Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le bilan et les perspectives d'action de son ministère, notamment la mise en oeuvre de la loi-programme pour les DOM TOM, la continuité territoriale, le développement économique et culturel, Paris le 15 janvier 2004.

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Circonstance : Cérémonie des voeux à la presse et aux associations, Paris le 15 janvier 2004

Texte intégral

Chers amis,
Je me réjouis de vous retrouver en ce début d'année 2004 pour vous souhaiter une bonne et heureuse année. Et je veux remercier, à travers vous tous, nos compatriotes d'outre-mer pour leur soutien et leur confiance. C'est pour moi un encouragement quotidien dans une tâche difficile mais qui me passionne depuis près de 15 ans et pour laquelle je continuerai à agir en 2004 avec la même détermination et la même énergie qu'en 2003.
Au cours des 18 mois écoulés, le Gouvernement auquel j'appartiens, a tenu tous les engagements du Président de la République pour l'outre-mer :
- mise en place du passeport-mobilité en juillet 2002,
- conventions spécifiques de développement pour Mayotte et Wallis et futuna signées en novembre 2002, réforme constitutionnelle de mars 2003,
- vote d'une loi programme de 15 ans promulguée en juillet dernier.
S'agissant de la vie quotidienne de nos concitoyens, ce Gouvernement a sensiblement amélioré la sécurité dans nos collectivités outre-mer, ce qui se traduit aujourd'hui par une baisse significative de la délinquance de voie publique (- 9,3 % dans les DOM et - 10,67 % sur l'ensemble de l'outre-mer pour les onze premiers mois de l'année 2003).
Par ailleurs, grâce à une organisation plus efficace de nos forces de sécurité, la lutte contre l'immigration clandestine s'est intensifiée outre-mer avec, sur les 11 premiers mois de l'année 2003, une progression de 13,7 % des reconduites à la frontière par rapport à 2002.
L'année 2003 a permis également une avancée concrète des dossiers européens. Ainsi, j'ai obtenu en fin d'année que la Commission européenne se prononce en faveur de la sauvegarde du régime de l'octroi de mer pour une durée de 10 ans ; ce qui va permettre à nos DOM d'envisager le développement de leurs productions locales avec plus de sérénité.
Enfin, la révision constitutionnelle de mars dernier, en mentionnant le nom de chacune des 10 collectivités ultramarines dans la Loi fondamentale, a ancré l'outre-mer dans la République, comme il ne le fut jamais auparavant ; ce qui impose dorénavant le consentement populaire à toute réforme institutionnelle ou statutaire.
Ainsi, pour la première fois de leur histoire, les Antillais ont eu la parole pour décider eux-mêmes de l'organisation de leurs collectivités. Les électeurs de Martinique et de Guadeloupe ont enfin tranché un débat vieux de 20 ans sur l'Assemblée unique. Les électeurs de Saint-Martin et Saint-Barthélémy quant à eux, ont exprimé clairement leur volonté de changement.
En cette année 2004, ma préoccupation constante demeure le progrès économique et l'amélioration de la situation de l'emploi. Cette année sera celle de la mise en uvre de la loi-programme. Nous avons obtenu en moins de 4 mois l'accord de la Commission européenne sur les volets fiscal et social. Tous les textes d'application sont prêts. Ils sont en consultation auprès des Assemblées locales et à l'examen du Conseil d'État lorsque c'est nécessaire. Un premier décret vient d'être publié ; il concerne la défiscalisation, dispositif, vous le savez, très attendu par les investisseurs pour relancer les économies locales. Le Conseil d'État devrait prochainement donner son avis sur les autres textes qui lui sont soumis. Mon objectif est que l'ensemble des décrets soient publiés d'ici la fin de ce mois. Mais je tiens à dire que la loi-programme est déjà appliquée par anticipation de cette publication puisque sur le fond, tout le dispositif est finalisé et arbitré.
Le lien politique et affectif qui unit les collectivités d'outre-mer à la France métropolitaine fait de la continuité territoriale un enjeu pour moi essentiel. La continuité territoriale c'est d'abord la facilité de circulation d'un territoire à l'autre de la République.
Mon objectif pour 2004 est donc clairement de renforcer les déplacements en les rendant plus faciles, plus naturels et moins coûteux.
A cet égard, 2003 a été une année importante, marquée par la décision de trois compagnies locales de se lancer dans la desserte entre l'outre-mer et la métropole, s'inscrivant ainsi dans le cadre favorable de la loi-programme qui accorde pour la première fois des exonérations de charges sociales pour les compagnies privées qui desservent l'outre-mer.
