Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président, de vous remercier très chaleureusement de nous faire le grand honneur de présider nos débats sur le projet de loi programme pour l'outre-mer. Vous démontrez, une fois encore, l'immense attachement que vous portez à l'outre-mer que vous connaissez bien et nous vous en sommes très reconnaissants. Ce projet de loi, que j'ai beaucoup de plaisir à vous présenter, traduit tous les engagements, de nature législative, du Président de la République et du Gouvernement en faveur d'un développement durable de l'outre-mer. Il s'agit, selon les termes mêmes du Chef de l'Etat, d'un effort sans précédent qui est fait pour l'outre-mer, dans un contexte budgétaire et économique pourtant difficile, ce qui traduit bien la volonté de ce Gouvernement d'accorder à nos dix collectivités ultramarines une attention prioritaire.
J'ai souhaité que ce texte, déjà bien connu des députés d'outre-mer, fasse l'objet, au cours de son élaboration, d'une très large concertation, menée, tant outre-mer qu'en métropole, avec l'ensemble des acteurs du développement économique, qu'il s'agisse des élus, des parlementaires, des présidents des assemblées locales ou des représentants des milieux socioprofessionnels. C'est ainsi que ce projet s'est progressivement enrichi. Le Sénat l'a complété sur plusieurs points et notre discussion va sans doute nous permettre de l'améliorer encore, à partir notamment des amendements de votre assemblée, adoptés par vos commissions. Je remercie d'ailleurs celles-ci, en particulier votre commission des finances, pour le travail accompli, dans un délai particulièrement court.
Je voudrais, au préalable, vous rappeler les grands objectifs que poursuit le Gouvernement et les moyens qu'il entend mettre en uvre pour les atteindre.
I - Les objectifs du Gouvernement pour l'outre-mer
Avec ce texte, le Gouvernement souhaite mettre en place une véritable stratégie de développement durable de nos collectivités ultramarines. Ce développement doit se concevoir en terme de rattrapage avec la métropole et doit être fondé sur une logique d'activité et de responsabilité et non pas d'assistanat.
Les Français d'outre-mer, faut-il le rappeler, sont des Français à part entière et on oublie parfois qu'ils l'ont été avant Nice ou la Savoie ! Nos collectivités d'outre-mer et leurs populations font partie intégrante de notre communauté nationale. Il est donc normal que notre objectif prioritaire soit de réaliser, après l'égalité sociale, achevée en 1996, l'égalité économique qui est l'ultime étape de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et la dignité.
Pour l'atteindre, il faut créer, outre-mer, un environnement économique plus favorable au développement de l'activité des entreprises et, par conséquent, de l'emploi. Il n'est plus tolérable en effet de constater qu'outre-mer, le RMI constitue un revenu de remplacement pour 19 % de la population, ou que le chômage frappe un actif sur quatre, voire un actif sur trois. Tout doit être fait pour que le PIB par habitant, qui n'atteignait que 54 % du niveau métropolitain en 1998, s'améliore rapidement.
- Cela passe tout d'abord par la réduction des handicaps structurels dont souffrent les économies d'outre-mer, qu'il s'agisse de l'éloignement, de l'insularité, de la faible superficie, d'un relief et d'un climat difficile et d'une forte dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits. Ces handicaps sont pleinement reconnus, y compris au niveau européen, par l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam, qui permet aux régions ultrapériphériques de l'Europe de déroger au droit communautaire pour prendre en compte ces difficultés. Et vous savez que, grâce notamment à l'appui du Commissaire Barnier, nous sommes sur la bonne voie pour une reprise de cet article dans la nouvelle Constitution européenne.
- Cela passe également par la valorisation des atouts dont ces collectivités disposent. Ces atouts sont nombreux. Outre un dynamisme économique qui se traduit par une croissance plus forte qu'en métropole et une capacité à créer relativement plus d'emplois que dans l'hexagone, il convient de souligner l'atout majeur pour l'outre-mer, que constitue, à moyen terme, sa jeunesse : la moitié de la population a moins de 25 ans en Guyane, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ; trois Mahorais sur cinq ont moins de 20 ans.
L'outre-mer comporte aussi d'extraordinaires potentialités de développement dans certains secteurs, comme le tourisme et l'hôtellerie, la recherche ou encore, le secteur des énergies renouvelables. Il convient donc de les soutenir et de les encourager.
Le projet de loi de programme que j'ai préparé au nom du Gouvernement, a pour ambition de combler le retard de développement des économies de l'outre-mer en inscrivant notre action dans la durée. Il s'agit en effet d'envoyer à tous les acteurs du développement un signal fort de stabilité dans l'effort que consent la communauté nationale pour l'outre-mer et de confiance dans leurs capacités à tirer le meilleur parti de dispositions destinées à créer les conditions d'un développement durable et cohérent. C'est la raison pour laquelle les mesures qui vous sont proposées ont une durée de 15 ans.
II - Les dispositions du projet de loi de programme
Nous voulons par ce texte relever trois défis :
1 - le défi de la création d'emplois durables en grand nombre dans le secteur marchand. Nous considérons qu'il faut pour cela alléger fortement le coût du travail pour les entreprises afin de les rendre plus compétitives ; mais il faut également mettre en place des incitations directes à l'embauche, afin que les entreprises recrutent les personnes qui, aujourd'hui, rencontrent le plus de difficultés pour accéder à l'emploi. C'est le cas notamment des jeunes.
2 - le défi de la relance de l'investissement privé. Cette nécessité est d'autant plus forte que les crédits publics deviennent plus rares. Certes la commande publique doit continuer dans les années qui viennent, à jouer son rôle en matière de contribution à la croissance des économies ultramarines, de même que la solidarité nationale à l'égard des plus démunis ne saurait, bien évidemment, être remise en cause. Mais il est également indispensable que l'initiative privée apporte une part croissante au développement de ces collectivités. La refonte du dispositif de soutien fiscal à l'investissement outre-mer vise à accompagner cet essor.
3 - le défi de la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. La défaillance d'Air Lib, en début d'année, n'a fait à cet égard qu'accentuer un problème qui n'a jamais été traité par le passé. Je tiens à souligner que pour la première fois, un gouvernement décide d'engager des actions pour donner à cette notion de continuité territoriale un début de réalité.
Nous proposons donc 3 séries de mesures :
1 - Des mesures pour : Favoriser la création d'emplois durables dans les entreprises privées.
o Vous le savez, ce sont avant tout, les entreprises qui créent des emplois. Encore faut-il que l'action publique contribue à lever les obstacles qu'elles rencontrent pour qu'elles soient réellement en situation de le faire. A cet égard, l'abaissement du coût du travail est un des axes à privilégier.
Il vous est donc proposé, dans la continuité des mesures initiées en 1994 par la loi Perben et confirmées en 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer, un allégement renforcé de charges sociales pour les entreprises subissant plus particulièrement les contraintes liées à l'éloignement, à l'insularité et à un environnement extérieur dans lequel le coût du travail est particulièrement bas. L'expérience l'a montré, ce type de mesures participe de manière incontestable à l'amélioration de la situation de l'emploi outre-mer. Ainsi, dans les DOM, l'augmentation de l'emploi salarié, entre 1994 et 1995, a été de 8 % et entre 2000 et 2001, de 4,2 %, contre 1,7 % en métropole.
Pour autant, il n'est pas question de consentir un allégement de charges général qui induirait, pour certains secteurs et certaines entreprises, des effets d'aubaine.
C'est la raison pour laquelle, la mesure proposée est doublement ciblée :
nous privilégions certains secteurs d'activité : là où le potentiel de développement est le plus prometteur (tourisme, hôtellerie : exonération dans la limite de 1,5 SMIC), là où la création de valeur ajoutée est la plus forte (industrie, agriculture, énergies renouvelables, NTIC), y compris s'agissant de ce dernier secteur, et comme l'ont souhaité les sénateurs, les " centres d'appel ", en raison des perspectives, en terme de création d'emploi, qu'ils paraissent ouvrir... (exonérations dans la limite de 1,4 SMIC).
nous privilégions aussi les PME, ce qui correspond à la réalité de ces économies. Ainsi, plus de 80 % des entreprises d'outre-mer comptent moins de 10 salariés. S'agissant du secteur du BTP, l'exonération de charges sociales est portée à 100 % pour les entreprises de 50 salariés au plus. Là encore, il s'agit de " coller " à la réalité : 99 % des entreprises de BTP, dans les DOM, comptent en effet 50 salariés au plus et emploient 84 % des effectifs de ce secteur.
