Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les nouvelles missions de la Cour des comptes en matière de procédure budgétaire, données par la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et le projet de création d'une mission budgétaire spécifique "Conseil et contrôle des pouvoirs publics", Paris le 9 mai 2005.

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Circonstance : Séance solennelle de la Cour des comptes le 9 mai 2005-déclaration lue par lue par François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Texte intégral

Monsieur le Premier président,
Mesdames, Messieurs,
Il me revient de vous donner lecture de l'allocution que Monsieur le Premier Ministre vous a destinée. Je vous la livre, sans autre préambule.
Monsieur le Premier président,
Mesdames et messieurs les magistrats,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Premier Président, de m'avoir convié à cette séance solennelle. J'avais en effet trois excellentes raisons d'être parmi vous ce matin.
1 - Assister à l'installation de magistrats, d'abord.
C'est toujours un temps fort de la vie de la Cour et je suis toujours heureux de pouvoir partager.
Je salue les nouveaux conseillers maîtres, les deux nouveaux conseillers référendaires issus des chambres régionales des comptes. Ces deux dernières nominations illustrent la force des liens entre les juridictions financières.
Je formule des voeux personnels pour la future carrière des auditeurs qui viennent de prêter serment, quelques semaines après leur sortie de l'Ecole nationale d'administration. La réforme qui inscrit l'Etat dans une logique de performance place ses serviteurs au-devant les défis les plus stimulants. Je sais que le Premier Président aime qualifier la Cour des comptes de " laboratoire permanent du changement ". Je ne saurais trop encourager ces jeunes magistrats à en devenir les actifs promoteurs.
2 - Un autre événement eût suffi à justifier ma présence.
Cette séance solennelle est en effet la dernière à laquelle prendra part Mme Hélène Gisserot, votre Procureur général.
Il ne m'appartient pas de prononcer l'éloge d'Hélène Gisserot puisque ce sera le privilège de son successeur. Je voudrais juste aujourd'hui rappeler qu'Hélène Gisserot a été l'une des premières femmes à entrer dans ce corps prestigieux et la première à occuper les fonctions de procureur général auprès de votre Cour. Elle s'y est illustrée tout au long de sa carrière par son intelligence, sa compétence, son indépendance et son sens du service public. Sa seule infidélité à la Cour, elle l'a commise pour répondre à votre appel, Monsieur le Premier Président, et aller exercer auprès de vous les responsabilités de déléguée à la condition féminine.
Sous son impulsion, le Parquet général a engagé une importante démarche qualité, qui a été couronnée en 2002 par la certification internationale ISO 9001. Il a également grandement favorisé le renforcement de la coordination des décisions prises tant par la Cour que par les chambres régionales des comptes.
Au nom du Président de la République, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel je suis heureux de rendre à Hélène Gisserot l'hommage qui lui est si légitimement dû.
3 - Il y a, enfin, une troisième et dernière raison à ma présence.
Monsieur le Premier Président, vous aviez exprimé lors de la séance solennelle de janvier dernier, des préoccupations quant à l'indépendance de la Cour, dans le contexte nouveau créé par la loi organique relative aux lois de finances. Je vais y répondre aujourd'hui.
J'ai été convaincu par vos analyses. Des tâches nouvelles incombant à la Cour en termes de certification des comptes de l'Etat et d'évaluation de la performance.
Ces missions nouvelles font partie de cette réforme de grande ampleur qu'est la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001.
J'aimerais m'y arrêter quelques instants car il s'agit d'un chantier à bien des égards exceptionnel.
Exceptionnel par son mode de gestation : une initiative parlementaire consensuelle entre l'opposition et la majorité de l'époque.
Exceptionnel par son ampleur et sa durée : adoptée en 2001, la loi organique ne produira tous ses effets qu'à compter de 2006. Elle a fait l'objet de multiples expérimentations. Elle a donné et continue de donner lieu à une mobilisation de l'ensemble des acteurs politiques et administratifs.
Exceptionnel enfin par sa portée : réforme culturelle de l'Etat, structurante sur les comportements, sur la manière de concevoir et d'exécuter le budget.
La logique nouvelle est une logique de responsabilisation : des latitudes accrues dans la gestion et des engagements précis et quantifiés sur des objectifs de performance de l'Etat. C'est vrai pour les ministres et les responsables de programmes, c'est également vrai pour l'Etat dans son ensemble.
L'examen de la loi de règlement, l'examen des comptes de l'Etat deviendra un moment privilégié où sera apprécié devant la représentation nationale la performance d'un gouvernement au service de nos concitoyens.
Dans ce cadre, la Cour des comptes sera un acteur décisif puisqu'il lui appartiendra notamment de prêter assistance au Parlement, d'analyser l'exécution de la loi de finances par mission et par programme ainsi - et cela témoigne du niveau d'exigence auquel l'Etat doit s'astreindre désormais - de certifier les comptes de l'Etat.
La Cour des comptes sera ainsi au coeur de la mise en oeuvre de la nouvelle " constitution financière " de l'Etat.
Etait-il possible dans cette dynamique de maintenir le positionnement budgétaire de la Cour des comptes ?
Comme vous, Monsieur le Premier président, je ne le pense pas.
Ces nouvelles missions, ce nouveau rôle appellent en effet un rattachement budgétaire qui garantisse une plus large indépendance des juridictions financières.
Je sais que le Président de la République lui-même a été attentif à votre demande, convergente avec celle du Conseil d'Etat. C'est pourquoi j'ai décidé de faire procéder à une modification de la structure du projet de loi de finances qui sera présentée à l'automne au Parlement.
Sera ainsi créée une mission budgétaire spécifique intitulée " Conseil et contrôle des pouvoirs publics " à laquelle seront rattachés trois programmes :
- Cour des comptes et autres juridictions financières ;
- Conseil d'Etat et autres juridictions administratives ;
- Conseil économique et social.
Ces trois programmes seront rattachés au Premier ministre. Celui qui concerne la Cour des comptes et les autres juridictions financières sera plus particulièrement rattaché au ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, afin de témoigner du rôle institutionnel particulier de la Cour des comptes auprès de celui-ci.
Le régime financier spécifique applicable à ces programmes sera fixé par une lettre que j'adresserai aux responsables de chacun d'entre eux, ainsi qu'aux ministres concernés et ce régime dérogera au droit commun.
Il témoignera de l'autonomie de discussion dont doivent bénéficier ces institutions dans leur relation avec le ministère des finances.
Il témoignera également de conditions favorables à une gestion sereine en cours d'exercice. La Cour des comptes, comme le Conseil d'Etat, bénéficiera d'une exonération de mise en réserve et les programmes concernés feront, dans leur ensemble, l'objet de dispositions spécifiques en matière de gestion budgétaire.
Que tous voient dans cette décision la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire de leur indépendance un élément fondamental du bon fonctionnement de la République.
Je sais, Monsieur le Premier président, que vous avez d'autres chantiers en cours, des chantiers importants pour améliorer le fonctionnement de la Cour de discipline budgétaire et financière et préciser le statut des magistrats de la Cour des comptes ainsi que des chantiers relatifs à l'articulation du fonctionnement de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Je ne peux que vous souhaiter de poursuivre avec succès ces efforts de modernisations dont notre pays a besoin.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 mai 2005)