Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Commissaires,
Je souhaiterais en premier lieu vous remercier d'avoir inclus les conséquences de l'Erika sur l'économie touristique de notre pays dans le cadre de vos travaux d'enquête parlementaire.
Il est vrai que le tourisme est un secteur qui dépend beaucoup de la qualité paysagère et environnementale des sites qui permettent son développement, particulièrement sur le littoral.
Le naufrage de l'Erika et les intempéries de la fin de l'année 1999 ont constitué pour notre pays et plus particulièrement pour les régions de l'arc atlantique un véritable drame écologique et économique.
Mon propos portera aujourd'hui essentiellement sur la marée noire et ses conséquences sur le tourisme, un des secteurs économiques les plus touchés par cet événement.
Ce propos ne sera ni catastrophiste, ni délibérément optimiste. Il se veut simplement lucide. Cette lucidité faisant apparaître parfois vous le verrez quelques vérités contradictoires.
Je souhaiterais en premier lieu rappeler en quelques chiffres le poids du tourisme dans notre économie nationale et dans celle des principales régions touchées par le naufrage de l'Erika.
En 1999, la France, première destination touristique au monde avec plus de 72 millions de visiteurs étrangers, a enregistré un chiffre d'affaire touristique dépassant les 700 milliards de francs qui s'est traduit par un excédent à la balance des paiements de plus de 85 milliards de francs.
2 millions de personnes travaillent aujourd'hui directement ou indirectement dans ce secteur qui a créé pour la seule année 1999 près de 30.000 emplois dont 25.000 dans l'hôtellerie-restauration.
Dans cet ensemble, les 31 millions de touristes accueillis chaque année dans les trois régions du littoral atlantique (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes) dégagent un chiffre d'affaire supérieur à 70 milliards de francs.
Si le tourisme connaît aujourd'hui une croissance spectaculaire, il repose néanmoins sur un tissu de petites et moyennes entreprises qui restent globalement fragiles car sensibles aux moindres variations des contextes socio-économiques nationaux et internationaux.
Pour celles-ci comme pour les communes, le naufrage de l'Erika et ses conséquences sur l'environnement et sur l'économie locale a mis gravement en péril le déroulement d'une saison touristique particulièrement prometteuse et entaché sérieusement l'image touristique de la côte atlantique toute entière.
Face à ce drame, il fallait réagir extrêmement vite.
Aussi dès le 27 décembre, j'ai souhaité mettre en place un dispositif particulier de soutien à l'économie touristique qui avait été par le passé exclu des programmes d'indemnisation lors des précédentes marées noires qui ont frappé très douloureusement la Bretagne.
Ainsi, des rencontres avec les professionnels du tourisme et les élus, fortement mobilisés, ont permis d'analyser de manière précise les difficultés spécifiques rencontrées par le tourisme. Elles ont aussi permis d'identifier rapidement un certain nombre de mesures à même d'y faire face.
Dès le 13 janvier, j'ai pu présenter au Premier ministre tous les enjeux que représentaient pour l'économie nationale les répercussions sur l'industrie touristique de la marée noire et faire prendre en compte dans le programme d'indemnisation du gouvernement les particularités de ce secteur.
Ainsi, il a été accordé à compter de cette date des délais et des remises en matière d'impôts pour les entreprises qui se trouvent en butte avec des problèmes de trésorerie. Ceux-ci concernaient plus particulièrement la taxe professionnelle, la taxe d'habitation ou l'impôt sur les sociétés. Ils venaient compléter les procédures de dégrèvement déjà existantes pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
De même, les entreprises qui en ont fait la demande auprès des organismes sociaux ont pu et peuvent bénéficier de délais de paiement sur les charges sociales.
Le 28 février, au CIADT de Nantes, je présentais un certain nombre de mesures complémentaires et plus spécifiques en faveur des entreprises et des communes touristiques ayant subi des préjudices dans le cadre d'un plan de soutien à l'économie touristique des régions atlantiques.
A travers les dégâts environnementaux il est très vite apparu que c'était l'image même du tourisme français qui avait été atteinte.
Aussi, en premier point de ce plan d'action ai-je souhaité mettre en uvre rapidement, tant en France qu'à l'étranger, une campagne de communication en partenariat étroit avec les comités régionaux et départementaux du tourisme des régions les plus touchées, dans un souci constant de coordination et d'efficacité.
Cette campagne qui constitue une première dans notre pays s'est déroulée durant les mois de mars et avril derniers dans la presse étrangère et en France sur les grandes chaînes de télévision où des spots ont été diffusés sur le thème : "Respirez, vous êtes sur la côte atlantique".
