Texte intégral
Monsieur le président de la conférence générale des tribunaux de commerce,
Mesdames et messieurs les juges des tribunaux de commerce,
Mesdames et messieurs,
C'est avec plaisir qu'en prenant mes fonctions, j'assiste aujourd'hui au congrès annuel de la conférence générale des tribunaux de commerce. J'y vois le signe d'une compréhension mutuelle et d'une poursuite fructueuse du travail déjà accompli.
Le thème de la réflexion que vous avez choisi d'aborder pour l'année 2000 - "droit anglo-saxon, droit romano-germanique: guerre ou paix ?" - s'inscrit parfaitement dans l'évolution de la société contemporaine, caractérisée par la mondialisation des échanges. Il est donc d'une particulière actualité.
Cette mondialisation, que permet l'accroissement de la mobilité des individus, l'accélération des échanges et la compétitivité de notre économie, conduit à une confrontation des deux systèmes juridiques que l'on a coutume d'opposer : le droit romano-germanique et le droit anglo-saxon.
Cette opposition, nous y sommes d'ailleurs d'autant plus sensibles qu'elle est au coeur de la construction européenne. On sait le rôle que le droit, et sa mise en oeuvre par les juridictions communautaires, ont joué dans cette construction.
Cette confrontation n'est pas pour autant synonyme d'affrontement, avec comme seule issue de permettre à l'un de ces systèmes juridiques de s'imposer à l'autre.
Je note avec intérêt que, pour votre part, vous avez choisi, en retenant une formulation interrogative, de ne pas aborder vos travaux en posant comme postulat l'existence d'un tel affrontement.
Pour ma part, je ne pense pas qu'un système juridique puisse ou doive s'imposer aux autres. Penser qu'un système juridique puisse s'imposer reviendrait en effet à oublier que le droit est, et ne peut être, que le fruit d'une histoire et de la culture d'une nation ou, ainsi que je m'y emploie, d'un groupe de nations.
Je crois en réalité que la confrontation des systèmes juridiques germano-romain et anglo-saxon doit avoir pour objectif l'élaboration d'un corps de règles acceptées et reconnues sur le plan européen et international.
Cette démarche suppose une analyse de ces deux systèmes juridiques, et l'adaptation de chacun d'eux, dans le respect toutefois des spécificités nationales. C'est à cette analyse que s'est livré votre rapporteur à ce congrès, et je l'en félicite.
Il nous appartient aussi, par cette nécessaire adaptation des systèmes juridiques, de promouvoir les avantages attachés à notre droit germano-romain. C'est avec ce souci constant qu 'Elisabeth GUIGOU - à qui je tiens à rendre spécialement hommage pour la volonté constante qu'elle manifestée dans la mise en oeuvre des réformes décidées par le premier Ministre et par le Gouvernement - a engagé un plan global de réforme de la justice.
Un des volets de ce grand chantier concerne la réforme de la justice commerciale et de l'environnement juridique de l'entreprise. Cette réforme prend en compte la nécessité d'adapter notre pays aux exigences d'une efficacité économique accrue, également respectueuse des équilibres sociaux et des personnes.
Trois grands volets caractérisent ce programme ambitieux :
la réforme des tribunaux de commerce,
celle des professions liées au fonctionnement de la Justice commerciale
et la refonte des lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985 sur le traitement des difficultés des entreprises et la réforme du droit des sociétés.
Je voudrais évoquer devant vous l'état et les perspectives de ces réformes, en commençant par celle qui vous concerne le plus directement aujourd'hui : celle des tribunaux de commerce.
SOMMAIRE
I. La réforme des tribunaux de commerce
1. Maintien des tribunaux de commerce
2. Renforcer l'impartialité
3. Les chambres mixtes
4. Le statut du juge consulaire
5. Les juges consulaires dans les cours d'appel
II.- Un plan global de modernisation
1.- Ce qui a déjà été fait
2.Le statut et la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires
3.- Le traitement des entreprises en difficulté
III. Conclusion
I. La réforme des tribunaux de commerce
La réforme des tribunaux de commerce concerne à titre principal les juridictions du premier degré.
1. Maintien des tribunaux de commerce
Le projet de loi traduit en premier lieu le choix du Gouvernement de maintenir les tribunaux de commerce.
Je sais Monsieur le Président - et vous l'avez à juste titre rappelé - que les juges consulaires sont des juges bénévoles, qui exercent leurs fonctions en plus d'activités professionnelles et de responsabilités économiques souvent lourdes. Je sais aussi que les dérives, marginales, de quelques uns ne justifient pas que l'opprobre soit jetée sur l'ensemble des juges consulaires, dont l'immense majorité ont et continuent de remplir leur tâche avec conscience.
2. Renforcer l'impartialité
Mais il faut aussi, chacun en convient et les juges consulaires les premiers, en finir avec l'ère du soupçon. Pour cela, il n'est d'autre solution que de renforcer les garanties d'impartialité des tribunaux de commerce. C'est la voie qui a été choisie. C'est le choix de la mixité. La mixité c'est l'échange des compétences entre l'expérience de l'entreprise, qui est celle des juges consulaires élus, et la connaissance approfondie du droit et de la procédure, qui est celle des magistrats professionnels.
