international est plus incertain que lors de notre prévision de l'automne dernier :
*d'une part, les nouvelles de l'Asie ne sont pas toutes rassurantes. Si les pays atteints par la crise de 1997 semblent approcher du creux de la vague, le choc a été plus rude que ne le croyaient les experts il y a six mois et la profondeur de la récession au Japon comme les difficultés de son système financier n'ont pas encore trouvé de solutions complètement satisfaisantes.
*d'autre part, le ralentissement de l'économie britannique apparaît particulièrement marqué, notamment dans l'industrie.
Toutefois, la prévision de 3 % pour 1998 sera, au minimum, respectée. L'INSEE annonce 3,2 %. Nous établirons notre propre prévision début septembre, elle sera peut-être légèrement supérieure à 3 %. Nous prenons notre temps pour avoir, comme en 1997, la prévision la plus fiable possible.
Quoiqu'il en soit, quelques remarques s'imposent.
La reprise de l'économie française s'inscrit dans un contexte de croissance retrouvée de l'ensemble des économies de la zone euro, mais elle semble plus forte encore : la croissance de l'économie française sera en 1998 la plus élevée des grands pays européens
Au cur du dynamisme de l'économie française se trouve la vigueur des créations d'emplois. Avec 300 000 emplois, notre dernière prévision de création d'emplois pour 1998 sera certainement dépassée alors que, en Allemagne par exemple, les effectifs employés ne progresseront pratiquement pas.
L'ampleur des créations d'emplois explique la hausse sensible du revenu disponible des ménages. Selon l'INSEE, elle pourrait dépasser 3 % en 1998, soit le meilleur résultat depuis 1990.
Cette hausse du revenu des ménages provient aussi d'une progression rapide des salaires : depuis le 1er juillet 1997, le pouvoir d'achat du SMIC a augmenté de plus de 5 %.
Enfin, la hausse du pouvoir d'achat des ménages résulte du choix de politique économique fait à l'été 1997 : les ménages ont été épargnés par l'effort de redressement des comptes publics ; à l'inverse, un certain nombre de mesures ciblées ont été prises pour soutenir la consommation.
L'évolution de la consommation des ménages constitue, d'ailleurs, la bonne nouvelle de la période récente : fin mai, le glissement annuel de la consommation des ménages en produits manufacturés dépasse de 6 % son niveau de l'an dernier. L'INSEE envisage pour la consommation totale une hausse de près de 3 % en 1998 (soit un peu plus d'un demi point de plus que notre prévision du printemps dernier).
Au total, la reprise apparaît en France particulièrement solide car elle est désormais tirée pour l'essentiel par la demande intérieure.
Le rythme élevé de la consommation, qui a déclenché un réveil de l'investissement, nous permettra d'atteindre nos objectifs de croissance pour 1998 et 1999 malgré la dégradation de l'environnement international
2. Notre politique budgétaire nous a redonné des marges d'action.
a) Fixer, et respecter, un objectif de dépenses pour l'État comme pour les autres administrations publiques.
Pour le budget de l'État, je l'avais annoncé en avril dernier : nous visions une progression maîtrisée de 1 % en volume en 1999. Cet objectif sera tenu, Christian Sautter y reviendra. Il nous permet de financer les priorités publiques, tout en faisant croître les dépenses nettement moins que le PIB et que plusieurs pays européens dont la Grande-Bretagne. Le ratio "dépenses de l'État/PIB" va donc décroître en 1999 comme en 1998.
C'est aussi un impératif pour les autres administrations publiques, dont la Sécurité sociale, Martine Aubry a raison d'y insister : les dépenses d'assurance-maladie doivent être tenues par rapport à l'objectif de croissance de 2,2 % en 1998. Il ne faut pas que les fruits de la croissance soient préemptés par certains professionnels de santé : le principe de la régulation des dépenses, introduit par Pierre Bérégovoy et René Teulade en 1992, doit être complété, y compris par une vraie restructuration de l'offre de soins (médecine de ville, médicament, hôpital).
Au total, depuis deux ans, les dépenses publiques progressent nettement moins vite que précédemment (graphique D).
b) Inverser la spirale de la dette.
J'avais annoncé une réduction de 0,7 % du déficit public en 1999, de 3,0 % à 2,3 %. Cette ambition aussi sera tenue. Certains jugent que ce déficit est encore excessif : c'est vrai, mais le rythme du redressement est un des plus élevés de l'Union européenne (il n'y a guère que le Danemark qui fasse un effort plus important). Cet effort sera poursuivi en 2000 et au-delà. Le déficit structurel sera réduit en 1999 de 0,3 point.
À partir de l'an 2000, la France aura ainsi réussi ce qu'elle n'a jamais pu faire depuis vingt ans : faire reculer le ratio de la dette par rapport au PIB ; transformer la spirale de la dette en cercle vertueux du désendettement.
C'est une nécessité :
-pour que, dès maintenant, les dépenses liées à la dette (la rente) reculent au profit de dépenses productives ;
-pour que, à moyen terme, nous puissions utiliser activement l'arme budgétaire quand le cycle économique deviendra moins favorable. Il faut recharger nos batteries aujourd'hui pour que la croissance soit plus durable demain ;
-pour que, à long terme, soit préservée la solidarité avec les générations à venir. J'ai dit que la dette était l'ennemie de la gauche ; c'est aussi parce que la dette est l'ennemie de la jeunesse.
c) Faire baisser les impôts.
Après quatre années de hausse continue des prélèvements, Lionel Jospin a pris l'engagement de les stabiliser, et si possible de les baisser.
Après une première baisse des prélèvements obligatoires en 1998, nous tablions jusqu'à présent sur une stabilisation en 1999.
Je n'ai pas aujourd'hui l'estimation définitive des recettes pour 1999 - nous la fixerons en septembre -, mais C. Sautter et moi sommes d'ores et déjà en mesure d'annoncer que la réforme fiscale s'accompagnera d'une baisse des impôts. Nous avons pu en effet dégager à cette fin une marge de manuvre pour deux raisons :
*pour la première fois depuis longtemps, les dépenses en exécution sont tenues par rapport à la loi de finances. C'était le cas en 1997, ce le sera très probablement en 1998, sans qu'aucun " gel " ait été nécessaire ;
*les recettes fiscales sont, par ailleurs, légèrement supérieures à ce qui était prévu. D'abord parce que la croissance s'est rééquilibrée au profit de la demande intérieure et de la consommation - et donc de la TVA. Ensuite - et au moins autant - parce que les impôts rentrent mieux, du fait de la lutte contre la fraude fiscale.
Il y a donc une marge que l'on peut raisonnablement estimer à une douzaine de milliards de francs : ce sont donc les mesures nouvelles que nous proposerons au Parlement. Il faut y ajouter les baisses d'impôts déjà annoncées et pour lesquelles nous tiendrons nos engagements : crédit d'impôt emploi, crédit d'impôt entretien. Au total, il y aura 16 MdF de baisses d'impôt, par rapport à ce qu'aurait été l'évolution spontanée des recettes.
Notre stratégie budgétaire, sous réserve des derniers ajustements d'ici le 9 septembre, se dessine donc clairement. Elle partage nos marges en trois tiers à peu près égaux :
*seize milliards de francs pour la progression des dépenses en volume, pour financer les priorités,
*seize milliards de francs pour la baisse des impôts,
*une vingtaine de milliards de francs pour la réduction du déficit.
C'est, me semble-t-il, un bon équilibre.
Deuxième partie :
La réforme de la fiscalité
Les Français considèrent que le poids de la fiscalité est excessif. Ils ont raison. Ils considèrent ce poids d'autant plus excessif qu'ils jugent, par ailleurs, notre système fiscal injuste, inefficace et complexe. Ils ont encore raison. Ils doutent de la capacité des responsables politiques à modifier ce système fiscal. Nous voulons les convaincre aujourd'hui qu'une réforme est non seulement nécessaire mais aussi possible. Mieux, nous voulons leur montrer qu'une réforme progressive et profonde est engagée.
Le Premier ministre a fixé, notamment dans sa déclaration de politique générale, les objectifs que devait atteindre cette réforme de la fiscalité. Ce sont ces objectifs que poursuit la politique fiscale du Gouvernement depuis un an. Les mesures que nous présentons aujourd'hui constituent une étape importante dans la poursuite de ces objectifs.
*L'emploi d'abord, notamment par la suppression de la taxe professionnelle assise sur les salaires et par une série de mesures qui favorisent ceux qui produisent, qui bougent, qui créent, qui innovent. C'est une fiscalité du mouvement.
*La justice fiscale, ensuite, à la fois par une augmentation de près de 30 % du rendement de l'ISF, par la révision des bases locatives des impôts locaux, par des baisses ciblées de la TVA et, pour la première fois depuis vingt ans, par la stabilité de la TIPP sur l'essence.
*L'environnement, encore, notamment par l'alignement progressif de la fiscalité sur le gazole sur l'écart européen moyen.