Son budget global s'élève à 71,5 MF dont 41,5 MF apportés par l'État auxquels s'ajoutent une mise à contribution de 36 MF que j'ai obtenue de Total-Fina. Par ailleurs un certain nombre de régions et départements concernés ont souhaité mettre en uvre des campagnes de communication complémentaires. Celles-ci ont mobilisé un investissement supplémentaire de l'ordre de 43 MF.
Ce sont donc au total 114,5 MF qui ont été consacrés en 2000 à la restauration de l'image touristique de la France et plus particulièrement de sa côte atlantique.
Nous recueillons aujourd'hui positivement les fruits de cette campagne, mais j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard.
Le second point du plan d'action concerne des mesures générales en faveur des entreprises.
Suite à la marée noire, de très nombreux établissements doivent faire face à une dégradation de leurs comptes d'exploitation liée à l'interruption partielle ou totale de leur activité qu'ils cumulent pour quelques-uns d'entre eux avec les dégâts des intempéries.
Pour les aider dans cette passe difficile et favoriser leur accès au crédit, j'ai obtenu que le bénéfice du "fonds de garantie tempêtes" soit étendu aux entreprises touchées par la marée noire et ce à concurrence de 70 millions de francs.
Cela devrait permettre aux entreprises concernées l'accès à un montant global de prêts de plus d'un milliard de francs leur permettant de reconstituer leur trésorerie.
La Banque de développement des PME (BDPME) garantira ces prêts à hauteur de 70%.
Le troisième point du plan d'action a consisté à instaurer au sein de mon ministère, un outil de mesures pour l'État, mais surtout pour les professionnels, des inévitables pertes d'exploitation qui ne pourront être constatées réellement qu'à la fin de la saison.
Compte tenu des enjeux, il s'est avéré indispensable de renforcer l'observation des évolutions touristiques (évaluation des baisses de réservations et de chiffre d'affaires, modification des comportements des clientèles, études prospectives).
Ainsi, 2,5 millions de francs de crédits ont été consacrés à ce dispositif exceptionnel d'observation économique qui a été mis en place début janvier, avec le soutien méthodologique de l'inspection générale des finances et sous la responsabilité de notre observatoire national du tourisme.
Il a pour objectif de créer un système de référence fiable permettant aux entreprises d'étayer et de justifier leur demande d'indemnisation à leurs assurances comme au FIPOL puisque les dommages subis par les acteurs du tourisme y sont éligibles.
Cette prise en compte par le FIPOL, des dommages subis par l'économie touristique aura un effet sur le taux d'indemnisation qui sera retenu en juillet prochain.
En effet, celui-ci dépendra de l'évaluation globale des sinistres et en particulier dans le secteur qui est le principal concerné : le tourisme.
Le système d'observation mis en place, en lien avec ma collègue Florence PARLY, doit nous permettre d'approcher au plus près la réalité des conséquences de la marée noire.
Nous disposerons ainsi d'une première évaluation crédible de l'impact de celle-ci sur la fréquentation touristique dès la mi-juin.
Enfin, quatrième et dernier point, la remise en état du littoral atlantique sera l'occasion d'améliorer et de moderniser son offre touristique.
Différentes actions seront ainsi menées sur trois ans, touchant à :
l'aménagement des stations touristiques en vue d'une meilleure utilisation des plages et d'une gestion plus optimale des flux touristiques dans le respect de l'environnement propre au littoral,
l'amélioration de l'environnement et du cadre de vie des villages de vacances et des campings,
la mise en conformité des villages de vacances pour l'accueil des classes de mer.
Ces mesures encourageront des démarches de filières coordonnées à l'échelon régional de manière à favoriser des actions intercommunales entre les stations littorales et leur arrière-pays.
Pour mener à bien ces différentes actions, le gouvernement a pris la décision de consacrer une enveloppe de 114 millions de francs qui permettront d'élaborer des avenants aux volets tourisme des contrats de plan mis en place avec les régions Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine pour la période 2000/2003.
Il convient maintenant de se pencher sur les effets concrets de ces différentes mesures, notamment en matière de fréquentation touristique depuis janvier et pour l'avenir.
Malgré tous nos efforts, je tiens à souligner qu'il existe un certain nombre de difficultés objectives à mesurer au plus près des réalités l'impact véritable de la marée noire sur cette fréquentation.
En effet, sur le littoral atlantique, la saison touristique dépend d'un certain nombre de facteurs qui cette année encore en conditionneront pour partie le succès.
