Texte intégral
Madame la Ministre, chère Marie-Josée ROIG,
Monsieur le sénateur, cher ami, Alain DUFAUT,
Monsieur le Président du Conseil général, cher collègue, Claude HAUT,
Monsieur le Président de l'Association des Maires, cher Paul DURIEU,
Monsieur le Député, cher Maurice GIRO,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire, chers collègues élus locaux, chers amis, tout le plaisir que j'éprouve à vous retrouver, ici, en Avignon, non pas pour un conclave mais pour une rencontre républicaine, un dialogue démocratique placés sous le signe de la décentralisation.
Je n'oublie pas la qualité de l'accueil que vous m'aviez réservé, vous les maires de ce beau département de Vaucluse, en décembre 1998, lors de ma première sortie sur le terrain, en ma nouvelle qualité de Président du Sénat.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais cette première rencontre avait été déterminante, voire prépondérante... Elle m'avait, en effet, permis de tester, en grandeur nature, la formule des Etats généraux des élus locaux que j'ai ensuite organisés dans 17 régions de France métropolitaine et d'outre-mer.
Certains d'entre vous se souviennent sans doute, pour y avoir participé, des Etats généraux des élus locaux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, - votre région-, que j'avais organisés à Marseille, en juin 2001.
Loin d'être des grand'messes républicaines sans lendemain, ces Etats généraux se sont avérés, grâce à votre participation avisée, des laboratoires d'idées, des catalyseurs et des aiguillons de l'indispensable relance de la décentralisation.
Je suis donc heureux et ému de vous retrouver, Mesdames et Messieurs les Maires, mais aussi très fier d'être accueilli, en sa bonne ville, par Mme le Maire d'Avignon, ou plutôt par Mme la Ministre de la famille et de l'enfance.
Chère Marie-Josée ROIG, je suis heureux de vous adresser publiquement mes plus vives et chaleureuses félicitations pour cette promotion aussi brillante que méritée.
Cette fonction ministérielle couronne, à l'évidence, un parcours caractérisé par la compétence, le dévouement, la détermination et l'opiniâtreté.
Je voudrais également remercier chaleureusement mon collègue et ami Alain DUFAUT de m'avoir convié, une nouvelle fois, dans ce beau département de Vaucluse dont il porte haut les couleurs dans l'exercice de son mandat sénatorial.
Riche de son inlassable engagement sur le terrain, Alain DUFAUT a la réputation, au Palais du Luxembourg, d'un sénateur particulièrement compétent, actif et présent.
A cet hommage, pour la qualité du service rendu à leurs concitoyens, je voudrais associer mon collègue et ami Claude HAUT. Comme vous le voyez, le respect transcende les clivages politiques. Vous avez de la chance, Mesdames et Messieurs les élus locaux, d'être aussi bien représentés au Sénat de la République.
Je voudrais enfin saluer le dynamique président de votre association, Paul DURIEU, sans qui rien n'aurait été possible.
A vous toutes et à vous tous, je veux adresser mes sincères remerciements. Votre présence aujourd'hui démontre, en effet, votre goût du dialogue et votre foi dans ces valeurs essentielles qui fondent la démocratie de proximité et font vivre la République.
Je suis donc particulièrement heureux, mes chers amis, de partager avec vous ce moment de débat et de convivialité autour d'un thème essentiel pour l'avenir de notre République. Vous l'avez compris, je veux parler de la réforme, ô combien bénéfique, qu'est la décentralisation.
D'emblée, je voudrais vous faire un aveu dénué de toute langue de bois : je me réjouis de la poursuite de l'examen du projet de loi relatif " aux libertés locales et aux responsabilités locales ", après son adoption, en première lecture, par l'Assemblée nationale, la semaine dernière.
Ce texte va maintenant revenir, pour une deuxième lecture, au Sénat qui en avait été saisi en priorité, conformément à ses nouvelles prérogatives constitutionnelles.
Je m'en réjouis car on pouvait craindre, dans le contexte issu des dernières consultations électorales, un enlisement, voire un abandon pur et simple de cette réforme.
Interrogé par M. le Premier ministre, je m'étais permis de plaider en faveur d'une poursuite du processus de la décentralisation pour au moins deux raisons.