*Cette réforme comprend, en outre, la suppression pure et simple de plusieurs taxes, notamment sur les timbres de la carte d'identité ou sur les droits d'examen pour le permis de conduire.
I - La méthode : une réforme concertée et progressive
La réforme que nous présentons aujourd'hui tient, pour commencer, à une réflexion sur la méthode, dans une matière, la fiscalité, plus sensible que toute autre. Des expériences passées, y compris de notre propre expérience, nous avons tiré deux leçons.
*Pour être la plus adaptée possible aux réalités, la réforme doit être concertée.
*Pour être acceptable et efficace, elle doit être progressive.
1. Une réforme concertée.
*La concertation n'est pas spontanément la pratique du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Elle le devient largement depuis un an. Bercy écoute et Bercy entend. C'est vrai dans de nombreux domaines, notamment dans le secteur financier. C'est vrai, et la novation est sans doute plus notable encore, dans le domaine fiscal.
*Au-delà des relations traditionnelles et suivies que nous entretenons avec les commissions des finances des deux assemblées, Christian Sautter et moi-même avons engagé une concertation sans précédent, depuis plus de deux mois, avec le Parlement mais aussi avec les partenaires sociaux et les élus locaux.
*Cette concertation a été d'une grande qualité et donc, pour le Gouvernement, d'une grande utilité. Elle a apporté des idées nouvelles, que nous avons toujours expertisées et souvent retenues. Elle a traduit, inévitablement, des divergences, qu'il a appartenu au Gouvernement de trancher. Mais elle a souligné également des convergences, au minimum autour des objectifs, sur lesquelles nous nous sommes appuyés.
2. Une réforme progressive
*Progressive, pour ne céder ni à la tentation de l'immobilisme, ni au mythe du grand soir fiscal.
*Progressive, pour procéder de manière méthodique, en ne modifiant pas chaque impôt chaque année mais, au contraire, en déterminant clairement les chantiers ouverts afin d'écarter l'instabilité des règles fiscales, spécificité française qui rend notre système à la fois illisible et inefficace.
C'est ainsi que nous avons traité la fiscalité des revenus de l'épargne et les niches de l'IR et de l'IS avec la loi de finances pour 1998 ; principalement la fiscalité locale, la fiscalité du patrimoine et la fiscalité écologique, avec la prochaine loi de finances.
*Progressive, cela signifie enfin que les réformes que nous vous présentons aujourd'hui pourront voir leur mise en uvre s'étaler dans le temps ; tel est notamment le cas pour la réforme de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.
II - Le contenu : une vraie réforme de structure
Trois objectifs : l'emploi, la justice fiscale, l'écologie.
1. Une fiscalité plus favorable à l'emploi
Cette priorité a été rappelée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale et la politique menée par le Gouvernement a déjà permis de commencer à réduire le chômage. Dès la loi de finances pour 1998, certaines mesures fiscales ont été arrêtées en vue de favoriser l'emploi : un crédit d'impôt de 10 000 F par emploi créé a été institué pour les petites et moyennes entreprises et un crédit d'impôt pour la réalisation de dépenses d'entretien de l'habitation principale, égale au montant de la TVA acquitté au titre de ces dépenses, a été mis en place. Cet effort pour l'emploi est aujourd'hui considérablement amplifié.
a) supprimer la taxe professionnelle sur les salaires
La taxe professionnelle a été créée en 1975. On ne compte plus les déclarations la critiquant ni les rapports proposant de la réformer.
C'est un impôt très imparfait :
*il est unique en Europe et pèse donc sur la compétitivité des entreprises et de l'économie française ;
*il est facteur d'inégalités entre les collectivités locales, y compris au sein d'une même agglomération ; j'y reviendrai en évoquant les mesures sur la justice fiscale ;
*il frappe les salaires et renchérit donc le coût du travail : c'est un frein à l'embauche souvent dénoncé.
En dépit de ces défauts, aucun Gouvernement n'a jusqu'à maintenant entrepris une réforme en profondeur de cet impôt.
C'est ce que nous engageons aujourd'hui.
Pour favoriser l'emploi, le Gouvernement proposera de diminuer les prélèvements qui pèsent sur le travail en supprimant sur 5 ans la taxe professionnelle sur les salaires, qui représente 35 % de l'assiette globale de cette taxe. Les modalités retenues aboutiront à une suppression totale pour 69 % des établissements redevables dès 1999.
Cette décision conduira à un allégement rapide et de grande ampleur de la taxe professionnelle payée par les secteurs à forte intensité de main d'uvre. Elle conduira, par exemple, à un allégement de la TP de 50 % dans le secteur du bâtiment. Elle sera compensée par l'État et sera donc neutre pour les collectivités locales. On peut en attendre de l'ordre de 25000 emplois durables du fait des mesures adoptées en 1999 et, à terme, plus de 100000 emplois créés.
b) favoriser l'utilisation productive du capital
Le dynamisme de l'économie et par conséquent la création d'emplois sont dans notre pays handicapés par divers obstacles qu'il importe de lever pour que la croissance dure le plus longtemps possible. Plusieurs mesures significatives auront pour objet de remédier aux blocages fiscaux qui conduisent à la stérilisation du capital.
réduire significativement et de façon permanente les impôts pesant sur les ventes de locaux d'habitation.
Ces impôts, que l'on dénomme " frais de notaire " dans le langage courant, sont particulièrement élevés en France.
Ils passeront désormais en moyenne à 6 % - ce qui représente une baisse de 20 % -, par la suppression de la part régionale. Les collectivités attributaires de ces droits bénéficieront là aussi d'une compensation. Cette mesure entrera en vigueur dès le premier septembre prochain.
inciter à la transmission anticipée des entreprises en amplifiant le taux de réduction des droits de mutation dus en cas de donations.
Ces droits seront dorénavant réduits de 50 % lorsque le donateur sera âgé de moins de 65 ans et de 30 % lorsque le donateur a entre 65 et 75 ans.
uniformiser les droits de mutations à titre onéreux applicables en cas de cession d'immeubles industriels et commerciaux.
Ces droits varient actuellement fortement selon la forme juridique que prend la cession. Cette réforme s'opérera à ressource constante pour les collectivités locales. La diminution des ressources provenant de la baisse des droits sur les ventes directes d'immeubles d'entreprise sera compensée par l'augmentation des droits sur les ventes indirectes par cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière.
favoriser l'innovation.
Avec Claude Allègre, nous entendons favoriser le capital de proximité investi dans les entreprises de croissance. Ainsi, le dispositif actuel de déduction fiscale pour les personnes physiques qui investissent dans des PME nouvelles sera pérennisé et le régime des fonds communs de placements dans l'innovation (FCPI) sera assoupli. Nous avons aussi décidé d'élargir le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises à toutes les entreprises à fort potentiel de croissance, notamment celles de moins de quinze ans.
Notre parti-pris est simple : que notre fiscalité frappe la rente - c'est le sens économique de l'ISF - et les capitaux dormants ; qu'elle favorise au contraire davantage le mouvement, la production, l'innovation.
c) simplifier les obligations fiscales des petites entreprises
La complexité fiscale peut parfois être mise à profit par les grandes entreprises mais elle constitue un véritable " impôt caché " pour les petites entreprises. Le Gouvernement a déjà mené, sous l'impulsion de Marylise Lebranchu, secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, un important effort de simplification des relations entre l'administration et les petites entreprises.
Une simplification radicale des obligations au titre de la TVA pour plus de 500 000 très petites entreprises sera mise en uvre en 1999.
Il s'agit d'exonérer de TVA les biens livrés et les prestations facturées par les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas, selon les professions, 175 000 F ou 500 000 F, alors que le seuil actuel est fixé à 100 000 F. Ces entreprises n'auront donc plus à souscrire de déclarations de TVA.
2. Une fiscalité plus favorable à la justice sociale
Des mesures ont déjà été prises en 1998 pour réduire les inégalités fiscales : ainsi, les diverses mesures adoptées - et notamment le transfert des cotisations salariales maladie vers la CSG - vont aboutir à une augmentation d'au moins 40 % des recettes tirées de la fiscalité sur les revenus du capital. Un rééquilibrage majeur de la fiscalité du travail et du capital a ainsi été effectué.
La recherche de la justice fiscale doit se poursuivre en modernisant la taxe d'habitation, en réduisant les inégalités entre collectivités locales, en durcissant la fiscalité pour les gros patrimoines, et en allégeant les impôts indirects pesant sur les ménages.
a) moderniser les valeurs locatives cadastrales servant de base aux impôts locaux
Les principaux impôts locaux (taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe professionnelle) sont aujourd'hui encore calculés sur la base de valeurs locatives établies, s'agissant des propriétés bâties, en 1970. C'est peu dire que ces bases rendent compte de manière très imparfaite des facultés contributives réelles des redevables de ces impôts. Cela fait de la taxe d'habitation l'impôt le plus injuste de France.