Je pense en premier lieu aux conditions climatiques qui jouent toujours, sur ce littoral, un rôle majeur.
Je pense aussi au caractère spécifique de la fréquentation qui sur cette côte est liée à un fort taux d'implantation de résidences secondaires qui, là, jouent un rôle plutôt favorable.
Je pense enfin au fait que nous sommes sur un secteur géographique faisant traditionnellement l'objet de peu de réservations ou de réservations de dernière minute, à la fois de la part du public français qui représente 60 % de la clientèle, mais aussi de la part du public étranger représenté à 80 % par les ressortissants d'Allemagne, de Grande Bretagne, de Belgique, des Pays-Bas et dans une moindre mesure de Suisse et d'Italie.
Je me permets de vous préciser que traditionnellement, dans ces régions, la part du chiffre d'affaires réalisée sur réservation, ne dépasse pas les 35 %.
Tenant compte de ces réserves, il nous est possible de faire un certain nombre de constats.
Ainsi, dans les trois régions Bretagne, Pays de Loire et Poitou-Charentes et sur les quatre premiers mois de l'année, l'hôtellerie n'a pas connu de chute spectaculaire de ses taux d'occupation. La fréquentation y est effectivement équivalente voire même supérieure à celle de l'an dernier.
Cependant il m'apparaît important de relativiser ce résultat qui est du pour une part importante aux séjours des professionnels et des bénévoles liés à la remise en état des sites touchés par la marée noire.
Par contre, on enregistre durant la même période une baisse du taux d'occupation des établissements le week-end, de l'ordre de 10 à 13 %, ce qui tendrait à montrer une défection de la clientèle de proximité.
Une observation plus fine des vacances de printemps et des premiers week-ends de mai fait apparaître les résultats suivants.
Concernant l'hôtellerie, celle-ci enregistre une baisse de la fréquentation de 10 à 20 % dans les établissements des départements de Vendée, de Loire-Atlantique et du Morbihan, de 0 à 10 % dans ceux de Charente-Maritime et du Finistère, ou seule la côte Sud est touchée par la marée noire. Enfin on constate une hausse légère (1 à 5 %) de cette fréquentation dans les Côtes-d'Armor.
Concernant les meublés, ce mode d'hébergement semble davantage affecté puisqu'on y enregistre une baisse de sa fréquentation, de l'ordre de 30 à 40 %, en Loire Atlantique et dans le Morbihan, de 20 à 30 % en Vendée et dans le Finistère. Les Côtes-d'Armor et la Charente-Maritime sont quant eux stables.
Pour les gîtes de France, on enregistre une baisse de 20 à 30 % en Vendée, de 10 à 20 % en Loire Atlantique et dans le Morbihan, de 0 à 10 % en Charente-Maritime et dans le Finistère. Dans les Côtes-d'Armor on constate par contre une augmentation de 3 à 10 %.
Globalement, 46 % des offices de tourisme considèrent que les vacances de printemps 2000 ont été analogues à 1999. 41 % d'entre eux estiment cette fréquentation en baisse.
En dehors de l'hébergement, les activités les plus touchées sont les activités de pleine nature, les activités nautiques et fluviales et la restauration dans une moindre mesure.
J'ai demandé à notre observatoire national du tourisme de procéder à une analyse comparative des réservations entre la saison 2000 à venir et la saison 1999.
Celle-ci s'est avérée impossible à mettre en uvre car nous ne disposons à ce jour d'aucune information en provenance des professionnels sur la situation des réservations des années antérieures qui nous permettrait de faire des comparaisons et d'établir des prévisions de fréquentation fiables.
Aussi, tout ce que vous pouvez lire ou entendre dans les médias nationaux ou étrangers ne repose sur aucune valeur scientifique et résulte souvent d'interprétations personnelles généralement subjectives.
Néanmoins pour satisfaire notre souci d'anticipation de la saison, notre observatoire national du tourisme s'est livré avec le soutien technique de la SOFRES, à des enquêtes sur les intentions de départ à destination de l'arc atlantique auprès d'un échantillon de 1.870 touristes français.
Les résultats des deux vagues d'enquêtes réalisées en mars et au début de ce mois montrent que 16 % des personnes ayant l'intention de partir en vacances et connaissant déjà leur lieu de destination partiront cet été sur l'arc atlantique.
Ce taux qui n'a pas varié d'une enquête à l'autre ne révèle donc aucun effondrement de la destination par rapport au début de l'année ni d'une année sur l'autre d'ailleurs. En effet, ce taux était de 17 % en 1999.
