Texte intégral
Monsieur le Président de l'Association des Maires de France, cher ami Daniel HOEFFEL,
Monsieur le Ministre, cher ami Jean-Paul DELEVOYE,
Mesdames et Messieurs les maires de France métropolitaine et d'outre-mer,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Permettez-moi de vous dire, en toute simplicité et en toute sincérité, combien je suis heureux de vous retrouver pour cette grande fête des maires qui constitue un moment fort d'échanges, de débats, mais aussi de convivialité, au-delà de nos différences de sensibilités politiques.
Deux raisons principales expliquent le plaisir que me procure notre rencontre républicaine.
Première raison : je suis fier d'avoir longtemps appartenu à la grande famille des maires de France, ces nouveaux hussards de la République, ces fantassins de la démocratie, dont l'action quotidienne, faite de dévouement et d'abnégation, permet, vaille que vaille, de préserver le pacte républicain aujourd'hui fragilisé par une dérive communautariste.
Seconde raison : je suis heureux de vous apporter le salut du Sénat de la République, assemblée parlementaire à part entière, mais aussi, - c'est un plus, un bonus -, représentant des collectivités territoriales.
Émanation des communes, le Sénat est le protecteur de l'autonomie locale, le défenseur de la décentralisation et l'avocat des maires de France, dont il partage les préoccupations et comprend les aspirations.
L'action du Sénat dans la conception, l'élaboration et l'adoption de la loi Fauchon sur la responsabilité pénale des décideurs en matière de délits non intentionnels constitue un témoignage probant de cette proximité qui confine, en l'occurrence, à la promiscuité.
C'est parce que le Sénat est le porte-parole des maires de France qu'il m'est impossible de laisser dire, sans réagir, que les communes seraient les grandes oubliées de l'acte II de la décentralisation. Il n'en est rien.
D'abord, parce que les communes et les villes recevront, elles aussi, de nouvelles compétences comme la lutte contre l'insalubrité, la sectorisation des écoles, le logement des étudiants, les ports de plaisance, les aérodromes, etc
Ensuite, parce que la consécration constitutionnelle du principe de subsidiarité et la relance de la décentralisation confortent le rôle premier de la commune comme acteur du développement économique, social et culturel de son territoire.
Enfin, parce que l'avènement de la République des proximités renforce, si besoin en était, la légitimité de la commune comme cellule de base de la démocratie, comme lieu d'expérimentation de nouvelles formes de démocratie directe et comme espace de citoyenneté au quotidien.
Les Françaises et les Français en quête d'enracinement et de participation ne s'y trompent d'ailleurs pas : ils plébiscitent la commune et son maire.
C'est parce que vous occupez cette place privilégiée dans le palmarès institutionnel et affectif de nos compatriotes que vous avez une vocation particulière à promouvoir la décentralisation.
Car aujourd'hui, un décalage inquiétant se fait jour entre, d'une part, le regard globalement positif que portent les élus locaux sur la relance de la décentralisation et, d'autre part, l'attitude plus réservée ou plus frileuse de nos concitoyens.
Cette différence de perception constitue, sans doute, une conséquence de la diabolisation de la décentralisation, au printemps dernier.
Il vous appartient donc de prendre vos bâtons de pèlerin pour expliquer à nos concitoyens que la décentralisation n'est pas inexorablement synonyme d'explosion des impôts locaux et que décentraliser ne rime pas forcément avec inégalité.
Il nous faudra convaincre nos concitoyens que la décentralisation, véritable oxygène de notre République, est une réforme structurelle, une révolution culturelle, et un projet de société.
Oui, la décentralisation est une réforme bénéfique pour les Françaises et les Français, même si ses effets positifs ne sont pas immédiatement perceptibles.
En premier lieu, parce que la décentralisation libère les initiatives locales et catalyse les énergies du terrain.