Ce texte n'assure ainsi nullement la prééminence des magistrats de l'ordre judiciaire. S'il met fin à l'exception française que constitue l'existence d'un système de Justice commerciale rendue en premier ressort exclusivement par des juges non professionnels, il respecte la spécificité nationale que représente la juridiction consulaire, partie intégrante du service public de la Justice:
les juges consulaires constitueront toujours l'ossature des tribunaux de commerce, dans lesquels ils seront majoritaires, y compris dans les chambres mixtes;
la présidence des tribunaux de commerce restera confiée à un juge élu, dont, les pouvoirs seront maintenus, notamment en matière juridictionnelle.
Je voudrais préciser devant vous un point qui me paraît essentiel au bon fonctionnement d'une juridiction, quelle qu'elle soit. Il n'est pas de bonne justice sans débats. Il n'est pas non plus de bonne décision de justice sans une confrontation des points de vue des juges qui doivent statuer sur une affaire.Dans d'autres domaines, ont été créés de nouvelles pratiques de discussion et d'échanges dans le seul souci d' élever la qualité des décisions judiciaires: je pense à la loi sur la présomption d'innocence et sur les droits des victimes d'infractions pénales.
Elisabeth GUIGOU a ainsi proposé un dispositif au Parlement, qui l'a retenu, tendant à confier à un autre juge que le juge d'instruction les décisions en matière de détention provisoire - c'est le "double regard" - à créer un véritable débat judiciaire pour l'exécution des peines. De même, le Parlement a pris l'initiative d'instituer une faculté d'appel pour les condamnations criminelles.
L'introduction de la mixité dans les tribunaux de commerce répond à ce même souci de la qualité du service rendu aux justiciables. Au delà de la présidence de la chambre mixte par un magistrat professionnel, je rappelle en effet que le principe de l'égalité des voix et des opinions trouvera à s'exprimer parfaitement dans le cadre du délibéré, qui est la pierre angulaire de la décision de justice.
Le texte qui est actuellement soumis au Parlement constitue une réforme équilibrée, non seulement en ce qu'il tire le meilleur parti des qualités et compétences respectives des magistrats de l'ordre judiciaire et des juges consulaires, mais également parce qu'il tient compte de l'histoire spécifique qui est celle de la juridiction consulaire.
3. Les chambres mixtes
Les chambres mixtes, instituées dans chaque tribunal de commerce auront à connaître de contentieux qui dépassent les seuls intérêts des parties au litige et touchent l'ordre public économique.
Il s'agit des contentieux relatifs au contrat de société commerciale, aux procédures relevant de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises et aux contentieux touchant à l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence.
En faisant le choix de limiter le champ d'intervention de la chambre mixte à ces contentieux, et par voie de conséquence, de soumettre pour le reste, les contentieux relevant de la compétence des tribunaux de commerce à une formation exclusivement composée de juges consulaires, le Gouvernement a pris le parti de rester fidèle au principe fondateur des tribunaux de commerce d'une Justice rendue par les commerçants pour les commerçants.
4. Le statut du juge consulaire
Ce projet procède non seulement à la refonte des règles relatives à la composition et à l'organisation des tribunaux de commerce, mais engage aussi l'élaboration d'un véritable statut du juge consulaire. C'est une réforme d'ampleur et un enjeu majeur pour l'avenir de la Justice commerciale française, auquel je sais que les juges consulaires sont légitimement attachés.
Le renforcement de ce statut comporte d'abord une refonte du dispositif électoral et l'édiction de nouvelles règles en matière de déontologie ou de discipline.
S'agissant du dispositif électoral, le projet de loi tient, pour l'essentiel, à l'adaptation du processus électoral aux évolutions du monde économique et, particulièrement, au besoin croissant qu'ont nos concitoyens de participer directement aux institutions qui règlent leur vie.
Il prévoit ainsi une élection au scrutin direct des membres des tribunaux de commerce et un élargissement du corps électoral puisque seront désormais électeurs aux tribunaux de commerce l'ensemble des justiciables de ces juridictions, le corps électoral étant élargi aux artisans.
Ce texte modifie en outre les conditions d'éligibilité, notamment en prévoyant une limite d'age pour l'accès aux fonctions consulaires et institue de nouvelles incompatibilités.
Il adapte enfin les règles de déontologie, de discipline et crée un droit à la formation pour les juges consulaires, consacrant ainsi les premières réalisations résultant de la convention passée depuis 1999 entre l'Ecole Nationale de la Magistrature et le Centre de formation des juridictions consulaires.
Vous vous êtes fait l'écho, Monsieur le Président, des craintes qu'inspirent aux juges consulaires certaines de ces dispositions nouvelles. Elles s'expriment au travers des enquêtes que votre conférence a récemment menées - et qui représentent sans doute un apport de qualité aux réflexions que nous continuerons d'avoir.
Les projets de loi seront débattus avant la fin de cette année au Parlement. Je sais que les rapporteurs ont déjà commencé leurs travaux, et que les représentants de la conférence générale des tribunaux de commerce y seront associés. Il appartiendra à la représentation nationale de fixer définitivement les règles nouvelles, au mieux de l'intérêt des justiciables.