C'est pourquoi le Gouvernement proposera d'intégrer pour le calcul des impôts locaux, et principalement pour l'établissement de la taxe d'habitation, les nouvelles évaluations cadastrales issues de la révision autorisée par la loi du 30 juillet 1990.
Cette intégration interviendra au 1er janvier 2000. Elle se traduira par un allégement significatif de la taxe d'habitation payée par une grosse majorité des ménages, notamment ceux disposant de faibles ressources. Elle sera mise en uvre progressivement afin d'éviter de trop fortes variations des impôts pour les contribuables plus aisés et, en tout état de cause, ne pourra se traduire pour personne par une hausse supérieure à trois cents francs et à 15 % par an.
b) introduire une vraie solidarité entre les collectivités locales par une réforme de la taxe professionnelle.
Pour lutter contre les inégalités entre communes, il s'agit de renforcer la péréquation nationale et régionale de la taxe professionnelle, avec une dimension particulière pour l'Ile-de-France. Par ailleurs, le Gouvernement, à l'initiative de Jean-Pierre Chevènement, souhaite créer, pour les agglomérations, une taxe professionnelle unique appuyée sur un fort mécanisme incitatif.
Ces mécanismes seront précisés pour partie dans la prochaine loi de finances et pour partie dans le projet de loi sur l'intercommunalité que présentera Jean-Pierre Chevènement. Il s'agit d'éléments essentiels pour la politique de la ville et l'aménagement du territoire.
c) renforcer la fiscalité pour les gros patrimoines et les placements financiers.
aménager substantiellement l'ISF
Il faut aménager la fiscalité du patrimoine afin d'empêcher une évasion que les imprécisions de la loi sur l'ISF permettent aujourd'hui. Il convient aussi d'achever le rééquilibrage entre la fiscalité du travail et celle du capital. C'est pourquoi le Gouvernement propose d'une part, une série de mesures destinées à la fois à lutter contre l'évasion fiscale et les délocalisations de personnes physiques et, d'autre part, la création d'une nouvelle tranche de 1,8 % pour les 800 patrimoines supérieurs à 100 MF.
L'ensemble de ces mesures contribuera à augmenter de 30 % le rendement de l'ISF, qui pourrait être porté de 11 MdF en 1998 à environ 14,5 MdF en 1999.
moraliser l'exonération en matière de droits de succession pour l'assurance-vie
Le Gouvernement proposera de moraliser l'exonération des droits de succession dont bénéficient les produits d'assurance-vie, qui profite essentiellement aux plus gros patrimoines. Dorénavant, seuls pourront bénéficier totalement de cette exonération les primes investies jusqu'à 1 million de F. Au-delà de cette somme, les montants figurant sur des contrats d'assurance-vie ne pourront bénéficier de l'exonération que pour la fraction qui n'excède pas 30 % du patrimoine total du défunt.
réduire le taux de l'avoir fiscal pour les entreprises
Afin que la fiscalité ne favorise pas les placements financiers spéculatifs des entreprises, il est proposé de réduire en 1999 le taux de l'avoir fiscal dont elles bénéficient de 50 % à 45 %. Cette mesure, qui n'affectera pas les relations entre les sociétés mères et les filiales, ne change rien au taux de l'avoir fiscal qui concerne les ménages.
d) alléger la fiscalité indirecte pour les ménages modestes
baisser la TVA de 5 milliards de francs
Le Premier ministre s'était engagé, au cours de la campagne électorale, à baisser la TVA sur les produits de première nécessité. Il avait rappelé, au cours de son discours de politique générale, que le Gouvernement examinerait les conditions de cette baisse, qui pourrait être envisagée dès que la situation budgétaire le permettrait. Une première étape avait été accomplie en ce sens lors de la loi de finances pour 1998, qui a prévue une baisse de 20,6 % à 5,5 % de la TVA applicable aux travaux de rénovation dans le logement social.
Cette mesure importante sera complétée en 1999. L'ancienne majorité avait relevé le taux de la TVA sur les abonnements à l'électricité et au gaz, par deux fois, en 1994 et 1995. Nous proposons de revenir au taux de 5,5 %, ce qui bénéficiera tout particulièrement aux ménages modestes. Cette mesure sera accompagnée d'une diminution à 5,5 % de la TVA applicable à certains appareillages pour les personnes handicapées, de la TVA applicable sur la collecte, le traitement et l'élimination des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif et de la TVA applicable aux travaux d'amélioration des logements sociaux privés.
supprimer des impôts indirects archaïques
Il est rare qu'un Gouvernement propose de supprimer des " petits impôts " qui sont peu sensibles et d'un rendement parfois significatif. En effet, s'il est aisé de relever un impôt après l'avoir abaissé, il est plus difficile de créer un nouvel impôt.
Mais certains de ces impôts, comme le droit de timbre sur les cartes nationales d'identité ou encore le droit d'examen pour les permis de conduire, pénalisent avant tout les ménages modestes et les jeunes contribuables. C'est pourquoi le Gouvernement proposera de supprimer ces deux impôts dès le 1er septembre 1998, ce qui bénéficiera à plus de 4 millions de ménages.
Cet effort s'accompagnera d'autres suppressions d'impôt surannés, comme, par exemple, la taxe sur les allumettes et les briquets ou encore la taxe sur les sucres servant à la fabrication d'apéritifs à base de vin, etc.
3. Une fiscalité plus favorable à l'écologie
De nombreuses mesures ont illustré la volonté du Gouvernement de pénaliser les activités polluantes. De nouvelles mesures s'inspireront de cette importante orientation gouvernementale en matière fiscale.
a) amorcer dès 1999 le rattrapage de la TIPP sur l'essence sans plomb par la TIPP sur le gazole
Il est indispensable de mettre fin à la singularité de la France en Europe en ce qui concerne l'écart de taxation du gazole et de l'essence sans plomb (1,43 F/l contre 0,93 F/l en moyenne dans l'Union européenne).
Il est donc proposé de rattraper la différence par rapport à l'écart moyen communautaire en 7 ans. En 1999, la première étape de ce rattrapage - qui sera d'un montant de 7 centimes - s'accompagnera pour la première fois depuis 20 ans d'une stabilité de la TIPP sur l'essence sans plomb carburant moins polluant.
b) favoriser l'acquisition de véhicules propres
Cette mesure de relèvement des taxes sur le gazole s'accompagnera d'un certain nombre de dispositions favorables aux véhicules propres, notamment aux véhicules bicarburés.
c) rationaliser les taxes sur la pollution
Il existe aujourd'hui de multiples taxes sur la pollution, affectées à des organismes très divers. Il en résulte une complète illisibilité de la politique fiscale de lutte contre la pollution et de réelles difficultés de gestion.
C'est pourquoi le Gouvernement proposera de substituer dès l'année 1999 aux taxes sur la pollution existantes une taxe unique, appelée taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), affectée au budget de l'État. Ceci conduira à la suppression de 5 impôts existants. La TGAP aura vocation à être transformée en une véritable " écotaxe " une fois qu'auront abouties les négociations actuellement menées au niveau communautaire sur ce sujet.
III - Les effets : une baisse des impôts
L'ensemble des mesures évoquées auront un effet majeur : les impôts vont baisser significativement en 1999.
*Si l'on examine le contenu de cette baisse, on peut dire qu'il se compose à la fois de suppression de taxes - il y en a cinq au total - et par des diminutions d'impôts - les plus importantes concernant la taxe professionnelle, la TVA et les impôts sur les ventes de locaux d'habitation. Elles profitent majoritairement aux ménages.
*Si l'on étudie le montant de cette baisse, il s'établit à 12 milliards de francs pour les mesures nouvelles et, si l'on intègre les mesures annoncées en 1998 mais qui ne prennent effet qu'en 1999 - je pense par exemple au crédit d'impôt emploi - à 16 milliards de francs.
*Si l'on réfléchit aux justifications de cette baisse, je dirai qu'elle correspond à nos engagements politiques et qu'elle marque la volonté de renforcer le potentiel de croissance ; du point de vue psychologique, après l'augmentation des prélèvements obligatoires de près d'un demi point de PIB par an entre 1993 et 1997, elle traduit une rupture heureuse : en effet, à l'instar de ce qui se passe pour 1998, la part des fruits de la croissance prélevée par la sphère publique descendra nettement en dessous des 40 % quand elle était en moyenne supérieure à 60 % entre 1993 et 1996
Troisième partie :
une progression maîtrisée des dépenses
Conformément à ce qui a été annoncé lors du débat d'orientation budgétaire, les dépenses de l'État augmentent de 1 % en volume dans le projet de budget pour 1999, soit environ 35 MdF. A ces moyens nouveaux s'ajoutent les redéploiements issus d'un examen minutieux de l'ensemble des dépenses. Les marges ainsi dégagées contribuent à financer les priorités du Gouvernement, qui sont de trois ordres :
*l'emploi et la justice sociale ;
*l'amélioration des conditions de la vie quotidienne ;
*des redéploiements permettant d'améliorer la qualité de la dépense publique.