En second lieu, parce que la gestion de proximité, en rapprochant les décideurs des citoyens-contribuables, s'est avérée efficiente. Je ne rappellerai pas l'exemple éclatant de l'entretien et de la construction des écoles, des collèges et des lycées.
A l'évidence, proximité rime avec efficacité. Grâce aux bienfaits de la gestion de proximité, la décentralisation c'est, au pire, un meilleur service pour le même coût et, au mieux, un meilleur service pour un moindre coût. La proximité, c'est du " gagnant-gagnant ".
Toutefois, nous ne sommes pas suffisamment naïfs, les uns et les autres, pour croire, un seul instant, que la décentralisation produira ses effets bénéfiques par un simple coup de baguette magique.
D'une manière générale, la décentralisation n'atteindra son but que si les rapports entre l'Etat et les collectivités locales sont placés sous le triple signe de la clarté, de la lisibilité et de la sécurité.
Clarté, lisibilité, sécurité, mais aussi responsabilité, car l'Etat doit considérer les collectivités locales comme des partenaires responsables et non comme de simples sous-traitants sans marge de manuvre.
En particulier, le succès de l'acte II de la décentralisation dépendra de l'attribution aux collectivités locales de moyens financiers, sûrs, suffisants et satisfaisants, et de ressources humaines, motivées, formées et adaptées.
Telle est la condition sine qua non de la réussite de la relance de la décentralisation.
Pour les moyens financiers, force est de constater que la réussite de l'acte II est subordonnée à l'établissement de relations financières saines, sûres et sereines entre l'Etat et les collectivités locales.
C'est au nom de cet objectif, éclairé par les leçons du passé, - chat échaudé craint l'eau froide -, que le Sénat est intervenu en amont lors de l'élaboration du projet de révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, puis lors de la discussion de ce texte, pour obtenir l'inscription dans notre Constitution de garanties et de garde-fous.
Ces verrous, qui figurent désormais dans notre loi fondamentale, résultent de la consécration constitutionnelle de principes essentiels comme l'autonomie fiscale, le remplacement d'un impôt par une autre ressource fiscale et la compensation, à due concurrence, des transferts de compétences.
Des lignes jaunes sont ainsi tracées et leur franchissement pourra être sanctionné par le Conseil Constitutionnel.
C'est une avancée considérable qui devrait être de nature à nous, à vous, rassurer.
En outre, les nouvelles compétences dévolues aux collectivités territoriales ne seront transférées que le 1er janvier 2005. D'ici-là, nous aurons le temps d'évaluer avec précision, et en grandeur nature, le coût d'exercice des compétences transférées. Le Sénat, veilleur vigilant de la décentralisation, apportera sa contribution à cette évaluation. Je peux vous l'assurer.
Par ailleurs, le montant et les modalités de la compensation financière versée par l'Etat figureront dans le projet de loi de finances pour 2005, dont le Parlement sera saisi à l'automne prochain. Il pourra en débattre et, le cas échéant, corriger le tir.
Enfin, le Sénat a obtenu, la semaine dernière, lors de la discussion du projet de loi sur les responsabilités locales, qu'il a examiné en priorité, que la période de référence pour le calcul du montant des charges de fonctionnement transférées soit portée à trois ans.
Toutes ces garanties devraient éviter que la dévolution des nouvelles compétences ne s'apparente à une opération de délestage de l'Etat.
Après " l'étape " des transferts de compétences, il nous faudra engager une réflexion d'ensemble sur l'indispensable reforme de la fiscalité locale, qui a atteint ses limites, et sur la nécessaire refonte des concours financiers de l'Etat, qui sont à bout de souffle !
Sur la fiscalité locale, le constat est clair et partagé par tous : elle est injuste, archaïque et obsolète. Elle est d'autant plus dépassée, cette fiscalité locale, que le seul impôt local moderne, je veux parler de la taxe professionnelle, a été démantelé. Cet impôt, qui présentait pourtant le mérite d'instituer un lien entre la commune et l'entreprise, est aujourd'hui en sursis.