Première raison : je ne pense pas, tout en étant attentif au message des urnes, - message souvent pluriel -, que nos concitoyens aient manifesté, le 28 mars dernier, leur volonté de donner un coup d'arrêt à l'acte deux de la décentralisation.
Au contraire, je suis convaincu que le regain de participation aux dernières élections régionales et cantonales, - regain dont je me félicite, car une démocratie sans électeurs est une démocratie fragile -, constitue un signal positif pour la relance de la décentralisation.
Tout se passe désormais comme si les Françaises et les Français avaient compris que les régions, les départements et a fortiori les communes étaient appelés à devenir des acteurs essentiels de leur vie quotidienne.
De là à ériger les collectivités locales en contre-pouvoirs de l'Etat, il n'y a qu'un pas qu'il ne faut pas franchir.
En premier lieu, parce que les collectivités locales ne disposent pas d'une compétence générale, mais de compétences d'attribution qu'elles exercent dans leur ressort territorial. Elles ne peuvent pas tout faire ...
La France n'est pas un Etat fédéral mais une République unitaire dont l'organisation est décentralisée depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
En conséquence, l'Etat, par le truchement du législateur, continue de fixer les règles du jeu qui s'imposent à tous.
En second lieu, si elle n'a pas vocation à se faire contre l'Etat, la décentralisation ne signifie pas non plus la fin de l'Etat ou l'abandon de la solidarité nationale.
Bien au contraire, la décentralisation, c'est le nécessaire prélude à l'indispensable réforme de l'Etat. La décentralisation ce n'est pas moins d'Etat, c'est mieux d'Etat.
Mieux d'Etat, c'est un Etat allégé, un Etat performant, un Etat recentré sur ses fonctions régaliennes, un Etat concentré sur son indispensable et irremplaçable rôle de garant et de gardien de l'égalité des chances entre les hommes et entre les territoires.
N'oublions pas qu'à la demande du Sénat, l'impératif de péréquation est désormais inscrit dans notre Constitution.
Décentraliser ce n'est pas brader la solidarité nationale, c'est simplement redonner un peu de muscle à l'Etat, véritable Gulliver empêtré, en lui retirant les compétences dont les collectivités territoriales s'acquittent avec davantage d'efficience.
L'exemple de la gestion immobilière des écoles, des collèges et des lycées en fournit un témoignage éclatant.
La seconde raison, mais non la moindre, qui milite en faveur d'une poursuite du processus engagé, réside dans les effets bénéfiques de la décentralisation.
Oxygène de la République, la décentralisation, qui raccourcit les circuits de décision, est un facteur d'efficience de l'action publique. En matière de gestion, proximité rime, à l'évidence, avec efficacité.
Par ailleurs, la décentralisation qui libère l'imagination et les initiatives locales, permet l'émergence de projets crédibles, -car issus du terrain-, de développement local.
Enfin, la décentralisation ouvre de nouveaux territoires d'expression et d'expérimentation de nouvelles formes de démocratie participative.
Comme vous l'avez compris, la décentralisation n'est pas une simple réforme administrative. C'est un véritable projet de société, seul capable de revivifier notre République, de revigorer notre société, de réconcilier l'Etat, les élus et nos concitoyens et de mieux répondre à leurs besoins et à leurs attentes.
La décentralisation c'est la nouvelle frontière d'une République moderne, dynamique et vivante.
Mais cet attachement quasi-viscéral à la décentralisation ne m'aveugle pas au point d'oublier toutes les leçons de mon expérience, déjà ancienne, de parlementaire et d'élu local : si je suis un farouche partisan de l'avènement d'une République des territoires, je n'appartiens pas à la cohorte de ceux qui, pour paraphraser le Général de Gaulle, sautent comme des cabris sur leurs fauteuils en criant : " Décentralisation, décentralisation... ".
Au-delà des incantations, nous avons le devoir de réussir la relance de la décentralisation car son échec sonnerait le glas d'une réforme en profondeur de notre pays. Nous porterions alors une lourde responsabilité au regard de l'histoire.
