Texte intégral
J.-J. Bourdin-. Première partie - 8h35 :
J. Bové était à ce micro, il y a quelques minutes, il attendait sa date d'incarcération. Vous l'avez ?
- "Non, je ne l'ai pas. C'est au procureur de la République de mettre en oeuvre une décision de justice. Simplement, je voudrais rappeler que M. Bové a été condamné deux fois : une première fois, avec sursis, et une deuxième fois, il y a eu récidive et à ce moment-là, le sursis "est tombé" comme on dit, c'est-à-dire qu'il y a eu une accumulation de deux peines. La première, qui avait été avec sursis, qui est devenue ferme, et une deuxième, cela faisait 14 mois. Et récemment, le tribunal est passé en dessous de 12 mois, puisqu'il y a eu une réduction de sa peine à 10 mois. Ce que je veux dire par là, c'est que la justice a d'abord été bienveillante en lui donnant le sursis ; ensuite, comme il a récidivé, il a été condamné à la prison ferme. Et enfin, dans un troisième temps, la justice a réduit sa peine. Ensuite, la question qui se pose est de savoir si sa peine sera aménagée ? Bien entendu, pour être aménagée, il faut qu'elle commence par être exécutée."
Pas de grâce du président de la République ?
- "La grâce est une décision du Président. Pour l'instant, la question ne se pose pas au niveau du Président..."
Silence...
- "Je suis en train de réaliser un dossier d'avis, puisque le Garde des Sceaux donne son avis..."
Et quel avis avez-vous ?
- "Je ne le donnerai qu'au président de la République, c'est bien la moindre des choses. Et nous sommes en train d'examiner la question."
J. Bové dit : "Les gendarmes viendront me chercher chez moi, sur le Larzac", et sur le Larzac, il y a un comité-citoyens qui s'est mis en place pour, peut-être, essayer d'entraver...
- "La justice ?"
Nous verrons...
- "Je pense à l'évidence que ce serait une erreur. Le syndicalisme, c'est
quoi ? C'est la négociation, c'est le droit de grève, c'est le droit de manifester. Le syndicalisme, ce n'est pas de détruire des biens."
"Nous ne laisserons pas partir J. Bové en prison !", dit-on sur le Larzac. Nous verrons ! C'était le premier sujet. Et il y a des sujets, en ce moment ! Vous êtes au coeur de l'actualité. Y. Colonna, selon quatre des accusés du procès Erignac, n'aurait pas tiré ?! Donc, il n'y a plus de tireur, plus personne n'a tué le préfet ?!
- "Malheureusement, il y a une victime, c'est le préfet Erignac. Ce qui est regrettable dans cette affaire - chacun le sait bien et c'est l'avis de tous bien sûr -, c'est que Colonna ne soit pas au procès. Et donc, en son absence, il est évidemment bien difficile de parler de lui. Je crois qu'un procès est un examen par des juges indépendants, du faisceau de faits qui ont été révélés par l'enquête et de leur appréciation de la gravité des fautes des uns et des autres. C'est de cela dont il s'agit. Quant aux déclarations de ceux qui sont dans le box par rapport à ceux qui n'y sont pas, je pense qu'il faut évidemment prendre ces déclarations avec beaucoup de réserves."
"Ces Corses-là manquent d'honneur !", a dit hier Dominique Erignac...
- "Oui, je comprends qu'elle puisse parler comme cela, compte tenu de ce qu'elle a dû subir, du fait d'une forme d'aveuglement..."
Regardons maintenant la fameuse affaire Alègre. "Bérézina journalistique", nous dit P. Douste-Blazy. Vous êtes d'accord ?
- "Ce n'est pas ce qui m'importe en premier. Je veux dire, ce matin, sur votre antenne, combien je veux que cette enquête aboutisse, dans des délais les plus rapides. C'est le fil rouge de mes décisions. Si j'ai changé le procureur général de Toulouse, c'est parce que j'ai souhaité que les moyens de la justice soient consacrés, avec le plus d'efficacité possible, à cette enquête. Nous avons renforcé les équipes de gendarmes, nous faisons en sorte que les choses aillent vite. Vous avez observé qu'après une phase d'enquête où, c'est vrai, on recueillait des informations, on est en entré dans une deuxième phase qui s'accélère. Il y a aujourd'hui la phase de confrontation, de vérification, il y a des arrestations auxquelles il a été procédé ces derniers jours. Un jeune Algérien, qui était de passage en France, a été arrêté. C'est un garçon dont on pense qu'il a pu être le complice d'Alègre..."
Oui, il est revenu en France, il n'était pas "de passage", il est revenu !
- "Oui."
Oui, il est revenu, il était parti en Algérie, il est revenu, et il est venu à Nice tout à coup... Franchement, il arrive à point nommé !
