Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
" Conférer une valeur constitutionnelle à l'indispensable autonomie fiscale des collectivités territoriales ", tel est l'objet principal de la proposition de loi que nous avons, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin et moi-même, déposé en juin dernier et dont vous nous faites l'honneur de débattre aujourd'hui.
" Affirmer la nécessaire autonomie fiscale des collectivités territoriales ", tel est l'intitulé de l'une des 154 propositions du rapport que vient de rendre public notre collègue M. Pierre Mauroy, le père, en sa qualité de Premier ministre, de la relance de la décentralisation dans les années quatre-vingts.
Un tel consensus, même en ces temps de cohabitation, propices à la recherche du plus petit dénominateur commun, est suffisamment rare et éclatant pour constituer la preuve, ô combien évidente, de l'authenticité du problème posé et de la pertinence de la solution proposée.
En effet, la réalité et la gravité de la menace qui pèse sur l'autonomie fiscale des collectivités territoriales sont telles qu'il n'est plus possible de se contenter de déclarations d'intention, aussi vertueuses soient-elles, ou de proclamations incantatoires, non suivies d'effet.
L'heure est venue, s'il n'est pas déjà trop tard, de réagir et d'emprunter la voie, certes solennelle mais nécessaire, d'une révision constitutionnelle pour inscrire dans notre loi fondamentale une ligne jaune que le législateur ne devra pas franchir.
Certes, le processus de " grignotage " de l'autonomie fiscale des collectivités locales n'est pas récent : tous les Gouvernements, depuis le début des années 1980, ont en effet tenté de corriger les défauts les plus criants des impôts locaux qui ne sont pas de bons impôts.
De ravaudage en raccommodage, d'abattement en exonération, de dégrèvement en réduction, plus ou moins compensés par des dotations budgétaires, l'Etat est très vite devenu le premier contribuable local.
Aujourd'hui, ce dépérissement de la fiscalité locale connaît une brusque accélération et, surtout, un tour nouveau.
En effet, des pans entiers de la fiscalité locale ou de la fiscalité transférée disparaissent avec la mise en extinction de la part salaires de la taxe professionnelle, le dépérissement des droits de mutation, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et la disparition de la vignette.
En trois ans, ce sont 80 milliards de francs de ressources propres des collectivités locales qui se sont évanouis.
En trois ans, l'autonomie fiscale des collectivités locales aura ainsi été amputée et dépouillée de 20 % de sa substance.
Ce processus de démantèlement de la fiscalité locale est dangereux car il présente, à terme, deux inconvénients majeurs.
En premier lieu, il distend le lien entre les collectivités locales et leurs administrés en supprimant cette fonction de régulation entre le souhaitable et le possible qu'exerce l'impôt local.
En second lieu, ce processus " déresponsabilise " les élus locaux qui ne seront plus incités à améliorer l'efficience de leur gestion car ils deviendront de simples distributeurs de dotations octroyées par l'Etat.
Une telle métamorphose des élus, qui réduirait l'autonomie locale à la seule liberté de dépenser, sans avoir de compte à rendre aux contribuables locaux, et sous la pression des seuls usagers, adeptes du " toujours plus ", irait à l'encontre de l'esprit même de la décentralisation. En effet, l'apport essentiel de la gestion de proximité, en termes d'efficience de l'action publique, réside dans la recherche constante par les élus locaux de la meilleure allocation possible des recettes issues de l'impôt local, c'est-à-dire des sacrifices consentis par les citoyens-contribuables.
Confronté à ce risque de dérive pernicieuse, le protecteur de l'autonomie locale qu'est le Conseil Constitutionnel n'a pas encore défini le point en deçà duquel la restriction des ressources fiscales deviendrait une "entrave à la libre administration des collectivités locales"
C'est pour l'aider dans cette recherche, que nous vous proposons d'inscrire dans la Constitution le principe de prépondérance des ressources fiscales au sein des ressources des collectivités locales.
Parachèvement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cette consécration de l'autonomie fiscale, qui est une dimension consubstantielle de la libre administration des collectivités locales, a donc pour objet de donner un coup d'arrêt au processus d'étatisation des ressources des collectivités locales.