Or, nous le savons tous : l'une des clefs de la réussite de la décentralisation passe, à l'évidence, par l'établissement de relations financières saines, sûres et sereines entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Ce nouveau partenariat doit être fondé sur la confiance et la transparence. C'est pourquoi le Sénat, riche des messages entendus et des enseignements retirés, lors des Etats généraux des élus locaux, a obtenu l'incorporation dans la Constitution de garanties et de garde-fous.
C'est ainsi que notre loi fondamentale comprend désormais des verrous comme le principe de l'autonomie fiscale, celui de la compensation à due concurrence des transferts de compétences ou encore celui du remplacement d'un impôt local supprimé par un autre impôt et non par une dotation à la merci de Bercy...
Désormais, les franchissements de ligne jaune pourront être sanctionnés par le Conseil Constitutionnel.
Il s'agit là d'une avancée considérable qui doit nous permettre d'envisager l'avenir avec sérénité, mais sans pour autant nous départir de notre devoir de vigilance.
Ces nouvelles garanties, qui portent l'empreinte et la marque de l'opiniâtreté du Sénat, ne vont pas rester lettre morte.
La décentralisation ne sera pas une opération de délestage de l'Etat.
C'est ainsi que le principe de l'autonomie fiscale, et notamment la signification du terme " part déterminante ", va être précisé par une loi organique dont l'adoption interviendra avant le vote définitif du projet de loi sur les responsabilités locales.
Quant à la compensation financière des nouveaux transferts de compétences, qui constitue le nerf de la guerre, elle doit, avant toute chose, procéder d'une évaluation précise du coût d'exercice de ces compétences.
A cet égard, le Sénat a d'ores et déjà obtenu que la compensation des charges de fonctionnement s'effectue sur la base de la moyenne des dépenses consacrées par l'Etat les trois années précédant le transfert au lieu de la seule dernière année. Il s'agit là d'une garantie essentielle.
Par ailleurs, le Sénat veillera à ce que le montant des charges transférées fasse l'objet d'une évaluation contradictoire et transparente.
Enfin, les modalités de la compensation financière des transferts de compétences seront fixées par le projet de loi de finances pour 2005, dont le Parlement débattra à l'automne prochain.
Mais, d'ores et déjà, nous savons que les régions bénéficieront d'une part de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers (T.I.P.P.) et les départements de la taxe sur les conventions d'assurance avec, dans les deux cas, la possibilité pour les collectivités territoriales concernées de moduler les taux de ces taxes.
Cette faculté est déterminante car il y va de l'autonomie fiscale et de la liberté des collectivités territoriales, dans le respect des principes désormais inscrits dans notre loi fondamentale.
Quant aux transferts de personnels et je pense bien sûr aux personnels techniques, ouvriers et de services, - les " TOS " -, je voudrais tenter de mettre un terme à la diabolisation dont fait l'objet cette mesure.
Je serai, à cet égard, très clair en vous rappelant qu'il s'agit de la simple reprise d'une proposition de la commission MAUROY, proposition qui, il y a quelques mois encore, faisait l'unanimité...
Pour ma part, je n'ai pas changé d'avis et je vous dirai, haut et fort, que les personnels " TOS " n'ont rien à craindre, bien au contraire, d'une intégration dans la fonction publique territoriale qui n'est pas une sous-fonction publique, et encore moins une fonction publique au rabais.
Quant à ceux qui objecteraient l'insuffisance des effectifs de " TOS ", je leur dirai, là encore, que les garanties constitutionnelles s'appliquent aussi aux transferts de personnels.
En outre, le Sénat a obtenu que le nombre de personnels transférés corresponde aux effectifs constatés au 31 décembre 2004 ou au 31 décembre 2002, si cette date est plus favorable aux collectivités concernées.
En tout état de cause, je puis vous assurer qu'en tant que Président du Sénat, assemblée parlementaire à part entière mais aussi, --c'est un plus-, représentant des collectivités territoriales, je veillerai personnellement au respect des principes désormais inscrits dans le " marbre " de notre Constitution. Il y va de la crédibilité et du succès de la décentralisation.
Je voudrais aussi profiter de cette rencontre pour vous faire part des réflexions que m'inspire la chronique de la " mort " annoncée de la taxe professionnelle.