1. l'emploi et la justice sociale :
Le Gouvernement, au nom de l'impératif de solidarité, a fait de la lutte contre le chômage et l'exclusion sa première priorité. Une telle voie passe par le renforcement de la politique de l'emploi mais aussi de l'éducation, de la solidarité, ou encore de la ville. Près de 23,5 MdF de moyens nouveaux seront consacrés à cet ensemble d'actions, soit une hausse globale de 4,2 %, correspondant à une augmentation en volume deux fois plus rapide que celle des dépenses de l'État.
L'emploi constitue la priorité numéro un de ce Gouvernement. La politique menée a permis une diminution du chômage de près de 150 000 personnes depuis l'été 1997. La baisse continue du chômage depuis presque un an constitue une tendance forte qu'il convient de rendre durable et d'amplifier. Le nouveau dispositif de réduction du temps de travail va dans ce sens : il vise à faire bénéficier le plus grand nombre de personnes de la croissance. De même, les emplois-jeunes donnent à ceux-ci de réelles chances d'insertion. Pour financer la montée en charge de ces dispositifs, les crédits du budget de l'emploi progressent de 4,1 %, soit 6,5 MdF de plus qu'en 1998.
En amont, l'éducation est le lieu où les jeunes acquièrent le plus de chances durables. Tous doivent y avoir accès de façon égale et dans les meilleures conditions. C'est pourquoi les dotations consacrées à l'enseignement scolaire progressent de 3,8 %. Elles permettent de poursuivre les actions de lutte contre l'exclusion sociale en milieu scolaire et notamment d'accueillir 60 000 emplois-jeunes, aux côtés des enseignants, pour encadrer les élèves. Les moyens consacrés à l'enseignement supérieur connaissent une évolution encore plus forte, de 5,5 %, compte tenu des besoins démographiques et sociaux : 800 emplois y sont créés et des moyens importants sont prévus au titre du futur plan social étudiant.
Par ailleurs, la solidarité doit animer l'action publique en vue de faire reculer les situations de précarité. La loi relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions donne une orientation majeure à la politique gouvernementale dans ce domaine. Les moyens du budget de la santé et de la solidarité sont renforcés à ce titre (+ 4,5 %). De même, la politique de la ville va être relancée : les dotations de ce budget sont portées à 1 MdF, soit une progression de plus de 32 %.
2. l'amélioration des conditions de la vie quotidienne :
L'État doit assurer pleinement ses missions régaliennes et garantir un égal accès de tous au service public. C'est pourquoi le Gouvernement donne la priorité à la justice et à la sécurité publique. L'amélioration de notre cadre de vie passe également par le développement de la culture et le renforcement des mesures en faveur de l'environnement. Avec 3 MdF de moyens supplémentaires, ces actions connaîtront une hausse globale de près de 4 %.
La priorité donnée à la justice en 1998 sera renforcée en 1999 (+ 5,5 %). Ce ministère fait progresser de nombreux chantiers de front, afin de mieux répondre aux besoins des usagers, renforcer les libertés, réduire les délais de jugement. L'accélération des procédures pénales, le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, ou encore le développement des maisons de justice, sont autant d'exemples concrets des efforts que nous menons pour rapprocher la justice de nos concitoyens. Dans ce cadre, 930 emplois sont créés, qui devraient avoir des retombées immédiates et concrètes sur le fonctionnement de celle-ci.
Dans le même temps, les moyens alloués à la sécurité publique sont renforcés (+ 3 %), en particulier les moyens de fonctionnement de la police et les crédits d'investissement du ministère de l'intérieur.
Le budget de la culture connaîtra également une progression dynamique de ses crédits, lui permettant d'atteindre 0,96 % du montant total des dépenses de l'État en 1999.
L'environnement constitue enfin une composante essentielle de notre cadre de vie. Les moyens de ce ministère connaissent une progression sans précédent (+ 15,1 %) compte tenu du nombre croissant de ses missions, que ce soit en matière de prévention des risques écologiques, de lutte contre les nuisances comme le bruit, ou simplement d'entretien du milieu naturel.
3. Les priorités du Gouvernement sont financées par des redéploiements permettant de concentrer l'action publique et d'améliorer la qualité de la dépense.
La procédure d'élaboration du budget pour 1999 a été sélective : le réexamen de chaque dépense, au franc le franc, a permis d'engager des efforts de rationalisation et de modernisation chaque fois que cela était nécessaire, et d'orienter les moyens dégagés vers les actions prioritaires.
Quelques exemples illustrent cette orientation.
En matière d'emplois, le Gouvernement a retenu comme objectif la stabilisation des effectifs civils, de même que l'an dernier. Cette orientation, loin de se traduire par le statu quo, a donné lieu à des redéploiements importants. Les créations d'emplois dans les secteurs prioritaires, en particulier de la justice et de l'enseignement supérieur, ont été intégralement compensées par des suppressions d'emplois dans d'autres ministères.
De même, la professionnalisation des armées se traduit par des mouvements importants de personnels : les effectifs d'appelés seront diminués de plus de 44 000 unités en 1999. En contrepartie seront créés 5 400 emplois, notamment des emplois d'engagés, et il sera également fait appel à plus de 5 000 volontaires.
Le ministère de la défense est concerné au premier chef par une telle réforme. Il poursuit ainsi l'adaptation de ses moyens humains. Parallèlement, avec 86 MdF de crédits d'équipement, il pourra pleinement mettre en uvre les engagements résultant de la revue des programmes.
Parallèlement, grâce à l'effort de modernisation et de rationalisation engagé depuis plusieurs années, le budget des affaires étrangères et de la coopération est stabilisé. Le regroupement des deux ministères constitue à ce titre une étape fondamentale, destinée à renforcer notre outil diplomatique.
Enfin, notre action sur la dette publique constitue un excellent exemple de redéploiement d'une dépense improductive au profit des dépenses que nous soutenons, comme celles relatives à l'emploi. Dominique Strauss-Kahn a déjà expliqué pourquoi la dette était l'ennemie de la gauche. Je n'y reviens pas. Je donnerai juste un chiffre : l'endettement par actif est passé de 128 000 F par an en 1993 à 192 000 F par an en 1998. Cette somme représente près de deux années et demi de SMIC.
Nous nous sommes fixés pour objectif d'inverser cette tendance. D'ores et déjà, nous dégageons quelques marges sur le budget de l'État : alors que la part de la charge de la dette dans la dépense totale a continûment augmenté ces dernières années, passant de moins de 12 % en 1993 à 15 % en 1997, cette part a baissé pour la première fois en 1998 et devrait être ramenée à 14,6 % en 1999.
Conclusion :
une réforme de gauche
Nous engageons donc aujourd'hui une nouvelle étape - plus substantielle que celles que nous avions engagées depuis un an - de la réforme de notre fiscalité, et surtout profondément différente des réformes qui avaient été annoncées ou menées avant le premier juin 1997. La réforme est concertée, elle est progressive, elle est cependant profonde.
Nous avons pris des engagements, à l'occasion de la campagne électorale, de la déclaration de politique générale du Premier ministre ou du vote des mesures d'urgence. Qu'il s'agisse, pour ne prendre que quelques exemples, de l'augmentation de l'ISF, des baisses de TVA, de la baisse sur les droits de mutation à titre onéreux, de la baisse de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, ces engagements sont respectés.
Nous avons fait des choix en faveur du travail et au détriment du capital, en faveur du capital productif et au détriment du capital dormant, en faveur de la jeunesse, en faveur de l'environnement, en faveur de la fiscalité indirecte, en faveur d'une baisse - financée - des impôts. Nous réformons - enfin - les impôts les plus archaïques de notre système fiscal : les droits d'enregistrement, les impôts locaux. Nous le faisons pour l'emploi, pour la justice sociale.
Ces choix marquent une rupture avec les choix d'hier. Ils dessinent les contours d'une réforme fiscale de gauche. C'est cette réforme fiscale que nous proposons aux Français et que nous poursuivrons demain.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 15 octobre 2001)
Il y a un an, le déficit budgétaire était compris entre 3,5 % et 3,7 % ; en excluant la soulte de France-Télécom, il était même supérieur à 4 %. Aujourd'hui, je confirme qu'il sera en 1999 au maximum de 2,3 %.
*Il y a un an, nous devions veiller à ne pas briser, comme cela avait été le cas dans le passé, une conjoncture hésitante. Aujourd'hui, il s'agit de contribuer à installer une croissance durable.
*Il y a un an, l'opinion considérait la progression du chômage comme une fatalité. Aujourd'hui, si le taux de chômage reste fort, notamment pour le chômage de longue durée, tous les indicateurs de confiance ont retrouvé des niveaux élevés.
*Il y a un an, nous étions contraints d'adopter des mesures d'urgence pour qualifier la France pour l'euro. Aujourd'hui, la France fait partie des onze pays qui partagent l'euro et nous mettons en place, dans la fidélité à nos engagements, une réforme profonde de la fiscalité.