Qu'on ne se méprenne pas ! Il s'agit, tout simplement, de fixer un minimum incompressible (50 %) pour la part des recettes fiscales et, en aucun cas, d'amorcer un mouvement de reflux des dotations en prônant leur remplacement par de nouveaux impôts.
Les dotations sont et demeurent nécessaires dans la mesure notamment où elles permettent une péréquation, encore insuffisante, entre les collectivités locales.
De même, le principe de prépondérance des recettes fiscales, qui s'apprécie catégorie par catégorie, n'interdit pas à une collectivité locale, par exemple une commune, qui se trouve dans une situation sociologiquement difficile, de disposer de ressources provenant pour l'essentiel de dotations allouées par l'Etat.
Qu'on ne se méprenne pas ! La présente proposition de loi ne préconise pas le " tout impôt " mais elle refuse, dans le même temps, le " tout dotations " qui trouverait d'ailleurs très vite ses limites financières.
A cet égard, les contre arguments issus de la faiblesse des ressources propres des collectivités locales, et corrélativement de la prédominance des dotations versées par l'échelon central, dans les pays à forte tradition décentralisée, comme l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne ou l'Italie, ne sauraient emporter la conviction.
En effet, dans ces pays, à structure fédérale ou régionalisée, les règles présidant au partage du produit des impôts entre l'échelon central et les niveaux locaux sont, dans la plupart des cas, fixées et protégées par la Constitution, ce qui n'est pas le cas en France.
En outre, l'exception française, qui s'alimente aux sources de l'histoire de notre pays et de sa forme d'Etat unitaire en voie de décentralisation, avec une répartition des impôts, entre impôts d'Etat et impôts locaux, rend nécessaire la consécration dans notre loi fondamentale de l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Notre collègue Pierre Mauroy ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit, dans son rapport, que "l'autonomie fiscale est une dimension essentielle de la démocratie et du principe français de la libre administration des collectivités locales."
Destinée à endiguer les tentations recentralisatrices en matière financière, cette proposition de loi constitue l'un des deux préalables à la relance de la décentralisation que nous appelons de nos voeux.
En effet, bien qu'inachevée, la décentralisation ou plutôt la nouvelle donne entre l'Etat et les collectivités locales s'est avérée une réforme bénéfique pour au moins trois raisons : elle a libéré les initiatives et énergies locales ; elle constitue un facteur d'efficience de l'action publique ; elle donne corps et âme à la démocratie de proximité qui est l'avenir de la démocratie dans un monde globalisé.
Le premier préalable à l'indispensable relance de la décentralisation réside dans l'ardente obligation de mettre un terme à l'immaturité congénitale des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales par l'édiction d'un code de bonne conduite.
La proposition de loi contribue de trois manières à la réalisation de ce préalable.
D'abord, en posant le principe d'une coexistence harmonieuse, au sein des ressources des collectivités locales, entre les recettes fiscales propres et le produit des dotations.
Ensuite, en conférant une valeur constitutionnelle au principe de la compensation concomitante et intégrale des charges transférées, posé par les lois de décentralisation, mais jamais appliqué.
Enfin, en ouvrant la voie à une urgente nécessité, celle de la rénovation de la fiscalité locale par l'inscription, dans notre loi fondamentale, du principe du remplacement des impôts existants par l'attribution de ressources fiscales équivalentes.
Le second préalable à toute relance de la décentralisation est constitué par l'absolue nécessité de consolider et de conforter le socle humain de la démocratie de proximité.
Après avoir tenté d'enrayer le processus de pénalisation excessive de l'action publique, par l'élaboration et l'adoption de la loi Fauchon, dont les premières applications sont conformes à l'objectif recherché, il reste maintenant à doter les élus locaux, ces " nouveaux hussards de la République " d'un statut enfin digne de ce nom.
Une telle entreprise passe par une revalorisation des indemnités des maires et des adjoints des petites et moyennes communes, la consécration d'un véritable droit à la formation, l'octroi d'une protection sociale accrue et l'édiction de garanties de retour à l'emploi afin de promouvoir un égal accès aux mandats locaux.
Une fois ces préalables réunis, il nous sera alors possible de bâtir, sur ce socle consolidé, une véritable " République territoriale " ou encore une " République d'en bas " pour reprendre l'expression de Jean-Pierre Raffarin.