Pour moi, la taxe professionnelle doit obligatoirement être remplacée par un autre impôt local. Il s'agit là d'une " ardente obligation " qui ne souffre d'aucune autre alternative.
Y déroger viderait de sa substance le principe de l'autonomie fiscale dont l'encre de son inscription dans la Constitution est à peine sèche.
Il est indispensable de maintenir un impôt local économique dont les collectivités territoriales maîtriseraient le taux, un nouvel impôt mieux accepté que la taxe professionnelle dont la mort était inéluctable depuis la suppression, en 1999, de la part salariale de son assiette.
Ce nouvel impôt devrait, à mon sens, satisfaire un triple objectif : le maintien du lien entre les collectivités territoriales et leur environnement économique, la préservation de l'incitation à l'intercommunalité et le renforcement de la péréquation entre collectivités locales, principe désormais constitutionnel.
Je puis vous assurer que le Sénat prendra toute sa part à ce débat essentiel en explorant, avec son expertise reconnue, toutes les alternatives à la taxe professionnelle avec en " ligne de mire " ou en " ligne bleue des Vosges ", le respect du principe constitutionnel d'autonomie fiscale.
Mais cette réflexion ne saurait, à mes yeux, être circonscrite à la seule taxe professionnelle. Elle doit s'étendre à l'ensemble de la fiscalité locale dont l'architecture actuelle n'est pas à la hauteur des enjeux de la décentralisation.
Je note d'ailleurs que le constat est unanime pour reconnaître que cette fiscalité locale est injuste, archaïque et obsolète.
Et, vous le savez bien, ce n'est pas la décentralisation qui en est responsable ! Alors cessons de " tirer à boulets rouges " contre elle !
Deux chiffres : 10 % des communes concentrent aujourd'hui 90 % des bases de taxe professionnelle. Voilà la véritable injustice ! Vous l'avez compris, il nous appartient de définir une ambitieuse politique de péréquation entre les collectivités locales.
A mon sens, cette nécessaire péréquation des ressources passe par une véritable réforme des concours financiers de l'Etat, à bout de souffle, mais aussi par la fiscalité.
L'important, c'est que chaque collectivité puisse être en mesure d'exercer son " libre arbitre " fiscal, c'est que chaque collectivité recouvre de vraies marges de manuvre.
Dans cette perspective, pourquoi ne pas définir un mécanisme de convergence de la richesse fiscale ?
Vous l'avez compris, mes chers amis, il nous appartient de mener une réflexion imaginative afin de doter les collectivités locales d'impôts dynamiques, équitables et modernes.
Mes chers amis, le succès de l'acte deux de la décentralisation est à ce prix ! Et il est aussi au prix de votre plein et entier assentiment.
La décentralisation ne se fera pas contre, mais avec vous, les Maires. Vous devez être les hussards de la décentralisation.
Là encore, il ne faut pas se méprendre. Contrairement à ce que l'on entend, ici ou là, les communes ne sont pas les " grandes oubliées " de l'acte deux de la décentralisation.
En premier lieu, parce qu'elles seront bénéficiaires de nouvelles compétences comme, par exemple, la sectorisation des écoles ou encore la lutte contre l'insalubrité.
En second lieu, parce que la décentralisation renforce la légitimité de la commune comme cellule de base de la démocratie locale et comme espace de citoyenneté au quotidien.
Mesdames, Messieurs les maires, démontrons ensemble que la décentralisation n'est pas synonyme de " régression sociale " mais au contraire de dynamisme. Vous le savez bien, vous qui chaque jour mettez votre cur, votre énergie et votre intelligence au service du développement des territoires et de la solidarité.
C'est là la raison d'être de mon engagement au Sénat en faveur d'une relance ambitieuse de la décentralisation. Et cet engagement, ce combat, je le sais, c'est aussi le vôtre.
Unissons-nous pour gagner le " pari de la proximité ", pour réussir l'acte deux de la décentralisation, pour concrétiser cette nouvelle ambition territoriale, seule à même d'offrir aux jeunes générations l'espoir d'une France moderne, d'une France dynamique, d'une France solidaire, d'une France humaine.