- "Eh bien, tant mieux, si cela nous apporte des informations complémentaires. Et donc, cette phase de vérification apporte quand même des changements d'analyse, des surprises. Maintenant, c'est cela qu'il faut faire : il faut que l'enquête avance. C'est le premier point. Le deuxième point, c'est le secret de l'instruction. Là-dessus, je veux dire quand même un certain nombre de choses. Pourquoi le secret de l'instruction d'abord ? Il a deux objectifs : un, protéger les personnes qui ont le droit à la présomption d'innocence. Et je veux dire, par exemple, par rapport à D. Baudis, qui est un ami assez proche, qu'il en a pris vraiment plein la tête. Je pense aussi à la ville de Toulouse qui est montrée du doigt à travers cette affaire. Elle ne mérite évidemment pas, cette belle ville... Donc, la présomption d'innocence, cela passe évidemment par le secret de l'instruction. Mais le secret de l'instruction est une deuxième chose : c'est la possibilité de faire l'enquête convenablement. Et d'ailleurs, depuis que l'on parle un peu moins du déroulement de l'enquête dans les médias, parce qu'il y a un certain nombre de fuites qui n'étaient pas admissibles, eh bien l'enquête avance plus vite. C'est cela l'objectif. Alors, comment améliorer le respect de ce secret ? Un, il faut que la loi soit mieux respectée, c'est la raison pour laquelle j'ai demandé au procureur général d'ouvrir une enquête, je lui donné cet ordre par écrit, pour que cela soit clair. Et il y a actuellement une enquête en parallèle de l'autre, sur la façon dont des fuites ont pu être organisées. Et si nous trouvons des responsables, ils seront poursuivis devant les tribunaux."
Des journaux pourraient être poursuivis, des chaînes de télévision ?
- "Tous ceux qui auraient participé de la divulgation du secret de l'instruction, avec les conséquences que je viens de rappeler. Pour autant, pour l'avenir maintenant, au-delà du respect de la loi, je souhaite que l'on puisse parler avec les différents responsables. S'agissant des magistrats, j'ai créé une commission d'éthique qui traitera en particulier ce problème du secret de l'instruction. Je veux aussi discuter avec les patrons de presse..."
Pourquoi, par exemple, l'ancien substitut du procureur de Toulouse, Bourragué, est-il toujours en poste ? Alors que, le procureur, lui, a été changé à Toulouse ?
- "Le procureur général, je ne l'ai pas enlevé de son poste parce que son nom a été cité dans une déclaration d'une prostituée. Je l'ai déplacé, parce que le fonctionnement du Parquet général était insatisfaisant, en termes d'efficacité du service..."
Cela n'a rien à voir ?
- "Cela n'a absolument rien à voir. S'agissant de Bourragué, lorsque le développement de l'enquête nous amènera à des constatations certaines, à ce moment-là, le processus, à la fois disciplinaire et pénal se déroulera, si cela devait arriver."
Est-il vrai que le Parquet a reçu des instructions concernant les journalistes, instructions de ne plus donner d'informations aux journalistes à Toulouse ?
- "Je n'ai pas compris votre question..."
Est-il vrai que des directives ont été données aux magistrats, pour ne plus donner d'informations aux journalistes à Toulouse ?
- "Mais les magistrats n'ont pas à donner d'informations aux journalistes ! D'après le Code de procédure pénale, le procureur de la République a le devoir d'informer, lorsqu'il estime que cela est nécessaire au bon déroulement de l'enquête. C'est ce qu'il a fait il y a deux jours, à la suite de la parution, dans un journal parisien, d'informations absolument erronées. Le procureur de Toulouse a fait un démenti, très clair, sur ces allégations qui avaient retranscrites dans un journal du soir. Voilà. Lorsque le procureur l'estime nécessaire, il parle à la presse, sous forme de communiqué. Pour le reste, les magistrats n'ont pas à donner d'informations aux journalistes."
D. Baudis a-t-il eu raison d'intervenir sur une chaîne de télévision, à 20h00 et de livrer son nom en pâture en quelque sorte, puisque le grand public ne savait pas qu'il était cité dans le dossier ?
- "Son nom avait été livré par quelques supports de presse. Je ne veux pas porter de jugement sur les modalités de la défense qu'il a cru bon de choisir. Je veux simplement rendre hommage au fait que cet homme blessé se bat pour défendre son honneur, voilà, simplement. Et je comprends son émotion."
Certains disent que cette affaire est en train d'être reprise en main. Elle était laissée un peu à vau-l'eau ?