Il nous faudra néanmoins attendre la prochaine vague du mois de juin pour avoir une idée plus précise encore, du maintien du taux de fidélisation de nos concitoyens pour ce littoral atlantique.
Concernant les résultats de la campagne que nous avons menée en France et à l'étranger nous disposerons dans les semaines à venir des résultats d'études post test que nous avons fait réaliser et qui feront l'objet d'analyses précises de la part de notre ministère.
Néanmoins, je puis d'ores et déjà vous dire que concernant le marché français les opérations de communication de Maison de la France et des Comités régionaux et départementaux de tourisme, ont atteint une partie de leurs objectifs.
En effet, dans les régions du littoral aquitain et de Poitou-Charentes comme du Nord Bretagne, qui n'ont pas été touchées directement par la marée noire sur leur environnement mais qui ont subi un préjudice d'image, l'analyse de la fréquentation lors des vacances de printemps et des premiers week-ends de mai, démontre une nette amélioration de la situation qui laisse présager pour elles un bon déroulement de la saison.
L'amélioration n'est pas aussi significative pour les départements directement touchés par les effets du naufrage de l'Erika. Je pense au Finistère, au Morbihan, à la Loire-Atlantique et au nord de la Vendée même si l'on constate d'un département à l'autre une réelle reprise des demandes d'information et même des réservations.
Concernant nos visiteurs étrangers qui représentent un peu plus de 30 % de la fréquentation touristique de la côte atlantique, une fois encore les résultats sont contrastés. Je rappellerai rapidement les poids respectifs de nos principales clientèles touristiques étrangères de l'arc atlantique.
La Grande-Bretagne arrive en tête avec 35 % de la fréquentation étrangère. Elle est suivie de l'Allemagne qui en représente environ 20 %, des Pays-Bas pour 14 % et enfin de la Belgique pour 10 %.
Sur le marché allemand, nous enregistrons une baisse des réservations et des intentions de départ de l'ordre de 24 %.
Aux Pays-Bas on constate un report de fréquentation sur la Méditerranée et l'intérieur de la France.
L'Italie reste quant à elle un marché beaucoup plus stable. L'effet Erika s'y est estompé rapidement et n'y est plus d'actualité.
En Grande-Bretagne enfin, si la destination France reste globalement stable et si les courts séjours y enregistrent de bons résultats, nous constatons dans nos bureaux une baisse moyenne de 18 % des demandes d'informations spontanées sur les régions de l'arc atlantique. Celle-ci était de l'ordre de 25 % il y a encore quelques semaines.
Pour conclure, je dirai que si la côte atlantique a été très touchée dans son image, les résultats enregistrés en ce début d'année et les perspectives pour la saison estivale sont nettement en dessous de ce que nous redoutions le plus.
Rappelons que les premières estimations au lendemain du naufrage de l'Érika nous laissaient présager le pire avec des phénomènes d'annulation et des baisses prévisibles de fréquentations estimées par les tours-opérateurs en particulier étrangers aux alentours de 35 à 60 % .
Je le confirme, la lucidité a pris le pas sur le catastrophisme.
L'action, très tôt engagée, par le Gouvernement, les collectivités locales et territoriales, tous les acteurs du Tourisme, avec l'aide de milliers de bénévoles, y a largement contribué.
Je tiens à souligner à ce propos l'investissement permanent de mon administration centrale et des services déconcentrés qui ont été, depuis le 27 décembre dernier, aux côtés des professionnels du tourisme et des collectivités pour les soutenir dans leurs initiatives de reconquête de l'image de leur littoral et les aider dans toutes leurs démarches administratives nécessaires à leur indemnisation.
Loin de moi pourtant la tentation d'affirmer que tout est redevenu normal.
Sur les 400 kilomètres de côtes touchées par la marée noire, tous ne l'ont pas été de la même manière. Je pense en particulier à ceux qui ont été le plus meurtri dans les îles, dans la Loire-Atlantique et le Morbihan.
Mais la zone impraticable s'est fort heureusement considérablement réduite. Et l'on constate même à l'intérieur de cette zone de grandes disparités.
Pour autant, la mobilisation de tous, j'en suis convaincue, contribuera à redonner progressivement à l'Atlantique, à ses plages et à ses îles, leurs atouts touristiques.
Nous restons vigilants et mobilisés aux côtés de la grande famille du tourisme, pour réussir malgré l'adversité cette saison touristique 2000.
( Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 14 juin 2000)
Mesdames, Messieurs les Commissaires,
Je souhaiterais en premier lieu vous remercier d'avoir inclus les conséquences de l'Erika sur l'économie touristique de notre pays dans le cadre de vos travaux d'enquête parlementaire.
Il est vrai que le tourisme est un secteur qui dépend beaucoup de la qualité paysagère et environnementale des sites qui permettent son développement, particulièrement sur le littoral.
Le naufrage de l'Erika et les intempéries de la fin de l'année 1999 ont constitué pour notre pays et plus particulièrement pour les régions de l'arc atlantique un véritable drame écologique et économique.
Mon propos portera aujourd'hui essentiellement sur la marée noire et ses conséquences sur le tourisme, un des secteurs économiques les plus touchés par cet événement.
Ce propos ne sera ni catastrophiste, ni délibérément optimiste. Il se veut simplement lucide. Cette lucidité faisant apparaître parfois vous le verrez quelques vérités contradictoires.
Je souhaiterais en premier lieu rappeler en quelques chiffres le poids du tourisme dans notre économie nationale et dans celle des principales régions touchées par le naufrage de l'Erika.
En 1999, la France, première destination touristique au monde avec plus de 72 millions de visiteurs étrangers, a enregistré un chiffre d'affaire touristique dépassant les 700 milliards de francs qui s'est traduit par un excédent à la balance des paiements de plus de 85 milliards de francs.
2 millions de personnes travaillent aujourd'hui directement ou indirectement dans ce secteur qui a créé pour la seule année 1999 près de 30.000 emplois dont 25.000 dans l'hôtellerie-restauration.
Dans cet ensemble, les 31 millions de touristes accueillis chaque année dans les trois régions du littoral atlantique (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes) dégagent un chiffre d'affaire supérieur à 70 milliards de francs.
Si le tourisme connaît aujourd'hui une croissance spectaculaire, il repose néanmoins sur un tissu de petites et moyennes entreprises qui restent globalement fragiles car sensibles aux moindres variations des contextes socio-économiques nationaux et internationaux.
Pour celles-ci comme pour les communes, le naufrage de l'Erika et ses conséquences sur l'environnement et sur l'économie locale a mis gravement en péril le déroulement d'une saison touristique particulièrement prometteuse et entaché sérieusement l'image touristique de la côte atlantique toute entière.
Face à ce drame, il fallait réagir extrêmement vite.
Aussi dès le 27 décembre, j'ai souhaité mettre en place un dispositif particulier de soutien à l'économie touristique qui avait été par le passé exclu des programmes d'indemnisation lors des précédentes marées noires qui ont frappé très douloureusement la Bretagne.
Ainsi, des rencontres avec les professionnels du tourisme et les élus, fortement mobilisés, ont permis d'analyser de manière précise les difficultés spécifiques rencontrées par le tourisme. Elles ont aussi permis d'identifier rapidement un certain nombre de mesures à même d'y faire face.
Dès le 13 janvier, j'ai pu présenter au Premier ministre tous les enjeux que représentaient pour l'économie nationale les répercussions sur l'industrie touristique de la marée noire et faire prendre en compte dans le programme d'indemnisation du gouvernement les particularités de ce secteur.
Ainsi, il a été accordé à compter de cette date des délais et des remises en matière d'impôts pour les entreprises qui se trouvent en butte avec des problèmes de trésorerie. Ceux-ci concernaient plus particulièrement la taxe professionnelle, la taxe d'habitation ou l'impôt sur les sociétés. Ils venaient compléter les procédures de dégrèvement déjà existantes pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
De même, les entreprises qui en ont fait la demande auprès des organismes sociaux ont pu et peuvent bénéficier de délais de paiement sur les charges sociales.
Le 28 février, au CIADT de Nantes, je présentais un certain nombre de mesures complémentaires et plus spécifiques en faveur des entreprises et des communes touristiques ayant subi des préjudices dans le cadre d'un plan de soutien à l'économie touristique des régions atlantiques.
A travers les dégâts environnementaux il est très vite apparu que c'était l'image même du tourisme français qui avait été atteinte.
Aussi, en premier point de ce plan d'action ai-je souhaité mettre en uvre rapidement, tant en France qu'à l'étranger, une campagne de communication en partenariat étroit avec les comités régionaux et départementaux du tourisme des régions les plus touchées, dans un souci constant de coordination et d'efficacité.
Cette campagne qui constitue une première dans notre pays s'est déroulée durant les mois de mars et avril derniers dans la presse étrangère et en France sur les grandes chaînes de télévision où des spots ont été diffusés sur le thème : "Respirez, vous êtes sur la côte atlantique".