*Il y a un an, nous devions instaurer un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des grandes entreprises. Aujourd'hui, nous pouvons annoncer, et c'est une bonne nouvelle pour les Français, une baisse d'impôts.
Nous sommes le 22 juillet 1998 et notre rendez-vous, à ce stade de préparation de la loi de finances, n'est pas habituel. Il tient notamment à la modification du calendrier budgétaire qui a été décidée pour permettre au Parlement un examen plus approfondi. Il s'inscrit donc entre le débat d'orientation budgétaire, qui a eu lieu en juin, et la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres, qui aura lieu le 9 septembre prochain. Il sera donc, logiquement, plus précis que le premier mais moins que le second.
Première partie :
le contexte macro-économique
Les objectifs annoncés seront tenus :
*La croissance est là.
*Les finances publiques sont en voie de redressement.
1. Une croissance solide, tirée par la demande intérieure.
L'environnement international est plus incertain que lors de notre prévision de l'automne dernier :
*d'une part, les nouvelles de l'Asie ne sont pas toutes rassurantes. Si les pays atteints par la crise de 1997 semblent approcher du creux de la vague, le choc a été plus rude que ne le croyaient les experts il y a six mois et la profondeur de la récession au Japon comme les difficultés de son système financier n'ont pas encore trouvé de solutions complètement satisfaisantes.
*d'autre part, le ralentissement de l'économie britannique apparaît particulièrement marqué, notamment dans l'industrie.
Toutefois, la prévision de 3 % pour 1998 sera, au minimum, respectée. L'INSEE annonce 3,2 %. Nous établirons notre propre prévision début septembre, elle sera peut-être légèrement supérieure à 3 %. Nous prenons notre temps pour avoir, comme en 1997, la prévision la plus fiable possible.
Quoiqu'il en soit, quelques remarques s'imposent.
La reprise de l'économie française s'inscrit dans un contexte de croissance retrouvée de l'ensemble des économies de la zone euro, mais elle semble plus forte encore : la croissance de l'économie française sera en 1998 la plus élevée des grands pays européens
Au cur du dynamisme de l'économie française se trouve la vigueur des créations d'emplois. Avec 300 000 emplois, notre dernière prévision de création d'emplois pour 1998 sera certainement dépassée alors que, en Allemagne par exemple, les effectifs employés ne progresseront pratiquement pas.
L'ampleur des créations d'emplois explique la hausse sensible du revenu disponible des ménages. Selon l'INSEE, elle pourrait dépasser 3 % en 1998, soit le meilleur résultat depuis 1990.
Cette hausse du revenu des ménages provient aussi d'une progression rapide des salaires : depuis le 1er juillet 1997, le pouvoir d'achat du SMIC a augmenté de plus de 5 %.
Enfin, la hausse du pouvoir d'achat des ménages résulte du choix de politique économique fait à l'été 1997 : les ménages ont été épargnés par l'effort de redressement des comptes publics ; à l'inverse, un certain nombre de mesures ciblées ont été prises pour soutenir la consommation.
L'évolution de la consommation des ménages constitue, d'ailleurs, la bonne nouvelle de la période récente : fin mai, le glissement annuel de la consommation des ménages en produits manufacturés dépasse de 6 % son niveau de l'an dernier. L'INSEE envisage pour la consommation totale une hausse de près de 3 % en 1998 (soit un peu plus d'un demi point de plus que notre prévision du printemps dernier).
Au total, la reprise apparaît en France particulièrement solide car elle est désormais tirée pour l'essentiel par la demande intérieure.
Le rythme élevé de la consommation, qui a déclenché un réveil de l'investissement, nous permettra d'atteindre nos objectifs de croissance pour 1998 et 1999 malgré la dégradation de l'environnement international
2. Notre politique budgétaire nous a redonné des marges d'action.
a) Fixer, et respecter, un objectif de dépenses pour l'État comme pour les autres administrations publiques.
Pour le budget de l'État, je l'avais annoncé en avril dernier : nous visions une progression maîtrisée de 1 % en volume en 1999. Cet objectif sera tenu, Christian Sautter y reviendra. Il nous permet de financer les priorités publiques, tout en faisant croître les dépenses nettement moins que le PIB et que plusieurs pays européens dont la Grande-Bretagne. Le ratio "dépenses de l'État/PIB" va donc décroître en 1999 comme en 1998.
C'est aussi un impératif pour les autres administrations publiques, dont la Sécurité sociale, Martine Aubry a raison d'y insister : les dépenses d'assurance-maladie doivent être tenues par rapport à l'objectif de croissance de 2,2 % en 1998. Il ne faut pas que les fruits de la croissance soient préemptés par certains professionnels de santé : le principe de la régulation des dépenses, introduit par Pierre Bérégovoy et René Teulade en 1992, doit être complété, y compris par une vraie restructuration de l'offre de soins (médecine de ville, médicament, hôpital).
Au total, depuis deux ans, les dépenses publiques progressent nettement moins vite que précédemment (graphique D).
b) Inverser la spirale de la dette.
J'avais annoncé une réduction de 0,7 % du déficit public en 1999, de 3,0 % à 2,3 %. Cette ambition aussi sera tenue. Certains jugent que ce déficit est encore excessif : c'est vrai, mais le rythme du redressement est un des plus élevés de l'Union européenne (il n'y a guère que le Danemark qui fasse un effort plus important). Cet effort sera poursuivi en 2000 et au-delà. Le déficit structurel sera réduit en 1999 de 0,3 point.
À partir de l'an 2000, la France aura ainsi réussi ce qu'elle n'a jamais pu faire depuis vingt ans : faire reculer le ratio de la dette par rapport au PIB ; transformer la spirale de la dette en cercle vertueux du désendettement.
C'est une nécessité :
-pour que, dès maintenant, les dépenses liées à la dette (la rente) reculent au profit de dépenses productives ;
-pour que, à moyen terme, nous puissions utiliser activement l'arme budgétaire quand le cycle économique deviendra moins favorable. Il faut recharger nos batteries aujourd'hui pour que la croissance soit plus durable demain ;
-pour que, à long terme, soit préservée la solidarité avec les générations à venir. J'ai dit que la dette était l'ennemie de la gauche ; c'est aussi parce que la dette est l'ennemie de la jeunesse.
c) Faire baisser les impôts.
Après quatre années de hausse continue des prélèvements, Lionel Jospin a pris l'engagement de les stabiliser, et si possible de les baisser.
Après une première baisse des prélèvements obligatoires en 1998, nous tablions jusqu'à présent sur une stabilisation en 1999.
Je n'ai pas aujourd'hui l'estimation définitive des recettes pour 1999 - nous la fixerons en septembre -, mais C. Sautter et moi sommes d'ores et déjà en mesure d'annoncer que la réforme fiscale s'accompagnera d'une baisse des impôts. Nous avons pu en effet dégager à cette fin une marge de manuvre pour deux raisons :
*pour la première fois depuis longtemps, les dépenses en exécution sont tenues par rapport à la loi de finances. C'était le cas en 1997, ce le sera très probablement en 1998, sans qu'aucun " gel " ait été nécessaire ;
*les recettes fiscales sont, par ailleurs, légèrement supérieures à ce qui était prévu. D'abord parce que la croissance s'est rééquilibrée au profit de la demande intérieure et de la consommation - et donc de la TVA. Ensuite - et au moins autant - parce que les impôts rentrent mieux, du fait de la lutte contre la fraude fiscale.
Il y a donc une marge que l'on peut raisonnablement estimer à une douzaine de milliards de francs : ce sont donc les mesures nouvelles que nous proposerons au Parlement. Il faut y ajouter les baisses d'impôts déjà annoncées et pour lesquelles nous tiendrons nos engagements : crédit d'impôt emploi, crédit d'impôt entretien. Au total, il y aura 16 MdF de baisses d'impôt, par rapport à ce qu'aurait été l'évolution spontanée des recettes.
Notre stratégie budgétaire, sous réserve des derniers ajustements d'ici le 9 septembre, se dessine donc clairement. Elle partage nos marges en trois tiers à peu près égaux :
*seize milliards de francs pour la progression des dépenses en volume, pour financer les priorités,
*seize milliards de francs pour la baisse des impôts,
*une vingtaine de milliards de francs pour la réduction du déficit.
C'est, me semble-t-il, un bon équilibre.
Deuxième partie :
La réforme de la fiscalité
Les Français considèrent que le poids de la fiscalité est excessif. Ils ont raison. Ils considèrent ce poids d'autant plus excessif qu'ils jugent, par ailleurs, notre système fiscal injuste, inefficace et complexe. Ils ont encore raison. Ils doutent de la capacité des responsables politiques à modifier ce système fiscal. Nous voulons les convaincre aujourd'hui qu'une réforme est non seulement nécessaire mais aussi possible. Mieux, nous voulons leur montrer qu'une réforme progressive et profonde est engagée.