Donnons-nous enfin les moyens de doter les collectivités locales d'impôts localisables, modernes et évolutifs en fonction de la conjoncture, à laquelle elles contribuent largement en assumant près de 75 % de l'investissement public.
Par ailleurs, il est grand temps de mettre fin au système déresponsabilisant de dégrèvements et de compensations qui fait de l'État le premier contribuable local de France.
Aujourd'hui, nous devons mener une réflexion sans tabous ! Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), contribution sociale généralisée (CSG), aucune de ces impositions n'appartient, par essence, définitivement et en totalité à l'État !
Cette réforme ne pourra pas non plus faire l'économie de la révision des valeurs locatives cadastrales, souvent promise et toujours remise.
Trancher, sans délai, cette " épineuse " question conditionne pour partie le succès de cette réforme d'ensemble qui passe également par une refonte des concours financiers de l'État.
En l'espèce, nous devons parvenir à concilier autonomie locale et péréquation, deux principes apparemment antagonistes mais désormais d'égale valeur constitutionnelle.
Car, les disparités de richesse fiscale n'ont jamais été aussi criantes. Je ne vous citerai qu'un chiffre : 10 % des communes concentrent aujourd'hui 90 % des bases de taxe professionnelle. Il est donc temps de remettre à plat les nombreux mécanismes de péréquation, dont la complexité est inversement proportionnelle à leur efficacité. Ils ont vécu !
Par ailleurs, la concurrence, au sein d'une même enveloppe, entre péréquation et intercommunalité doit cesser !
L'enveloppe de l'intercommunalité doit être " sanctuarisée ".
Au-delà, pourquoi ne pas définir un mécanisme de " convergence " de la richesse fiscale ? Ce lissage ", par collectivité et pour chaque taxe, passerait par la " réattribution " de bases " fictives " aux collectivités les moins " favorisées ".
Elles pourraient, ainsi, pleinement exercer leur " libre arbitre fiscal " et recouvrer des marges de manoeuvre.
La répartition de ces bases pourrait être déterminée au niveau local en fonction de critères de richesse fiscale rénovés ; pourquoi pas sur la base d'un " indice synthétique " comme vient de le proposer mon collègue sénateur Jean FRANÇOIS-PONCET ?
Vous l'avez compris, les enjeux sont importants et les espérances nombreuses. Je forme le vu que le gouvernement entende mon appel !
Tout comme je souhaite qu'il prenne la pleine mesure du volet humain de la décentralisation, trop souvent passé sous silence.
Mesdames et Messieurs les maires de France, j'ai été personnellement meurtri par ceux qui ont véhiculé, il y a quelques mois, l'idée d'une " sous fonction publique ".
Non, la fonction publique territoriale n'est pas une fonction publique de " seconde zone ". Non, la fonction publique territoriale n'est pas une fonction publique au rabais ! Quant à nous, les élus locaux, serions-nous des employeurs de second rang, suspects de favoritisme ou de clientélisme ? A l'évidence non !
Dans ce contexte, j'ai souhaité, dès avril denier, engager une réflexion, avec certains de mes collègues sénateurs, sur l'adaptation du statut de la fonction publique territoriale à l'évolution des missions et aux enjeux sociaux : vieillissement démographique, allongement de la durée de la vie professionnelle, émergence des nouveaux métiers, développement de l'intercommunalité, ouverture européenne.
Autant de défis auxquels la fonction publique territoriale va devoir faire face dans les mois et les années à venir.
Ce groupe de travail, présidé par mon collègue Jean-Jacques HYEST et dont le rapporteur était mon autre collègue Alain VASSELLE, a formulé 34 propositions dont l'objectif est double : d'une part, conférer davantage de souplesse de gestion aux élus locaux et, d'autre part, adapter le statut aux nouveaux besoins des collectivités locales.