En ce qui me concerne, je souhaite que le débat parlementaire enrichisse les projets du Gouvernement là où cela paraîtra nécessaire et c'est dans cet esprit constant que je défendrai ces textes.
5. Les juges consulaires dans les cours d'appel
La seconde avancée vers un statut des juges consulaires est la possibilité qui leur sera dorénavant offerte de siéger dans les chambres commerciales des cours d'appel. L'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature sera modifiée pour permettre le recrutement de juges consulaires dans les cours d'appel, en qualité de conseillers exerçant à titre temporaire.
Cette modification de la loi organique permettra ainsi aux juges consulaires de siéger dans les chambres commerciales des cours d'appel. Ils pourront continuer par ailleurs d'exercer une activité professionnelle. Leur participation à des arrêts rendus en dernier ressort justifie que leur recrutement soit entouré de conditions particulières destinées à garantir leur impartialité objective, sans contestation possible.
A la différence de la plupart des modes de recrutements directs dans la magistrature, leur nomination à ces fonctions relèvera directement du Conseil supérieur de la Magistrature, sans intervention de la commission d'avancement.
C'est au delà de la manifestation de la volonté du Gouvernement d'associer les compétences économiques des juges consulaires aux compétences juridiques des magistrats du corps judiciaire, aussi une reconnaissance de leurs aptitudes à juger. C'est également une révolution culturelle dans le paysage traditionnel des juridictions française et je voudrais que vous en mesuriez pleinement l'importance.
Aucune autre catégorie de juges non professionnels ne dispose actuellement de cette faculté. Les juges consulaires seront les premiers à participer, à égalité de responsabilité et de devoirs, aux décisions d'appel.
II. Un plan global de modernisation
La réforme de la composition et du fonctionnement des tribunaux de commerce ne constitue qu'une partie du plan global de modernisation de la justice commerciale qui a été entrepris.
Des mesures sont d'ores et déjà intervenues dans d'autres domaines du droit économique. Elle seront poursuivies par la réforme des professions d'administrateur et de mandataire judiciaires et par une plus vaste réforme du traitement des entreprises en difficulté.
1. Ce qui a déjà été fait
La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a étendu le régime de la société anonyme simplifiée. La réforme du droit des sociétés est incluse en partie dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, adoptée en 1ère lecture au mois de Mai à l'Assemblée Nationale, et au Sénat il y a quelques jours.
S'agissant des professions liées au fonctionnement de la Justice commerciale, le décret du 29 décembre 1998 a renforcé le contrôle des mandataires de justice en organisant une plus grande transparence de leurs activités.
S'agissant de la réforme de la carte des tribunaux de commerce, elle est devenue une réalité après 200 ans d'immobilisme. Ainsi, le décret du 30 juillet 1999 a procédé à la suppression, à compter du 1er janvier 2000, de 36 juridictions consulaires. Ces regroupements de juridictions sont entrés dans les faits.
Cette première phase de la modification de la carte des tribunaux de commerce traduit un souci de rationalisation et la volonté d'avoir une justice commerciale qui corresponde aux bassins d'activité économiques contemporains et garantisse l'impartialité des juges en diminuant les risques d'une proximité excessive - auxquels votre conférence est à juste titre attentive.
Elle traduit aussi la volonté d'un compromis entre les objectifs de regroupement des juridictions, les enjeux locaux, et l'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, les travaux de réforme de la carte des tribunaux de commerce se sont poursuivis. A l'issue des travaux menés par mes services, des études d'impact concernant le projet d'autres suppressions ont été adressées aux Préfets des départements concernés, afin que conformément aux dispositions du décret du 20 octobre 1999, ils procèdent à la concertation locale prévue par ce texte.
2. Le statut et la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires
La réforme du statut des administrateurs s'articule autour de la notion de "mandat de Justice", qui garantit l'indépendance et la neutralité des professionnels à l'égard du dirigeant défaillant comme des créanciers. Ce texte opte pour le maintien des deux professions d'administrateurs et de mandataires judiciaires dont le statut est profondément rénové.
Afin de mettre fin aux situations de monopole, le projet de loi suscite et organise la concurrence interne. A ce titre, il prévoit une compétence nationale et non plus régionale des mandataires judiciaires, une ouverture aux professionnels de l'Union Européenne, un examen d'accès au stage à l'entrée du cursus de formation et une limite d'âge.
Il ouvre parallèlement ce secteur d'activité à la concurrence externe en permettant aux juridictions de désigner des personnes non inscrites sur les listes professionnelles, mais disposant d'un savoir-faire particulier et adapté à la nature de chaque affaire. Cette ouverture à des personnes non inscrites sur la liste s'accompagne de multiples garanties, telles que l'avis préalable du parquet, l'obligation de contracter une assurance, de strictes incompatibilités et un dispositif de contrôle.
Complétant par ailleurs les premières mesures prises en 1998, ce projet de loi encadre de manière plus stricte l'exercice de la profession. Il prévoit ainsi de nouvelles incompatibilités, l'interdiction pour ces professionnels de déléguer à des tiers leurs missions propres, l'interdiction de traiter des dossiers après cessation de leurs fonctions et le renforcement du régime disciplinaire.