S'agissant plus particulièrement des petites entreprises, il vous est proposé de supprimer le mécanisme pénalisant pour la création d'emploi introduit, en 2000, par la loi d'orientation pour l'outre-mer : ces entreprises dès lors qu'elles recrutent au-delà de 10 salariés doivent en effet pouvoir conserver le bénéfice de l'allégement de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC et de 10 salariés.
Enfin, dans le même esprit, il vous est proposé, que les exploitations agricoles dont la surface d'exploitation se développe au-delà de 40 hectares, dans le cadre d'une diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes ou sous-exploitées, continuent de bénéficier de l'exonération actuelle dans la limite de 40 hectares.
Par ailleurs, une mesure d'exonération de charges sociales est pour la première fois, proposée pour les entreprises de transport aérien, maritime et fluvial qui desservent l'outre-mer (exonération dans la limite de 1,3 SMIC). Je précise à cet égard que le texte initial du Gouvernement a fait l'objet d'un amendement du Sénat visant, fort justement, à indiquer explicitement que les liaisons entre la Réunion et Mayotte ouvrent droit au bénéfice de cette mesure. Notre objectif est de créer les conditions d'une diversification de l'offre de transport, en particulier, de transport aérien, pour véritablement répondre à la nécessité d'assurer la continuité territoriale, sujet sur lequel je reviendrai dans un instant.
L'ensemble de ces mesures devra faire l'objet d'une évaluation tous les trois ans, au regard notamment de la création d'emploi. Les sénateurs ont amendé notre texte pour que les conclusions de cette évaluation soient transmises au Parlement, ce qui m'apparaît effectivement parfaitement fondé. C'est au vu des conclusions de cette évaluation et en particulier de l'effet constaté des mesures sur la création d'emploi, qu'il conviendra d'apprécier de façon pragmatique, si elles doivent être maintenues ou adaptées.
o le projet de loi contient également plusieurs mesures destinées aux jeunes d'outre-mer qui, je le rappelle, sont nombreux et ont des attentes fortes et légitimes.
Il s'agit tout d'abord d'inciter les entreprises à embaucher des jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, et notamment ceux qui occupent actuellement des emplois jeunes. Au 31 décembre 2002, ces derniers étaient plus de 16 000 dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon, et il n'est plus acceptable de les voir occuper des emplois qui, pour la plupart d'entre eux, ne leur offrent pas de véritables perspectives. Leur faire croire le contraire, c'est, je le dis très clairement, les tromper et faire preuve de beaucoup de démagogie. Les " emplois jeunes ", en effet, ne peuvent être considérés comme des emplois durables. A cet égard, l'adoption par le Sénat d'un amendement au texte du Gouvernement, qui précise que les contrats emplois jeunes, lorsqu'ils sont prolongés pour 36 mois au maximum, sont des contrats de droit privé, va dans le bon sens. Je rappelle que nous proposons aussi d'ouvrir la possibilité pour les entreprises de recruter ces jeunes sur des contrats d'accès à l'emploi (CAE) jusqu'à la fin de 2007.
Il s'agit aussi d'offrir aux jeunes, qui sont souvent employés de façon illégale et qui travaillent aussi de façon épisodique (les " jobeurs ", comme on les appelle aux Antilles), des solutions d'emploi pérennes et une couverture sociale, lorsqu'ils occupent des emplois occasionnels. Le titre de travail simplifié est une première réponse pour les DOM, Saint-Pierre et Miquelon et il a été étendu par le Sénat à Mayotte.
Mais nous voulons favoriser également le recrutement des jeunes diplômés de 18 à 30 ans dans les entreprises, notamment celles de moins de 20 salariés. Ce sont ces entreprises, en effet, qui sont les plus nombreuses et qui, le plus souvent, ne peuvent franchir le pas de recruter un cadre. Il convient donc de les mettre en situation de pouvoir le faire, offrant ainsi à ces jeunes des responsabilités à la mesure de leurs diplômes. S'agissant de ces diplômes, je me félicite de l'amendement voté par le Sénat visant à prendre également en compte ceux délivrés à l'issue d'une formation professionnelle qualifiante.
Une mesure d'incitation à l'embauche des jeunes Mahorais par les entreprises est aussi proposée. Elle prend la forme d'une aide consentie pendant trois ans, à chaque entreprise qui embauche un jeune sous contrat à durée indéterminée.
S'agissant par ailleurs des jeunes gens et des jeunes filles qui suivent une formation professionnelle dans le cadre du Service Militaire Adapté, le SMA, il vous est proposé de :
- donner un fondement législatif aux activités du SMA dans le cadre des chantiers d'application, et de rappeler leur absence de caractère commercial ;
- de moduler la durée de renouvellement des contrats des stagiaires du SMA - actuellement fixée à 12 mois -, afin de l'adapter aux cycles de formation professionnelle dispensés par les unités du SMA ;
- et, comme l'a souhaité le Sénat en amendant le texte du Gouvernement, d'autoriser les unités du SMA à mettre en uvre à la demande de l'Etat ou des collectivités d'outre-mer, des chantiers d'application dans les pays liés à ces collectivités par un accord de coopération internationale.
Enfin, je tiens à préciser que le " revenu minimum d'activité " (RMA), proposé par mon collègue François Fillon, a vocation à s'appliquer dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon. Il s'ajoutera par conséquent aux dispositifs particuliers pour l'outre-mer que sont, le CIA, pour le secteur non marchand, et le CAE, pour le secteur marchand, tous deux créés en 1994 par la loi PERBEN et qui demeurent, à ce stade encore, plus attractifs que le RMA.
S'agissant du CAE, le Sénat a amendé le texte du Gouvernement, afin de ne pas pénaliser les RMistes par rapport aux autres publics également éligibles à ce contrat. L'obligation faite aux entreprises de proposer aux RMistes un contrat à durée indéterminée a ainsi été supprimée. Dans le cas d'un contrat à durée déterminée, la durée du contrat proposé à un RMiste a par ailleurs été fixé à 30 mois, comme pour les autres publics éligibles au CAE.
2 - 2ème disposition essentielle : un nouveau dispositif de défiscalisation pour favoriser véritablement l'initiative et relancer l'investissement privé
Il y a urgence car les investissements outre-mer agréés au titre de la défiscalisation qui ont été divisés par deux entre 1997 et 2000, ont encore baissé de 42 % entre 2000 et 2001. L'année 2002 n'a pas été meilleure, et le début d'année 2003 n'est pas davantage encourageant.
Or, il faut le rappeler de la façon la plus claire : aucun investissement ne peut se réaliser outre-mer sans défiscalisation. C'est dire la gravité de la situation actuelle et l'impérieuse nécessité qu'il y a de tenter d'y remédier.
Une refonte complète du dispositif de défiscalisation des investissements vous est en conséquence proposée.
Nous voulons stabiliser le cadre du dispositif, et sa durée de validité de 15 ans permettra aux investisseurs d'avoir la visibilité nécessaire pour réaliser leurs projets, sans craindre, chaque année, de remise en cause, comme lorsque ce dispositif était inclus dans la loi de finances. Si l'on veut rétablir un climat de confiance outre-mer, il faut impérativement conjuguer durée et stabilité.
Nous voulons simplifier la mise en uvre de la défiscalisation, par un changement de logique s'agissant des secteurs éligibles. L'éligibilité des investissements à la défiscalisation devient la règle générale et les secteurs exclus sont explicitement cités. Ce sont ceux où le bénéfice de l'aide serait injustifié (commerce, activités financières) ou bien malaisé à plaider à Bruxelles (investissements immatériels), et ce sont surtout, ceux qui, par le passé, ont donné lieu à des abus, tel le secteur de la navigation de croisière.
Le Sénat a souhaité que soit affirmé explicitement l'éligibilité des " centres d'appels " au dispositif de défiscalisation. Les investissements qui s'y rapportent ouvrent droit par conséquent au bénéfice de l'avantage fiscal.
Le Sénat a également souhaité que cet avantage fiscal bénéficie aux investissements dans le secteur des activités de loisirs, sportives et culturelles qui s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique, à l'exception des jeux et casinos.