- "Je ne sais pas si elle était à vau-l'eau. En tout cas, l'enquête patinait au démarrage manifestement. La divulgation systématique et quasiment en temps réel de tout ce se passait devant les enquêteurs rendait très difficile la poursuite de l'enquête. J'observe que des moyens ont été ajoutés à ceux qui existaient et que l'enquête s'accélère. Je pense qu'elle avance."
Est-ce que la thèse du complot politique tient à vos yeux ?
- "Je n'ai pas d'interprétation sur tout cela. Il semble qu'il y ait des gens qui aiment bien manipuler les autres. Mais qui est-ce ? Est-ce M. Alègre ? Ou est-ce d'autres personnes ? Je ne veux pas faire d'interprétation sur le fond. Une enquête est un travail méticuleux, précis, c'est un travail quasiment scientifique. C'est comme cela qu'on avance, c'est comme cela qu'on peut réussir une enquête. Mon souci, vraiment, en tant que ministre de la Justice, est que les professionnels sur le terrain, magistrats et enquêteurs, aient la tranquillité suffisante pour avancer, pour vérifier, et pour qu'on se retrouve un jour avec un procès dans lequel il y aura des preuves factuelles, des choses solides sur lesquelles les juges indépendants pourront se faire une opinion. C'est cela qui est important. Tant qu'on reste dans le flou, dans les "on dit", dans les bruits de couloirs, c'est une catastrophe, en termes d'efficacité de justice."
Etes-vous persuadé que D. Baudis n'a rien à voir ?
- "Mais je n'ai pas à être "persuadé" ! Vous ne pouvez pas me poser cette question en tant que ministre de la Justice ! J'ai de l'amitié pour Dominique. Donc, ma conviction d'homme, évidemment, est qu'il est innocent. Mais en tant que ministre de la Justice, je n'ai pas à porter un jugement sur quelqu'un qui est concerné par une enquête en cours."
Oui, on ne portera pas de jugement aujourd'hui...
- "Bien entendu..."
Deuxième partie - 8h45 :
A propos de l'affaire Alègre, comment se fait-il que les magistrats cités dans le dossier, que les politiques, et surtout que ce fameux policier Z, dont on parle, dont on ne donne pas le nom et qui a été cité plusieurs fois, n'aient pas encore été entendus ?
- "Ils le seront. On est maintenant dans la phase de vérification, de recoupement des déclarations des uns et des autres. A partir de ce qui a déjà été fait par les services d'enquête, le juge d'instruction reprend tout cela, rencontre les uns les autres, et on arrivera d'ailleurs très vite dans la phase de confrontation, c'est-à-dire d'audition de plusieurs personnes ensemble, pour essayer de comparer ce qu'ils ont pu dire et ce qu'ils confirment. Ce sont des techniques classiques, dans lesquelles je n'ai pas à intervenir bien sûr en tant que ministre. Mais ne vous inquiétez pas, tous les gens concernés seront entendus et seront éventuellement confrontés les uns par rapport aux autres."
Est-il vrai que le gendarme Roussel a été dessaisi d'une partie de l'enquête ?
- Non, c'est faux. Cela fait partie de ces bruits qui courent. Roussel, pour des raisons personnelles, a demandé une affectation dans une autre brigade que celle dans laquelle il est aujourd'hui, pour des raisons à la fois personnelles et familiales. Mais le procureur de la République n'a donné un avis favorable à cette affectation qu'à condition qu'il continue à suivre l'enquête."
Si je vous dis que dans cette affaire Alègre, il ne faut surtout pas rester sans réponses, vous me dites quoi ?
- "Vous dites ce que je pense. Nous venons de vivre, nous continuons à vivre une première affaire Alègre, qui est cette espèce d'étalage absolument immonde de tout un tas de choses, très probablement en partie inventées, pour déstabiliser des gens, les uns les autres. C'est une première affaire. Au coeur de cette affaire, il y a le problème du secret de l'instruction. Il ne faut pas qu'il y en ait une deuxième, qui serait : on ne connaît pas la vérité et le procès n'aboutit pas. C'est cela, mon inquiétude. Et en tant que ministre de la Justice, je considère que c'est à cela que je dois travailler : faire en sorte que l'enquête puisse se dérouler dans des conditions suffisamment efficaces, pour qu'un jour, les Toulousains connaissent la vérité. Pas seulement les Toulousains mais d'abord les Toulousains, parce qu'il faut que cette ville retrouve sa sérénité. Et c'est vraiment en pensant à cela que j'agis comme je le fais aujourd'hui."
Eva Joly, on en parle beaucoup ! Hier, grande réunion de juges pour parler corruption. "En France, le sort des enquêtes sur les puissants dépend essentiellement de l'initiative individuelle des magistrats", a-t-on entendu hier. Vous êtes d'accord ou pas ?