Depuis ma prise de fonction, j'ai souhaité porter la plus grande attention à la formation des jeunes. Ainsi plus de 10 000 jeunes ont bénéficié à ce jour du passeport-mobilité depuis son instauration à l'été 2002. Ce dispositif a été amélioré en 2003 au bénéfice notamment des jeunes suivant une formation en Europe et aussi au bénéfice de leurs familles, par la suppression de l'avance du prix du billet pour les étudiants. Dès cette année, le passeport-mobilité sera étendu aux sportifs ultramarins, qui s'illustrent tous les jours au plus haut niveau, lorsqu'ils doivent venir s'entraîner ou participer à des compétitions en métropole ou dans leur environnement régional.
Mais au-delà de la continuité territoriale, il faut aussi améliorer les conditions d'accueil dans l'hexagone et je sais combien les problèmes de logement sont difficiles. C'est pour cette raison qu'après le passeport-mobilité, je mets actuellement en place un passeport-logement. J'ai demandé à l'ANT de réserver, dès cette année, 800 chambres pour les jeunes qui viennent poursuivre une formation professionnelle dans l'hexagone. Ce dispositif sera étendu aux étudiants dès la rentrée prochaine. Par ailleurs, un partenariat se poursuit avec les collectivités locales pour développer une offre plus conséquente de logements au bénéfice des jeunes d'outre-mer qui obtiennent un premier emploi en métropole.
La continuité territoriale, c'est aussi l'exigence, outre-mer, d'un service public audiovisuel fort. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à lancer la réflexion sur l'avenir de RFO qui, vous le savez, en l'absence de toute réforme, serait condamnée. A la suite d'une large concertation avec l'entreprise, ses personnels et les élus d'outre-mer, le Gouvernement a décidé de soumettre au Parlement début février, le projet de filialisation de RFO à France Télévisions. Réseau France Outre-Mer deviendra une filiale à part entière de la holding France Télévisions au même plan que France 2, France 3 ou encore France 5.
Ce projet de réforme attendu par les personnels vise à soutenir le développement de RFO en lui assurant une meilleure diffusion des programmes nationaux et la capacité de produire davantage de programmes locaux. Les autres chaînes du groupe France Télévisions nationales ou thématiques, devraient aussi mieux rendre compte de la vie en outre-mer . C'est une attente légitime, exprimée à de nombreuses reprises par nos compatriotes vivant dans l'hexagone. RFOSAT sera également conforté par un groupe important. L'État apportera les moyens dont bénéficie aujourd'hui l'ensemble du groupe France Télévisions. Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions en précisera les modalités.
Dans notre monde multiculturel, l'apport de l'outre-mer est pour la France une richesse essentielle.
Le projet de création, à Paris, d'un centre culturel et d'affaires de l'outre-mer, souhaité de longue date par les associations métropolitaines d'ultramarins, fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus. Les conclusions d'une étude de faisabilité, finalisée au mois de juillet dernier, privilégient la réalisation d'un programme en partenariat public-privé, et une implantation géographique dans la ZAC Paris rive gauche, dans le XIIIème arrondissement de Paris. Le Président de la République a apporté son soutien à ce choix, qui répond au besoin d'affirmation culturelle et de développement économique des collectivités d'outre-mer.
L'engagement financier du programme devrait se répartir entre les différents intervenants publics et privés, celui envisagé par l'État se concentrant sur le fonctionnement de la partie culturelle, dont il assumerait la charge. Dans sa partie affaires, les milieux économiques liés à l'outre-mer apparaissent comme les partenaires naturels de cette initiative qui vise à rassembler en un même site les entreprises dynamiques des économies ultramarines. L'occasion leur est donc donnée aujourd'hui d'être parties prenantes du projet.
L'outre-mer est la fierté de la France dans de nombreux domaines. Je voudrais bien sûr évoquer sa contribution immense aux exploits sportifs de notre pays. Ainsi, lors des derniers championnats du monde d'athlétisme, j'ai partagé le bonheur de tous les Français lors des victoires de nos 4 relayeuses, Muriel Hurtis, Christine Arron, Patricia Girard et Sylviane Félix, médailles d'or au 4x100m ainsi que de Joël Jeannot, médaille d'or aux championnats du monde handisport, sans oublier Marc Raquil, médaille de bronze du 400m.
Nous aurons une pensée particulière pour eux cette année aux Jeux Olympiques d'Athènes.