Il convient de signaler par ailleurs que les investissements nécessaires à l'exploitation de concessions de service public deviennent éligibles quelle que soit la nature des biens considérés et leur affectation finale. Je précise en outre que les investissements nécessaires à l'exploitation d'un service public affermé ouvrent également droit au bénéfice de la défiscalisation, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les investissements affectés à l'exploitation d'une concession de service public. Cette précision est, je pense, de nature à répondre à certaines inquiétudes.
Nous souhaitons favoriser les investissements dans quatre secteurs particulièrement importants pour le développement de l'outre-mer :
1 - L'hôtellerie : le taux de défiscalisation est porté à 70 % pour les travaux de réhabilitation des hôtels, des résidences de tourisme et des villages de vacances classés, dans les DOM. De plus la " détunnelisation " est rétablie dans ces départements, pour une durée de 5 ans. En outre, le taux de 70 % s'applique également, conformément à l'amendement voté par le Sénat, au secteur du tourisme nautique et de la navigation de plaisance. Il convient en effet, au moment où les Antilles traversent une grave crise du tourisme, de les aider à conserver un produit touristique particulièrement compétitif qui consiste à proposer des locations de petits voiliers dans ces îles françaises dont on apprécie encore plus la beauté depuis la mer. Tous ces investissements donnent lieu à un agrément au premier euro, procédure qui permet d'exercer un contrôle renforcé et rigoureux. J'observe d'ailleurs que les abus que d'aucuns dénoncent et qui, souvent, les conduisent, encore aujourd'hui, à rejeter le dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, sont rares. J'oserais même dire que ces abus, pour l'essentiel, n'existent plus et qu'il faut cesser en conséquence d'imputer à la défiscalisation ce qui ne la concerne pas ou du moins ne la concerne plus depuis bien des années. Notre nouveau système, et en particulier la nouvelle procédure d'agrément sur laquelle je reviendrai, permet d'éviter tout dérapage. Toute polémique sur ce sujet ne me paraît donc pas fondée.
2 - Le logement : les taux de défiscalisation sont majorés (portés de 25 à 40 % pour les logements locatifs " libres " et de 40 à 50 % pour les logements " intermédiaires "). Un avantage supplémentaire de 10 points est accordé aux logements situés en zone urbaine sensible dans les DOM. Par ailleurs, dans un souci de préservation du patrimoine bâti local, lequel vous le savez, est particulièrement menacé (on estime ainsi que 5 % des " cases créoles " ont déjà disparu ou sont irréparables), les logements de plus de 40 ans deviennent éligibles à la défiscalisation, au taux de 25 %. Par ailleurs, le plafond du prix au m² pour les logements constituant pour leurs propriétaires leurs résidences principales, est porté de 1 525 à 1 750 HT.
A ces mesures destinées à encourager l'investissement privé dans le secteur du logement, il convient d'ajouter celles du Titre III de ce texte qui, elles, visent à favoriser la construction ou la réhabilitation de logements sociaux : abaissement à 2,1 % du taux de TVA pour les logements évolutifs sociaux (LES) ; abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant 5 ans, pour les logements locatifs sociaux (LLS), ayant fait l'objet de travaux pour les mettre aux normes sismiques ou cycloniques.
Toutes ces mesures constituent par conséquent un ensemble cohérent d'actions en faveur d'un secteur clé pour l'outre-mer, compte tenu des besoins importants en logement qui doivent être satisfaits.
3 - Les énergies renouvelables : une majoration de 4 points est accordée pour les logements alimentés par l'énergie solaire ; et une majoration de 10 points est accordée pour tout investissement en matière de production d'énergies renouvelables.
4 - Le financement des entreprises : une réduction d'impôt de 50 % est accordée au titre des souscriptions au capital de sociétés spécialisées dans ce financement et exerçant exclusivement leur activité outre-mer (SOFIOM). Par cette mesure très novatrice, nous souhaitons drainer l'épargne des particuliers vers des projets d'investissement et associer davantage nos compatriotes d'outre-mer au développement économique de leur collectivité.
Nous voulons introduire plus de transparence dans la délivrance de l'agrément lorsque celui-ci est requis (investissement d'un montant supérieur ou égal à 1M, ce seuil étant relevé). C'est ainsi que tout dossier pour lequel des réserves seront émises par l'administration fiscale pourra être soumis, pour avis, à une commission interministérielle, présidée par le ministère de l'Outre-Mer.
Nous souhaitons supprimer les dispositions qui constituent des entraves à l'investissement défiscalisé. C'est ainsi que la réduction d'impôt sur le revenu devient imputable sans plafonnement dès la première année (limitée à 50 % actuellement).
Enfin, s'agissant des investissements réalisés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis et Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon, les aides résultant de la mise en uvre des régimes autonomes d'aide fiscale en vigueur dans ces collectivités, ne seront plus déduites de l'assiette fiscale éligible.
En contrepartie de ces nouvelles mesures de défiscalisation, les contrôles exercés par l'administration fiscale seront renforcés. En effet, le dispositif législatif de défiscalisation des investissements ne doit en aucun cas être le moyen pour certains d'échapper à l'impôt de manière frauduleuse. C'est avant tout et uniquement un outil de développement économique pour l'outre-mer. C'est cette finalité, et c'est la seule, qui doit prévaloir. Et le Gouvernement est déterminé à veiller avec la plus grande vigilance pour qu'il en soit bien ainsi.
3 - 3ème série de mesures : celles qui visent à donner à la notion de continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole, un contenu concret
Je tiens à l'affirmer solennellement. Ce Gouvernement est le premier à prendre des mesures en matière de continuité territoriale pour l'outre-mer. Jamais rien n'avait été fait auparavant sur ce problème qui mobilise à juste titre nos compatriotes d'outre-mer, y compris ceux qui résident en métropole. Nous sommes donc les premiers à apporter des débuts de solution.
Nous voulons tout d'abord créer les conditions d'une offre de transport aérien suffisante et adaptée, en termes de capacité et de tarif, aux besoins des collectivités d'outre-mer. C'est le sens de la disposition que j'ai évoquée précédemment, visant à alléger les charges sociales des compagnies aériennes, maritimes et fluviales desservant l'outre-mer. La mise en uvre de cette mesure, par l'allégement des charges d'exploitation qu'elle induira, doit permettre en effet un abaissement du coût du transport, tant pour les passagers que pour le fret. Elle devrait en outre susciter, une offre supplémentaire de transport et par conséquent une saine concurrence, ce qui ne pourra que contribuer à la baisse du coût du transport. La simple annonce de ces mesures a déjà suscité deux nouvelles offres de desserte aérienne à La Réunion avec Air Austral et Air Bourbon.
Nous voulons également, dans le cadre de la solidarité nationale, compenser en partie les contraintes liées à l'éloignement. Nos compatriotes d'outre-mer doivent en effet pouvoir se déplacer plus facilement, à des conditions acceptables. C'est nécessaire notamment pour les jeunes qui ont à se rendre en métropole pour leurs études ou pour y prendre un premier emploi, ou encore pour les familles, qui ont à supporter aujourd'hui un coût de transport particulièrement lourd.
Après un premier pas franchi dès l'été 2002, avec l'instauration du " passeport mobilité ", destiné aux jeunes, il faut aller plus loin. Aussi, à l'instar de ce qu'on fait l'Espagne et le Portugal pour les résidents de leurs régions ultrapériphériques, et comme il a été fait pour les liaisons aériennes entre la France continentale et la Corse, il est proposé que l'Etat participe au financement d'un dispositif d'abaissement du coût des billets d'avion, en versant dans chaque collectivité d'outre-mer, une " dotation annuelle de continuité territoriale ". Cette dotation permettra d'accorder aux résidents outre-mer, c'est à dire aux personnes qui y ont leur résidence principale, une aide forfaitaire, limitée à un voyage par an, entre la collectivité et la métropole. L'objectif est que cette dotation s'ajoute aux concours des collectivités locales et de l'Union européenne ayant le même objet.
Pour faciliter la mise en uvre de ces dispositifs, nous avons créé, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, un groupe de travail associant les compagnies aériennes desservant l'outre-mer et dont l'objectif est de nous aider à optimiser ces mesures afin qu'elles produisent les meilleurs effets. Nous avons bien évidemment fait aussi comprendre aux compagnies concernées que ces mesures ne sauraient en aucun cas servir à l'amélioration de leur marge bénéficiaire et devaient au contraire se traduire par une baisse du coût du transport, pour tous les passagers, qu'ils résident outre-mer ou en métropole.