En clair, il s'agit de simplifier et d'assouplir les procédures de gestion des ressources humaines et de transformer le statut, qui a bientôt vingt ans, en un véritable outil de " management " des personnels. Notre but est de mettre la compétence au cur de la carrière avec la reconnaissance d'un véritable " contrat individuel de formation " tout au long de la vie et pour tous les agents.
Il s'agit aussi de favoriser la mobilité et de rationaliser les modalités de recrutement en renforçant la promotion interne, en simplifiant les concours, en reconnaissant les acquis de l'expérience et en harmonisant les seuils démographiques.
Nous devons, en outre, reconnaître les talents par la rétribution des fonctionnaires en fonction d'objectifs de performance, individuels ou collectifs, clairement définis.
Nous souhaitons, enfin, tout comme l'Association des Maires de France, associer les employeurs territoriaux aux négociations nationales en matière salariale.
Pour toutes ces raisons, je me réjouis, M. le Ministre, de votre décision de déposer un projet de loi, en janvier prochain, afin de définir des principes adaptés et de mettre en uvre des institutions renouvelées au service des collectivités locales et des fonctionnaires territoriaux, mais surtout au service de nos concitoyens.
Mesdames et Messieurs les maires, vous l'avez compris, les espérances sont grandes !
Je compte sur vous pour gagner le " pari du local ", le pari de la République des territoires, le pari de la République des proximités.
Je compte aussi sur le Premier ministre pour ne pas se départir de sa persévérance décentralisatrice. Il a tout ma confiance, accordez lui la votre !
Tournons nous résolument vers l'avenir pour démontrer encore une fois toute la vivacité, toute l'énergie et toute la puissance du chur des maires de France. Entonnons ensemble l'hymne d'une France décentralisée, d'une France libérée de ses entraves, d'une France dynamique. Offrons à nos enfants la perspective d'une République réconciliée et l'ambition d'une République moderne, d'une République solidaire, d'une République humaine
(source http://www.senat.fr, le 1 décembre 2003)
Monsieur le Ministre, cher ami Jean-Paul DELEVOYE,
Mesdames et Messieurs les maires de France métropolitaine et d'outre-mer,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Permettez-moi de vous dire, en toute simplicité et en toute sincérité, combien je suis heureux de vous retrouver pour cette grande fête des maires qui constitue un moment fort d'échanges, de débats, mais aussi de convivialité, au-delà de nos différences de sensibilités politiques.
Deux raisons principales expliquent le plaisir que me procure notre rencontre républicaine.
Première raison : je suis fier d'avoir longtemps appartenu à la grande famille des maires de France, ces nouveaux hussards de la République, ces fantassins de la démocratie, dont l'action quotidienne, faite de dévouement et d'abnégation, permet, vaille que vaille, de préserver le pacte républicain aujourd'hui fragilisé par une dérive communautariste.
Seconde raison : je suis heureux de vous apporter le salut du Sénat de la République, assemblée parlementaire à part entière, mais aussi, - c'est un plus, un bonus -, représentant des collectivités territoriales.
Émanation des communes, le Sénat est le protecteur de l'autonomie locale, le défenseur de la décentralisation et l'avocat des maires de France, dont il partage les préoccupations et comprend les aspirations.
L'action du Sénat dans la conception, l'élaboration et l'adoption de la loi Fauchon sur la responsabilité pénale des décideurs en matière de délits non intentionnels constitue un témoignage probant de cette proximité qui confine, en l'occurrence, à la promiscuité.
C'est parce que le Sénat est le porte-parole des maires de France qu'il m'est impossible de laisser dire, sans réagir, que les communes seraient les grandes oubliées de l'acte II de la décentralisation. Il n'en est rien.