(source http://www.senat.fr, le 3 mai 2004)
Monsieur le sénateur, cher ami, Alain DUFAUT,
Monsieur le Président du Conseil général, cher collègue, Claude HAUT,
Monsieur le Président de l'Association des Maires, cher Paul DURIEU,
Monsieur le Député, cher Maurice GIRO,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire, chers collègues élus locaux, chers amis, tout le plaisir que j'éprouve à vous retrouver, ici, en Avignon, non pas pour un conclave mais pour une rencontre républicaine, un dialogue démocratique placés sous le signe de la décentralisation.
Je n'oublie pas la qualité de l'accueil que vous m'aviez réservé, vous les maires de ce beau département de Vaucluse, en décembre 1998, lors de ma première sortie sur le terrain, en ma nouvelle qualité de Président du Sénat.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais cette première rencontre avait été déterminante, voire prépondérante... Elle m'avait, en effet, permis de tester, en grandeur nature, la formule des Etats généraux des élus locaux que j'ai ensuite organisés dans 17 régions de France métropolitaine et d'outre-mer.
Certains d'entre vous se souviennent sans doute, pour y avoir participé, des Etats généraux des élus locaux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, - votre région-, que j'avais organisés à Marseille, en juin 2001.
Loin d'être des grand'messes républicaines sans lendemain, ces Etats généraux se sont avérés, grâce à votre participation avisée, des laboratoires d'idées, des catalyseurs et des aiguillons de l'indispensable relance de la décentralisation.
Je suis donc heureux et ému de vous retrouver, Mesdames et Messieurs les Maires, mais aussi très fier d'être accueilli, en sa bonne ville, par Mme le Maire d'Avignon, ou plutôt par Mme la Ministre de la famille et de l'enfance.
Chère Marie-Josée ROIG, je suis heureux de vous adresser publiquement mes plus vives et chaleureuses félicitations pour cette promotion aussi brillante que méritée.
Cette fonction ministérielle couronne, à l'évidence, un parcours caractérisé par la compétence, le dévouement, la détermination et l'opiniâtreté.
Je voudrais également remercier chaleureusement mon collègue et ami Alain DUFAUT de m'avoir convié, une nouvelle fois, dans ce beau département de Vaucluse dont il porte haut les couleurs dans l'exercice de son mandat sénatorial.
Riche de son inlassable engagement sur le terrain, Alain DUFAUT a la réputation, au Palais du Luxembourg, d'un sénateur particulièrement compétent, actif et présent.
A cet hommage, pour la qualité du service rendu à leurs concitoyens, je voudrais associer mon collègue et ami Claude HAUT. Comme vous le voyez, le respect transcende les clivages politiques. Vous avez de la chance, Mesdames et Messieurs les élus locaux, d'être aussi bien représentés au Sénat de la République.
Je voudrais enfin saluer le dynamique président de votre association, Paul DURIEU, sans qui rien n'aurait été possible.
A vous toutes et à vous tous, je veux adresser mes sincères remerciements. Votre présence aujourd'hui démontre, en effet, votre goût du dialogue et votre foi dans ces valeurs essentielles qui fondent la démocratie de proximité et font vivre la République.
Je suis donc particulièrement heureux, mes chers amis, de partager avec vous ce moment de débat et de convivialité autour d'un thème essentiel pour l'avenir de notre République. Vous l'avez compris, je veux parler de la réforme, ô combien bénéfique, qu'est la décentralisation.
D'emblée, je voudrais vous faire un aveu dénué de toute langue de bois : je me réjouis de la poursuite de l'examen du projet de loi relatif " aux libertés locales et aux responsabilités locales ", après son adoption, en première lecture, par l'Assemblée nationale, la semaine dernière.
Ce texte va maintenant revenir, pour une deuxième lecture, au Sénat qui en avait été saisi en priorité, conformément à ses nouvelles prérogatives constitutionnelles.
Je m'en réjouis car on pouvait craindre, dans le contexte issu des dernières consultations électorales, un enlisement, voire un abandon pur et simple de cette réforme.
Interrogé par M. le Premier ministre, je m'étais permis de plaider en faveur d'une poursuite du processus de la décentralisation pour au moins deux raisons.