- "Je ne sais pas trop ce que tout cela veut dire. Moi, je sais ce que je fais. Par exemple, en ce moment, au Parlement, je défends un texte de lutte contre la grande criminalité, et en particulier la corruption financière. Au niveau européen, je signe des accords avec mes collègues du Conseil européen pour faciliter les échanges d'information, en particulier en matière de blanchiment de l'argent sale. Tout récemment, dans le cadre du G8, nous nous sommes mis d'accord avec les autres grandes puissances pour effectivement améliorer le traitement en matière de connaissance des circuits financiers internationaux. Moi, j'agis, je travaille, je fais progresser les choses. En matière d'échanges d'information directs entre magistrats, sans plus passer par les gouvernements, dans mon texte, il y a une disposition qui permettra aux magistrats européens de communiquer entre eux, beaucoup plus facilement que jusqu'ici. Donc ce qui compte, c'est avancer, c'est vraiment effectivement lutter contre cette corruption internationale, qui est très souvent d'ailleurs liée au terrorisme ou à des entreprises criminelles très violentes. C'est une nécessité évidemment pour moi. Si madame Joly et ses amis peuvent nous faire des propositions concrètes, utiles, je suis tout prêt bien sûr à les accueillir. Mais de ce que j'ai entendu hier, j'ai plutôt eu le sentiment que c'étaient des idées assez communes qui, effectivement, sont déjà mises en oeuvre."
L'affaire du sang contaminé : est-ce que la justice a vraiment répondu ?
- "La justice, elle a deux moyens de répondre à une affaire aussi douloureuse. Vous savez que l'année dernière, lorsque la Cour d'appel de paris avait rendu un arrêt très difficile à comprendre, j'avais reçu les familles et je m'étais vraiment ému avec elles. C'est la raison pour laquelle j'avais demandé au procureur général d'introduire un pourvoi à la Cour de cassation. Il y a deux façons, bien sûr, qui ne s'excluent pas l'une de l'autre. Il y a ce qu'on appelle le côté civil, c'est-à-dire l'indemnisation, c'est-à-dire la reconnaissance, à travers une indemnisation, de la peine, de la souffrance, du préjudice subi par les gens. Cet aspect a été traité par la justice française. Et puis il y a un autre volet, qui est l'aspect pénal. C'est vrai que lorsqu'on est victime d'une immense injustice, on peut souhaiter que sur le plan pénal, il y ait quelque chose de clair. Et là, la justice est vue dans la difficulté, dans la mesure où le rôle d'un juge du tribunal, d'un juge indépendant, c'est d'appliquer les textes et d'essayer, par rapport à ces textes, de voir quels sont les faits avérés en termes de responsabilité. Et c'est vrai que cet aspect du droit, cet aspect de la justice n'a pas abouti à des condamnations."
Justice trop lente aussi...
- "Sans doute trop lente. C'est vrai que la lenteur souligne encore, lorsqu'il n'y a pas la réponse attendue."
[Question sur l'élucidation des meurtres dans la région toulousaine]
- "Je ne vais pas vous donner un sentiment personnel sur une multitude d'enquêtes dont je ne connais évidemment pas le détail ; ce n'est pas mon rôle. Ce que je veux simplement vous dire, c'est que, de la part des magistrats et de la part des services d'enquête, en particulier les équipes de gendarmes, il y a la volonté d'aller au bout de la vérité. Et moi, c'est vraiment ce que je leur demande. C'est vrai qu'il y a des choses bizarres qui se sont passées ces dernières années. Il faut que nous les comprenions, il faut que nous arrivions à élucider les choses. Et je veux vraiment que cette affaire très triste pour la région de Toulouse débouche non pas sur une absence d'explications, mais au contraire sur la vérité et sur, évidemment, des condamnations."
Quelles mesures face à une justice très lente ?
- "A la fois des mesures "quantité", c'est-à-dire des recrutements de magistrats [...] - il y en aura dans le budget 2004 que je suis en train de discuter avec le ministre du Budget - ; des greffiers aussi, parce qu'il faut que les magistrats soient aidés par des collaborateurs ; des crédits de fonctionnement, pour que cela tourne plus vite ; et puis la création des juges de proximité qui, pour les petits litiges et les petites peines, pourront soulager les magistrats professionnels."
Etes-vous favorable à une élection au suffrage universel des procureurs de la République ?
- "Sûrement pas. Je ne crois pas du tout que ce soit ce système-là, qui existe dans certains Etats américains, qui soit le meilleur pour l'indépendance de la justice."
A propos de J.-C. Trichet, comment se fait-il que le Parquet ne fasse pas appel ?