Au-delà de ces trois séries de dispositions, j'ajouterai que le projet de texte qui vous est soumis permet dans son titre VI d'actualiser le droit de l'outre-mer. Le droit applicable outre-mer ne doit pas en effet, s'agissant des collectivités soumises au principe de spécialité législative, demeurer trop longtemps en décalage avec le droit en vigueur en métropole. L'article 43 ouvre donc une nouvelle habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, pour permettre par ordonnance ce rattrapage des textes à étendre à certaines collectivités d'outre-mer. En outre, pour renforcer la sécurité juridique du droit applicable outre-mer, l'article 44 du texte procède à la ratification de nombreuses ordonnances prises entre 2000 et 2002.
Vous pouvez le constater, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer n'a pas pour objet de verser à nos collectivités d'outre-mer des subventions " à fond perdu ". Il vise, au contraire, en allégeant une partie des contraintes qui pèsent sur ces économies, à créer les conditions d'un développement durable de l'activité pour offrir, notamment aux jeunes, de réelles perspectives d'avenir.
Devant l'ampleur des défis à relever, certains penseront que ces mesures ne vont pas assez loin. Devant l'ampleur des difficultés budgétaires de notre pays, d'autres dénonceront des dépenses irréalistes.
A ceux qui veulent plus d'exonérations de charges sociales, davantage encore de défiscalisation, des mesures en faveur de l'éducation, de la formation, des crédits de rattrapage, je réponds que le Gouvernement, soucieux de préserver les finances publiques et conscient de la nécessité d'agir pour permettre à l'outre-mer de surmonter ses handicaps et valoriser ses atouts, a fait tout d'abord le choix de cibler les mesures qu'il propose. C'est faire preuve à la fois de réalisme et de pragmatisme. Il s'agit en effet de soutenir les secteurs dans lesquels l'emploi doit se créer de façon durable et non de permettre des effets d'aubaine.
Par ailleurs, cette loi n'est pas une loi de programmation. Elle ne saurait se substituer aux contrats de plan et aux fonds européens dont il faut veiller à consommer efficacement les crédits, qui ont pour objet de financer des projets de rattrapage économique. Elle ne saurait davantage remettre en cause les engagements pris par l'Etat - et qui seront intégralement tenus - en faveur de certaines de nos collectivités d'outre-mer. Je pense en disant cela aux conventions de développement que j'ai signées, à la fin de l'année dernière, avec les autorités de Mayotte et de Wallis et Futuna. Enfin, de nombreuses actions, en matière d'éducation ou de formation par exemple, ne nécessitent pas des mesures de niveau législatif.
A ceux qui considèrent qu'on en fait trop et que ça coûte trop cher, je voudrais rappeler un certain nombre de vérités. Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je trouve vraiment curieux que l'on pose la question du coût de cette partie du territoire français qu'est l'outre-mer et qu'il ne vient à l'idée de personne de s'interroger sur le coût d'un département métropolitain. Alors que les dépenses du budget de l'Etat sont en moyenne moins élevées pour un habitant d'outre-mer que pour un habitant de métropole, je ne vois pas au nom de quoi, il faudrait refuser à nos compatriotes d'outre-mer de progresser sur la voie de l'égalité économique. Par ailleurs, lorsque l'on parle d'un outre-mer qui coûte, demande-t-on leur avis aux populations de ces collectivités, lorsqu'il s'agit de recapitaliser, sur crédits publics, telle ou telle entreprise publique dont l'activité, outre-mer, est inexistante, ou lorsqu'il s'agit de financer le TGV ? Et pourtant, au nom de la solidarité nationale, les impôts perçus outre-mer y contribuent.
Alors oui, c'est vrai, les mesures de cette loi programme ont un coût : dans l'évaluation de 250 M par an, une partie me semble toutefois très virtuelle, je veux parler des 164 M au titre des nouvelles dispositions en matière de défiscalisation. Mais je voudrais surtout, si l'on veut donner à ces chiffrages un minimum d'honnêteté intellectuelle, faire trois observations.
1- Il ne me paraît pas sérieux de raisonner uniquement en coût brut des dispositions proposées. Il convient en effet de raisonner en coût net, c'est-à-dire en tenant compte de la dynamique de recettes que la mise en uvre des mesures induit. Ainsi, par exemple, s'agissant de la mesure d'exonération de charges sociales, son coût brut est estimé à 40 M, ce qui correspond, pour vous donner un ordre de grandeur, à l'indemnisation de 4 700 chômeurs. Je rappelle que sur les 4 DOM, nous approchons les 200 000 chômeurs. Il suffirait en conséquence de créer 4 700 emplois pour que cette dépense soit compensée. J'ajoute que 4 700 emplois nouveaux rapportent à l'UNEDIC environ 34 M de cotisations chômage (qui, elles, continueront d'être versées, puisqu'exclues du champ de l'exonération). Vous voyez que ces chiffres sont à relativiser car je peux vous dire que l'ambition de ces mesures consiste à créer, chaque année, bien plus que 4 700 emplois outre-mer !
2 - La défiscalisation, qui n'est pas une dépense mais une absence de recette pour l'Etat, est le seul moyen, outre-mer, de susciter l'investissement. Sans défiscalisation, il n'y aura pas d'investissement et, par conséquent, aucune perspective de rentrée fiscale à moyen terme. La Commission européenne qui, vous le savez, est très soucieuse de contrôler la portée de ce dispositif, ne l'a d'ailleurs jamais remis en cause jusqu'ici, estimant qu'il est adapté à la situation des économies de l'outre-mer. La défiscalisation outre-mer crée de l'investissement et donc de l'emploi mais elle permet aussi aux entreprises de se moderniser pour rester compétitives et survivre, et c'est donc souvent un moyen indispensable pour préserver l'emploi.
3 - La continuité territoriale concerne toutes nos collectivités d'outre-mer. Aussi, j'estime que la mesure nouvelle qui est proposée et qui coûte 30 M n'est pas déraisonnable, si on la compare à la mesure en vigueur pour la seule Corse qui, elle, coûte 165 M au budget de l'Etat. Cette mesure ne fait qu'amorcer un dispositif qui devra être complété par des financements locaux et européens.
o Je voudrais, en conclusion, vous dire que ce projet de loi programme ne prétend pas être la seule réponse du Gouvernement aux préoccupations et attentes de l'outre-mer. Il vient prendre sa place au côté des réformes et actions réalisées ou engagées en faveur de l'outre-mer par ce Gouvernement. Je pourrais vous citer, par exemple, les importants dossiers que nous plaidons actuellement à Bruxelles, qu'il s'agisse de la reconduction de l'octroi de mer, des dossiers agricoles ou du mémorandum que nous venons de signer avec l'Espagne et le Portugal pour défendre nos sept régions ultrapériphériques de l'Europe.
Je tiens aussi à rappeler la vocation très interministérielle du ministère de l'Outre-Mer qui fait prendre en compte la spécificité de nos collectivités ultramarines dans les autres textes législatifs. Nous l'avons fait pour les lois de sécurité intérieure. Nous le ferons également dans les textes en préparation sur la décentralisation et en particulier ceux relatifs à l'autonomie financière des collectivités locales. J'ai toutefois tenu à inscrire dès maintenant le principe de critères spécifiques en faveur de l'outre-mer pour la fixation des dotations de l'Etat.
J'ajoute que lors des consultations intenses que j'ai menées avec tous nos partenaires pour préparer cette loi, j'ai été saisie de nombreuses propositions intéressantes et constructives auxquelles je donnerai suite, mais qui ne se retrouvent pas dans le texte qui vous est proposé, pour la seule raison qu'elles ne nécessitent pas l'intervention du législateur.
Au total, j'ai la conviction que ce projet de loi de programme pour l'outre-mer est un élément supplémentaire et déterminant dans la construction d'un outre-mer français qui, fort de ses atouts et conscient de ses handicaps, doit accéder après l'égalité sociale à l'égalité économique avec la métropole.
