Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Par quatre décrets signés le 29 octobre 2003 et publiés au Journal officiel du lendemain, le Président de la République a, sur proposition du Gouvernement, décidé d'organiser le 7 décembre 2003 une consultation des électeurs de la Martinique, de la Guadeloupe, de l'île de Saint-Martin et de l'île de Saint-Barthélémy.
En Martinique et en Guadeloupe, la question posée aux électeurs porte sur la création, dans ces deux régions mono-départementales, d'une collectivité territoriale unique demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire par l'identité législative avec possibilités d'adaptations, et se substituant au département et à la région.
A Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, la question porte sur la création d'une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.
Ces consultations sont organisées sur le fondement de l'article 72-4 de la Constitution pour Saint-Barthélémy et Saint-Martin, et sur celui de l'article 73 de la Constitution qui renvoie d'ailleurs à l'article 72-4 - pour la Martinique et la Guadeloupe.
Le Gouvernement est tenu, en application de ce même article 72-4, de faire une déclaration, suivie d'un débat, devant les deux Assemblées du Parlement, lorsque la consultation est organisée sur sa proposition et qu'elle porte sur le changement de régime législatif - tel le passage d'une collectivité du régime de l'article 73 vers le régime de l'article 74. Le Conseil d'Etat a considéré que, lorsqu' il est envisagée, dans le cadre de l'article 73, la création d'une collectivité nouvelle se substituant au département et à la région, le Gouvernement doit également faire une déclaration au Parlement. Nous nous sommes rangés à cet avis.
Mes propos porteront :
1 - d'abord sur le nouveau cadre constitutionnel des collectivités françaises
d'Outre-mer ;
2 - ensuite, sur la démarche qu'a suivie le Gouvernement, saisi par les élus locaux de propositions d'évolutions institutionnelles ou statutaires ;
3 - enfin, sur les suites qu'il conviendra de donner aux consultations du 7 décembre 2003.
1 - La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a profondément rénové le cadre constitutionnel de la France d'Outre-mer.
Elle a consacré solennellement l'appartenance des collectivités ultra-marines à la République en les mentionnant nominativement à l'article 72-3 de la Constitution. Dans le même temps, elle a réunifié juridiquement le Peuple français en abolissant la distinction entre le Peuple français et les " peuples d'Outre-mer ". Désormais, seule une révision de la Constitution peut conduire à ce qu'une collectivité ultra-marine sorte de l'ensemble français et ce, quelque soit son statut. C'est dire que, régie par l'article 73 ou par l'article 74, les collectivités situées Outre-mer bénéficient du même degré de protection constitutionnelle : le temps où l'article 74 était une sorte " d'antichambre de l'indépendance " pour les territoires d'Outre-mer est bel et bien révolu.
Je note, d'ailleurs, que les courants indépendantistes sont inexistants dans plusieurs collectivités régies par l'article 74 (Mayotte, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon) ou qui pourraient l'être demain (Saint-Martin et Saint-Barthélémy), alors qu'ils possèdent une audience électorale non négligeable dans certains départements d'Outre-mer (la Martinique et la Guyane).
C'est dire que la puissance du sentiment séparatiste n'est pas nécessairement proportionnelle au degré d'autonomie d'une collectivité !
Je le réaffirme donc ici avec force : l'article 73 et l'article 74 sont sans incidence sur l'appartenance à la République des collectivités qu'ils régissent et le passage de l'un vers l'autre n'emporte sur ce point aucune espèce de conséquence.
Ainsi sécurisé, le débat institutionnel et statutaire peut librement s'exercer, sous réserve que les changements les plus fondamentaux recueillent l'accord des électeurs. C'est ainsi que le passage du régime de l'article 73 vers l'article 74 ou, dans les régions mono-départementales d'Outre-mer, l'institution d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, doivent être autorisés par les électeurs. Sans cette autorisation, les pouvoirs publics ne peuvent agir plus avant, et une loi qui irait à l'encontre de la volonté populaire serait inconstitutionnelle. C'est donc bien davantage qu'un simple avis qui est ici recherché. C'est bien désormais un véritable consentement qui doit s'exprimer dans le cadre d'un scrutin satisfaisant à l'exigence de clarté et de loyauté.
Enfin, les collectivités qui composent l'Outre-mer français ne peuvent désormais être soumises qu'à deux types de régime législatif :
dans le cadre de l'article 73, les lois et règlements sont applicables de plein droit : c'est le régime de l'identité législative. Mais ils peuvent faire l'objet d'adaptations aux " caractéristiques et contraintes " des départements et régions d'Outre-mer. Ces adaptations peuvent résulter de la loi ou du décret, comme c'est déjà le cas depuis 1946, ou encore être définies localement, mais dans les conditions que la loi organique devra encadrer et sur habilitation au cas par cas par le législateur. Dans un nombre limité de matières, pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités peuvent en outre adopter des actes réglementaires dans le domaine de la loi : mais cet aménagement partiel et encadré du principe d'identité législative ne doit naturellement pas avoir pour effet d'en dénaturer la portée. A titre d'exemple, des domaines comme les transports terrestres, l'environnement, l'urbanisme ou l'aménagement du territoire pourraient être concernés par cette procédure.