D'abord, parce que les communes et les villes recevront, elles aussi, de nouvelles compétences comme la lutte contre l'insalubrité, la sectorisation des écoles, le logement des étudiants, les ports de plaisance, les aérodromes, etc
Ensuite, parce que la consécration constitutionnelle du principe de subsidiarité et la relance de la décentralisation confortent le rôle premier de la commune comme acteur du développement économique, social et culturel de son territoire.
Enfin, parce que l'avènement de la République des proximités renforce, si besoin en était, la légitimité de la commune comme cellule de base de la démocratie, comme lieu d'expérimentation de nouvelles formes de démocratie directe et comme espace de citoyenneté au quotidien.
Les Françaises et les Français en quête d'enracinement et de participation ne s'y trompent d'ailleurs pas : ils plébiscitent la commune et son maire.
C'est parce que vous occupez cette place privilégiée dans le palmarès institutionnel et affectif de nos compatriotes que vous avez une vocation particulière à promouvoir la décentralisation.
Car aujourd'hui, un décalage inquiétant se fait jour entre, d'une part, le regard globalement positif que portent les élus locaux sur la relance de la décentralisation et, d'autre part, l'attitude plus réservée ou plus frileuse de nos concitoyens.
Cette différence de perception constitue, sans doute, une conséquence de la diabolisation de la décentralisation, au printemps dernier.
Il vous appartient donc de prendre vos bâtons de pèlerin pour expliquer à nos concitoyens que la décentralisation n'est pas inexorablement synonyme d'explosion des impôts locaux et que décentraliser ne rime pas forcément avec inégalité.
Il nous faudra convaincre nos concitoyens que la décentralisation, véritable oxygène de notre République, est une réforme structurelle, une révolution culturelle, et un projet de société.
Oui, la décentralisation est une réforme bénéfique pour les Françaises et les Français, même si ses effets positifs ne sont pas immédiatement perceptibles.
En premier lieu, parce que la décentralisation libère les initiatives locales et catalyse les énergies du terrain.
En second lieu, parce que la gestion de proximité, en rapprochant les décideurs des citoyens-contribuables, s'est avérée efficiente. Je ne rappellerai pas l'exemple éclatant de l'entretien et de la construction des écoles, des collèges et des lycées.
A l'évidence, proximité rime avec efficacité. Grâce aux bienfaits de la gestion de proximité, la décentralisation c'est, au pire, un meilleur service pour le même coût et, au mieux, un meilleur service pour un moindre coût. La proximité, c'est du " gagnant-gagnant ".
Toutefois, nous ne sommes pas suffisamment naïfs, les uns et les autres, pour croire, un seul instant, que la décentralisation produira ses effets bénéfiques par un simple coup de baguette magique.
D'une manière générale, la décentralisation n'atteindra son but que si les rapports entre l'Etat et les collectivités locales sont placés sous le triple signe de la clarté, de la lisibilité et de la sécurité.
Clarté, lisibilité, sécurité, mais aussi responsabilité, car l'Etat doit considérer les collectivités locales comme des partenaires responsables et non comme de simples sous-traitants sans marge de manuvre.
En particulier, le succès de l'acte II de la décentralisation dépendra de l'attribution aux collectivités locales de moyens financiers, sûrs, suffisants et satisfaisants, et de ressources humaines, motivées, formées et adaptées.
Telle est la condition sine qua non de la réussite de la relance de la décentralisation.
Pour les moyens financiers, force est de constater que la réussite de l'acte II est subordonnée à l'établissement de relations financières saines, sûres et sereines entre l'Etat et les collectivités locales.
C'est au nom de cet objectif, éclairé par les leçons du passé, - chat échaudé craint l'eau froide -, que le Sénat est intervenu en amont lors de l'élaboration du projet de révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, puis lors de la discussion de ce texte, pour obtenir l'inscription dans notre Constitution de garanties et de garde-fous.
Ces verrous, qui figurent désormais dans notre loi fondamentale, résultent de la consécration constitutionnelle de principes essentiels comme l'autonomie fiscale, le remplacement d'un impôt par une autre ressource fiscale et la compensation, à due concurrence, des transferts de compétences.