- "Le Parquet ne fait pas appel, car il considère que la justice a été rendue dans des conditions satisfaisantes, compte tenu des motivations de l'arrêt, de la décision du tribunal."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juin 2003)
J. Bové était à ce micro, il y a quelques minutes, il attendait sa date d'incarcération. Vous l'avez ?
- "Non, je ne l'ai pas. C'est au procureur de la République de mettre en oeuvre une décision de justice. Simplement, je voudrais rappeler que M. Bové a été condamné deux fois : une première fois, avec sursis, et une deuxième fois, il y a eu récidive et à ce moment-là, le sursis "est tombé" comme on dit, c'est-à-dire qu'il y a eu une accumulation de deux peines. La première, qui avait été avec sursis, qui est devenue ferme, et une deuxième, cela faisait 14 mois. Et récemment, le tribunal est passé en dessous de 12 mois, puisqu'il y a eu une réduction de sa peine à 10 mois. Ce que je veux dire par là, c'est que la justice a d'abord été bienveillante en lui donnant le sursis ; ensuite, comme il a récidivé, il a été condamné à la prison ferme. Et enfin, dans un troisième temps, la justice a réduit sa peine. Ensuite, la question qui se pose est de savoir si sa peine sera aménagée ? Bien entendu, pour être aménagée, il faut qu'elle commence par être exécutée."
Pas de grâce du président de la République ?
- "La grâce est une décision du Président. Pour l'instant, la question ne se pose pas au niveau du Président..."
Silence...
- "Je suis en train de réaliser un dossier d'avis, puisque le Garde des Sceaux donne son avis..."
Et quel avis avez-vous ?
- "Je ne le donnerai qu'au président de la République, c'est bien la moindre des choses. Et nous sommes en train d'examiner la question."
J. Bové dit : "Les gendarmes viendront me chercher chez moi, sur le Larzac", et sur le Larzac, il y a un comité-citoyens qui s'est mis en place pour, peut-être, essayer d'entraver...
- "La justice ?"
Nous verrons...
- "Je pense à l'évidence que ce serait une erreur. Le syndicalisme, c'est
quoi ? C'est la négociation, c'est le droit de grève, c'est le droit de manifester. Le syndicalisme, ce n'est pas de détruire des biens."
"Nous ne laisserons pas partir J. Bové en prison !", dit-on sur le Larzac. Nous verrons ! C'était le premier sujet. Et il y a des sujets, en ce moment ! Vous êtes au coeur de l'actualité. Y. Colonna, selon quatre des accusés du procès Erignac, n'aurait pas tiré ?! Donc, il n'y a plus de tireur, plus personne n'a tué le préfet ?!
- "Malheureusement, il y a une victime, c'est le préfet Erignac. Ce qui est regrettable dans cette affaire - chacun le sait bien et c'est l'avis de tous bien sûr -, c'est que Colonna ne soit pas au procès. Et donc, en son absence, il est évidemment bien difficile de parler de lui. Je crois qu'un procès est un examen par des juges indépendants, du faisceau de faits qui ont été révélés par l'enquête et de leur appréciation de la gravité des fautes des uns et des autres. C'est de cela dont il s'agit. Quant aux déclarations de ceux qui sont dans le box par rapport à ceux qui n'y sont pas, je pense qu'il faut évidemment prendre ces déclarations avec beaucoup de réserves."
"Ces Corses-là manquent d'honneur !", a dit hier Dominique Erignac...
- "Oui, je comprends qu'elle puisse parler comme cela, compte tenu de ce qu'elle a dû subir, du fait d'une forme d'aveuglement..."
Regardons maintenant la fameuse affaire Alègre. "Bérézina journalistique", nous dit P. Douste-Blazy. Vous êtes d'accord ?
- "Ce n'est pas ce qui m'importe en premier. Je veux dire, ce matin, sur votre antenne, combien je veux que cette enquête aboutisse, dans des délais les plus rapides. C'est le fil rouge de mes décisions. Si j'ai changé le procureur général de Toulouse, c'est parce que j'ai souhaité que les moyens de la justice soient consacrés, avec le plus d'efficacité possible, à cette enquête. Nous avons renforcé les équipes de gendarmes, nous faisons en sorte que les choses aillent vite. Vous avez observé qu'après une phase d'enquête où, c'est vrai, on recueillait des informations, on est en entré dans une deuxième phase qui s'accélère. Il y a aujourd'hui la phase de confrontation, de vérification, il y a des arrestations auxquelles il a été procédé ces derniers jours. Un jeune Algérien, qui était de passage en France, a été arrêté. C'est un garçon dont on pense qu'il a pu être le complice d'Alègre..."
Oui, il est revenu en France, il n'était pas "de passage", il est revenu !
- "Oui."
Oui, il est revenu, il était parti en Algérie, il est revenu, et il est venu à Nice tout à coup... Franchement, il arrive à point nommé !