Dans le cadre de l'article 74, en revanche, ce pouvoir de réglementer dans le domaine de la loi peut concerner toutes les matières autres que régaliennes. En outre, c'est la loi organique qui, en fixant les conditions dans lesquelles s'appliquent les lois et règlements, détermine le plus ou moins grand degré de spécialité législative laquelle peut ainsi osciller entre la quasi-assimilation (c'est le cas de Saint-Pierre et Miquelon) ou la très large autonomie (comme la Polynésie française), avec des situations intermédiaires (telle Mayotte où la spécialité s'applique aux deux tiers des textes environ).
Ainsi, on le voit, les deux régimes législatifs institués par les articles 73 et 74 révisés permettent d'envisager, pour l'Outre-mer, toutes les solutions institutionnelles et statutaires, pourvu que soient respectés les principes de la République : les matières dites " régaliennes " (justice, police, défense, affaires étrangères, état des personnes, etc) demeurent toujours de la compétence de l'État.
Les deux régimes législatifs, dotés de la même force constitutionnelle, sont également estimables : on n'est pas moins Français parce que l'on vit dans une collectivité régie par l'article 74. Nos concitoyens de ces collectivités d'Outre-mer ont su donner, par le passé, au même titre que ceux des départements d'Outre-mer, des preuves de leur attachement à la Nation !
Naturellement, les autres dispositions du titre XII de la Constitution ont vocation à s'appliquer aux collectivités régies par les articles 73 et 74 : l'appartenance à l'Outre-mer n'implique en aucune façon une quelconque distanciation par rapport aux règles constitutionnelles communes à l'ensemble des collectivités territoriales de la République. Les collectivités situées Outre-mer peuvent bénéficier d'attributions supplémentaires par rapport à celles de la Métropole ; elles ne sauraient, en revanche, voir les droits de leurs habitants restreints et les principes de l'État républicain ne sauraient y être de moindre force qu'en métropole.
2 - C'est dans ce cadre constitutionnel rénové, sécurisé et clarifié que sont organisées les quatre consultations populaires qui font l'objet de la présente déclaration.
Contrairement à ce que prétendent un peu hâtivement certains commentateurs manifestement mal informés, ces consultations sont l'aboutissement de longs débats, tant localement qu'au sein du Parlement.
Je rappelle d'abord que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n'a pas été adoptée subrepticement : l'Outre-mer y occupe tout de même un peu plus de la moitié du texte ! Les débats qui ont précédé l'adoption de la révision n'ont rien dissimulé des intentions du Constituant, qui a mis en uvre les engagements du Président de la République, dont les positions sur ce sujet ont été précisées dès le discours de Madiana, à la Martinique, le 11 mars 2000.
En Martinique comme en Guadeloupe, la question de la collectivité unique et de l'assemblée unique est ancienne : elle apparaît en 1982, alors que le Gouvernement et le Parlement de l'époque veulent mettre en place des conseils régionaux élus au suffrage universel : le caractère monodépartemental des régions d'Outre-mer est regardé par de larges secteurs de l'opinion comme devant conduire, dans un souci de simplification, à la création soit d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, soit à la mise en place d'une assemblée délibérante commune aux deux collectivités. Le Conseil constitutionnel, on le sait, a censuré une première tentative d'assemblée unique dans sa décision du 2 décembre 1982, pour des raisons principalement liées au mode de scrutin retenu pour cette assemblée, qui dénaturait par trop l'institution départementale.
Le Législateur a alors décidé, par la loi du 31 décembre 1982 d'instituer un conseil régional distinct du conseil général : ces conseils régionaux d'Outre-mer furent élus pour la première fois en février 1983.
Depuis cette date, la coexistence sur le même territoire de deux assemblées délibérantes dotées de la même légitimité démocratique, qui n'a pas d'équivalent connu dans les démocraties contemporaines, n'a jamais cessé d'être débattu.
Par ailleurs, l'article 73 dans sa rédaction initiale était regardé comme trop contraignant eu égard aux nécessités de l'adaptation des normes aux spécificités locales : là encore, le débat sur la dévolution aux collectivités régies par l'article 73 d'un pouvoir normatif, jugé nécessaire à l'exercice effectif de nouvelles compétences, est ancien et récurrent.
Quant à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, le débat statutaire y est également ancien. On se souvient qu'en 1996 l'Assemblée nationale avait, sur la proposition du président Pierre MAZEAUD, adopté pour ces deux îles une organisation particulière qui préfigurait à bien des égards le dispositif qui sera soumis aux électeurs le 7 décembre. Cette tentative n'a pu être menée à son terme.
Voici, très brièvement résumés, les termes du débat : ils ont d'ailleurs été largement développés, à l'occasion des discussions au Parlement sur la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, par de nombreux orateurs au sein des deux Assemblées, et les rapporteurs du texte, MM. GARREC et CLÉMENT, présidents des deux commissions des lois, s'en sont fait l'écho de manière très complète dans leur rapport écrit.
C'est dire que l'on peut difficilement reprocher au Gouvernement je ne sais quelle " aventure " en ce domaine : les observateurs attentifs de l'Outre-mer et de l'organisation territoriale de la République ne sauraient être surpris par sa démarche.