Le tarif des administrateurs et mandataires constitue un élément essentiel de cette réforme. On connaît les dérives auxquelles l'application de ce tarif a parfois donné lieu et l'atteinte qui en est résulté à l'image de ces professions.
Il s'agit d'un sujet délicat, car le souci de moraliser les pratiques tarifaires doit également tenir compte de la grande hétérogénéité économique des études. Les travaux conduits par le ministère de la justice sont à présent achevés et un projet de décret sera prochainement arrêté et soumis à consultation.
3.Le traitement des entreprises en difficulté
La réforme de la justice commerciale doit nécessairement être accompagnée d'une révision du droit des entreprises en difficulté. Un document d'orientation préparatoire a été largement diffusé aux milieux professionnels concernés afin qu'ils contribuent, par leur réflexion, à l'élaboration des textes nouveaux.
Je dois souligner la qualité des contributions qui nous sont parvenues. Votre Conférence Générale a pris une part active et significative à ce travail, qui a permis que soit élaboré un texte plus précis, tenant compte des préoccupations exprimées et enrichi par un débat constructif.
Ce nouveau document vient d'être soumis à la plus large concertation, à destination notamment des professionnels du droit et des responsables du monde économique. Il demeure un outil de travail qui peut être encore amélioré et complété avant que le Gouvernement n'arrête un projet de loi.
Il comprend de nombreuses dispositions, très diverses, alliant au souci de moderniser un droit qui intéresse un domaine en profonde mutation, les impératifs de rigueur, de transparence, d'efficacité ainsi que celui d'accroître la lisibilité de textes complexes.
La nouvelle organisation des procédures collectives reconnaîtra, par souci de réalisme économique, la nécessité de procéder rapidement à la liquidation judiciaire lorsque celle-ci s'impose, en instaurant pour les plus petites entreprises une liquidation très simplifiée. Il devrait être ainsi mis fin à des procédures longues et coûteuses sans bénéfice réel pour l'entreprise et ses créanciers.
Il m'apparaît également important, selon cette logique, qu'un diagnostic précis sur la situation de l'entreprise soit effectué dès les premières semaines de la période d'observation. Celle-ci ne doit se poursuivre que lorsque les chances d'un redressement sont réelles et lorsque la poursuite d'activité n'engendre pas à l'excès de nouvelles dettes.
Une réflexion doit également être conduite sur le caractère trop souvent tardif du recours à la procédure de redressement judiciaire. Ne faudrait-il pas le rendre possible plus tôt qu'aujourd'hui, à l'initiative du débiteur et dans des conditions strictement encadrées ?
Le champ d'application de ces procédures doit lui aussi être revu et son extension aux différents acteurs de la vie économique achevée. Par exemple, les professionnels libéraux exerçant à titre individuel sont aujourd'hui les seuls à ne disposer d'aucun mécanisme juridique de traitement de l'insolvabilité et il convient sans doute de mettre fin à cette particularité.
La lenteur des procédures est un reproche légitime auquel nous sommes confrontés. Il convient qu'il y soit répondu : une attention toute particulière doit être portée à la répartition aux créanciers des fonds détenus par les mandataires judiciaires et aux moyens juridiques propres à l'accélérer, le traitement des procédures à très faibles actifs doit faire l'objet d'un traitement spécifique, le nombre des dossiers non encore clôturés de nombreuses années après leur ouverture doit être réduit de façon significative.
Enfin, l'achèvement de la distinction du sort de l'homme de celui de l'entreprise, déjà engagée lors des précédentes réformes intéressant cette matière, doit tout autant être conduit à son terme.
Réorganisé sur des principes clairs adaptés à la vie économique le droit des entreprises en difficulté sera ainsi profondément rénové afin que son application ne puisse donner lieu à la critique .
Tels sont les grands axes de la réflexion qu'il nous reste à mettre en oeuvre.
III. Conclusion
Vous vous êtes félicité, Monsieur le Président, de la reprise des relations de travail avec la chancellerie. Croyez que je m'en réjouis également. Je souhaite que les réformes que je prends en charge soient conduites dans la plus large concertation et que toutes les personnes puissent exprimer leur point de vue avant que les décisions ne soient arrêtées.
La participation de la conférence des tribunaux de commerce est un appui essentiel pour que renaissance la confiance qui doit présider au devenir de ces juridictions.
Cette confiance, c'est d'abord celle des justiciables, auxquels on doit une justice impartiale, compétente et de qualité. C'est aussi celle que les auxiliaires de justice, et au premier chef les avocats, doivent être en mesure de lui accorder.
La réforme de la justice commerciale imposera des adaptations de tous ses acteurs à des règles nouvelles. Il faudra mettre en oeuvre les décisions du législateur et faire vivre ces lois nouvelles.
Les juges consulaires ont - et ils l'ont démontré - su évoluer dans le passé. Leur pragmatisme a permis une bonne application de textes complexes. Comme tous les juges, vous avez su interpréter les textes, pour les appliquer aux litiges qui vous sont présentées et résoudre ainsi les inévitables questions pratiques que pose toute règle de droit lorsqu'elle entre en débats dans les prétoires.