Première raison : je ne pense pas, tout en étant attentif au message des urnes, - message souvent pluriel -, que nos concitoyens aient manifesté, le 28 mars dernier, leur volonté de donner un coup d'arrêt à l'acte deux de la décentralisation.
Au contraire, je suis convaincu que le regain de participation aux dernières élections régionales et cantonales, - regain dont je me félicite, car une démocratie sans électeurs est une démocratie fragile -, constitue un signal positif pour la relance de la décentralisation.
Tout se passe désormais comme si les Françaises et les Français avaient compris que les régions, les départements et a fortiori les communes étaient appelés à devenir des acteurs essentiels de leur vie quotidienne.
De là à ériger les collectivités locales en contre-pouvoirs de l'Etat, il n'y a qu'un pas qu'il ne faut pas franchir.
En premier lieu, parce que les collectivités locales ne disposent pas d'une compétence générale, mais de compétences d'attribution qu'elles exercent dans leur ressort territorial. Elles ne peuvent pas tout faire ...
La France n'est pas un Etat fédéral mais une République unitaire dont l'organisation est décentralisée depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
En conséquence, l'Etat, par le truchement du législateur, continue de fixer les règles du jeu qui s'imposent à tous.
En second lieu, si elle n'a pas vocation à se faire contre l'Etat, la décentralisation ne signifie pas non plus la fin de l'Etat ou l'abandon de la solidarité nationale.
Bien au contraire, la décentralisation, c'est le nécessaire prélude à l'indispensable réforme de l'Etat. La décentralisation ce n'est pas moins d'Etat, c'est mieux d'Etat.
Mieux d'Etat, c'est un Etat allégé, un Etat performant, un Etat recentré sur ses fonctions régaliennes, un Etat concentré sur son indispensable et irremplaçable rôle de garant et de gardien de l'égalité des chances entre les hommes et entre les territoires.
N'oublions pas qu'à la demande du Sénat, l'impératif de péréquation est désormais inscrit dans notre Constitution.
Décentraliser ce n'est pas brader la solidarité nationale, c'est simplement redonner un peu de muscle à l'Etat, véritable Gulliver empêtré, en lui retirant les compétences dont les collectivités territoriales s'acquittent avec davantage d'efficience.
L'exemple de la gestion immobilière des écoles, des collèges et des lycées en fournit un témoignage éclatant.
La seconde raison, mais non la moindre, qui milite en faveur d'une poursuite du processus engagé, réside dans les effets bénéfiques de la décentralisation.
Oxygène de la République, la décentralisation, qui raccourcit les circuits de décision, est un facteur d'efficience de l'action publique. En matière de gestion, proximité rime, à l'évidence, avec efficacité.
Par ailleurs, la décentralisation qui libère l'imagination et les initiatives locales, permet l'émergence de projets crédibles, -car issus du terrain-, de développement local.
Enfin, la décentralisation ouvre de nouveaux territoires d'expression et d'expérimentation de nouvelles formes de démocratie participative.
Comme vous l'avez compris, la décentralisation n'est pas une simple réforme administrative. C'est un véritable projet de société, seul capable de revivifier notre République, de revigorer notre société, de réconcilier l'Etat, les élus et nos concitoyens et de mieux répondre à leurs besoins et à leurs attentes.
La décentralisation c'est la nouvelle frontière d'une République moderne, dynamique et vivante.
Mais cet attachement quasi-viscéral à la décentralisation ne m'aveugle pas au point d'oublier toutes les leçons de mon expérience, déjà ancienne, de parlementaire et d'élu local : si je suis un farouche partisan de l'avènement d'une République des territoires, je n'appartiens pas à la cohorte de ceux qui, pour paraphraser le Général de Gaulle, sautent comme des cabris sur leurs fauteuils en criant : " Décentralisation, décentralisation... ".
Au-delà des incantations, nous avons le devoir de réussir la relance de la décentralisation car son échec sonnerait le glas d'une réforme en profondeur de notre pays. Nous porterions alors une lourde responsabilité au regard de l'histoire.