Ce reproche est d'autant moins fondé que le rôle du Gouvernement, sur ces questions, s'est limité à préparer et à mener une révision de la Constitution, sans idée préconçue sur les évolutions institutionnelles ou statutaires ultérieures. Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement et le Parlement qui a adopté la révision constitutionnelle, ont tracé un cadre dans lequel les évolutions peuvent être proposées au choix des électeurs. Le Gouvernement n'est pas, en l'espèce, porteur d'un quelconque projet : il n'a fait que proposer au Chef de l'État, gardien de l'intégrité du territoire national et du respect de la Constitution, de soumettre au vote populaire des réformes préparées et mûries localement et dont il a vérifié qu'elles étaient bien conformes à la Constitution. Il ne prend position ni en faveur du " OUI, ni en faveur du " NON ".
Ces réformes, sur le détail desquelles je reviendrai dans quelques instants, s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la Constitution révisée et ne comportent donc aucun danger d'affaiblissement du lien entre l'Outre-mer et la République.
Elles sont le résultat d'un large accord entre les forces politiques locales les plus représentatives, bien au-delà du traditionnel clivage droite/gauche, et au sein des Assemblées locales.
C'est en effet une condition à laquelle le Gouvernement attache la plus grande importance : il n'entre pas dans ses intentions d'utiliser la procédure de consultation populaire de l'article 72-4 de la Constitution pour arbitrer des compétitions politiques locales. Le recours au vote populaire doit permettre de trancher une question concrète, à partir de propositions établies et discutées. La consultation populaire n'est pas un sondage. Elle n'est pas non plus un " questionnaire à choix multiples ". Dès lors qu'elle a valeur décisionnelle, elle doit porter sur un projet qui se trouve en débat, et sur un seul. Ainsi en dispose la Constitution. Le Gouvernement n'a donc aucunement l'intention d'organiser une consultation populaire sur une question qui ne fait l'objet d'aucune demande locale : ainsi, comme aucun projet de ce type n'a vu le jour à la Réunion, il n'y aura pas de consultation sur ce thème ; de même, le passage vers le régime de l'article 74 n'étant demandé ni en Martinique, ni en Guadeloupe, les électeurs n'en seront pas saisis.
Ce sont donc bien les propositions des élus locaux et elles seules qui ont conduit le Gouvernement à proposer au Chef de l'État d'organiser ces consultations.
En Martinique et en Guadeloupe, les élus départementaux et régionaux ont adopté, postérieurement à la loi constitutionnelle, des résolutions sur l'évolution institutionnelle : ces orientations ont été synthétisées sous la forme d'un document d'orientation.
Les élus de la Guadeloupe se sont prononcés à une très large majorité.
En Martinique, le président du Conseil général et le président du Conseil régional, dûment mandatés à cette fin par une commission spécialement désignée par les deux assemblées, ont approuvé le document.
A Saint-Barthélémy et à Saint-Martin, les deux conseils municipaux ont chacun approuvé à l'unanimité le document d'orientation propre à chaque île.
Chacun de ces documents d'orientation est visé par le décret qui décide de consulter les électeurs dans la collectivité concernée.
Je vais maintenant procéder à la lecture de ces quatre documents, qui figureront ainsi au compte-rendu officiel de votre séance. En effet, s'ils ne possèdent pas de force juridique propre, ces documents d'orientation inspireront nécessairement les réformes qui suivront les consultations, si le " OUI " l'emporte. Ils constituent en quelque sorte la " feuille de route " du Gouvernement pour l'élaboration des futurs textes législatifs nécessaires à la mise en uvre de la volonté populaire.
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Martinique :
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Guadeloupe : (bientôt en ligne)
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de Saint-Martin : (bientôt en ligne)
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de Saint-Barthélémy : (bientôt en ligne)
C'est donc éclairés par ces documents d'orientation que les électeurs se prononceront le 7 décembre prochain.
3 - J'en viens maintenant aux conséquences des consultations.
J'évoquerai d'abord l'hypothèse d'une victoire du " NON ".
Dans ce cas, la décision des électeurs empêche que soit poursuivie - ou même entamée - une procédure d'évolution dans le sens rejeté par la population, faute de l'autorisation du corps électoral requise par la Constitution.
Le Gouvernement ne proposera donc au Parlement aucun texte qui irait à l'encontre de la volonté populaire. Cela implique que la Martinique ou la Guadeloupe demeureront des régions mono-départementales, et qu'elles pourront toujours revendiquer l'exercice des compétences nouvelles que l'article 73 de la Constitution a prévues sous réserve de l'adoption préalable d'une loi organique pour en encadrer l'usage.
Pour Saint-Martin et pour Saint-Barthélémy, le " NON " aura pour conséquence de maintenir ces îles dans le droit commun de l'article 73. Demeurées dépendances de la Guadeloupe, les habitants de ces îles ne pourront plus invoquer des tolérances, des coutumes et des usages, notamment en matière fiscale, pour se dérober au droit commun, puisqu'ils auront refusé une évolution leur accordant l'autonomie dans ce domaine.
J'évoque maintenant l'hypothèse d'une victoire du " OUI ".