Le Premier ministre a fixé, notamment dans sa déclaration de politique générale, les objectifs que devait atteindre cette réforme de la fiscalité. Ce sont ces objectifs que poursuit la politique fiscale du Gouvernement depuis un an. Les mesures que nous présentons aujourd'hui constituent une étape importante dans la poursuite de ces objectifs.
*L'emploi d'abord, notamment par la suppression de la taxe professionnelle assise sur les salaires et par une série de mesures qui favorisent ceux qui produisent, qui bougent, qui créent, qui innovent. C'est une fiscalité du mouvement.
*La justice fiscale, ensuite, à la fois par une augmentation de près de 30 % du rendement de l'ISF, par la révision des bases locatives des impôts locaux, par des baisses ciblées de la TVA et, pour la première fois depuis vingt ans, par la stabilité de la TIPP sur l'essence.
*L'environnement, encore, notamment par l'alignement progressif de la fiscalité sur le gazole sur l'écart européen moyen.
*Cette réforme comprend, en outre, la suppression pure et simple de plusieurs taxes, notamment sur les timbres de la carte d'identité ou sur les droits d'examen pour le permis de conduire.
I - La méthode : une réforme concertée et progressive
La réforme que nous présentons aujourd'hui tient, pour commencer, à une réflexion sur la méthode, dans une matière, la fiscalité, plus sensible que toute autre. Des expériences passées, y compris de notre propre expérience, nous avons tiré deux leçons.
*Pour être la plus adaptée possible aux réalités, la réforme doit être concertée.
*Pour être acceptable et efficace, elle doit être progressive.
1. Une réforme concertée.
*La concertation n'est pas spontanément la pratique du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Elle le devient largement depuis un an. Bercy écoute et Bercy entend. C'est vrai dans de nombreux domaines, notamment dans le secteur financier. C'est vrai, et la novation est sans doute plus notable encore, dans le domaine fiscal.
*Au-delà des relations traditionnelles et suivies que nous entretenons avec les commissions des finances des deux assemblées, Christian Sautter et moi-même avons engagé une concertation sans précédent, depuis plus de deux mois, avec le Parlement mais aussi avec les partenaires sociaux et les élus locaux.
*Cette concertation a été d'une grande qualité et donc, pour le Gouvernement, d'une grande utilité. Elle a apporté des idées nouvelles, que nous avons toujours expertisées et souvent retenues. Elle a traduit, inévitablement, des divergences, qu'il a appartenu au Gouvernement de trancher. Mais elle a souligné également des convergences, au minimum autour des objectifs, sur lesquelles nous nous sommes appuyés.
2. Une réforme progressive
*Progressive, pour ne céder ni à la tentation de l'immobilisme, ni au mythe du grand soir fiscal.
*Progressive, pour procéder de manière méthodique, en ne modifiant pas chaque impôt chaque année mais, au contraire, en déterminant clairement les chantiers ouverts afin d'écarter l'instabilité des règles fiscales, spécificité française qui rend notre système à la fois illisible et inefficace.
C'est ainsi que nous avons traité la fiscalité des revenus de l'épargne et les niches de l'IR et de l'IS avec la loi de finances pour 1998 ; principalement la fiscalité locale, la fiscalité du patrimoine et la fiscalité écologique, avec la prochaine loi de finances.
*Progressive, cela signifie enfin que les réformes que nous vous présentons aujourd'hui pourront voir leur mise en uvre s'étaler dans le temps ; tel est notamment le cas pour la réforme de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.
II - Le contenu : une vraie réforme de structure
Trois objectifs : l'emploi, la justice fiscale, l'écologie.
1. Une fiscalité plus favorable à l'emploi
Cette priorité a été rappelée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale et la politique menée par le Gouvernement a déjà permis de commencer à réduire le chômage. Dès la loi de finances pour 1998, certaines mesures fiscales ont été arrêtées en vue de favoriser l'emploi : un crédit d'impôt de 10 000 F par emploi créé a été institué pour les petites et moyennes entreprises et un crédit d'impôt pour la réalisation de dépenses d'entretien de l'habitation principale, égale au montant de la TVA acquitté au titre de ces dépenses, a été mis en place. Cet effort pour l'emploi est aujourd'hui considérablement amplifié.
a) supprimer la taxe professionnelle sur les salaires
La taxe professionnelle a été créée en 1975. On ne compte plus les déclarations la critiquant ni les rapports proposant de la réformer.
C'est un impôt très imparfait :
*il est unique en Europe et pèse donc sur la compétitivité des entreprises et de l'économie française ;
*il est facteur d'inégalités entre les collectivités locales, y compris au sein d'une même agglomération ; j'y reviendrai en évoquant les mesures sur la justice fiscale ;
*il frappe les salaires et renchérit donc le coût du travail : c'est un frein à l'embauche souvent dénoncé.
En dépit de ces défauts, aucun Gouvernement n'a jusqu'à maintenant entrepris une réforme en profondeur de cet impôt.
C'est ce que nous engageons aujourd'hui.
Pour favoriser l'emploi, le Gouvernement proposera de diminuer les prélèvements qui pèsent sur le travail en supprimant sur 5 ans la taxe professionnelle sur les salaires, qui représente 35 % de l'assiette globale de cette taxe. Les modalités retenues aboutiront à une suppression totale pour 69 % des établissements redevables dès 1999.
Cette décision conduira à un allégement rapide et de grande ampleur de la taxe professionnelle payée par les secteurs à forte intensité de main d'uvre. Elle conduira, par exemple, à un allégement de la TP de 50 % dans le secteur du bâtiment. Elle sera compensée par l'État et sera donc neutre pour les collectivités locales. On peut en attendre de l'ordre de 25000 emplois durables du fait des mesures adoptées en 1999 et, à terme, plus de 100000 emplois créés.
b) favoriser l'utilisation productive du capital
Le dynamisme de l'économie et par conséquent la création d'emplois sont dans notre pays handicapés par divers obstacles qu'il importe de lever pour que la croissance dure le plus longtemps possible. Plusieurs mesures significatives auront pour objet de remédier aux blocages fiscaux qui conduisent à la stérilisation du capital.
réduire significativement et de façon permanente les impôts pesant sur les ventes de locaux d'habitation.
Ces impôts, que l'on dénomme " frais de notaire " dans le langage courant, sont particulièrement élevés en France.
Ils passeront désormais en moyenne à 6 % - ce qui représente une baisse de 20 % -, par la suppression de la part régionale. Les collectivités attributaires de ces droits bénéficieront là aussi d'une compensation. Cette mesure entrera en vigueur dès le premier septembre prochain.
inciter à la transmission anticipée des entreprises en amplifiant le taux de réduction des droits de mutation dus en cas de donations.
Ces droits seront dorénavant réduits de 50 % lorsque le donateur sera âgé de moins de 65 ans et de 30 % lorsque le donateur a entre 65 et 75 ans.
uniformiser les droits de mutations à titre onéreux applicables en cas de cession d'immeubles industriels et commerciaux.
Ces droits varient actuellement fortement selon la forme juridique que prend la cession. Cette réforme s'opérera à ressource constante pour les collectivités locales. La diminution des ressources provenant de la baisse des droits sur les ventes directes d'immeubles d'entreprise sera compensée par l'augmentation des droits sur les ventes indirectes par cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière.
favoriser l'innovation.
Avec Claude Allègre, nous entendons favoriser le capital de proximité investi dans les entreprises de croissance. Ainsi, le dispositif actuel de déduction fiscale pour les personnes physiques qui investissent dans des PME nouvelles sera pérennisé et le régime des fonds communs de placements dans l'innovation (FCPI) sera assoupli. Nous avons aussi décidé d'élargir le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises à toutes les entreprises à fort potentiel de croissance, notamment celles de moins de quinze ans.
Notre parti-pris est simple : que notre fiscalité frappe la rente - c'est le sens économique de l'ISF - et les capitaux dormants ; qu'elle favorise au contraire davantage le mouvement, la production, l'innovation.
c) simplifier les obligations fiscales des petites entreprises
La complexité fiscale peut parfois être mise à profit par les grandes entreprises mais elle constitue un véritable " impôt caché " pour les petites entreprises. Le Gouvernement a déjà mené, sous l'impulsion de Marylise Lebranchu, secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, un important effort de simplification des relations entre l'administration et les petites entreprises.
Une simplification radicale des obligations au titre de la TVA pour plus de 500 000 très petites entreprises sera mise en uvre en 1999.
Il s'agit d'exonérer de TVA les biens livrés et les prestations facturées par les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas, selon les professions, 175 000 F ou 500 000 F, alors que le seuil actuel est fixé à 100 000 F. Ces entreprises n'auront donc plus à souscrire de déclarations de TVA.
2. Une fiscalité plus favorable à la justice sociale
Des mesures ont déjà été prises en 1998 pour réduire les inégalités fiscales : ainsi, les diverses mesures adoptées - et notamment le transfert des cotisations salariales maladie vers la CSG - vont aboutir à une augmentation d'au moins 40 % des recettes tirées de la fiscalité sur les revenus du capital. Un rééquilibrage majeur de la fiscalité du travail et du capital a ainsi été effectué.