Cette construction, pour être solide et durable, devra, pour son architecture, respecter deux principes.
En premier lieu, il convient d'évacuer toute querelle sur le nombre des étages, c'est-à-dire sur l'existence de trois catégories de collectivités territoriales.
Le département est devenu une donnée immédiate de notre paysage institutionnel. A cet égard, je me félicite que le rapport Mauroy préconise une réaffirmation de son rôle, tout en regrettant que cette démarche positive soit assombrie par les menaces qui affectent l'avenir du canton.
Plutôt que de discourir, à perte de vue et de temps, sur un éventuel échelon surnuméraire, il me semble préférable de clarifier les compétences et de généraliser la formule de la "Collectivité chef de file" pour les opérations nécessitant des financements croisés.
Enfin, et surtout, le temps est venu de passer de l'incantation à l'action, et de mettre en chantier la réforme de l'Etat par application du principe de subsidiarité. Ce vaste programme implique l'ouverture aux collectivités locales, ces gestionnaires efficients de la proximité, de nouveaux territoires d'intervention par le transfert de nouvelles compétences, -dûment compensé-, en matière notamment d'éducation, de formation professionnelle, de culture et d'environnement.
Pour conclure mon propos, je voudrais, M. le ministre, mes chers collègues, me féliciter de l'actuel contexte de bouillonnement intellectuel propice à une relance de la décentralisation.
Le Sénat, dont le bonus constitutionnel de représentant des collectivités territoriales de la République vient d'être confirmé, avec éclat, par le Conseil constitutionnel, a pris une part active dans la renaissance de ce débat.
Le Sénat, qui a montré sa capacité à rassembler, à fédérer et à mobiliser les élus locaux, devrait à l'évidence se voir reconnaître un rôle accru dans l'élaboration des lois relatives aux collectivités locales.
Une telle extension de ses compétences, qui découle de sa vocation constitutionnelle, serait le gage d'une bonne législation au service de cette République territoriale dont l'avènement sera le catalyseur d'une France moderne, dynamique et solidaire.
(source http://www.senat.fr, le 21 novembre 2000)
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
" Conférer une valeur constitutionnelle à l'indispensable autonomie fiscale des collectivités territoriales ", tel est l'objet principal de la proposition de loi que nous avons, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin et moi-même, déposé en juin dernier et dont vous nous faites l'honneur de débattre aujourd'hui.
" Affirmer la nécessaire autonomie fiscale des collectivités territoriales ", tel est l'intitulé de l'une des 154 propositions du rapport que vient de rendre public notre collègue M. Pierre Mauroy, le père, en sa qualité de Premier ministre, de la relance de la décentralisation dans les années quatre-vingts.
Un tel consensus, même en ces temps de cohabitation, propices à la recherche du plus petit dénominateur commun, est suffisamment rare et éclatant pour constituer la preuve, ô combien évidente, de l'authenticité du problème posé et de la pertinence de la solution proposée.
En effet, la réalité et la gravité de la menace qui pèse sur l'autonomie fiscale des collectivités territoriales sont telles qu'il n'est plus possible de se contenter de déclarations d'intention, aussi vertueuses soient-elles, ou de proclamations incantatoires, non suivies d'effet.
L'heure est venue, s'il n'est pas déjà trop tard, de réagir et d'emprunter la voie, certes solennelle mais nécessaire, d'une révision constitutionnelle pour inscrire dans notre loi fondamentale une ligne jaune que le législateur ne devra pas franchir.
Certes, le processus de " grignotage " de l'autonomie fiscale des collectivités locales n'est pas récent : tous les Gouvernements, depuis le début des années 1980, ont en effet tenté de corriger les défauts les plus criants des impôts locaux qui ne sont pas de bons impôts.
De ravaudage en raccommodage, d'abattement en exonération, de dégrèvement en réduction, plus ou moins compensés par des dotations budgétaires, l'Etat est très vite devenu le premier contribuable local.
Aujourd'hui, ce dépérissement de la fiscalité locale connaît une brusque accélération et, surtout, un tour nouveau.
En effet, des pans entiers de la fiscalité locale ou de la fiscalité transférée disparaissent avec la mise en extinction de la part salaires de la taxe professionnelle, le dépérissement des droits de mutation, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et la disparition de la vignette.