- "Eh bien, tant mieux, si cela nous apporte des informations complémentaires. Et donc, cette phase de vérification apporte quand même des changements d'analyse, des surprises. Maintenant, c'est cela qu'il faut faire : il faut que l'enquête avance. C'est le premier point. Le deuxième point, c'est le secret de l'instruction. Là-dessus, je veux dire quand même un certain nombre de choses. Pourquoi le secret de l'instruction d'abord ? Il a deux objectifs : un, protéger les personnes qui ont le droit à la présomption d'innocence. Et je veux dire, par exemple, par rapport à D. Baudis, qui est un ami assez proche, qu'il en a pris vraiment plein la tête. Je pense aussi à la ville de Toulouse qui est montrée du doigt à travers cette affaire. Elle ne mérite évidemment pas, cette belle ville... Donc, la présomption d'innocence, cela passe évidemment par le secret de l'instruction. Mais le secret de l'instruction est une deuxième chose : c'est la possibilité de faire l'enquête convenablement. Et d'ailleurs, depuis que l'on parle un peu moins du déroulement de l'enquête dans les médias, parce qu'il y a un certain nombre de fuites qui n'étaient pas admissibles, eh bien l'enquête avance plus vite. C'est cela l'objectif. Alors, comment améliorer le respect de ce secret ? Un, il faut que la loi soit mieux respectée, c'est la raison pour laquelle j'ai demandé au procureur général d'ouvrir une enquête, je lui donné cet ordre par écrit, pour que cela soit clair. Et il y a actuellement une enquête en parallèle de l'autre, sur la façon dont des fuites ont pu être organisées. Et si nous trouvons des responsables, ils seront poursuivis devant les tribunaux."
Des journaux pourraient être poursuivis, des chaînes de télévision ?
- "Tous ceux qui auraient participé de la divulgation du secret de l'instruction, avec les conséquences que je viens de rappeler. Pour autant, pour l'avenir maintenant, au-delà du respect de la loi, je souhaite que l'on puisse parler avec les différents responsables. S'agissant des magistrats, j'ai créé une commission d'éthique qui traitera en particulier ce problème du secret de l'instruction. Je veux aussi discuter avec les patrons de presse..."
Pourquoi, par exemple, l'ancien substitut du procureur de Toulouse, Bourragué, est-il toujours en poste ? Alors que, le procureur, lui, a été changé à Toulouse ?
- "Le procureur général, je ne l'ai pas enlevé de son poste parce que son nom a été cité dans une déclaration d'une prostituée. Je l'ai déplacé, parce que le fonctionnement du Parquet général était insatisfaisant, en termes d'efficacité du service..."
Cela n'a rien à voir ?
- "Cela n'a absolument rien à voir. S'agissant de Bourragué, lorsque le développement de l'enquête nous amènera à des constatations certaines, à ce moment-là, le processus, à la fois disciplinaire et pénal se déroulera, si cela devait arriver."
Est-il vrai que le Parquet a reçu des instructions concernant les journalistes, instructions de ne plus donner d'informations aux journalistes à Toulouse ?
- "Je n'ai pas compris votre question..."
Est-il vrai que des directives ont été données aux magistrats, pour ne plus donner d'informations aux journalistes à Toulouse ?
- "Mais les magistrats n'ont pas à donner d'informations aux journalistes ! D'après le Code de procédure pénale, le procureur de la République a le devoir d'informer, lorsqu'il estime que cela est nécessaire au bon déroulement de l'enquête. C'est ce qu'il a fait il y a deux jours, à la suite de la parution, dans un journal parisien, d'informations absolument erronées. Le procureur de Toulouse a fait un démenti, très clair, sur ces allégations qui avaient retranscrites dans un journal du soir. Voilà. Lorsque le procureur l'estime nécessaire, il parle à la presse, sous forme de communiqué. Pour le reste, les magistrats n'ont pas à donner d'informations aux journalistes."
D. Baudis a-t-il eu raison d'intervenir sur une chaîne de télévision, à 20h00 et de livrer son nom en pâture en quelque sorte, puisque le grand public ne savait pas qu'il était cité dans le dossier ?
- "Son nom avait été livré par quelques supports de presse. Je ne veux pas porter de jugement sur les modalités de la défense qu'il a cru bon de choisir. Je veux simplement rendre hommage au fait que cet homme blessé se bat pour défendre son honneur, voilà, simplement. Et je comprends son émotion."
Certains disent que cette affaire est en train d'être reprise en main. Elle était laissée un peu à vau-l'eau ?