La recherche de la justice fiscale doit se poursuivre en modernisant la taxe d'habitation, en réduisant les inégalités entre collectivités locales, en durcissant la fiscalité pour les gros patrimoines, et en allégeant les impôts indirects pesant sur les ménages.
a) moderniser les valeurs locatives cadastrales servant de base aux impôts locaux
Les principaux impôts locaux (taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe professionnelle) sont aujourd'hui encore calculés sur la base de valeurs locatives établies, s'agissant des propriétés bâties, en 1970. C'est peu dire que ces bases rendent compte de manière très imparfaite des facultés contributives réelles des redevables de ces impôts. Cela fait de la taxe d'habitation l'impôt le plus injuste de France.
C'est pourquoi le Gouvernement proposera d'intégrer pour le calcul des impôts locaux, et principalement pour l'établissement de la taxe d'habitation, les nouvelles évaluations cadastrales issues de la révision autorisée par la loi du 30 juillet 1990.
Cette intégration interviendra au 1er janvier 2000. Elle se traduira par un allégement significatif de la taxe d'habitation payée par une grosse majorité des ménages, notamment ceux disposant de faibles ressources. Elle sera mise en uvre progressivement afin d'éviter de trop fortes variations des impôts pour les contribuables plus aisés et, en tout état de cause, ne pourra se traduire pour personne par une hausse supérieure à trois cents francs et à 15 % par an.
b) introduire une vraie solidarité entre les collectivités locales par une réforme de la taxe professionnelle.
Pour lutter contre les inégalités entre communes, il s'agit de renforcer la péréquation nationale et régionale de la taxe professionnelle, avec une dimension particulière pour l'Ile-de-France. Par ailleurs, le Gouvernement, à l'initiative de Jean-Pierre Chevènement, souhaite créer, pour les agglomérations, une taxe professionnelle unique appuyée sur un fort mécanisme incitatif.
Ces mécanismes seront précisés pour partie dans la prochaine loi de finances et pour partie dans le projet de loi sur l'intercommunalité que présentera Jean-Pierre Chevènement. Il s'agit d'éléments essentiels pour la politique de la ville et l'aménagement du territoire.
c) renforcer la fiscalité pour les gros patrimoines et les placements financiers.
aménager substantiellement l'ISF
Il faut aménager la fiscalité du patrimoine afin d'empêcher une évasion que les imprécisions de la loi sur l'ISF permettent aujourd'hui. Il convient aussi d'achever le rééquilibrage entre la fiscalité du travail et celle du capital. C'est pourquoi le Gouvernement propose d'une part, une série de mesures destinées à la fois à lutter contre l'évasion fiscale et les délocalisations de personnes physiques et, d'autre part, la création d'une nouvelle tranche de 1,8 % pour les 800 patrimoines supérieurs à 100 MF.
L'ensemble de ces mesures contribuera à augmenter de 30 % le rendement de l'ISF, qui pourrait être porté de 11 MdF en 1998 à environ 14,5 MdF en 1999.
moraliser l'exonération en matière de droits de succession pour l'assurance-vie
Le Gouvernement proposera de moraliser l'exonération des droits de succession dont bénéficient les produits d'assurance-vie, qui profite essentiellement aux plus gros patrimoines. Dorénavant, seuls pourront bénéficier totalement de cette exonération les primes investies jusqu'à 1 million de F. Au-delà de cette somme, les montants figurant sur des contrats d'assurance-vie ne pourront bénéficier de l'exonération que pour la fraction qui n'excède pas 30 % du patrimoine total du défunt.
réduire le taux de l'avoir fiscal pour les entreprises
Afin que la fiscalité ne favorise pas les placements financiers spéculatifs des entreprises, il est proposé de réduire en 1999 le taux de l'avoir fiscal dont elles bénéficient de 50 % à 45 %. Cette mesure, qui n'affectera pas les relations entre les sociétés mères et les filiales, ne change rien au taux de l'avoir fiscal qui concerne les ménages.
d) alléger la fiscalité indirecte pour les ménages modestes
baisser la TVA de 5 milliards de francs
Le Premier ministre s'était engagé, au cours de la campagne électorale, à baisser la TVA sur les produits de première nécessité. Il avait rappelé, au cours de son discours de politique générale, que le Gouvernement examinerait les conditions de cette baisse, qui pourrait être envisagée dès que la situation budgétaire le permettrait. Une première étape avait été accomplie en ce sens lors de la loi de finances pour 1998, qui a prévue une baisse de 20,6 % à 5,5 % de la TVA applicable aux travaux de rénovation dans le logement social.
Cette mesure importante sera complétée en 1999. L'ancienne majorité avait relevé le taux de la TVA sur les abonnements à l'électricité et au gaz, par deux fois, en 1994 et 1995. Nous proposons de revenir au taux de 5,5 %, ce qui bénéficiera tout particulièrement aux ménages modestes. Cette mesure sera accompagnée d'une diminution à 5,5 % de la TVA applicable à certains appareillages pour les personnes handicapées, de la TVA applicable sur la collecte, le traitement et l'élimination des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif et de la TVA applicable aux travaux d'amélioration des logements sociaux privés.
supprimer des impôts indirects archaïques
Il est rare qu'un Gouvernement propose de supprimer des " petits impôts " qui sont peu sensibles et d'un rendement parfois significatif. En effet, s'il est aisé de relever un impôt après l'avoir abaissé, il est plus difficile de créer un nouvel impôt.
Mais certains de ces impôts, comme le droit de timbre sur les cartes nationales d'identité ou encore le droit d'examen pour les permis de conduire, pénalisent avant tout les ménages modestes et les jeunes contribuables. C'est pourquoi le Gouvernement proposera de supprimer ces deux impôts dès le 1er septembre 1998, ce qui bénéficiera à plus de 4 millions de ménages.
Cet effort s'accompagnera d'autres suppressions d'impôt surannés, comme, par exemple, la taxe sur les allumettes et les briquets ou encore la taxe sur les sucres servant à la fabrication d'apéritifs à base de vin, etc.
3. Une fiscalité plus favorable à l'écologie
De nombreuses mesures ont illustré la volonté du Gouvernement de pénaliser les activités polluantes. De nouvelles mesures s'inspireront de cette importante orientation gouvernementale en matière fiscale.
a) amorcer dès 1999 le rattrapage de la TIPP sur l'essence sans plomb par la TIPP sur le gazole
Il est indispensable de mettre fin à la singularité de la France en Europe en ce qui concerne l'écart de taxation du gazole et de l'essence sans plomb (1,43 F/l contre 0,93 F/l en moyenne dans l'Union européenne).
Il est donc proposé de rattraper la différence par rapport à l'écart moyen communautaire en 7 ans. En 1999, la première étape de ce rattrapage - qui sera d'un montant de 7 centimes - s'accompagnera pour la première fois depuis 20 ans d'une stabilité de la TIPP sur l'essence sans plomb carburant moins polluant.
b) favoriser l'acquisition de véhicules propres
Cette mesure de relèvement des taxes sur le gazole s'accompagnera d'un certain nombre de dispositions favorables aux véhicules propres, notamment aux véhicules bicarburés.
c) rationaliser les taxes sur la pollution
Il existe aujourd'hui de multiples taxes sur la pollution, affectées à des organismes très divers. Il en résulte une complète illisibilité de la politique fiscale de lutte contre la pollution et de réelles difficultés de gestion.
C'est pourquoi le Gouvernement proposera de substituer dès l'année 1999 aux taxes sur la pollution existantes une taxe unique, appelée taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), affectée au budget de l'État. Ceci conduira à la suppression de 5 impôts existants. La TGAP aura vocation à être transformée en une véritable " écotaxe " une fois qu'auront abouties les négociations actuellement menées au niveau communautaire sur ce sujet.
III - Les effets : une baisse des impôts
L'ensemble des mesures évoquées auront un effet majeur : les impôts vont baisser significativement en 1999.
*Si l'on examine le contenu de cette baisse, on peut dire qu'il se compose à la fois de suppression de taxes - il y en a cinq au total - et par des diminutions d'impôts - les plus importantes concernant la taxe professionnelle, la TVA et les impôts sur les ventes de locaux d'habitation. Elles profitent majoritairement aux ménages.
*Si l'on étudie le montant de cette baisse, il s'établit à 12 milliards de francs pour les mesures nouvelles et, si l'on intègre les mesures annoncées en 1998 mais qui ne prennent effet qu'en 1999 - je pense par exemple au crédit d'impôt emploi - à 16 milliards de francs.