Après la réforme de la Constitution qui permet désormais aux collectivités d'outre-mer qui le souhaitent de bénéficier d'institutions et de compétences aménagées, tout en renforçant leur ancrage dans la République, je suis heureuse d'avoir pu mener à bien, en un an, cet acte II de l'ambitieux projet pour l'outre-mer, sur lequel le Président de la République s'était fortement engagé.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 10 juin 2003)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président, de vous remercier très chaleureusement de nous faire le grand honneur de présider nos débats sur le projet de loi programme pour l'outre-mer. Vous démontrez, une fois encore, l'immense attachement que vous portez à l'outre-mer que vous connaissez bien et nous vous en sommes très reconnaissants. Ce projet de loi, que j'ai beaucoup de plaisir à vous présenter, traduit tous les engagements, de nature législative, du Président de la République et du Gouvernement en faveur d'un développement durable de l'outre-mer. Il s'agit, selon les termes mêmes du Chef de l'Etat, d'un effort sans précédent qui est fait pour l'outre-mer, dans un contexte budgétaire et économique pourtant difficile, ce qui traduit bien la volonté de ce Gouvernement d'accorder à nos dix collectivités ultramarines une attention prioritaire.
J'ai souhaité que ce texte, déjà bien connu des députés d'outre-mer, fasse l'objet, au cours de son élaboration, d'une très large concertation, menée, tant outre-mer qu'en métropole, avec l'ensemble des acteurs du développement économique, qu'il s'agisse des élus, des parlementaires, des présidents des assemblées locales ou des représentants des milieux socioprofessionnels. C'est ainsi que ce projet s'est progressivement enrichi. Le Sénat l'a complété sur plusieurs points et notre discussion va sans doute nous permettre de l'améliorer encore, à partir notamment des amendements de votre assemblée, adoptés par vos commissions. Je remercie d'ailleurs celles-ci, en particulier votre commission des finances, pour le travail accompli, dans un délai particulièrement court.
Je voudrais, au préalable, vous rappeler les grands objectifs que poursuit le Gouvernement et les moyens qu'il entend mettre en uvre pour les atteindre.
I - Les objectifs du Gouvernement pour l'outre-mer
Avec ce texte, le Gouvernement souhaite mettre en place une véritable stratégie de développement durable de nos collectivités ultramarines. Ce développement doit se concevoir en terme de rattrapage avec la métropole et doit être fondé sur une logique d'activité et de responsabilité et non pas d'assistanat.
Les Français d'outre-mer, faut-il le rappeler, sont des Français à part entière et on oublie parfois qu'ils l'ont été avant Nice ou la Savoie ! Nos collectivités d'outre-mer et leurs populations font partie intégrante de notre communauté nationale. Il est donc normal que notre objectif prioritaire soit de réaliser, après l'égalité sociale, achevée en 1996, l'égalité économique qui est l'ultime étape de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et la dignité.
Pour l'atteindre, il faut créer, outre-mer, un environnement économique plus favorable au développement de l'activité des entreprises et, par conséquent, de l'emploi. Il n'est plus tolérable en effet de constater qu'outre-mer, le RMI constitue un revenu de remplacement pour 19 % de la population, ou que le chômage frappe un actif sur quatre, voire un actif sur trois. Tout doit être fait pour que le PIB par habitant, qui n'atteignait que 54 % du niveau métropolitain en 1998, s'améliore rapidement.
- Cela passe tout d'abord par la réduction des handicaps structurels dont souffrent les économies d'outre-mer, qu'il s'agisse de l'éloignement, de l'insularité, de la faible superficie, d'un relief et d'un climat difficile et d'une forte dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits. Ces handicaps sont pleinement reconnus, y compris au niveau européen, par l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam, qui permet aux régions ultrapériphériques de l'Europe de déroger au droit communautaire pour prendre en compte ces difficultés. Et vous savez que, grâce notamment à l'appui du Commissaire Barnier, nous sommes sur la bonne voie pour une reprise de cet article dans la nouvelle Constitution européenne.
- Cela passe également par la valorisation des atouts dont ces collectivités disposent. Ces atouts sont nombreux. Outre un dynamisme économique qui se traduit par une croissance plus forte qu'en métropole et une capacité à créer relativement plus d'emplois que dans l'hexagone, il convient de souligner l'atout majeur pour l'outre-mer, que constitue, à moyen terme, sa jeunesse : la moitié de la population a moins de 25 ans en Guyane, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ; trois Mahorais sur cinq ont moins de 20 ans.
L'outre-mer comporte aussi d'extraordinaires potentialités de développement dans certains secteurs, comme le tourisme et l'hôtellerie, la recherche ou encore, le secteur des énergies renouvelables. Il convient donc de les soutenir et de les encourager.
Le projet de loi de programme que j'ai préparé au nom du Gouvernement, a pour ambition de combler le retard de développement des économies de l'outre-mer en inscrivant notre action dans la durée. Il s'agit en effet d'envoyer à tous les acteurs du développement un signal fort de stabilité dans l'effort que consent la communauté nationale pour l'outre-mer et de confiance dans leurs capacités à tirer le meilleur parti de dispositions destinées à créer les conditions d'un développement durable et cohérent. C'est la raison pour laquelle les mesures qui vous sont proposées ont une durée de 15 ans.
II - Les dispositions du projet de loi de programme
Nous voulons par ce texte relever trois défis :
1 - le défi de la création d'emplois durables en grand nombre dans le secteur marchand. Nous considérons qu'il faut pour cela alléger fortement le coût du travail pour les entreprises afin de les rendre plus compétitives ; mais il faut également mettre en place des incitations directes à l'embauche, afin que les entreprises recrutent les personnes qui, aujourd'hui, rencontrent le plus de difficultés pour accéder à l'emploi. C'est le cas notamment des jeunes.
2 - le défi de la relance de l'investissement privé. Cette nécessité est d'autant plus forte que les crédits publics deviennent plus rares. Certes la commande publique doit continuer dans les années qui viennent, à jouer son rôle en matière de contribution à la croissance des économies ultramarines, de même que la solidarité nationale à l'égard des plus démunis ne saurait, bien évidemment, être remise en cause. Mais il est également indispensable que l'initiative privée apporte une part croissante au développement de ces collectivités. La refonte du dispositif de soutien fiscal à l'investissement outre-mer vise à accompagner cet essor.
3 - le défi de la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. La défaillance d'Air Lib, en début d'année, n'a fait à cet égard qu'accentuer un problème qui n'a jamais été traité par le passé. Je tiens à souligner que pour la première fois, un gouvernement décide d'engager des actions pour donner à cette notion de continuité territoriale un début de réalité.
Nous proposons donc 3 séries de mesures :
1 - Des mesures pour : Favoriser la création d'emplois durables dans les entreprises privées.
o Vous le savez, ce sont avant tout, les entreprises qui créent des emplois. Encore faut-il que l'action publique contribue à lever les obstacles qu'elles rencontrent pour qu'elles soient réellement en situation de le faire. A cet égard, l'abaissement du coût du travail est un des axes à privilégier.
Il vous est donc proposé, dans la continuité des mesures initiées en 1994 par la loi Perben et confirmées en 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer, un allégement renforcé de charges sociales pour les entreprises subissant plus particulièrement les contraintes liées à l'éloignement, à l'insularité et à un environnement extérieur dans lequel le coût du travail est particulièrement bas. L'expérience l'a montré, ce type de mesures participe de manière incontestable à l'amélioration de la situation de l'emploi outre-mer. Ainsi, dans les DOM, l'augmentation de l'emploi salarié, entre 1994 et 1995, a été de 8 % et entre 2000 et 2001, de 4,2 %, contre 1,7 % en métropole.
Pour autant, il n'est pas question de consentir un allégement de charges général qui induirait, pour certains secteurs et certaines entreprises, des effets d'aubaine.
C'est la raison pour laquelle, la mesure proposée est doublement ciblée :
nous privilégions certains secteurs d'activité : là où le potentiel de développement est le plus prometteur (tourisme, hôtellerie : exonération dans la limite de 1,5 SMIC), là où la création de valeur ajoutée est la plus forte (industrie, agriculture, énergies renouvelables, NTIC), y compris s'agissant de ce dernier secteur, et comme l'ont souhaité les sénateurs, les " centres d'appel ", en raison des perspectives, en terme de création d'emploi, qu'ils paraissent ouvrir... (exonérations dans la limite de 1,4 SMIC).
nous privilégions aussi les PME, ce qui correspond à la réalité de ces économies. Ainsi, plus de 80 % des entreprises d'outre-mer comptent moins de 10 salariés. S'agissant du secteur du BTP, l'exonération de charges sociales est portée à 100 % pour les entreprises de 50 salariés au plus. Là encore, il s'agit de " coller " à la réalité : 99 % des entreprises de BTP, dans les DOM, comptent en effet 50 salariés au plus et emploient 84 % des effectifs de ce secteur.