- "Je ne sais pas si elle était à vau-l'eau. En tout cas, l'enquête patinait au démarrage manifestement. La divulgation systématique et quasiment en temps réel de tout ce se passait devant les enquêteurs rendait très difficile la poursuite de l'enquête. J'observe que des moyens ont été ajoutés à ceux qui existaient et que l'enquête s'accélère. Je pense qu'elle avance."
Est-ce que la thèse du complot politique tient à vos yeux ?
- "Je n'ai pas d'interprétation sur tout cela. Il semble qu'il y ait des gens qui aiment bien manipuler les autres. Mais qui est-ce ? Est-ce M. Alègre ? Ou est-ce d'autres personnes ? Je ne veux pas faire d'interprétation sur le fond. Une enquête est un travail méticuleux, précis, c'est un travail quasiment scientifique. C'est comme cela qu'on avance, c'est comme cela qu'on peut réussir une enquête. Mon souci, vraiment, en tant que ministre de la Justice, est que les professionnels sur le terrain, magistrats et enquêteurs, aient la tranquillité suffisante pour avancer, pour vérifier, et pour qu'on se retrouve un jour avec un procès dans lequel il y aura des preuves factuelles, des choses solides sur lesquelles les juges indépendants pourront se faire une opinion. C'est cela qui est important. Tant qu'on reste dans le flou, dans les "on dit", dans les bruits de couloirs, c'est une catastrophe, en termes d'efficacité de justice."
Etes-vous persuadé que D. Baudis n'a rien à voir ?
- "Mais je n'ai pas à être "persuadé" ! Vous ne pouvez pas me poser cette question en tant que ministre de la Justice ! J'ai de l'amitié pour Dominique. Donc, ma conviction d'homme, évidemment, est qu'il est innocent. Mais en tant que ministre de la Justice, je n'ai pas à porter un jugement sur quelqu'un qui est concerné par une enquête en cours."
Oui, on ne portera pas de jugement aujourd'hui...
- "Bien entendu..."
Deuxième partie - 8h45 :
A propos de l'affaire Alègre, comment se fait-il que les magistrats cités dans le dossier, que les politiques, et surtout que ce fameux policier Z, dont on parle, dont on ne donne pas le nom et qui a été cité plusieurs fois, n'aient pas encore été entendus ?
- "Ils le seront. On est maintenant dans la phase de vérification, de recoupement des déclarations des uns et des autres. A partir de ce qui a déjà été fait par les services d'enquête, le juge d'instruction reprend tout cela, rencontre les uns les autres, et on arrivera d'ailleurs très vite dans la phase de confrontation, c'est-à-dire d'audition de plusieurs personnes ensemble, pour essayer de comparer ce qu'ils ont pu dire et ce qu'ils confirment. Ce sont des techniques classiques, dans lesquelles je n'ai pas à intervenir bien sûr en tant que ministre. Mais ne vous inquiétez pas, tous les gens concernés seront entendus et seront éventuellement confrontés les uns par rapport aux autres."
Est-il vrai que le gendarme Roussel a été dessaisi d'une partie de l'enquête ?
- Non, c'est faux. Cela fait partie de ces bruits qui courent. Roussel, pour des raisons personnelles, a demandé une affectation dans une autre brigade que celle dans laquelle il est aujourd'hui, pour des raisons à la fois personnelles et familiales. Mais le procureur de la République n'a donné un avis favorable à cette affectation qu'à condition qu'il continue à suivre l'enquête."
Si je vous dis que dans cette affaire Alègre, il ne faut surtout pas rester sans réponses, vous me dites quoi ?
- "Vous dites ce que je pense. Nous venons de vivre, nous continuons à vivre une première affaire Alègre, qui est cette espèce d'étalage absolument immonde de tout un tas de choses, très probablement en partie inventées, pour déstabiliser des gens, les uns les autres. C'est une première affaire. Au coeur de cette affaire, il y a le problème du secret de l'instruction. Il ne faut pas qu'il y en ait une deuxième, qui serait : on ne connaît pas la vérité et le procès n'aboutit pas. C'est cela, mon inquiétude. Et en tant que ministre de la Justice, je considère que c'est à cela que je dois travailler : faire en sorte que l'enquête puisse se dérouler dans des conditions suffisamment efficaces, pour qu'un jour, les Toulousains connaissent la vérité. Pas seulement les Toulousains mais d'abord les Toulousains, parce qu'il faut que cette ville retrouve sa sérénité. Et c'est vraiment en pensant à cela que j'agis comme je le fais aujourd'hui."
Eva Joly, on en parle beaucoup ! Hier, grande réunion de juges pour parler corruption. "En France, le sort des enquêtes sur les puissants dépend essentiellement de l'initiative individuelle des magistrats", a-t-on entendu hier. Vous êtes d'accord ou pas ?