Je suis convaincue que les juges consulaires le feront aussi pour les actuelles réformes. Je leur fais - je vous fais - confiance.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 24 octobre 2000)
Mesdames et messieurs les juges des tribunaux de commerce,
Mesdames et messieurs,
C'est avec plaisir qu'en prenant mes fonctions, j'assiste aujourd'hui au congrès annuel de la conférence générale des tribunaux de commerce. J'y vois le signe d'une compréhension mutuelle et d'une poursuite fructueuse du travail déjà accompli.
Le thème de la réflexion que vous avez choisi d'aborder pour l'année 2000 - "droit anglo-saxon, droit romano-germanique: guerre ou paix ?" - s'inscrit parfaitement dans l'évolution de la société contemporaine, caractérisée par la mondialisation des échanges. Il est donc d'une particulière actualité.
Cette mondialisation, que permet l'accroissement de la mobilité des individus, l'accélération des échanges et la compétitivité de notre économie, conduit à une confrontation des deux systèmes juridiques que l'on a coutume d'opposer : le droit romano-germanique et le droit anglo-saxon.
Cette opposition, nous y sommes d'ailleurs d'autant plus sensibles qu'elle est au coeur de la construction européenne. On sait le rôle que le droit, et sa mise en oeuvre par les juridictions communautaires, ont joué dans cette construction.
Cette confrontation n'est pas pour autant synonyme d'affrontement, avec comme seule issue de permettre à l'un de ces systèmes juridiques de s'imposer à l'autre.
Je note avec intérêt que, pour votre part, vous avez choisi, en retenant une formulation interrogative, de ne pas aborder vos travaux en posant comme postulat l'existence d'un tel affrontement.
Pour ma part, je ne pense pas qu'un système juridique puisse ou doive s'imposer aux autres. Penser qu'un système juridique puisse s'imposer reviendrait en effet à oublier que le droit est, et ne peut être, que le fruit d'une histoire et de la culture d'une nation ou, ainsi que je m'y emploie, d'un groupe de nations.
Je crois en réalité que la confrontation des systèmes juridiques germano-romain et anglo-saxon doit avoir pour objectif l'élaboration d'un corps de règles acceptées et reconnues sur le plan européen et international.
Cette démarche suppose une analyse de ces deux systèmes juridiques, et l'adaptation de chacun d'eux, dans le respect toutefois des spécificités nationales. C'est à cette analyse que s'est livré votre rapporteur à ce congrès, et je l'en félicite.
Il nous appartient aussi, par cette nécessaire adaptation des systèmes juridiques, de promouvoir les avantages attachés à notre droit germano-romain. C'est avec ce souci constant qu 'Elisabeth GUIGOU - à qui je tiens à rendre spécialement hommage pour la volonté constante qu'elle manifestée dans la mise en oeuvre des réformes décidées par le premier Ministre et par le Gouvernement - a engagé un plan global de réforme de la justice.
Un des volets de ce grand chantier concerne la réforme de la justice commerciale et de l'environnement juridique de l'entreprise. Cette réforme prend en compte la nécessité d'adapter notre pays aux exigences d'une efficacité économique accrue, également respectueuse des équilibres sociaux et des personnes.
Trois grands volets caractérisent ce programme ambitieux :
la réforme des tribunaux de commerce,
celle des professions liées au fonctionnement de la Justice commerciale
et la refonte des lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985 sur le traitement des difficultés des entreprises et la réforme du droit des sociétés.
Je voudrais évoquer devant vous l'état et les perspectives de ces réformes, en commençant par celle qui vous concerne le plus directement aujourd'hui : celle des tribunaux de commerce.
SOMMAIRE
I. La réforme des tribunaux de commerce
1. Maintien des tribunaux de commerce
2. Renforcer l'impartialité
3. Les chambres mixtes
4. Le statut du juge consulaire
5. Les juges consulaires dans les cours d'appel
II.- Un plan global de modernisation
1.- Ce qui a déjà été fait
2.Le statut et la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires
3.- Le traitement des entreprises en difficulté
III. Conclusion
I. La réforme des tribunaux de commerce
La réforme des tribunaux de commerce concerne à titre principal les juridictions du premier degré.
1. Maintien des tribunaux de commerce
Le projet de loi traduit en premier lieu le choix du Gouvernement de maintenir les tribunaux de commerce.
Je sais Monsieur le Président - et vous l'avez à juste titre rappelé - que les juges consulaires sont des juges bénévoles, qui exercent leurs fonctions en plus d'activités professionnelles et de responsabilités économiques souvent lourdes. Je sais aussi que les dérives, marginales, de quelques uns ne justifient pas que l'opprobre soit jetée sur l'ensemble des juges consulaires, dont l'immense majorité ont et continuent de remplir leur tâche avec conscience.
2. Renforcer l'impartialité
Mais il faut aussi, chacun en convient et les juges consulaires les premiers, en finir avec l'ère du soupçon. Pour cela, il n'est d'autre solution que de renforcer les garanties d'impartialité des tribunaux de commerce. C'est la voie qui a été choisie. C'est le choix de la mixité. La mixité c'est l'échange des compétences entre l'expérience de l'entreprise, qui est celle des juges consulaires élus, et la connaissance approfondie du droit et de la procédure, qui est celle des magistrats professionnels.