S'agissant plus particulièrement des petites entreprises, il vous est proposé de supprimer le mécanisme pénalisant pour la création d'emploi introduit, en 2000, par la loi d'orientation pour l'outre-mer : ces entreprises dès lors qu'elles recrutent au-delà de 10 salariés doivent en effet pouvoir conserver le bénéfice de l'allégement de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC et de 10 salariés.
Enfin, dans le même esprit, il vous est proposé, que les exploitations agricoles dont la surface d'exploitation se développe au-delà de 40 hectares, dans le cadre d'une diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes ou sous-exploitées, continuent de bénéficier de l'exonération actuelle dans la limite de 40 hectares.
Par ailleurs, une mesure d'exonération de charges sociales est pour la première fois, proposée pour les entreprises de transport aérien, maritime et fluvial qui desservent l'outre-mer (exonération dans la limite de 1,3 SMIC). Je précise à cet égard que le texte initial du Gouvernement a fait l'objet d'un amendement du Sénat visant, fort justement, à indiquer explicitement que les liaisons entre la Réunion et Mayotte ouvrent droit au bénéfice de cette mesure. Notre objectif est de créer les conditions d'une diversification de l'offre de transport, en particulier, de transport aérien, pour véritablement répondre à la nécessité d'assurer la continuité territoriale, sujet sur lequel je reviendrai dans un instant.
L'ensemble de ces mesures devra faire l'objet d'une évaluation tous les trois ans, au regard notamment de la création d'emploi. Les sénateurs ont amendé notre texte pour que les conclusions de cette évaluation soient transmises au Parlement, ce qui m'apparaît effectivement parfaitement fondé. C'est au vu des conclusions de cette évaluation et en particulier de l'effet constaté des mesures sur la création d'emploi, qu'il conviendra d'apprécier de façon pragmatique, si elles doivent être maintenues ou adaptées.
o le projet de loi contient également plusieurs mesures destinées aux jeunes d'outre-mer qui, je le rappelle, sont nombreux et ont des attentes fortes et légitimes.
Il s'agit tout d'abord d'inciter les entreprises à embaucher des jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, et notamment ceux qui occupent actuellement des emplois jeunes. Au 31 décembre 2002, ces derniers étaient plus de 16 000 dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon, et il n'est plus acceptable de les voir occuper des emplois qui, pour la plupart d'entre eux, ne leur offrent pas de véritables perspectives. Leur faire croire le contraire, c'est, je le dis très clairement, les tromper et faire preuve de beaucoup de démagogie. Les " emplois jeunes ", en effet, ne peuvent être considérés comme des emplois durables. A cet égard, l'adoption par le Sénat d'un amendement au texte du Gouvernement, qui précise que les contrats emplois jeunes, lorsqu'ils sont prolongés pour 36 mois au maximum, sont des contrats de droit privé, va dans le bon sens. Je rappelle que nous proposons aussi d'ouvrir la possibilité pour les entreprises de recruter ces jeunes sur des contrats d'accès à l'emploi (CAE) jusqu'à la fin de 2007.
Il s'agit aussi d'offrir aux jeunes, qui sont souvent employés de façon illégale et qui travaillent aussi de façon épisodique (les " jobeurs ", comme on les appelle aux Antilles), des solutions d'emploi pérennes et une couverture sociale, lorsqu'ils occupent des emplois occasionnels. Le titre de travail simplifié est une première réponse pour les DOM, Saint-Pierre et Miquelon et il a été étendu par le Sénat à Mayotte.
Mais nous voulons favoriser également le recrutement des jeunes diplômés de 18 à 30 ans dans les entreprises, notamment celles de moins de 20 salariés. Ce sont ces entreprises, en effet, qui sont les plus nombreuses et qui, le plus souvent, ne peuvent franchir le pas de recruter un cadre. Il convient donc de les mettre en situation de pouvoir le faire, offrant ainsi à ces jeunes des responsabilités à la mesure de leurs diplômes. S'agissant de ces diplômes, je me félicite de l'amendement voté par le Sénat visant à prendre également en compte ceux délivrés à l'issue d'une formation professionnelle qualifiante.
Une mesure d'incitation à l'embauche des jeunes Mahorais par les entreprises est aussi proposée. Elle prend la forme d'une aide consentie pendant trois ans, à chaque entreprise qui embauche un jeune sous contrat à durée indéterminée.
S'agissant par ailleurs des jeunes gens et des jeunes filles qui suivent une formation professionnelle dans le cadre du Service Militaire Adapté, le SMA, il vous est proposé de :
- donner un fondement législatif aux activités du SMA dans le cadre des chantiers d'application, et de rappeler leur absence de caractère commercial ;
- de moduler la durée de renouvellement des contrats des stagiaires du SMA - actuellement fixée à 12 mois -, afin de l'adapter aux cycles de formation professionnelle dispensés par les unités du SMA ;
- et, comme l'a souhaité le Sénat en amendant le texte du Gouvernement, d'autoriser les unités du SMA à mettre en uvre à la demande de l'Etat ou des collectivités d'outre-mer, des chantiers d'application dans les pays liés à ces collectivités par un accord de coopération internationale.
Enfin, je tiens à préciser que le " revenu minimum d'activité " (RMA), proposé par mon collègue François Fillon, a vocation à s'appliquer dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon. Il s'ajoutera par conséquent aux dispositifs particuliers pour l'outre-mer que sont, le CIA, pour le secteur non marchand, et le CAE, pour le secteur marchand, tous deux créés en 1994 par la loi PERBEN et qui demeurent, à ce stade encore, plus attractifs que le RMA.
S'agissant du CAE, le Sénat a amendé le texte du Gouvernement, afin de ne pas pénaliser les RMistes par rapport aux autres publics également éligibles à ce contrat. L'obligation faite aux entreprises de proposer aux RMistes un contrat à durée indéterminée a ainsi été supprimée. Dans le cas d'un contrat à durée déterminée, la durée du contrat proposé à un RMiste a par ailleurs été fixé à 30 mois, comme pour les autres publics éligibles au CAE.
2 - 2ème disposition essentielle : un nouveau dispositif de défiscalisation pour favoriser véritablement l'initiative et relancer l'investissement privé
Il y a urgence car les investissements outre-mer agréés au titre de la défiscalisation qui ont été divisés par deux entre 1997 et 2000, ont encore baissé de 42 % entre 2000 et 2001. L'année 2002 n'a pas été meilleure, et le début d'année 2003 n'est pas davantage encourageant.
Or, il faut le rappeler de la façon la plus claire : aucun investissement ne peut se réaliser outre-mer sans défiscalisation. C'est dire la gravité de la situation actuelle et l'impérieuse nécessité qu'il y a de tenter d'y remédier.
Une refonte complète du dispositif de défiscalisation des investissements vous est en conséquence proposée.
Nous voulons stabiliser le cadre du dispositif, et sa durée de validité de 15 ans permettra aux investisseurs d'avoir la visibilité nécessaire pour réaliser leurs projets, sans craindre, chaque année, de remise en cause, comme lorsque ce dispositif était inclus dans la loi de finances. Si l'on veut rétablir un climat de confiance outre-mer, il faut impérativement conjuguer durée et stabilité.
Nous voulons simplifier la mise en uvre de la défiscalisation, par un changement de logique s'agissant des secteurs éligibles. L'éligibilité des investissements à la défiscalisation devient la règle générale et les secteurs exclus sont explicitement cités. Ce sont ceux où le bénéfice de l'aide serait injustifié (commerce, activités financières) ou bien malaisé à plaider à Bruxelles (investissements immatériels), et ce sont surtout, ceux qui, par le passé, ont donné lieu à des abus, tel le secteur de la navigation de croisière.
Le Sénat a souhaité que soit affirmé explicitement l'éligibilité des " centres d'appels " au dispositif de défiscalisation. Les investissements qui s'y rapportent ouvrent droit par conséquent au bénéfice de l'avantage fiscal.
Le Sénat a également souhaité que cet avantage fiscal bénéficie aux investissements dans le secteur des activités de loisirs, sportives et culturelles qui s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique, à l'exception des jeux et casinos.