Son budget global s'élève à 71,5 MF dont 41,5 MF apportés par l'État auxquels s'ajoutent une mise à contribution de 36 MF que j'ai obtenue de Total-Fina. Par ailleurs un certain nombre de régions et départements concernés ont souhaité mettre en uvre des campagnes de communication complémentaires. Celles-ci ont mobilisé un investissement supplémentaire de l'ordre de 43 MF.
Ce sont donc au total 114,5 MF qui ont été consacrés en 2000 à la restauration de l'image touristique de la France et plus particulièrement de sa côte atlantique.
Nous recueillons aujourd'hui positivement les fruits de cette campagne, mais j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard.
Le second point du plan d'action concerne des mesures générales en faveur des entreprises.
Suite à la marée noire, de très nombreux établissements doivent faire face à une dégradation de leurs comptes d'exploitation liée à l'interruption partielle ou totale de leur activité qu'ils cumulent pour quelques-uns d'entre eux avec les dégâts des intempéries.
Pour les aider dans cette passe difficile et favoriser leur accès au crédit, j'ai obtenu que le bénéfice du "fonds de garantie tempêtes" soit étendu aux entreprises touchées par la marée noire et ce à concurrence de 70 millions de francs.
Cela devrait permettre aux entreprises concernées l'accès à un montant global de prêts de plus d'un milliard de francs leur permettant de reconstituer leur trésorerie.
La Banque de développement des PME (BDPME) garantira ces prêts à hauteur de 70%.
Le troisième point du plan d'action a consisté à instaurer au sein de mon ministère, un outil de mesures pour l'État, mais surtout pour les professionnels, des inévitables pertes d'exploitation qui ne pourront être constatées réellement qu'à la fin de la saison.
Compte tenu des enjeux, il s'est avéré indispensable de renforcer l'observation des évolutions touristiques (évaluation des baisses de réservations et de chiffre d'affaires, modification des comportements des clientèles, études prospectives).
Ainsi, 2,5 millions de francs de crédits ont été consacrés à ce dispositif exceptionnel d'observation économique qui a été mis en place début janvier, avec le soutien méthodologique de l'inspection générale des finances et sous la responsabilité de notre observatoire national du tourisme.
Il a pour objectif de créer un système de référence fiable permettant aux entreprises d'étayer et de justifier leur demande d'indemnisation à leurs assurances comme au FIPOL puisque les dommages subis par les acteurs du tourisme y sont éligibles.
Cette prise en compte par le FIPOL, des dommages subis par l'économie touristique aura un effet sur le taux d'indemnisation qui sera retenu en juillet prochain.
En effet, celui-ci dépendra de l'évaluation globale des sinistres et en particulier dans le secteur qui est le principal concerné : le tourisme.
Le système d'observation mis en place, en lien avec ma collègue Florence PARLY, doit nous permettre d'approcher au plus près la réalité des conséquences de la marée noire.
Nous disposerons ainsi d'une première évaluation crédible de l'impact de celle-ci sur la fréquentation touristique dès la mi-juin.
Enfin, quatrième et dernier point, la remise en état du littoral atlantique sera l'occasion d'améliorer et de moderniser son offre touristique.
Différentes actions seront ainsi menées sur trois ans, touchant à :
l'aménagement des stations touristiques en vue d'une meilleure utilisation des plages et d'une gestion plus optimale des flux touristiques dans le respect de l'environnement propre au littoral,
l'amélioration de l'environnement et du cadre de vie des villages de vacances et des campings,
la mise en conformité des villages de vacances pour l'accueil des classes de mer.
Ces mesures encourageront des démarches de filières coordonnées à l'échelon régional de manière à favoriser des actions intercommunales entre les stations littorales et leur arrière-pays.
Pour mener à bien ces différentes actions, le gouvernement a pris la décision de consacrer une enveloppe de 114 millions de francs qui permettront d'élaborer des avenants aux volets tourisme des contrats de plan mis en place avec les régions Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine pour la période 2000/2003.
Il convient maintenant de se pencher sur les effets concrets de ces différentes mesures, notamment en matière de fréquentation touristique depuis janvier et pour l'avenir.
Malgré tous nos efforts, je tiens à souligner qu'il existe un certain nombre de difficultés objectives à mesurer au plus près des réalités l'impact véritable de la marée noire sur cette fréquentation.
En effet, sur le littoral atlantique, la saison touristique dépend d'un certain nombre de facteurs qui cette année encore en conditionneront pour partie le succès.