Ce texte n'assure ainsi nullement la prééminence des magistrats de l'ordre judiciaire. S'il met fin à l'exception française que constitue l'existence d'un système de Justice commerciale rendue en premier ressort exclusivement par des juges non professionnels, il respecte la spécificité nationale que représente la juridiction consulaire, partie intégrante du service public de la Justice:
les juges consulaires constitueront toujours l'ossature des tribunaux de commerce, dans lesquels ils seront majoritaires, y compris dans les chambres mixtes;
la présidence des tribunaux de commerce restera confiée à un juge élu, dont, les pouvoirs seront maintenus, notamment en matière juridictionnelle.
Je voudrais préciser devant vous un point qui me paraît essentiel au bon fonctionnement d'une juridiction, quelle qu'elle soit. Il n'est pas de bonne justice sans débats. Il n'est pas non plus de bonne décision de justice sans une confrontation des points de vue des juges qui doivent statuer sur une affaire.Dans d'autres domaines, ont été créés de nouvelles pratiques de discussion et d'échanges dans le seul souci d' élever la qualité des décisions judiciaires: je pense à la loi sur la présomption d'innocence et sur les droits des victimes d'infractions pénales.
Elisabeth GUIGOU a ainsi proposé un dispositif au Parlement, qui l'a retenu, tendant à confier à un autre juge que le juge d'instruction les décisions en matière de détention provisoire - c'est le "double regard" - à créer un véritable débat judiciaire pour l'exécution des peines. De même, le Parlement a pris l'initiative d'instituer une faculté d'appel pour les condamnations criminelles.
L'introduction de la mixité dans les tribunaux de commerce répond à ce même souci de la qualité du service rendu aux justiciables. Au delà de la présidence de la chambre mixte par un magistrat professionnel, je rappelle en effet que le principe de l'égalité des voix et des opinions trouvera à s'exprimer parfaitement dans le cadre du délibéré, qui est la pierre angulaire de la décision de justice.
Le texte qui est actuellement soumis au Parlement constitue une réforme équilibrée, non seulement en ce qu'il tire le meilleur parti des qualités et compétences respectives des magistrats de l'ordre judiciaire et des juges consulaires, mais également parce qu'il tient compte de l'histoire spécifique qui est celle de la juridiction consulaire.
3. Les chambres mixtes
Les chambres mixtes, instituées dans chaque tribunal de commerce auront à connaître de contentieux qui dépassent les seuls intérêts des parties au litige et touchent l'ordre public économique.
Il s'agit des contentieux relatifs au contrat de société commerciale, aux procédures relevant de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises et aux contentieux touchant à l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence.
En faisant le choix de limiter le champ d'intervention de la chambre mixte à ces contentieux, et par voie de conséquence, de soumettre pour le reste, les contentieux relevant de la compétence des tribunaux de commerce à une formation exclusivement composée de juges consulaires, le Gouvernement a pris le parti de rester fidèle au principe fondateur des tribunaux de commerce d'une Justice rendue par les commerçants pour les commerçants.
4. Le statut du juge consulaire
Ce projet procède non seulement à la refonte des règles relatives à la composition et à l'organisation des tribunaux de commerce, mais engage aussi l'élaboration d'un véritable statut du juge consulaire. C'est une réforme d'ampleur et un enjeu majeur pour l'avenir de la Justice commerciale française, auquel je sais que les juges consulaires sont légitimement attachés.
Le renforcement de ce statut comporte d'abord une refonte du dispositif électoral et l'édiction de nouvelles règles en matière de déontologie ou de discipline.
S'agissant du dispositif électoral, le projet de loi tient, pour l'essentiel, à l'adaptation du processus électoral aux évolutions du monde économique et, particulièrement, au besoin croissant qu'ont nos concitoyens de participer directement aux institutions qui règlent leur vie.
Il prévoit ainsi une élection au scrutin direct des membres des tribunaux de commerce et un élargissement du corps électoral puisque seront désormais électeurs aux tribunaux de commerce l'ensemble des justiciables de ces juridictions, le corps électoral étant élargi aux artisans.
Ce texte modifie en outre les conditions d'éligibilité, notamment en prévoyant une limite d'age pour l'accès aux fonctions consulaires et institue de nouvelles incompatibilités.
Il adapte enfin les règles de déontologie, de discipline et crée un droit à la formation pour les juges consulaires, consacrant ainsi les premières réalisations résultant de la convention passée depuis 1999 entre l'Ecole Nationale de la Magistrature et le Centre de formation des juridictions consulaires.
Vous vous êtes fait l'écho, Monsieur le Président, des craintes qu'inspirent aux juges consulaires certaines de ces dispositions nouvelles. Elles s'expriment au travers des enquêtes que votre conférence a récemment menées - et qui représentent sans doute un apport de qualité aux réflexions que nous continuerons d'avoir.
Les projets de loi seront débattus avant la fin de cette année au Parlement. Je sais que les rapporteurs ont déjà commencé leurs travaux, et que les représentants de la conférence générale des tribunaux de commerce y seront associés. Il appartiendra à la représentation nationale de fixer définitivement les règles nouvelles, au mieux de l'intérêt des justiciables.