- "Je ne sais pas trop ce que tout cela veut dire. Moi, je sais ce que je fais. Par exemple, en ce moment, au Parlement, je défends un texte de lutte contre la grande criminalité, et en particulier la corruption financière. Au niveau européen, je signe des accords avec mes collègues du Conseil européen pour faciliter les échanges d'information, en particulier en matière de blanchiment de l'argent sale. Tout récemment, dans le cadre du G8, nous nous sommes mis d'accord avec les autres grandes puissances pour effectivement améliorer le traitement en matière de connaissance des circuits financiers internationaux. Moi, j'agis, je travaille, je fais progresser les choses. En matière d'échanges d'information directs entre magistrats, sans plus passer par les gouvernements, dans mon texte, il y a une disposition qui permettra aux magistrats européens de communiquer entre eux, beaucoup plus facilement que jusqu'ici. Donc ce qui compte, c'est avancer, c'est vraiment effectivement lutter contre cette corruption internationale, qui est très souvent d'ailleurs liée au terrorisme ou à des entreprises criminelles très violentes. C'est une nécessité évidemment pour moi. Si madame Joly et ses amis peuvent nous faire des propositions concrètes, utiles, je suis tout prêt bien sûr à les accueillir. Mais de ce que j'ai entendu hier, j'ai plutôt eu le sentiment que c'étaient des idées assez communes qui, effectivement, sont déjà mises en oeuvre."
L'affaire du sang contaminé : est-ce que la justice a vraiment répondu ?
- "La justice, elle a deux moyens de répondre à une affaire aussi douloureuse. Vous savez que l'année dernière, lorsque la Cour d'appel de paris avait rendu un arrêt très difficile à comprendre, j'avais reçu les familles et je m'étais vraiment ému avec elles. C'est la raison pour laquelle j'avais demandé au procureur général d'introduire un pourvoi à la Cour de cassation. Il y a deux façons, bien sûr, qui ne s'excluent pas l'une de l'autre. Il y a ce qu'on appelle le côté civil, c'est-à-dire l'indemnisation, c'est-à-dire la reconnaissance, à travers une indemnisation, de la peine, de la souffrance, du préjudice subi par les gens. Cet aspect a été traité par la justice française. Et puis il y a un autre volet, qui est l'aspect pénal. C'est vrai que lorsqu'on est victime d'une immense injustice, on peut souhaiter que sur le plan pénal, il y ait quelque chose de clair. Et là, la justice est vue dans la difficulté, dans la mesure où le rôle d'un juge du tribunal, d'un juge indépendant, c'est d'appliquer les textes et d'essayer, par rapport à ces textes, de voir quels sont les faits avérés en termes de responsabilité. Et c'est vrai que cet aspect du droit, cet aspect de la justice n'a pas abouti à des condamnations."
Justice trop lente aussi...
- "Sans doute trop lente. C'est vrai que la lenteur souligne encore, lorsqu'il n'y a pas la réponse attendue."
[Question sur l'élucidation des meurtres dans la région toulousaine]
- "Je ne vais pas vous donner un sentiment personnel sur une multitude d'enquêtes dont je ne connais évidemment pas le détail ; ce n'est pas mon rôle. Ce que je veux simplement vous dire, c'est que, de la part des magistrats et de la part des services d'enquête, en particulier les équipes de gendarmes, il y a la volonté d'aller au bout de la vérité. Et moi, c'est vraiment ce que je leur demande. C'est vrai qu'il y a des choses bizarres qui se sont passées ces dernières années. Il faut que nous les comprenions, il faut que nous arrivions à élucider les choses. Et je veux vraiment que cette affaire très triste pour la région de Toulouse débouche non pas sur une absence d'explications, mais au contraire sur la vérité et sur, évidemment, des condamnations."
Quelles mesures face à une justice très lente ?
- "A la fois des mesures "quantité", c'est-à-dire des recrutements de magistrats [...] - il y en aura dans le budget 2004 que je suis en train de discuter avec le ministre du Budget - ; des greffiers aussi, parce qu'il faut que les magistrats soient aidés par des collaborateurs ; des crédits de fonctionnement, pour que cela tourne plus vite ; et puis la création des juges de proximité qui, pour les petits litiges et les petites peines, pourront soulager les magistrats professionnels."
Etes-vous favorable à une élection au suffrage universel des procureurs de la République ?
- "Sûrement pas. Je ne crois pas du tout que ce soit ce système-là, qui existe dans certains Etats américains, qui soit le meilleur pour l'indépendance de la justice."
A propos de J.-C. Trichet, comment se fait-il que le Parquet ne fasse pas appel ?
- "Le Parquet ne fait pas appel, car il considère que la justice a été rendue dans des conditions satisfaisantes, compte tenu des motivations de l'arrêt, de la décision du tribunal."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juin 2003)