Or, nous le savons tous : l'une des clefs de la réussite de la décentralisation passe, à l'évidence, par l'établissement de relations financières saines, sûres et sereines entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Ce nouveau partenariat doit être fondé sur la confiance et la transparence. C'est pourquoi le Sénat, riche des messages entendus et des enseignements retirés, lors des Etats généraux des élus locaux, a obtenu l'incorporation dans la Constitution de garanties et de garde-fous.
C'est ainsi que notre loi fondamentale comprend désormais des verrous comme le principe de l'autonomie fiscale, celui de la compensation à due concurrence des transferts de compétences ou encore celui du remplacement d'un impôt local supprimé par un autre impôt et non par une dotation à la merci de Bercy...
Désormais, les franchissements de ligne jaune pourront être sanctionnés par le Conseil Constitutionnel.
Il s'agit là d'une avancée considérable qui doit nous permettre d'envisager l'avenir avec sérénité, mais sans pour autant nous départir de notre devoir de vigilance.
Ces nouvelles garanties, qui portent l'empreinte et la marque de l'opiniâtreté du Sénat, ne vont pas rester lettre morte.
La décentralisation ne sera pas une opération de délestage de l'Etat.
C'est ainsi que le principe de l'autonomie fiscale, et notamment la signification du terme " part déterminante ", va être précisé par une loi organique dont l'adoption interviendra avant le vote définitif du projet de loi sur les responsabilités locales.
Quant à la compensation financière des nouveaux transferts de compétences, qui constitue le nerf de la guerre, elle doit, avant toute chose, procéder d'une évaluation précise du coût d'exercice de ces compétences.
A cet égard, le Sénat a d'ores et déjà obtenu que la compensation des charges de fonctionnement s'effectue sur la base de la moyenne des dépenses consacrées par l'Etat les trois années précédant le transfert au lieu de la seule dernière année. Il s'agit là d'une garantie essentielle.
Par ailleurs, le Sénat veillera à ce que le montant des charges transférées fasse l'objet d'une évaluation contradictoire et transparente.
Enfin, les modalités de la compensation financière des transferts de compétences seront fixées par le projet de loi de finances pour 2005, dont le Parlement débattra à l'automne prochain.
Mais, d'ores et déjà, nous savons que les régions bénéficieront d'une part de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers (T.I.P.P.) et les départements de la taxe sur les conventions d'assurance avec, dans les deux cas, la possibilité pour les collectivités territoriales concernées de moduler les taux de ces taxes.
Cette faculté est déterminante car il y va de l'autonomie fiscale et de la liberté des collectivités territoriales, dans le respect des principes désormais inscrits dans notre loi fondamentale.
Quant aux transferts de personnels et je pense bien sûr aux personnels techniques, ouvriers et de services, - les " TOS " -, je voudrais tenter de mettre un terme à la diabolisation dont fait l'objet cette mesure.
Je serai, à cet égard, très clair en vous rappelant qu'il s'agit de la simple reprise d'une proposition de la commission MAUROY, proposition qui, il y a quelques mois encore, faisait l'unanimité...
Pour ma part, je n'ai pas changé d'avis et je vous dirai, haut et fort, que les personnels " TOS " n'ont rien à craindre, bien au contraire, d'une intégration dans la fonction publique territoriale qui n'est pas une sous-fonction publique, et encore moins une fonction publique au rabais.
Quant à ceux qui objecteraient l'insuffisance des effectifs de " TOS ", je leur dirai, là encore, que les garanties constitutionnelles s'appliquent aussi aux transferts de personnels.
En outre, le Sénat a obtenu que le nombre de personnels transférés corresponde aux effectifs constatés au 31 décembre 2004 ou au 31 décembre 2002, si cette date est plus favorable aux collectivités concernées.
En tout état de cause, je puis vous assurer qu'en tant que Président du Sénat, assemblée parlementaire à part entière mais aussi, --c'est un plus-, représentant des collectivités territoriales, je veillerai personnellement au respect des principes désormais inscrits dans le " marbre " de notre Constitution. Il y va de la crédibilité et du succès de la décentralisation.
Je voudrais aussi profiter de cette rencontre pour vous faire part des réflexions que m'inspire la chronique de la " mort " annoncée de la taxe professionnelle.