Dans ce cas, le Gouvernement ne sera pas tenu juridiquement mais aura l'obligation politique et morale de préparer un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire qui comporteront des dispositions nécessaires à l'organisation des nouvelles collectivités. Ces textes seront bien sûr, préparés en pleine concertation avec les élus. Mais c'est en définitive le Parlement qui décidera ou non d'adopter ces projets.
Ces collectivités seront naturellement soumises au respect des règles et principes posés par le titre XII de la Constitution : elles seront dotées d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct, dont procèdera un organe exécutif collégial qui sera responsable devant l'assemblée ; dans toutes les collectivités, des conseils consultatifs aux attributions étendues seront mis en place. Le référendum local et le droit de pétition seront institués.
De manière générale, le Gouvernement veillera, dans la préparation de ces projets de loi, à organiser le fonctionnement des nouvelles collectivités dans la transparence et la démocratie interne. Il s'agit, sans doute, d'une exigence qui doit prévaloir dans toutes les collectivités territoriales de la République mais qui revêt une acuité toute particulière dans des collectivités qui bénéficieront de compétences sans équivalent en métropole.
Bien évidemment, l'institution préfectorale sera maintenue dans les collectivités nouvelles : comment pourrait-il en être autrement ? Le représentant de l'État conservera les prérogatives que lui attribue la Constitution, notamment en matière de contrôle de légalité.
Toujours dans l'hypothèse où le " OUI " l'emporterait, les collectivités ainsi créées en Martinique et en Guadeloupe seront dotées d'une organisation institutionnelle particulière mais, pour autant, elles demeureront régies par l'article 73 et donc par le principe de l'identité législative. C'est donc abusivement que l'on prétend ici ou là que la suppression du département et son remplacement par une collectivité territoriale nouvelle aura des conséquences sur l'état du droit applicable. Car, en aucun cas, les droits qui résultent de la départementalisation ne pourront être remis en cause. Il convient en effet de ne pas accorder à l'adjectif " départemental " plus de portée qu'il n'en a réellement.
S'agissant plus particulièrement de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, les compétences normatives accordées à ces collectivités, en particulier dans le domaine fiscal, ne remettront pas en cause celles que l'État conservera en matière de procédure pénale, de droit pénal, mais aussi de droit commercial, monétaire et financier : en aucun cas les compétences nouvelles accordées aux deux collectivités ne pourront avoir pour effet de permettre la création de " paradis fiscaux " ou de " centres off shore ".
Le pouvoir fiscal ainsi dévolu aux collectivités devra en tout état de cause s'exercer dans le cadre de conventions avec l'État, afin d'éviter tout phénomène d'évasion fiscale.
La réforme institutionnelle n'aura pas non plus d'incidences sur le statut européen de la Martinique et de la Guadeloupe, et notamment sur leur qualité de " région ultra-périphérique " au sens de l'article 299 § 2 du Traité de Rome modifié par le Traité d'Amsterdam.
En effet, du point de vue des institutions de Bruxelles, c'est l'application effective du droit communautaire qui importe : il revient à chacun des États membres de veiller au respect de leurs obligations en la matière par leurs entités territoriales. L'organisation interne des États membres relève de leur souveraineté. Le projet de Traité constitutionnel devrait d'ailleurs réaffirmer ce principe ; son article 5.1 dispose en effet que " l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale ".
De même, si l'article 299 § 2 du Traité de Rome évoque les " départements français d'Outre-mer ", il ne peut s'agir que d'une référence géographique aux quatre départements ainsi dénommés à la date de la signature du Traité et non pas une référence juridique ou statutaire.
Tout autre interprétation priverait la France de sa souveraineté en matière d'organisation territoriale, en allant jusqu'à lui interdire de changer la dénomination de l'une de ses collectivités.
Conclusion
En conclusion je voudrais devant la représentation nationale souligner deux points essentiels : c'est la première fois dans l'histoire que les électeurs des Antilles sont appelés a se prononcer sur l'évolution de leurs institutions dans le cadre de la République. Ni la départementalisation en 1946, ni la création des conseils régionaux en 1982 n'ont été soumis au suffrage populaire.
Ces scrutins sont l'illustration parfaite d'une démocratie locale effective et vivante. Ils ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale. Ils permettent seulement aux citoyens concernés d'autoriser ou de s'opposer à des évolutions locales.
Enfin, je tiens, une fois encore à écarter de la façon la plus solennelle, les insinuations selon lesquelles l'évolution institutionnelle locale serait un premier pas vers la séparation d'avec la République. Quels que soient les résultats de ces scrutins, les liens entre la métropole et l'Outre-mer ne seront ni amoindris, ni distendus. Aucun autre Gouvernement que celui-ci n'a fait autant pour réaffirmer l'appartenance pleine et entière de l'Outre-mer à la République, sous la haute autorité du Chef de l'État et avec le concours du Parlement, comme en témoigne la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Je souhaite que nos compatriotes des Antilles participent nombreux, sans crainte et sans arrière pensée, à ces consultations dont l'enjeu strictement local les concerne très directement.