Il convient de signaler par ailleurs que les investissements nécessaires à l'exploitation de concessions de service public deviennent éligibles quelle que soit la nature des biens considérés et leur affectation finale. Je précise en outre que les investissements nécessaires à l'exploitation d'un service public affermé ouvrent également droit au bénéfice de la défiscalisation, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les investissements affectés à l'exploitation d'une concession de service public. Cette précision est, je pense, de nature à répondre à certaines inquiétudes.
Nous souhaitons favoriser les investissements dans quatre secteurs particulièrement importants pour le développement de l'outre-mer :
1 - L'hôtellerie : le taux de défiscalisation est porté à 70 % pour les travaux de réhabilitation des hôtels, des résidences de tourisme et des villages de vacances classés, dans les DOM. De plus la " détunnelisation " est rétablie dans ces départements, pour une durée de 5 ans. En outre, le taux de 70 % s'applique également, conformément à l'amendement voté par le Sénat, au secteur du tourisme nautique et de la navigation de plaisance. Il convient en effet, au moment où les Antilles traversent une grave crise du tourisme, de les aider à conserver un produit touristique particulièrement compétitif qui consiste à proposer des locations de petits voiliers dans ces îles françaises dont on apprécie encore plus la beauté depuis la mer. Tous ces investissements donnent lieu à un agrément au premier euro, procédure qui permet d'exercer un contrôle renforcé et rigoureux. J'observe d'ailleurs que les abus que d'aucuns dénoncent et qui, souvent, les conduisent, encore aujourd'hui, à rejeter le dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, sont rares. J'oserais même dire que ces abus, pour l'essentiel, n'existent plus et qu'il faut cesser en conséquence d'imputer à la défiscalisation ce qui ne la concerne pas ou du moins ne la concerne plus depuis bien des années. Notre nouveau système, et en particulier la nouvelle procédure d'agrément sur laquelle je reviendrai, permet d'éviter tout dérapage. Toute polémique sur ce sujet ne me paraît donc pas fondée.
2 - Le logement : les taux de défiscalisation sont majorés (portés de 25 à 40 % pour les logements locatifs " libres " et de 40 à 50 % pour les logements " intermédiaires "). Un avantage supplémentaire de 10 points est accordé aux logements situés en zone urbaine sensible dans les DOM. Par ailleurs, dans un souci de préservation du patrimoine bâti local, lequel vous le savez, est particulièrement menacé (on estime ainsi que 5 % des " cases créoles " ont déjà disparu ou sont irréparables), les logements de plus de 40 ans deviennent éligibles à la défiscalisation, au taux de 25 %. Par ailleurs, le plafond du prix au m² pour les logements constituant pour leurs propriétaires leurs résidences principales, est porté de 1 525 à 1 750 HT.
A ces mesures destinées à encourager l'investissement privé dans le secteur du logement, il convient d'ajouter celles du Titre III de ce texte qui, elles, visent à favoriser la construction ou la réhabilitation de logements sociaux : abaissement à 2,1 % du taux de TVA pour les logements évolutifs sociaux (LES) ; abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant 5 ans, pour les logements locatifs sociaux (LLS), ayant fait l'objet de travaux pour les mettre aux normes sismiques ou cycloniques.
Toutes ces mesures constituent par conséquent un ensemble cohérent d'actions en faveur d'un secteur clé pour l'outre-mer, compte tenu des besoins importants en logement qui doivent être satisfaits.
3 - Les énergies renouvelables : une majoration de 4 points est accordée pour les logements alimentés par l'énergie solaire ; et une majoration de 10 points est accordée pour tout investissement en matière de production d'énergies renouvelables.
4 - Le financement des entreprises : une réduction d'impôt de 50 % est accordée au titre des souscriptions au capital de sociétés spécialisées dans ce financement et exerçant exclusivement leur activité outre-mer (SOFIOM). Par cette mesure très novatrice, nous souhaitons drainer l'épargne des particuliers vers des projets d'investissement et associer davantage nos compatriotes d'outre-mer au développement économique de leur collectivité.
Nous voulons introduire plus de transparence dans la délivrance de l'agrément lorsque celui-ci est requis (investissement d'un montant supérieur ou égal à 1M, ce seuil étant relevé). C'est ainsi que tout dossier pour lequel des réserves seront émises par l'administration fiscale pourra être soumis, pour avis, à une commission interministérielle, présidée par le ministère de l'Outre-Mer.
Nous souhaitons supprimer les dispositions qui constituent des entraves à l'investissement défiscalisé. C'est ainsi que la réduction d'impôt sur le revenu devient imputable sans plafonnement dès la première année (limitée à 50 % actuellement).
Enfin, s'agissant des investissements réalisés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis et Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon, les aides résultant de la mise en uvre des régimes autonomes d'aide fiscale en vigueur dans ces collectivités, ne seront plus déduites de l'assiette fiscale éligible.
En contrepartie de ces nouvelles mesures de défiscalisation, les contrôles exercés par l'administration fiscale seront renforcés. En effet, le dispositif législatif de défiscalisation des investissements ne doit en aucun cas être le moyen pour certains d'échapper à l'impôt de manière frauduleuse. C'est avant tout et uniquement un outil de développement économique pour l'outre-mer. C'est cette finalité, et c'est la seule, qui doit prévaloir. Et le Gouvernement est déterminé à veiller avec la plus grande vigilance pour qu'il en soit bien ainsi.
3 - 3ème série de mesures : celles qui visent à donner à la notion de continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole, un contenu concret
Je tiens à l'affirmer solennellement. Ce Gouvernement est le premier à prendre des mesures en matière de continuité territoriale pour l'outre-mer. Jamais rien n'avait été fait auparavant sur ce problème qui mobilise à juste titre nos compatriotes d'outre-mer, y compris ceux qui résident en métropole. Nous sommes donc les premiers à apporter des débuts de solution.
Nous voulons tout d'abord créer les conditions d'une offre de transport aérien suffisante et adaptée, en termes de capacité et de tarif, aux besoins des collectivités d'outre-mer. C'est le sens de la disposition que j'ai évoquée précédemment, visant à alléger les charges sociales des compagnies aériennes, maritimes et fluviales desservant l'outre-mer. La mise en uvre de cette mesure, par l'allégement des charges d'exploitation qu'elle induira, doit permettre en effet un abaissement du coût du transport, tant pour les passagers que pour le fret. Elle devrait en outre susciter, une offre supplémentaire de transport et par conséquent une saine concurrence, ce qui ne pourra que contribuer à la baisse du coût du transport. La simple annonce de ces mesures a déjà suscité deux nouvelles offres de desserte aérienne à La Réunion avec Air Austral et Air Bourbon.
Nous voulons également, dans le cadre de la solidarité nationale, compenser en partie les contraintes liées à l'éloignement. Nos compatriotes d'outre-mer doivent en effet pouvoir se déplacer plus facilement, à des conditions acceptables. C'est nécessaire notamment pour les jeunes qui ont à se rendre en métropole pour leurs études ou pour y prendre un premier emploi, ou encore pour les familles, qui ont à supporter aujourd'hui un coût de transport particulièrement lourd.
Après un premier pas franchi dès l'été 2002, avec l'instauration du " passeport mobilité ", destiné aux jeunes, il faut aller plus loin. Aussi, à l'instar de ce qu'on fait l'Espagne et le Portugal pour les résidents de leurs régions ultrapériphériques, et comme il a été fait pour les liaisons aériennes entre la France continentale et la Corse, il est proposé que l'Etat participe au financement d'un dispositif d'abaissement du coût des billets d'avion, en versant dans chaque collectivité d'outre-mer, une " dotation annuelle de continuité territoriale ". Cette dotation permettra d'accorder aux résidents outre-mer, c'est à dire aux personnes qui y ont leur résidence principale, une aide forfaitaire, limitée à un voyage par an, entre la collectivité et la métropole. L'objectif est que cette dotation s'ajoute aux concours des collectivités locales et de l'Union européenne ayant le même objet.
Pour faciliter la mise en uvre de ces dispositifs, nous avons créé, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, un groupe de travail associant les compagnies aériennes desservant l'outre-mer et dont l'objectif est de nous aider à optimiser ces mesures afin qu'elles produisent les meilleurs effets. Nous avons bien évidemment fait aussi comprendre aux compagnies concernées que ces mesures ne sauraient en aucun cas servir à l'amélioration de leur marge bénéficiaire et devaient au contraire se traduire par une baisse du coût du transport, pour tous les passagers, qu'ils résident outre-mer ou en métropole.