Des lignes jaunes sont ainsi tracées et leur franchissement pourra être sanctionné par le Conseil Constitutionnel.
C'est une avancée considérable qui devrait être de nature à nous, à vous, rassurer.
En outre, les nouvelles compétences dévolues aux collectivités territoriales ne seront transférées que le 1er janvier 2005. D'ici-là, nous aurons le temps d'évaluer avec précision, et en grandeur nature, le coût d'exercice des compétences transférées. Le Sénat, veilleur vigilant de la décentralisation, apportera sa contribution à cette évaluation. Je peux vous l'assurer.
Par ailleurs, le montant et les modalités de la compensation financière versée par l'Etat figureront dans le projet de loi de finances pour 2005, dont le Parlement sera saisi à l'automne prochain. Il pourra en débattre et, le cas échéant, corriger le tir.
Enfin, le Sénat a obtenu, la semaine dernière, lors de la discussion du projet de loi sur les responsabilités locales, qu'il a examiné en priorité, que la période de référence pour le calcul du montant des charges de fonctionnement transférées soit portée à trois ans.
Toutes ces garanties devraient éviter que la dévolution des nouvelles compétences ne s'apparente à une opération de délestage de l'Etat.
Après " l'étape " des transferts de compétences, il nous faudra engager une réflexion d'ensemble sur l'indispensable reforme de la fiscalité locale, qui a atteint ses limites, et sur la nécessaire refonte des concours financiers de l'Etat, qui sont à bout de souffle !
Sur la fiscalité locale, le constat est clair et partagé par tous : elle est injuste, archaïque et obsolète. Elle est d'autant plus dépassée, cette fiscalité locale, que le seul impôt local moderne, je veux parler de la taxe professionnelle, a été démantelé. Cet impôt, qui présentait pourtant le mérite d'instituer un lien entre la commune et l'entreprise, est aujourd'hui en sursis.
Donnons-nous enfin les moyens de doter les collectivités locales d'impôts localisables, modernes et évolutifs en fonction de la conjoncture, à laquelle elles contribuent largement en assumant près de 75 % de l'investissement public.
Par ailleurs, il est grand temps de mettre fin au système déresponsabilisant de dégrèvements et de compensations qui fait de l'État le premier contribuable local de France.
Aujourd'hui, nous devons mener une réflexion sans tabous ! Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), contribution sociale généralisée (CSG), aucune de ces impositions n'appartient, par essence, définitivement et en totalité à l'État !
Cette réforme ne pourra pas non plus faire l'économie de la révision des valeurs locatives cadastrales, souvent promise et toujours remise.
Trancher, sans délai, cette " épineuse " question conditionne pour partie le succès de cette réforme d'ensemble qui passe également par une refonte des concours financiers de l'État.
En l'espèce, nous devons parvenir à concilier autonomie locale et péréquation, deux principes apparemment antagonistes mais désormais d'égale valeur constitutionnelle.
Car, les disparités de richesse fiscale n'ont jamais été aussi criantes. Je ne vous citerai qu'un chiffre : 10 % des communes concentrent aujourd'hui 90 % des bases de taxe professionnelle. Il est donc temps de remettre à plat les nombreux mécanismes de péréquation, dont la complexité est inversement proportionnelle à leur efficacité. Ils ont vécu !
Par ailleurs, la concurrence, au sein d'une même enveloppe, entre péréquation et intercommunalité doit cesser !
L'enveloppe de l'intercommunalité doit être " sanctuarisée ".
Au-delà, pourquoi ne pas définir un mécanisme de " convergence " de la richesse fiscale ? Ce lissage ", par collectivité et pour chaque taxe, passerait par la " réattribution " de bases " fictives " aux collectivités les moins " favorisées ".
Elles pourraient, ainsi, pleinement exercer leur " libre arbitre fiscal " et recouvrer des marges de manoeuvre.