Je n'oublie pas non plus nos autres champions d'outre-mer qui ont brillé cette année : nos handballeuses, championnes du monde, Leila Leujeune, Isabelle Cendier et Laura Leurus Orfevres ; le numéro un mondial de squash, Thierry Lincou ; notre champion du monde de cyclisme sur piste, Laurent Gane ; sans parler de nos excellents résultats en escrime ; tous ces sportifs auxquels la France doit une part essentielle des médailles qu'elle a obtenues et qui font sa fierté, symbolisent par leurs exploits le courage, la volonté et la réussite.
Les artistes et les écrivains d'outre-mer sont aussi reconnus aujourd'hui dans le monde entier. Il m'a été donné l'occasion en 2003 de rencontrer Euzhan Palcy et Joseph Zobel pour célébrer les 20 ans du film Rue Cases-Nègres, Simone Schwartz-Bart à l'occasion de la journée de la femme d'outre-mer que j'ai créée l'année dernière, Maryse Condé pour notre salon du livre de l'outre-mer consacrée à l'enfance et à la jeunesse, Aimé Césaire lors de mon dernier déplacement en Martinique. Toutes ces grandes figures font déjà partie de notre patrimoine national et permettent à la France de donner une riche image d'elle-même.
Cet apport extraordinaire de l'outre-mer au rayonnement de notre pays, nous devons continuer à le faire connaître. C'est essentiel pour faire aimer l'outre-mer et tordre définitivement le cou aux clichés et lieux communs qui ont la vie dure en métropole.
La République, sous l'impulsion du Chef de l'État, a initié une réflexion sur les différentes mémoires qui la composent. La France a reconnu l'esclavage comme un crime contre l'humanité. L'année 2004 verra l'installation du comité pour la mémoire de l'esclavage. Je me réjouis de voir enfin exister ce comité qui aura pour mission de proposer des mesures d'adaptation des programmes d'enseignement scolaires, de suggérer des programmes de recherche en histoire, de soumettre des actions de sensibilisation du public et de proposer la date de la commémoration annuelle, en France métropolitaine, de l'abolition de l'esclavage. Le comité attribuera aussi chaque année un prix destiné à récompenser une thèse de doctorat portant sur la traite ou l'esclavage.
Le Premier ministre a nommé par décret les membres de ce comité : l'écrivain Maryse Condé en a accepté la présidence. Se retrouveront autour d'elle : Jean-Godefroy Bidima, philosophe, professeur au collège international de philosophie, Marcel Dorigny, historien, maître de conférences à l'université de Paris VIII, Nelly Schmidt, historienne, chercheuse au CNRS, Françoise Vergès, historienne, professeur à l'université de Londres, Fred Constant, politologue, recteur de l'université Senghor d'Alexandrie, Claude-Valentin Marie, sociologue, directeur du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, Gilles Gauvin, historien et enseignant, Henriette Dorion-Sébéloué, présidente du comité national de liaison des associations du souvenir, Christiane Falgayrettes-Leveau, présidente de l'association des amis du musée Dapper et directrice de la fondation Dapper, Serge Hermine, président de l'association des descendants d'esclaves noirs et de leurs amis, Serge Romana, président du comité marche du 23 mai 1998. Je les invite chaleureusement à commencer rapidement leurs travaux.
Je voudrais enfin évoquer le site Internet du ministère et remercier chacune et chacun d'entre vous, car c'est vous qui faîtes vivre ce site en vous connectant chaque jour plus nombreux. Notre site qui enregistre désormais plus de 44 000 connexions par mois est, depuis aujourd'hui, accessible aux non-voyants. Nous sommes ainsi le premier ministère à bénéficier du label d'accessibilité Braillenet et nous en sommes heureux.
Mes chers amis, en ces premiers jours de 2004, au-delà des vux personnels que j'adresse à chacune et chacun d'entre vous, je voudrais vous inviter à former un vu collectif : celui que l'outre-mer soit enfin reconnu comme une chance, une richesse, un atout pour la France et non plus comme c'est encore trop souvent le cas, comme un poids, une charge ou le lieu de quelques " niches " dérogatoires en matière fiscale.
Battons nous ensemble pour qu'entre la métropole et l'outre-mer, un lien de fierté et de reconnaissance réciproques se renforce et que chacun prenne conscience que l'outre-mer, grâce à ses potentialités souvent uniques au monde et grâce aux talents de ses hommes et de ses femmes, est une part précieuse, attachante et irremplaçable de notre communauté nationale.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 16 janvier 2004)