Au-delà de ces trois séries de dispositions, j'ajouterai que le projet de texte qui vous est soumis permet dans son titre VI d'actualiser le droit de l'outre-mer. Le droit applicable outre-mer ne doit pas en effet, s'agissant des collectivités soumises au principe de spécialité législative, demeurer trop longtemps en décalage avec le droit en vigueur en métropole. L'article 43 ouvre donc une nouvelle habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, pour permettre par ordonnance ce rattrapage des textes à étendre à certaines collectivités d'outre-mer. En outre, pour renforcer la sécurité juridique du droit applicable outre-mer, l'article 44 du texte procède à la ratification de nombreuses ordonnances prises entre 2000 et 2002.
Vous pouvez le constater, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer n'a pas pour objet de verser à nos collectivités d'outre-mer des subventions " à fond perdu ". Il vise, au contraire, en allégeant une partie des contraintes qui pèsent sur ces économies, à créer les conditions d'un développement durable de l'activité pour offrir, notamment aux jeunes, de réelles perspectives d'avenir.
Devant l'ampleur des défis à relever, certains penseront que ces mesures ne vont pas assez loin. Devant l'ampleur des difficultés budgétaires de notre pays, d'autres dénonceront des dépenses irréalistes.
A ceux qui veulent plus d'exonérations de charges sociales, davantage encore de défiscalisation, des mesures en faveur de l'éducation, de la formation, des crédits de rattrapage, je réponds que le Gouvernement, soucieux de préserver les finances publiques et conscient de la nécessité d'agir pour permettre à l'outre-mer de surmonter ses handicaps et valoriser ses atouts, a fait tout d'abord le choix de cibler les mesures qu'il propose. C'est faire preuve à la fois de réalisme et de pragmatisme. Il s'agit en effet de soutenir les secteurs dans lesquels l'emploi doit se créer de façon durable et non de permettre des effets d'aubaine.
Par ailleurs, cette loi n'est pas une loi de programmation. Elle ne saurait se substituer aux contrats de plan et aux fonds européens dont il faut veiller à consommer efficacement les crédits, qui ont pour objet de financer des projets de rattrapage économique. Elle ne saurait davantage remettre en cause les engagements pris par l'Etat - et qui seront intégralement tenus - en faveur de certaines de nos collectivités d'outre-mer. Je pense en disant cela aux conventions de développement que j'ai signées, à la fin de l'année dernière, avec les autorités de Mayotte et de Wallis et Futuna. Enfin, de nombreuses actions, en matière d'éducation ou de formation par exemple, ne nécessitent pas des mesures de niveau législatif.
A ceux qui considèrent qu'on en fait trop et que ça coûte trop cher, je voudrais rappeler un certain nombre de vérités. Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je trouve vraiment curieux que l'on pose la question du coût de cette partie du territoire français qu'est l'outre-mer et qu'il ne vient à l'idée de personne de s'interroger sur le coût d'un département métropolitain. Alors que les dépenses du budget de l'Etat sont en moyenne moins élevées pour un habitant d'outre-mer que pour un habitant de métropole, je ne vois pas au nom de quoi, il faudrait refuser à nos compatriotes d'outre-mer de progresser sur la voie de l'égalité économique. Par ailleurs, lorsque l'on parle d'un outre-mer qui coûte, demande-t-on leur avis aux populations de ces collectivités, lorsqu'il s'agit de recapitaliser, sur crédits publics, telle ou telle entreprise publique dont l'activité, outre-mer, est inexistante, ou lorsqu'il s'agit de financer le TGV ? Et pourtant, au nom de la solidarité nationale, les impôts perçus outre-mer y contribuent.
Alors oui, c'est vrai, les mesures de cette loi programme ont un coût : dans l'évaluation de 250 M par an, une partie me semble toutefois très virtuelle, je veux parler des 164 M au titre des nouvelles dispositions en matière de défiscalisation. Mais je voudrais surtout, si l'on veut donner à ces chiffrages un minimum d'honnêteté intellectuelle, faire trois observations.
1- Il ne me paraît pas sérieux de raisonner uniquement en coût brut des dispositions proposées. Il convient en effet de raisonner en coût net, c'est-à-dire en tenant compte de la dynamique de recettes que la mise en uvre des mesures induit. Ainsi, par exemple, s'agissant de la mesure d'exonération de charges sociales, son coût brut est estimé à 40 M, ce qui correspond, pour vous donner un ordre de grandeur, à l'indemnisation de 4 700 chômeurs. Je rappelle que sur les 4 DOM, nous approchons les 200 000 chômeurs. Il suffirait en conséquence de créer 4 700 emplois pour que cette dépense soit compensée. J'ajoute que 4 700 emplois nouveaux rapportent à l'UNEDIC environ 34 M de cotisations chômage (qui, elles, continueront d'être versées, puisqu'exclues du champ de l'exonération). Vous voyez que ces chiffres sont à relativiser car je peux vous dire que l'ambition de ces mesures consiste à créer, chaque année, bien plus que 4 700 emplois outre-mer !
2 - La défiscalisation, qui n'est pas une dépense mais une absence de recette pour l'Etat, est le seul moyen, outre-mer, de susciter l'investissement. Sans défiscalisation, il n'y aura pas d'investissement et, par conséquent, aucune perspective de rentrée fiscale à moyen terme. La Commission européenne qui, vous le savez, est très soucieuse de contrôler la portée de ce dispositif, ne l'a d'ailleurs jamais remis en cause jusqu'ici, estimant qu'il est adapté à la situation des économies de l'outre-mer. La défiscalisation outre-mer crée de l'investissement et donc de l'emploi mais elle permet aussi aux entreprises de se moderniser pour rester compétitives et survivre, et c'est donc souvent un moyen indispensable pour préserver l'emploi.
3 - La continuité territoriale concerne toutes nos collectivités d'outre-mer. Aussi, j'estime que la mesure nouvelle qui est proposée et qui coûte 30 M n'est pas déraisonnable, si on la compare à la mesure en vigueur pour la seule Corse qui, elle, coûte 165 M au budget de l'Etat. Cette mesure ne fait qu'amorcer un dispositif qui devra être complété par des financements locaux et européens.
o Je voudrais, en conclusion, vous dire que ce projet de loi programme ne prétend pas être la seule réponse du Gouvernement aux préoccupations et attentes de l'outre-mer. Il vient prendre sa place au côté des réformes et actions réalisées ou engagées en faveur de l'outre-mer par ce Gouvernement. Je pourrais vous citer, par exemple, les importants dossiers que nous plaidons actuellement à Bruxelles, qu'il s'agisse de la reconduction de l'octroi de mer, des dossiers agricoles ou du mémorandum que nous venons de signer avec l'Espagne et le Portugal pour défendre nos sept régions ultrapériphériques de l'Europe.
Je tiens aussi à rappeler la vocation très interministérielle du ministère de l'Outre-Mer qui fait prendre en compte la spécificité de nos collectivités ultramarines dans les autres textes législatifs. Nous l'avons fait pour les lois de sécurité intérieure. Nous le ferons également dans les textes en préparation sur la décentralisation et en particulier ceux relatifs à l'autonomie financière des collectivités locales. J'ai toutefois tenu à inscrire dès maintenant le principe de critères spécifiques en faveur de l'outre-mer pour la fixation des dotations de l'Etat.
J'ajoute que lors des consultations intenses que j'ai menées avec tous nos partenaires pour préparer cette loi, j'ai été saisie de nombreuses propositions intéressantes et constructives auxquelles je donnerai suite, mais qui ne se retrouvent pas dans le texte qui vous est proposé, pour la seule raison qu'elles ne nécessitent pas l'intervention du législateur.
Au total, j'ai la conviction que ce projet de loi de programme pour l'outre-mer est un élément supplémentaire et déterminant dans la construction d'un outre-mer français qui, fort de ses atouts et conscient de ses handicaps, doit accéder après l'égalité sociale à l'égalité économique avec la métropole.
Après la réforme de la Constitution qui permet désormais aux collectivités d'outre-mer qui le souhaitent de bénéficier d'institutions et de compétences aménagées, tout en renforçant leur ancrage dans la République, je suis heureuse d'avoir pu mener à bien, en un an, cet acte II de l'ambitieux projet pour l'outre-mer, sur lequel le Président de la République s'était fortement engagé.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 10 juin 2003)