En ce qui me concerne, je souhaite que le débat parlementaire enrichisse les projets du Gouvernement là où cela paraîtra nécessaire et c'est dans cet esprit constant que je défendrai ces textes.
5. Les juges consulaires dans les cours d'appel
La seconde avancée vers un statut des juges consulaires est la possibilité qui leur sera dorénavant offerte de siéger dans les chambres commerciales des cours d'appel. L'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature sera modifiée pour permettre le recrutement de juges consulaires dans les cours d'appel, en qualité de conseillers exerçant à titre temporaire.
Cette modification de la loi organique permettra ainsi aux juges consulaires de siéger dans les chambres commerciales des cours d'appel. Ils pourront continuer par ailleurs d'exercer une activité professionnelle. Leur participation à des arrêts rendus en dernier ressort justifie que leur recrutement soit entouré de conditions particulières destinées à garantir leur impartialité objective, sans contestation possible.
A la différence de la plupart des modes de recrutements directs dans la magistrature, leur nomination à ces fonctions relèvera directement du Conseil supérieur de la Magistrature, sans intervention de la commission d'avancement.
C'est au delà de la manifestation de la volonté du Gouvernement d'associer les compétences économiques des juges consulaires aux compétences juridiques des magistrats du corps judiciaire, aussi une reconnaissance de leurs aptitudes à juger. C'est également une révolution culturelle dans le paysage traditionnel des juridictions française et je voudrais que vous en mesuriez pleinement l'importance.
Aucune autre catégorie de juges non professionnels ne dispose actuellement de cette faculté. Les juges consulaires seront les premiers à participer, à égalité de responsabilité et de devoirs, aux décisions d'appel.
II. Un plan global de modernisation
La réforme de la composition et du fonctionnement des tribunaux de commerce ne constitue qu'une partie du plan global de modernisation de la justice commerciale qui a été entrepris.
Des mesures sont d'ores et déjà intervenues dans d'autres domaines du droit économique. Elle seront poursuivies par la réforme des professions d'administrateur et de mandataire judiciaires et par une plus vaste réforme du traitement des entreprises en difficulté.
1. Ce qui a déjà été fait
La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a étendu le régime de la société anonyme simplifiée. La réforme du droit des sociétés est incluse en partie dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, adoptée en 1ère lecture au mois de Mai à l'Assemblée Nationale, et au Sénat il y a quelques jours.
S'agissant des professions liées au fonctionnement de la Justice commerciale, le décret du 29 décembre 1998 a renforcé le contrôle des mandataires de justice en organisant une plus grande transparence de leurs activités.
S'agissant de la réforme de la carte des tribunaux de commerce, elle est devenue une réalité après 200 ans d'immobilisme. Ainsi, le décret du 30 juillet 1999 a procédé à la suppression, à compter du 1er janvier 2000, de 36 juridictions consulaires. Ces regroupements de juridictions sont entrés dans les faits.
Cette première phase de la modification de la carte des tribunaux de commerce traduit un souci de rationalisation et la volonté d'avoir une justice commerciale qui corresponde aux bassins d'activité économiques contemporains et garantisse l'impartialité des juges en diminuant les risques d'une proximité excessive - auxquels votre conférence est à juste titre attentive.
Elle traduit aussi la volonté d'un compromis entre les objectifs de regroupement des juridictions, les enjeux locaux, et l'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, les travaux de réforme de la carte des tribunaux de commerce se sont poursuivis. A l'issue des travaux menés par mes services, des études d'impact concernant le projet d'autres suppressions ont été adressées aux Préfets des départements concernés, afin que conformément aux dispositions du décret du 20 octobre 1999, ils procèdent à la concertation locale prévue par ce texte.
2. Le statut et la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires
La réforme du statut des administrateurs s'articule autour de la notion de "mandat de Justice", qui garantit l'indépendance et la neutralité des professionnels à l'égard du dirigeant défaillant comme des créanciers. Ce texte opte pour le maintien des deux professions d'administrateurs et de mandataires judiciaires dont le statut est profondément rénové.
Afin de mettre fin aux situations de monopole, le projet de loi suscite et organise la concurrence interne. A ce titre, il prévoit une compétence nationale et non plus régionale des mandataires judiciaires, une ouverture aux professionnels de l'Union Européenne, un examen d'accès au stage à l'entrée du cursus de formation et une limite d'âge.
Il ouvre parallèlement ce secteur d'activité à la concurrence externe en permettant aux juridictions de désigner des personnes non inscrites sur les listes professionnelles, mais disposant d'un savoir-faire particulier et adapté à la nature de chaque affaire. Cette ouverture à des personnes non inscrites sur la liste s'accompagne de multiples garanties, telles que l'avis préalable du parquet, l'obligation de contracter une assurance, de strictes incompatibilités et un dispositif de contrôle.
Complétant par ailleurs les premières mesures prises en 1998, ce projet de loi encadre de manière plus stricte l'exercice de la profession. Il prévoit ainsi de nouvelles incompatibilités, l'interdiction pour ces professionnels de déléguer à des tiers leurs missions propres, l'interdiction de traiter des dossiers après cessation de leurs fonctions et le renforcement du régime disciplinaire.