La répartition de ces bases pourrait être déterminée au niveau local en fonction de critères de richesse fiscale rénovés ; pourquoi pas sur la base d'un " indice synthétique " comme vient de le proposer mon collègue sénateur Jean FRANÇOIS-PONCET ?
Vous l'avez compris, les enjeux sont importants et les espérances nombreuses. Je forme le vu que le gouvernement entende mon appel !
Tout comme je souhaite qu'il prenne la pleine mesure du volet humain de la décentralisation, trop souvent passé sous silence.
Mesdames et Messieurs les maires de France, j'ai été personnellement meurtri par ceux qui ont véhiculé, il y a quelques mois, l'idée d'une " sous fonction publique ".
Non, la fonction publique territoriale n'est pas une fonction publique de " seconde zone ". Non, la fonction publique territoriale n'est pas une fonction publique au rabais ! Quant à nous, les élus locaux, serions-nous des employeurs de second rang, suspects de favoritisme ou de clientélisme ? A l'évidence non !
Dans ce contexte, j'ai souhaité, dès avril denier, engager une réflexion, avec certains de mes collègues sénateurs, sur l'adaptation du statut de la fonction publique territoriale à l'évolution des missions et aux enjeux sociaux : vieillissement démographique, allongement de la durée de la vie professionnelle, émergence des nouveaux métiers, développement de l'intercommunalité, ouverture européenne.
Autant de défis auxquels la fonction publique territoriale va devoir faire face dans les mois et les années à venir.
Ce groupe de travail, présidé par mon collègue Jean-Jacques HYEST et dont le rapporteur était mon autre collègue Alain VASSELLE, a formulé 34 propositions dont l'objectif est double : d'une part, conférer davantage de souplesse de gestion aux élus locaux et, d'autre part, adapter le statut aux nouveaux besoins des collectivités locales.
En clair, il s'agit de simplifier et d'assouplir les procédures de gestion des ressources humaines et de transformer le statut, qui a bientôt vingt ans, en un véritable outil de " management " des personnels. Notre but est de mettre la compétence au cur de la carrière avec la reconnaissance d'un véritable " contrat individuel de formation " tout au long de la vie et pour tous les agents.
Il s'agit aussi de favoriser la mobilité et de rationaliser les modalités de recrutement en renforçant la promotion interne, en simplifiant les concours, en reconnaissant les acquis de l'expérience et en harmonisant les seuils démographiques.
Nous devons, en outre, reconnaître les talents par la rétribution des fonctionnaires en fonction d'objectifs de performance, individuels ou collectifs, clairement définis.
Nous souhaitons, enfin, tout comme l'Association des Maires de France, associer les employeurs territoriaux aux négociations nationales en matière salariale.
Pour toutes ces raisons, je me réjouis, M. le Ministre, de votre décision de déposer un projet de loi, en janvier prochain, afin de définir des principes adaptés et de mettre en uvre des institutions renouvelées au service des collectivités locales et des fonctionnaires territoriaux, mais surtout au service de nos concitoyens.
Mesdames et Messieurs les maires, vous l'avez compris, les espérances sont grandes !
Je compte sur vous pour gagner le " pari du local ", le pari de la République des territoires, le pari de la République des proximités.
Je compte aussi sur le Premier ministre pour ne pas se départir de sa persévérance décentralisatrice. Il a tout ma confiance, accordez lui la votre !
Tournons nous résolument vers l'avenir pour démontrer encore une fois toute la vivacité, toute l'énergie et toute la puissance du chur des maires de France. Entonnons ensemble l'hymne d'une France décentralisée, d'une France libérée de ses entraves, d'une France dynamique. Offrons à nos enfants la perspective d'une République réconciliée et l'ambition d'une République moderne, d'une République solidaire, d'une République humaine
(source http://www.senat.fr, le 1 décembre 2003)