Je pense en premier lieu aux conditions climatiques qui jouent toujours, sur ce littoral, un rôle majeur.
Je pense aussi au caractère spécifique de la fréquentation qui sur cette côte est liée à un fort taux d'implantation de résidences secondaires qui, là, jouent un rôle plutôt favorable.
Je pense enfin au fait que nous sommes sur un secteur géographique faisant traditionnellement l'objet de peu de réservations ou de réservations de dernière minute, à la fois de la part du public français qui représente 60 % de la clientèle, mais aussi de la part du public étranger représenté à 80 % par les ressortissants d'Allemagne, de Grande Bretagne, de Belgique, des Pays-Bas et dans une moindre mesure de Suisse et d'Italie.
Je me permets de vous préciser que traditionnellement, dans ces régions, la part du chiffre d'affaires réalisée sur réservation, ne dépasse pas les 35 %.
Tenant compte de ces réserves, il nous est possible de faire un certain nombre de constats.
Ainsi, dans les trois régions Bretagne, Pays de Loire et Poitou-Charentes et sur les quatre premiers mois de l'année, l'hôtellerie n'a pas connu de chute spectaculaire de ses taux d'occupation. La fréquentation y est effectivement équivalente voire même supérieure à celle de l'an dernier.
Cependant il m'apparaît important de relativiser ce résultat qui est du pour une part importante aux séjours des professionnels et des bénévoles liés à la remise en état des sites touchés par la marée noire.
Par contre, on enregistre durant la même période une baisse du taux d'occupation des établissements le week-end, de l'ordre de 10 à 13 %, ce qui tendrait à montrer une défection de la clientèle de proximité.
Une observation plus fine des vacances de printemps et des premiers week-ends de mai fait apparaître les résultats suivants.
Concernant l'hôtellerie, celle-ci enregistre une baisse de la fréquentation de 10 à 20 % dans les établissements des départements de Vendée, de Loire-Atlantique et du Morbihan, de 0 à 10 % dans ceux de Charente-Maritime et du Finistère, ou seule la côte Sud est touchée par la marée noire. Enfin on constate une hausse légère (1 à 5 %) de cette fréquentation dans les Côtes-d'Armor.
Concernant les meublés, ce mode d'hébergement semble davantage affecté puisqu'on y enregistre une baisse de sa fréquentation, de l'ordre de 30 à 40 %, en Loire Atlantique et dans le Morbihan, de 20 à 30 % en Vendée et dans le Finistère. Les Côtes-d'Armor et la Charente-Maritime sont quant eux stables.
Pour les gîtes de France, on enregistre une baisse de 20 à 30 % en Vendée, de 10 à 20 % en Loire Atlantique et dans le Morbihan, de 0 à 10 % en Charente-Maritime et dans le Finistère. Dans les Côtes-d'Armor on constate par contre une augmentation de 3 à 10 %.
Globalement, 46 % des offices de tourisme considèrent que les vacances de printemps 2000 ont été analogues à 1999. 41 % d'entre eux estiment cette fréquentation en baisse.
En dehors de l'hébergement, les activités les plus touchées sont les activités de pleine nature, les activités nautiques et fluviales et la restauration dans une moindre mesure.
J'ai demandé à notre observatoire national du tourisme de procéder à une analyse comparative des réservations entre la saison 2000 à venir et la saison 1999.
Celle-ci s'est avérée impossible à mettre en uvre car nous ne disposons à ce jour d'aucune information en provenance des professionnels sur la situation des réservations des années antérieures qui nous permettrait de faire des comparaisons et d'établir des prévisions de fréquentation fiables.
Aussi, tout ce que vous pouvez lire ou entendre dans les médias nationaux ou étrangers ne repose sur aucune valeur scientifique et résulte souvent d'interprétations personnelles généralement subjectives.
Néanmoins pour satisfaire notre souci d'anticipation de la saison, notre observatoire national du tourisme s'est livré avec le soutien technique de la SOFRES, à des enquêtes sur les intentions de départ à destination de l'arc atlantique auprès d'un échantillon de 1.870 touristes français.
Les résultats des deux vagues d'enquêtes réalisées en mars et au début de ce mois montrent que 16 % des personnes ayant l'intention de partir en vacances et connaissant déjà leur lieu de destination partiront cet été sur l'arc atlantique.
Ce taux qui n'a pas varié d'une enquête à l'autre ne révèle donc aucun effondrement de la destination par rapport au début de l'année ni d'une année sur l'autre d'ailleurs. En effet, ce taux était de 17 % en 1999.