*Si l'on réfléchit aux justifications de cette baisse, je dirai qu'elle correspond à nos engagements politiques et qu'elle marque la volonté de renforcer le potentiel de croissance ; du point de vue psychologique, après l'augmentation des prélèvements obligatoires de près d'un demi point de PIB par an entre 1993 et 1997, elle traduit une rupture heureuse : en effet, à l'instar de ce qui se passe pour 1998, la part des fruits de la croissance prélevée par la sphère publique descendra nettement en dessous des 40 % quand elle était en moyenne supérieure à 60 % entre 1993 et 1996
Troisième partie :
une progression maîtrisée des dépenses
Conformément à ce qui a été annoncé lors du débat d'orientation budgétaire, les dépenses de l'État augmentent de 1 % en volume dans le projet de budget pour 1999, soit environ 35 MdF. A ces moyens nouveaux s'ajoutent les redéploiements issus d'un examen minutieux de l'ensemble des dépenses. Les marges ainsi dégagées contribuent à financer les priorités du Gouvernement, qui sont de trois ordres :
*l'emploi et la justice sociale ;
*l'amélioration des conditions de la vie quotidienne ;
*des redéploiements permettant d'améliorer la qualité de la dépense publique.
1. l'emploi et la justice sociale :
Le Gouvernement, au nom de l'impératif de solidarité, a fait de la lutte contre le chômage et l'exclusion sa première priorité. Une telle voie passe par le renforcement de la politique de l'emploi mais aussi de l'éducation, de la solidarité, ou encore de la ville. Près de 23,5 MdF de moyens nouveaux seront consacrés à cet ensemble d'actions, soit une hausse globale de 4,2 %, correspondant à une augmentation en volume deux fois plus rapide que celle des dépenses de l'État.
L'emploi constitue la priorité numéro un de ce Gouvernement. La politique menée a permis une diminution du chômage de près de 150 000 personnes depuis l'été 1997. La baisse continue du chômage depuis presque un an constitue une tendance forte qu'il convient de rendre durable et d'amplifier. Le nouveau dispositif de réduction du temps de travail va dans ce sens : il vise à faire bénéficier le plus grand nombre de personnes de la croissance. De même, les emplois-jeunes donnent à ceux-ci de réelles chances d'insertion. Pour financer la montée en charge de ces dispositifs, les crédits du budget de l'emploi progressent de 4,1 %, soit 6,5 MdF de plus qu'en 1998.
En amont, l'éducation est le lieu où les jeunes acquièrent le plus de chances durables. Tous doivent y avoir accès de façon égale et dans les meilleures conditions. C'est pourquoi les dotations consacrées à l'enseignement scolaire progressent de 3,8 %. Elles permettent de poursuivre les actions de lutte contre l'exclusion sociale en milieu scolaire et notamment d'accueillir 60 000 emplois-jeunes, aux côtés des enseignants, pour encadrer les élèves. Les moyens consacrés à l'enseignement supérieur connaissent une évolution encore plus forte, de 5,5 %, compte tenu des besoins démographiques et sociaux : 800 emplois y sont créés et des moyens importants sont prévus au titre du futur plan social étudiant.
Par ailleurs, la solidarité doit animer l'action publique en vue de faire reculer les situations de précarité. La loi relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions donne une orientation majeure à la politique gouvernementale dans ce domaine. Les moyens du budget de la santé et de la solidarité sont renforcés à ce titre (+ 4,5 %). De même, la politique de la ville va être relancée : les dotations de ce budget sont portées à 1 MdF, soit une progression de plus de 32 %.
2. l'amélioration des conditions de la vie quotidienne :
L'État doit assurer pleinement ses missions régaliennes et garantir un égal accès de tous au service public. C'est pourquoi le Gouvernement donne la priorité à la justice et à la sécurité publique. L'amélioration de notre cadre de vie passe également par le développement de la culture et le renforcement des mesures en faveur de l'environnement. Avec 3 MdF de moyens supplémentaires, ces actions connaîtront une hausse globale de près de 4 %.
La priorité donnée à la justice en 1998 sera renforcée en 1999 (+ 5,5 %). Ce ministère fait progresser de nombreux chantiers de front, afin de mieux répondre aux besoins des usagers, renforcer les libertés, réduire les délais de jugement. L'accélération des procédures pénales, le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, ou encore le développement des maisons de justice, sont autant d'exemples concrets des efforts que nous menons pour rapprocher la justice de nos concitoyens. Dans ce cadre, 930 emplois sont créés, qui devraient avoir des retombées immédiates et concrètes sur le fonctionnement de celle-ci.
Dans le même temps, les moyens alloués à la sécurité publique sont renforcés (+ 3 %), en particulier les moyens de fonctionnement de la police et les crédits d'investissement du ministère de l'intérieur.
Le budget de la culture connaîtra également une progression dynamique de ses crédits, lui permettant d'atteindre 0,96 % du montant total des dépenses de l'État en 1999.
L'environnement constitue enfin une composante essentielle de notre cadre de vie. Les moyens de ce ministère connaissent une progression sans précédent (+ 15,1 %) compte tenu du nombre croissant de ses missions, que ce soit en matière de prévention des risques écologiques, de lutte contre les nuisances comme le bruit, ou simplement d'entretien du milieu naturel.
3. Les priorités du Gouvernement sont financées par des redéploiements permettant de concentrer l'action publique et d'améliorer la qualité de la dépense.
La procédure d'élaboration du budget pour 1999 a été sélective : le réexamen de chaque dépense, au franc le franc, a permis d'engager des efforts de rationalisation et de modernisation chaque fois que cela était nécessaire, et d'orienter les moyens dégagés vers les actions prioritaires.
Quelques exemples illustrent cette orientation.
En matière d'emplois, le Gouvernement a retenu comme objectif la stabilisation des effectifs civils, de même que l'an dernier. Cette orientation, loin de se traduire par le statu quo, a donné lieu à des redéploiements importants. Les créations d'emplois dans les secteurs prioritaires, en particulier de la justice et de l'enseignement supérieur, ont été intégralement compensées par des suppressions d'emplois dans d'autres ministères.
De même, la professionnalisation des armées se traduit par des mouvements importants de personnels : les effectifs d'appelés seront diminués de plus de 44 000 unités en 1999. En contrepartie seront créés 5 400 emplois, notamment des emplois d'engagés, et il sera également fait appel à plus de 5 000 volontaires.
Le ministère de la défense est concerné au premier chef par une telle réforme. Il poursuit ainsi l'adaptation de ses moyens humains. Parallèlement, avec 86 MdF de crédits d'équipement, il pourra pleinement mettre en uvre les engagements résultant de la revue des programmes.
Parallèlement, grâce à l'effort de modernisation et de rationalisation engagé depuis plusieurs années, le budget des affaires étrangères et de la coopération est stabilisé. Le regroupement des deux ministères constitue à ce titre une étape fondamentale, destinée à renforcer notre outil diplomatique.
Enfin, notre action sur la dette publique constitue un excellent exemple de redéploiement d'une dépense improductive au profit des dépenses que nous soutenons, comme celles relatives à l'emploi. Dominique Strauss-Kahn a déjà expliqué pourquoi la dette était l'ennemie de la gauche. Je n'y reviens pas. Je donnerai juste un chiffre : l'endettement par actif est passé de 128 000 F par an en 1993 à 192 000 F par an en 1998. Cette somme représente près de deux années et demi de SMIC.
Nous nous sommes fixés pour objectif d'inverser cette tendance. D'ores et déjà, nous dégageons quelques marges sur le budget de l'État : alors que la part de la charge de la dette dans la dépense totale a continûment augmenté ces dernières années, passant de moins de 12 % en 1993 à 15 % en 1997, cette part a baissé pour la première fois en 1998 et devrait être ramenée à 14,6 % en 1999.
Conclusion :
une réforme de gauche
Nous engageons donc aujourd'hui une nouvelle étape - plus substantielle que celles que nous avions engagées depuis un an - de la réforme de notre fiscalité, et surtout profondément différente des réformes qui avaient été annoncées ou menées avant le premier juin 1997. La réforme est concertée, elle est progressive, elle est cependant profonde.
Nous avons pris des engagements, à l'occasion de la campagne électorale, de la déclaration de politique générale du Premier ministre ou du vote des mesures d'urgence. Qu'il s'agisse, pour ne prendre que quelques exemples, de l'augmentation de l'ISF, des baisses de TVA, de la baisse sur les droits de mutation à titre onéreux, de la baisse de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, ces engagements sont respectés.
Nous avons fait des choix en faveur du travail et au détriment du capital, en faveur du capital productif et au détriment du capital dormant, en faveur de la jeunesse, en faveur de l'environnement, en faveur de la fiscalité indirecte, en faveur d'une baisse - financée - des impôts. Nous réformons - enfin - les impôts les plus archaïques de notre système fiscal : les droits d'enregistrement, les impôts locaux. Nous le faisons pour l'emploi, pour la justice sociale.
Ces choix marquent une rupture avec les choix d'hier. Ils dessinent les contours d'une réforme fiscale de gauche. C'est cette réforme fiscale que nous proposons aux Français et que nous poursuivrons demain.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 15 octobre 2001)