A l'issue de ces scrutins, il n'y aura ni vainqueur, ni vaincu. Seule la démocratie triomphera.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 7 novembre 2003)
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Par quatre décrets signés le 29 octobre 2003 et publiés au Journal officiel du lendemain, le Président de la République a, sur proposition du Gouvernement, décidé d'organiser le 7 décembre 2003 une consultation des électeurs de la Martinique, de la Guadeloupe, de l'île de Saint-Martin et de l'île de Saint-Barthélémy.
En Martinique et en Guadeloupe, la question posée aux électeurs porte sur la création, dans ces deux régions mono-départementales, d'une collectivité territoriale unique demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire par l'identité législative avec possibilités d'adaptations, et se substituant au département et à la région.
A Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, la question porte sur la création d'une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.
Ces consultations sont organisées sur le fondement de l'article 72-4 de la Constitution pour Saint-Barthélémy et Saint-Martin, et sur celui de l'article 73 de la Constitution qui renvoie d'ailleurs à l'article 72-4 - pour la Martinique et la Guadeloupe.
Le Gouvernement est tenu, en application de ce même article 72-4, de faire une déclaration, suivie d'un débat, devant les deux Assemblées du Parlement, lorsque la consultation est organisée sur sa proposition et qu'elle porte sur le changement de régime législatif - tel le passage d'une collectivité du régime de l'article 73 vers le régime de l'article 74. Le Conseil d'Etat a considéré que, lorsqu' il est envisagée, dans le cadre de l'article 73, la création d'une collectivité nouvelle se substituant au département et à la région, le Gouvernement doit également faire une déclaration au Parlement. Nous nous sommes rangés à cet avis.
Mes propos porteront :
1 - d'abord sur le nouveau cadre constitutionnel des collectivités françaises
d'Outre-mer ;
2 - ensuite, sur la démarche qu'a suivie le Gouvernement, saisi par les élus locaux de propositions d'évolutions institutionnelles ou statutaires ;
3 - enfin, sur les suites qu'il conviendra de donner aux consultations du 7 décembre 2003.
1 - La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a profondément rénové le cadre constitutionnel de la France d'Outre-mer.
Elle a consacré solennellement l'appartenance des collectivités ultra-marines à la République en les mentionnant nominativement à l'article 72-3 de la Constitution. Dans le même temps, elle a réunifié juridiquement le Peuple français en abolissant la distinction entre le Peuple français et les " peuples d'Outre-mer ". Désormais, seule une révision de la Constitution peut conduire à ce qu'une collectivité ultra-marine sorte de l'ensemble français et ce, quelque soit son statut. C'est dire que, régie par l'article 73 ou par l'article 74, les collectivités situées Outre-mer bénéficient du même degré de protection constitutionnelle : le temps où l'article 74 était une sorte " d'antichambre de l'indépendance " pour les territoires d'Outre-mer est bel et bien révolu.
Je note, d'ailleurs, que les courants indépendantistes sont inexistants dans plusieurs collectivités régies par l'article 74 (Mayotte, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon) ou qui pourraient l'être demain (Saint-Martin et Saint-Barthélémy), alors qu'ils possèdent une audience électorale non négligeable dans certains départements d'Outre-mer (la Martinique et la Guyane).
C'est dire que la puissance du sentiment séparatiste n'est pas nécessairement proportionnelle au degré d'autonomie d'une collectivité !
Je le réaffirme donc ici avec force : l'article 73 et l'article 74 sont sans incidence sur l'appartenance à la République des collectivités qu'ils régissent et le passage de l'un vers l'autre n'emporte sur ce point aucune espèce de conséquence.
Ainsi sécurisé, le débat institutionnel et statutaire peut librement s'exercer, sous réserve que les changements les plus fondamentaux recueillent l'accord des électeurs. C'est ainsi que le passage du régime de l'article 73 vers l'article 74 ou, dans les régions mono-départementales d'Outre-mer, l'institution d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, doivent être autorisés par les électeurs. Sans cette autorisation, les pouvoirs publics ne peuvent agir plus avant, et une loi qui irait à l'encontre de la volonté populaire serait inconstitutionnelle. C'est donc bien davantage qu'un simple avis qui est ici recherché. C'est bien désormais un véritable consentement qui doit s'exprimer dans le cadre d'un scrutin satisfaisant à l'exigence de clarté et de loyauté.
Enfin, les collectivités qui composent l'Outre-mer français ne peuvent désormais être soumises qu'à deux types de régime législatif :
dans le cadre de l'article 73, les lois et règlements sont applicables de plein droit : c'est le régime de l'identité législative. Mais ils peuvent faire l'objet d'adaptations aux " caractéristiques et contraintes " des départements et régions d'Outre-mer. Ces adaptations peuvent résulter de la loi ou du décret, comme c'est déjà le cas depuis 1946, ou encore être définies localement, mais dans les conditions que la loi organique devra encadrer et sur habilitation au cas par cas par le législateur. Dans un nombre limité de matières, pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités peuvent en outre adopter des actes réglementaires dans le domaine de la loi : mais cet aménagement partiel et encadré du principe d'identité législative ne doit naturellement pas avoir pour effet d'en dénaturer la portée. A titre d'exemple, des domaines comme les transports terrestres, l'environnement, l'urbanisme ou l'aménagement du territoire pourraient être concernés par cette procédure.