Il nous faudra néanmoins attendre la prochaine vague du mois de juin pour avoir une idée plus précise encore, du maintien du taux de fidélisation de nos concitoyens pour ce littoral atlantique.
Concernant les résultats de la campagne que nous avons menée en France et à l'étranger nous disposerons dans les semaines à venir des résultats d'études post test que nous avons fait réaliser et qui feront l'objet d'analyses précises de la part de notre ministère.
Néanmoins, je puis d'ores et déjà vous dire que concernant le marché français les opérations de communication de Maison de la France et des Comités régionaux et départementaux de tourisme, ont atteint une partie de leurs objectifs.
En effet, dans les régions du littoral aquitain et de Poitou-Charentes comme du Nord Bretagne, qui n'ont pas été touchées directement par la marée noire sur leur environnement mais qui ont subi un préjudice d'image, l'analyse de la fréquentation lors des vacances de printemps et des premiers week-ends de mai, démontre une nette amélioration de la situation qui laisse présager pour elles un bon déroulement de la saison.
L'amélioration n'est pas aussi significative pour les départements directement touchés par les effets du naufrage de l'Erika. Je pense au Finistère, au Morbihan, à la Loire-Atlantique et au nord de la Vendée même si l'on constate d'un département à l'autre une réelle reprise des demandes d'information et même des réservations.
Concernant nos visiteurs étrangers qui représentent un peu plus de 30 % de la fréquentation touristique de la côte atlantique, une fois encore les résultats sont contrastés. Je rappellerai rapidement les poids respectifs de nos principales clientèles touristiques étrangères de l'arc atlantique.
La Grande-Bretagne arrive en tête avec 35 % de la fréquentation étrangère. Elle est suivie de l'Allemagne qui en représente environ 20 %, des Pays-Bas pour 14 % et enfin de la Belgique pour 10 %.
Sur le marché allemand, nous enregistrons une baisse des réservations et des intentions de départ de l'ordre de 24 %.
Aux Pays-Bas on constate un report de fréquentation sur la Méditerranée et l'intérieur de la France.
L'Italie reste quant à elle un marché beaucoup plus stable. L'effet Erika s'y est estompé rapidement et n'y est plus d'actualité.
En Grande-Bretagne enfin, si la destination France reste globalement stable et si les courts séjours y enregistrent de bons résultats, nous constatons dans nos bureaux une baisse moyenne de 18 % des demandes d'informations spontanées sur les régions de l'arc atlantique. Celle-ci était de l'ordre de 25 % il y a encore quelques semaines.
Pour conclure, je dirai que si la côte atlantique a été très touchée dans son image, les résultats enregistrés en ce début d'année et les perspectives pour la saison estivale sont nettement en dessous de ce que nous redoutions le plus.
Rappelons que les premières estimations au lendemain du naufrage de l'Érika nous laissaient présager le pire avec des phénomènes d'annulation et des baisses prévisibles de fréquentations estimées par les tours-opérateurs en particulier étrangers aux alentours de 35 à 60 % .
Je le confirme, la lucidité a pris le pas sur le catastrophisme.
L'action, très tôt engagée, par le Gouvernement, les collectivités locales et territoriales, tous les acteurs du Tourisme, avec l'aide de milliers de bénévoles, y a largement contribué.
Je tiens à souligner à ce propos l'investissement permanent de mon administration centrale et des services déconcentrés qui ont été, depuis le 27 décembre dernier, aux côtés des professionnels du tourisme et des collectivités pour les soutenir dans leurs initiatives de reconquête de l'image de leur littoral et les aider dans toutes leurs démarches administratives nécessaires à leur indemnisation.
Loin de moi pourtant la tentation d'affirmer que tout est redevenu normal.
Sur les 400 kilomètres de côtes touchées par la marée noire, tous ne l'ont pas été de la même manière. Je pense en particulier à ceux qui ont été le plus meurtri dans les îles, dans la Loire-Atlantique et le Morbihan.
Mais la zone impraticable s'est fort heureusement considérablement réduite. Et l'on constate même à l'intérieur de cette zone de grandes disparités.
Pour autant, la mobilisation de tous, j'en suis convaincue, contribuera à redonner progressivement à l'Atlantique, à ses plages et à ses îles, leurs atouts touristiques.
Nous restons vigilants et mobilisés aux côtés de la grande famille du tourisme, pour réussir malgré l'adversité cette saison touristique 2000.
( Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 14 juin 2000)