Pour moi, la taxe professionnelle doit obligatoirement être remplacée par un autre impôt local. Il s'agit là d'une " ardente obligation " qui ne souffre d'aucune autre alternative.
Y déroger viderait de sa substance le principe de l'autonomie fiscale dont l'encre de son inscription dans la Constitution est à peine sèche.
Il est indispensable de maintenir un impôt local économique dont les collectivités territoriales maîtriseraient le taux, un nouvel impôt mieux accepté que la taxe professionnelle dont la mort était inéluctable depuis la suppression, en 1999, de la part salariale de son assiette.
Ce nouvel impôt devrait, à mon sens, satisfaire un triple objectif : le maintien du lien entre les collectivités territoriales et leur environnement économique, la préservation de l'incitation à l'intercommunalité et le renforcement de la péréquation entre collectivités locales, principe désormais constitutionnel.
Je puis vous assurer que le Sénat prendra toute sa part à ce débat essentiel en explorant, avec son expertise reconnue, toutes les alternatives à la taxe professionnelle avec en " ligne de mire " ou en " ligne bleue des Vosges ", le respect du principe constitutionnel d'autonomie fiscale.
Mais cette réflexion ne saurait, à mes yeux, être circonscrite à la seule taxe professionnelle. Elle doit s'étendre à l'ensemble de la fiscalité locale dont l'architecture actuelle n'est pas à la hauteur des enjeux de la décentralisation.
Je note d'ailleurs que le constat est unanime pour reconnaître que cette fiscalité locale est injuste, archaïque et obsolète.
Et, vous le savez bien, ce n'est pas la décentralisation qui en est responsable ! Alors cessons de " tirer à boulets rouges " contre elle !
Deux chiffres : 10 % des communes concentrent aujourd'hui 90 % des bases de taxe professionnelle. Voilà la véritable injustice ! Vous l'avez compris, il nous appartient de définir une ambitieuse politique de péréquation entre les collectivités locales.
A mon sens, cette nécessaire péréquation des ressources passe par une véritable réforme des concours financiers de l'Etat, à bout de souffle, mais aussi par la fiscalité.
L'important, c'est que chaque collectivité puisse être en mesure d'exercer son " libre arbitre " fiscal, c'est que chaque collectivité recouvre de vraies marges de manuvre.
Dans cette perspective, pourquoi ne pas définir un mécanisme de convergence de la richesse fiscale ?
Vous l'avez compris, mes chers amis, il nous appartient de mener une réflexion imaginative afin de doter les collectivités locales d'impôts dynamiques, équitables et modernes.
Mes chers amis, le succès de l'acte deux de la décentralisation est à ce prix ! Et il est aussi au prix de votre plein et entier assentiment.
La décentralisation ne se fera pas contre, mais avec vous, les Maires. Vous devez être les hussards de la décentralisation.
Là encore, il ne faut pas se méprendre. Contrairement à ce que l'on entend, ici ou là, les communes ne sont pas les " grandes oubliées " de l'acte deux de la décentralisation.
En premier lieu, parce qu'elles seront bénéficiaires de nouvelles compétences comme, par exemple, la sectorisation des écoles ou encore la lutte contre l'insalubrité.
En second lieu, parce que la décentralisation renforce la légitimité de la commune comme cellule de base de la démocratie locale et comme espace de citoyenneté au quotidien.
Mesdames, Messieurs les maires, démontrons ensemble que la décentralisation n'est pas synonyme de " régression sociale " mais au contraire de dynamisme. Vous le savez bien, vous qui chaque jour mettez votre cur, votre énergie et votre intelligence au service du développement des territoires et de la solidarité.
C'est là la raison d'être de mon engagement au Sénat en faveur d'une relance ambitieuse de la décentralisation. Et cet engagement, ce combat, je le sais, c'est aussi le vôtre.
Unissons-nous pour gagner le " pari de la proximité ", pour réussir l'acte deux de la décentralisation, pour concrétiser cette nouvelle ambition territoriale, seule à même d'offrir aux jeunes générations l'espoir d'une France moderne, d'une France dynamique, d'une France solidaire, d'une France humaine.
(source http://www.senat.fr, le 3 mai 2004)