En trois ans, ce sont 80 milliards de francs de ressources propres des collectivités locales qui se sont évanouis.
En trois ans, l'autonomie fiscale des collectivités locales aura ainsi été amputée et dépouillée de 20 % de sa substance.
Ce processus de démantèlement de la fiscalité locale est dangereux car il présente, à terme, deux inconvénients majeurs.
En premier lieu, il distend le lien entre les collectivités locales et leurs administrés en supprimant cette fonction de régulation entre le souhaitable et le possible qu'exerce l'impôt local.
En second lieu, ce processus " déresponsabilise " les élus locaux qui ne seront plus incités à améliorer l'efficience de leur gestion car ils deviendront de simples distributeurs de dotations octroyées par l'Etat.
Une telle métamorphose des élus, qui réduirait l'autonomie locale à la seule liberté de dépenser, sans avoir de compte à rendre aux contribuables locaux, et sous la pression des seuls usagers, adeptes du " toujours plus ", irait à l'encontre de l'esprit même de la décentralisation. En effet, l'apport essentiel de la gestion de proximité, en termes d'efficience de l'action publique, réside dans la recherche constante par les élus locaux de la meilleure allocation possible des recettes issues de l'impôt local, c'est-à-dire des sacrifices consentis par les citoyens-contribuables.
Confronté à ce risque de dérive pernicieuse, le protecteur de l'autonomie locale qu'est le Conseil Constitutionnel n'a pas encore défini le point en deçà duquel la restriction des ressources fiscales deviendrait une "entrave à la libre administration des collectivités locales"
C'est pour l'aider dans cette recherche, que nous vous proposons d'inscrire dans la Constitution le principe de prépondérance des ressources fiscales au sein des ressources des collectivités locales.
Parachèvement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cette consécration de l'autonomie fiscale, qui est une dimension consubstantielle de la libre administration des collectivités locales, a donc pour objet de donner un coup d'arrêt au processus d'étatisation des ressources des collectivités locales.
Qu'on ne se méprenne pas ! Il s'agit, tout simplement, de fixer un minimum incompressible (50 %) pour la part des recettes fiscales et, en aucun cas, d'amorcer un mouvement de reflux des dotations en prônant leur remplacement par de nouveaux impôts.
Les dotations sont et demeurent nécessaires dans la mesure notamment où elles permettent une péréquation, encore insuffisante, entre les collectivités locales.
De même, le principe de prépondérance des recettes fiscales, qui s'apprécie catégorie par catégorie, n'interdit pas à une collectivité locale, par exemple une commune, qui se trouve dans une situation sociologiquement difficile, de disposer de ressources provenant pour l'essentiel de dotations allouées par l'Etat.
Qu'on ne se méprenne pas ! La présente proposition de loi ne préconise pas le " tout impôt " mais elle refuse, dans le même temps, le " tout dotations " qui trouverait d'ailleurs très vite ses limites financières.
A cet égard, les contre arguments issus de la faiblesse des ressources propres des collectivités locales, et corrélativement de la prédominance des dotations versées par l'échelon central, dans les pays à forte tradition décentralisée, comme l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne ou l'Italie, ne sauraient emporter la conviction.
En effet, dans ces pays, à structure fédérale ou régionalisée, les règles présidant au partage du produit des impôts entre l'échelon central et les niveaux locaux sont, dans la plupart des cas, fixées et protégées par la Constitution, ce qui n'est pas le cas en France.
En outre, l'exception française, qui s'alimente aux sources de l'histoire de notre pays et de sa forme d'Etat unitaire en voie de décentralisation, avec une répartition des impôts, entre impôts d'Etat et impôts locaux, rend nécessaire la consécration dans notre loi fondamentale de l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Notre collègue Pierre Mauroy ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit, dans son rapport, que "l'autonomie fiscale est une dimension essentielle de la démocratie et du principe français de la libre administration des collectivités locales."
Destinée à endiguer les tentations recentralisatrices en matière financière, cette proposition de loi constitue l'un des deux préalables à la relance de la décentralisation que nous appelons de nos voeux.