Dans le cadre de l'article 74, en revanche, ce pouvoir de réglementer dans le domaine de la loi peut concerner toutes les matières autres que régaliennes. En outre, c'est la loi organique qui, en fixant les conditions dans lesquelles s'appliquent les lois et règlements, détermine le plus ou moins grand degré de spécialité législative laquelle peut ainsi osciller entre la quasi-assimilation (c'est le cas de Saint-Pierre et Miquelon) ou la très large autonomie (comme la Polynésie française), avec des situations intermédiaires (telle Mayotte où la spécialité s'applique aux deux tiers des textes environ).
Ainsi, on le voit, les deux régimes législatifs institués par les articles 73 et 74 révisés permettent d'envisager, pour l'Outre-mer, toutes les solutions institutionnelles et statutaires, pourvu que soient respectés les principes de la République : les matières dites " régaliennes " (justice, police, défense, affaires étrangères, état des personnes, etc) demeurent toujours de la compétence de l'État.
Les deux régimes législatifs, dotés de la même force constitutionnelle, sont également estimables : on n'est pas moins Français parce que l'on vit dans une collectivité régie par l'article 74. Nos concitoyens de ces collectivités d'Outre-mer ont su donner, par le passé, au même titre que ceux des départements d'Outre-mer, des preuves de leur attachement à la Nation !
Naturellement, les autres dispositions du titre XII de la Constitution ont vocation à s'appliquer aux collectivités régies par les articles 73 et 74 : l'appartenance à l'Outre-mer n'implique en aucune façon une quelconque distanciation par rapport aux règles constitutionnelles communes à l'ensemble des collectivités territoriales de la République. Les collectivités situées Outre-mer peuvent bénéficier d'attributions supplémentaires par rapport à celles de la Métropole ; elles ne sauraient, en revanche, voir les droits de leurs habitants restreints et les principes de l'État républicain ne sauraient y être de moindre force qu'en métropole.
2 - C'est dans ce cadre constitutionnel rénové, sécurisé et clarifié que sont organisées les quatre consultations populaires qui font l'objet de la présente déclaration.
Contrairement à ce que prétendent un peu hâtivement certains commentateurs manifestement mal informés, ces consultations sont l'aboutissement de longs débats, tant localement qu'au sein du Parlement.
Je rappelle d'abord que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n'a pas été adoptée subrepticement : l'Outre-mer y occupe tout de même un peu plus de la moitié du texte ! Les débats qui ont précédé l'adoption de la révision n'ont rien dissimulé des intentions du Constituant, qui a mis en uvre les engagements du Président de la République, dont les positions sur ce sujet ont été précisées dès le discours de Madiana, à la Martinique, le 11 mars 2000.
En Martinique comme en Guadeloupe, la question de la collectivité unique et de l'assemblée unique est ancienne : elle apparaît en 1982, alors que le Gouvernement et le Parlement de l'époque veulent mettre en place des conseils régionaux élus au suffrage universel : le caractère monodépartemental des régions d'Outre-mer est regardé par de larges secteurs de l'opinion comme devant conduire, dans un souci de simplification, à la création soit d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, soit à la mise en place d'une assemblée délibérante commune aux deux collectivités. Le Conseil constitutionnel, on le sait, a censuré une première tentative d'assemblée unique dans sa décision du 2 décembre 1982, pour des raisons principalement liées au mode de scrutin retenu pour cette assemblée, qui dénaturait par trop l'institution départementale.
Le Législateur a alors décidé, par la loi du 31 décembre 1982 d'instituer un conseil régional distinct du conseil général : ces conseils régionaux d'Outre-mer furent élus pour la première fois en février 1983.
Depuis cette date, la coexistence sur le même territoire de deux assemblées délibérantes dotées de la même légitimité démocratique, qui n'a pas d'équivalent connu dans les démocraties contemporaines, n'a jamais cessé d'être débattu.
Par ailleurs, l'article 73 dans sa rédaction initiale était regardé comme trop contraignant eu égard aux nécessités de l'adaptation des normes aux spécificités locales : là encore, le débat sur la dévolution aux collectivités régies par l'article 73 d'un pouvoir normatif, jugé nécessaire à l'exercice effectif de nouvelles compétences, est ancien et récurrent.
Quant à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, le débat statutaire y est également ancien. On se souvient qu'en 1996 l'Assemblée nationale avait, sur la proposition du président Pierre MAZEAUD, adopté pour ces deux îles une organisation particulière qui préfigurait à bien des égards le dispositif qui sera soumis aux électeurs le 7 décembre. Cette tentative n'a pu être menée à son terme.
Voici, très brièvement résumés, les termes du débat : ils ont d'ailleurs été largement développés, à l'occasion des discussions au Parlement sur la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, par de nombreux orateurs au sein des deux Assemblées, et les rapporteurs du texte, MM. GARREC et CLÉMENT, présidents des deux commissions des lois, s'en sont fait l'écho de manière très complète dans leur rapport écrit.
C'est dire que l'on peut difficilement reprocher au Gouvernement je ne sais quelle " aventure " en ce domaine : les observateurs attentifs de l'Outre-mer et de l'organisation territoriale de la République ne sauraient être surpris par sa démarche.