Le tarif des administrateurs et mandataires constitue un élément essentiel de cette réforme. On connaît les dérives auxquelles l'application de ce tarif a parfois donné lieu et l'atteinte qui en est résulté à l'image de ces professions.
Il s'agit d'un sujet délicat, car le souci de moraliser les pratiques tarifaires doit également tenir compte de la grande hétérogénéité économique des études. Les travaux conduits par le ministère de la justice sont à présent achevés et un projet de décret sera prochainement arrêté et soumis à consultation.
3.Le traitement des entreprises en difficulté
La réforme de la justice commerciale doit nécessairement être accompagnée d'une révision du droit des entreprises en difficulté. Un document d'orientation préparatoire a été largement diffusé aux milieux professionnels concernés afin qu'ils contribuent, par leur réflexion, à l'élaboration des textes nouveaux.
Je dois souligner la qualité des contributions qui nous sont parvenues. Votre Conférence Générale a pris une part active et significative à ce travail, qui a permis que soit élaboré un texte plus précis, tenant compte des préoccupations exprimées et enrichi par un débat constructif.
Ce nouveau document vient d'être soumis à la plus large concertation, à destination notamment des professionnels du droit et des responsables du monde économique. Il demeure un outil de travail qui peut être encore amélioré et complété avant que le Gouvernement n'arrête un projet de loi.
Il comprend de nombreuses dispositions, très diverses, alliant au souci de moderniser un droit qui intéresse un domaine en profonde mutation, les impératifs de rigueur, de transparence, d'efficacité ainsi que celui d'accroître la lisibilité de textes complexes.
La nouvelle organisation des procédures collectives reconnaîtra, par souci de réalisme économique, la nécessité de procéder rapidement à la liquidation judiciaire lorsque celle-ci s'impose, en instaurant pour les plus petites entreprises une liquidation très simplifiée. Il devrait être ainsi mis fin à des procédures longues et coûteuses sans bénéfice réel pour l'entreprise et ses créanciers.
Il m'apparaît également important, selon cette logique, qu'un diagnostic précis sur la situation de l'entreprise soit effectué dès les premières semaines de la période d'observation. Celle-ci ne doit se poursuivre que lorsque les chances d'un redressement sont réelles et lorsque la poursuite d'activité n'engendre pas à l'excès de nouvelles dettes.
Une réflexion doit également être conduite sur le caractère trop souvent tardif du recours à la procédure de redressement judiciaire. Ne faudrait-il pas le rendre possible plus tôt qu'aujourd'hui, à l'initiative du débiteur et dans des conditions strictement encadrées ?
Le champ d'application de ces procédures doit lui aussi être revu et son extension aux différents acteurs de la vie économique achevée. Par exemple, les professionnels libéraux exerçant à titre individuel sont aujourd'hui les seuls à ne disposer d'aucun mécanisme juridique de traitement de l'insolvabilité et il convient sans doute de mettre fin à cette particularité.
La lenteur des procédures est un reproche légitime auquel nous sommes confrontés. Il convient qu'il y soit répondu : une attention toute particulière doit être portée à la répartition aux créanciers des fonds détenus par les mandataires judiciaires et aux moyens juridiques propres à l'accélérer, le traitement des procédures à très faibles actifs doit faire l'objet d'un traitement spécifique, le nombre des dossiers non encore clôturés de nombreuses années après leur ouverture doit être réduit de façon significative.
Enfin, l'achèvement de la distinction du sort de l'homme de celui de l'entreprise, déjà engagée lors des précédentes réformes intéressant cette matière, doit tout autant être conduit à son terme.
Réorganisé sur des principes clairs adaptés à la vie économique le droit des entreprises en difficulté sera ainsi profondément rénové afin que son application ne puisse donner lieu à la critique .
Tels sont les grands axes de la réflexion qu'il nous reste à mettre en oeuvre.
III. Conclusion
Vous vous êtes félicité, Monsieur le Président, de la reprise des relations de travail avec la chancellerie. Croyez que je m'en réjouis également. Je souhaite que les réformes que je prends en charge soient conduites dans la plus large concertation et que toutes les personnes puissent exprimer leur point de vue avant que les décisions ne soient arrêtées.
La participation de la conférence des tribunaux de commerce est un appui essentiel pour que renaissance la confiance qui doit présider au devenir de ces juridictions.
Cette confiance, c'est d'abord celle des justiciables, auxquels on doit une justice impartiale, compétente et de qualité. C'est aussi celle que les auxiliaires de justice, et au premier chef les avocats, doivent être en mesure de lui accorder.
La réforme de la justice commerciale imposera des adaptations de tous ses acteurs à des règles nouvelles. Il faudra mettre en oeuvre les décisions du législateur et faire vivre ces lois nouvelles.
Les juges consulaires ont - et ils l'ont démontré - su évoluer dans le passé. Leur pragmatisme a permis une bonne application de textes complexes. Comme tous les juges, vous avez su interpréter les textes, pour les appliquer aux litiges qui vous sont présentées et résoudre ainsi les inévitables questions pratiques que pose toute règle de droit lorsqu'elle entre en débats dans les prétoires.
Je suis convaincue que les juges consulaires le feront aussi pour les actuelles réformes. Je leur fais - je vous fais - confiance.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 24 octobre 2000)