En effet, bien qu'inachevée, la décentralisation ou plutôt la nouvelle donne entre l'Etat et les collectivités locales s'est avérée une réforme bénéfique pour au moins trois raisons : elle a libéré les initiatives et énergies locales ; elle constitue un facteur d'efficience de l'action publique ; elle donne corps et âme à la démocratie de proximité qui est l'avenir de la démocratie dans un monde globalisé.
Le premier préalable à l'indispensable relance de la décentralisation réside dans l'ardente obligation de mettre un terme à l'immaturité congénitale des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales par l'édiction d'un code de bonne conduite.
La proposition de loi contribue de trois manières à la réalisation de ce préalable.
D'abord, en posant le principe d'une coexistence harmonieuse, au sein des ressources des collectivités locales, entre les recettes fiscales propres et le produit des dotations.
Ensuite, en conférant une valeur constitutionnelle au principe de la compensation concomitante et intégrale des charges transférées, posé par les lois de décentralisation, mais jamais appliqué.
Enfin, en ouvrant la voie à une urgente nécessité, celle de la rénovation de la fiscalité locale par l'inscription, dans notre loi fondamentale, du principe du remplacement des impôts existants par l'attribution de ressources fiscales équivalentes.
Le second préalable à toute relance de la décentralisation est constitué par l'absolue nécessité de consolider et de conforter le socle humain de la démocratie de proximité.
Après avoir tenté d'enrayer le processus de pénalisation excessive de l'action publique, par l'élaboration et l'adoption de la loi Fauchon, dont les premières applications sont conformes à l'objectif recherché, il reste maintenant à doter les élus locaux, ces " nouveaux hussards de la République " d'un statut enfin digne de ce nom.
Une telle entreprise passe par une revalorisation des indemnités des maires et des adjoints des petites et moyennes communes, la consécration d'un véritable droit à la formation, l'octroi d'une protection sociale accrue et l'édiction de garanties de retour à l'emploi afin de promouvoir un égal accès aux mandats locaux.
Une fois ces préalables réunis, il nous sera alors possible de bâtir, sur ce socle consolidé, une véritable " République territoriale " ou encore une " République d'en bas " pour reprendre l'expression de Jean-Pierre Raffarin.
Cette construction, pour être solide et durable, devra, pour son architecture, respecter deux principes.
En premier lieu, il convient d'évacuer toute querelle sur le nombre des étages, c'est-à-dire sur l'existence de trois catégories de collectivités territoriales.
Le département est devenu une donnée immédiate de notre paysage institutionnel. A cet égard, je me félicite que le rapport Mauroy préconise une réaffirmation de son rôle, tout en regrettant que cette démarche positive soit assombrie par les menaces qui affectent l'avenir du canton.
Plutôt que de discourir, à perte de vue et de temps, sur un éventuel échelon surnuméraire, il me semble préférable de clarifier les compétences et de généraliser la formule de la "Collectivité chef de file" pour les opérations nécessitant des financements croisés.
Enfin, et surtout, le temps est venu de passer de l'incantation à l'action, et de mettre en chantier la réforme de l'Etat par application du principe de subsidiarité. Ce vaste programme implique l'ouverture aux collectivités locales, ces gestionnaires efficients de la proximité, de nouveaux territoires d'intervention par le transfert de nouvelles compétences, -dûment compensé-, en matière notamment d'éducation, de formation professionnelle, de culture et d'environnement.
Pour conclure mon propos, je voudrais, M. le ministre, mes chers collègues, me féliciter de l'actuel contexte de bouillonnement intellectuel propice à une relance de la décentralisation.
Le Sénat, dont le bonus constitutionnel de représentant des collectivités territoriales de la République vient d'être confirmé, avec éclat, par le Conseil constitutionnel, a pris une part active dans la renaissance de ce débat.
Le Sénat, qui a montré sa capacité à rassembler, à fédérer et à mobiliser les élus locaux, devrait à l'évidence se voir reconnaître un rôle accru dans l'élaboration des lois relatives aux collectivités locales.
Une telle extension de ses compétences, qui découle de sa vocation constitutionnelle, serait le gage d'une bonne législation au service de cette République territoriale dont l'avènement sera le catalyseur d'une France moderne, dynamique et solidaire.
(source http://www.senat.fr, le 21 novembre 2000)