Ce reproche est d'autant moins fondé que le rôle du Gouvernement, sur ces questions, s'est limité à préparer et à mener une révision de la Constitution, sans idée préconçue sur les évolutions institutionnelles ou statutaires ultérieures. Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement et le Parlement qui a adopté la révision constitutionnelle, ont tracé un cadre dans lequel les évolutions peuvent être proposées au choix des électeurs. Le Gouvernement n'est pas, en l'espèce, porteur d'un quelconque projet : il n'a fait que proposer au Chef de l'État, gardien de l'intégrité du territoire national et du respect de la Constitution, de soumettre au vote populaire des réformes préparées et mûries localement et dont il a vérifié qu'elles étaient bien conformes à la Constitution. Il ne prend position ni en faveur du " OUI, ni en faveur du " NON ".
Ces réformes, sur le détail desquelles je reviendrai dans quelques instants, s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la Constitution révisée et ne comportent donc aucun danger d'affaiblissement du lien entre l'Outre-mer et la République.
Elles sont le résultat d'un large accord entre les forces politiques locales les plus représentatives, bien au-delà du traditionnel clivage droite/gauche, et au sein des Assemblées locales.
C'est en effet une condition à laquelle le Gouvernement attache la plus grande importance : il n'entre pas dans ses intentions d'utiliser la procédure de consultation populaire de l'article 72-4 de la Constitution pour arbitrer des compétitions politiques locales. Le recours au vote populaire doit permettre de trancher une question concrète, à partir de propositions établies et discutées. La consultation populaire n'est pas un sondage. Elle n'est pas non plus un " questionnaire à choix multiples ". Dès lors qu'elle a valeur décisionnelle, elle doit porter sur un projet qui se trouve en débat, et sur un seul. Ainsi en dispose la Constitution. Le Gouvernement n'a donc aucunement l'intention d'organiser une consultation populaire sur une question qui ne fait l'objet d'aucune demande locale : ainsi, comme aucun projet de ce type n'a vu le jour à la Réunion, il n'y aura pas de consultation sur ce thème ; de même, le passage vers le régime de l'article 74 n'étant demandé ni en Martinique, ni en Guadeloupe, les électeurs n'en seront pas saisis.
Ce sont donc bien les propositions des élus locaux et elles seules qui ont conduit le Gouvernement à proposer au Chef de l'État d'organiser ces consultations.
En Martinique et en Guadeloupe, les élus départementaux et régionaux ont adopté, postérieurement à la loi constitutionnelle, des résolutions sur l'évolution institutionnelle : ces orientations ont été synthétisées sous la forme d'un document d'orientation.
Les élus de la Guadeloupe se sont prononcés à une très large majorité.
En Martinique, le président du Conseil général et le président du Conseil régional, dûment mandatés à cette fin par une commission spécialement désignée par les deux assemblées, ont approuvé le document.
A Saint-Barthélémy et à Saint-Martin, les deux conseils municipaux ont chacun approuvé à l'unanimité le document d'orientation propre à chaque île.
Chacun de ces documents d'orientation est visé par le décret qui décide de consulter les électeurs dans la collectivité concernée.
Je vais maintenant procéder à la lecture de ces quatre documents, qui figureront ainsi au compte-rendu officiel de votre séance. En effet, s'ils ne possèdent pas de force juridique propre, ces documents d'orientation inspireront nécessairement les réformes qui suivront les consultations, si le " OUI " l'emporte. Ils constituent en quelque sorte la " feuille de route " du Gouvernement pour l'élaboration des futurs textes législatifs nécessaires à la mise en uvre de la volonté populaire.
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Martinique :
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Guadeloupe : (bientôt en ligne)
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de Saint-Martin : (bientôt en ligne)
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de Saint-Barthélémy : (bientôt en ligne)
C'est donc éclairés par ces documents d'orientation que les électeurs se prononceront le 7 décembre prochain.
3 - J'en viens maintenant aux conséquences des consultations.
J'évoquerai d'abord l'hypothèse d'une victoire du " NON ".
Dans ce cas, la décision des électeurs empêche que soit poursuivie - ou même entamée - une procédure d'évolution dans le sens rejeté par la population, faute de l'autorisation du corps électoral requise par la Constitution.
Le Gouvernement ne proposera donc au Parlement aucun texte qui irait à l'encontre de la volonté populaire. Cela implique que la Martinique ou la Guadeloupe demeureront des régions mono-départementales, et qu'elles pourront toujours revendiquer l'exercice des compétences nouvelles que l'article 73 de la Constitution a prévues sous réserve de l'adoption préalable d'une loi organique pour en encadrer l'usage.
Pour Saint-Martin et pour Saint-Barthélémy, le " NON " aura pour conséquence de maintenir ces îles dans le droit commun de l'article 73. Demeurées dépendances de la Guadeloupe, les habitants de ces îles ne pourront plus invoquer des tolérances, des coutumes et des usages, notamment en matière fiscale, pour se dérober au droit commun, puisqu'ils auront refusé une évolution leur accordant l'autonomie dans ce domaine.
J'évoque maintenant l'hypothèse d'une victoire du " OUI ".
Dans ce cas, le Gouvernement ne sera pas tenu juridiquement mais aura l'obligation politique et morale de préparer un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire qui comporteront des dispositions nécessaires à l'organisation des nouvelles collectivités. Ces textes seront bien sûr, préparés en pleine concertation avec les élus. Mais c'est en définitive le Parlement qui décidera ou non d'adopter ces projets.
Ces collectivités seront naturellement soumises au respect des règles et principes posés par le titre XII de la Constitution : elles seront dotées d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct, dont procèdera un organe exécutif collégial qui sera responsable devant l'assemblée ; dans toutes les collectivités, des conseils consultatifs aux attributions étendues seront mis en place. Le référendum local et le droit de pétition seront institués.
De manière générale, le Gouvernement veillera, dans la préparation de ces projets de loi, à organiser le fonctionnement des nouvelles collectivités dans la transparence et la démocratie interne. Il s'agit, sans doute, d'une exigence qui doit prévaloir dans toutes les collectivités territoriales de la République mais qui revêt une acuité toute particulière dans des collectivités qui bénéficieront de compétences sans équivalent en métropole.
Bien évidemment, l'institution préfectorale sera maintenue dans les collectivités nouvelles : comment pourrait-il en être autrement ? Le représentant de l'État conservera les prérogatives que lui attribue la Constitution, notamment en matière de contrôle de légalité.
Toujours dans l'hypothèse où le " OUI " l'emporterait, les collectivités ainsi créées en Martinique et en Guadeloupe seront dotées d'une organisation institutionnelle particulière mais, pour autant, elles demeureront régies par l'article 73 et donc par le principe de l'identité législative. C'est donc abusivement que l'on prétend ici ou là que la suppression du département et son remplacement par une collectivité territoriale nouvelle aura des conséquences sur l'état du droit applicable. Car, en aucun cas, les droits qui résultent de la départementalisation ne pourront être remis en cause. Il convient en effet de ne pas accorder à l'adjectif " départemental " plus de portée qu'il n'en a réellement.
S'agissant plus particulièrement de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, les compétences normatives accordées à ces collectivités, en particulier dans le domaine fiscal, ne remettront pas en cause celles que l'État conservera en matière de procédure pénale, de droit pénal, mais aussi de droit commercial, monétaire et financier : en aucun cas les compétences nouvelles accordées aux deux collectivités ne pourront avoir pour effet de permettre la création de " paradis fiscaux " ou de " centres off shore ".
Le pouvoir fiscal ainsi dévolu aux collectivités devra en tout état de cause s'exercer dans le cadre de conventions avec l'État, afin d'éviter tout phénomène d'évasion fiscale.
La réforme institutionnelle n'aura pas non plus d'incidences sur le statut européen de la Martinique et de la Guadeloupe, et notamment sur leur qualité de " région ultra-périphérique " au sens de l'article 299 § 2 du Traité de Rome modifié par le Traité d'Amsterdam.
En effet, du point de vue des institutions de Bruxelles, c'est l'application effective du droit communautaire qui importe : il revient à chacun des États membres de veiller au respect de leurs obligations en la matière par leurs entités territoriales. L'organisation interne des États membres relève de leur souveraineté. Le projet de Traité constitutionnel devrait d'ailleurs réaffirmer ce principe ; son article 5.1 dispose en effet que " l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale ".
De même, si l'article 299 § 2 du Traité de Rome évoque les " départements français d'Outre-mer ", il ne peut s'agir que d'une référence géographique aux quatre départements ainsi dénommés à la date de la signature du Traité et non pas une référence juridique ou statutaire.
Tout autre interprétation priverait la France de sa souveraineté en matière d'organisation territoriale, en allant jusqu'à lui interdire de changer la dénomination de l'une de ses collectivités.
Conclusion
En conclusion je voudrais devant la représentation nationale souligner deux points essentiels : c'est la première fois dans l'histoire que les électeurs des Antilles sont appelés a se prononcer sur l'évolution de leurs institutions dans le cadre de la République. Ni la départementalisation en 1946, ni la création des conseils régionaux en 1982 n'ont été soumis au suffrage populaire.
Ces scrutins sont l'illustration parfaite d'une démocratie locale effective et vivante. Ils ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale. Ils permettent seulement aux citoyens concernés d'autoriser ou de s'opposer à des évolutions locales.
Enfin, je tiens, une fois encore à écarter de la façon la plus solennelle, les insinuations selon lesquelles l'évolution institutionnelle locale serait un premier pas vers la séparation d'avec la République. Quels que soient les résultats de ces scrutins, les liens entre la métropole et l'Outre-mer ne seront ni amoindris, ni distendus. Aucun autre Gouvernement que celui-ci n'a fait autant pour réaffirmer l'appartenance pleine et entière de l'Outre-mer à la République, sous la haute autorité du Chef de l'État et avec le concours du Parlement, comme en témoigne la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Je souhaite que nos compatriotes des Antilles participent nombreux, sans crainte et sans arrière pensée, à ces consultations dont l'enjeu strictement local les concerne très directement.
A l'issue de ces scrutins, il n'y aura ni vainqueur, ni vaincu. Seule la démocratie triomphera.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 7 novembre 2003)