Texte intégral
Laissez-moi tout d'abord vous dire ma profonde satisfaction de me trouver ici, à Bamako, parmi vous, responsables politiques, représentants de la société civile, universitaires, fonctionnaires, pour examiner avec vous l'état des pratiques de la démocratie et des Droits de l'Homme dans nos pays et envisager les moyens d'approfondir l'action de la Francophonie dans ce domaine.
Je voudrais, en premier lieu, remercier les autorités maliennes, et en particulier le président Konaré, pour la qualité de leur accueil et l'excellente organisation de cette rencontre. Ma reconnaissance va également au Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, pour avoir, avec toute l'énergie et l'enthousiasme que nous lui connaissons, mobilisé aussi largement les ressources de la Francophonie et réuni toutes les conditions pour faire de cette rencontre un succès.
Ce symposium, nous l'avons tous voulu. J'en avais lancé l'idée il y a près de deux ans, lors de la Conférence ministérielle de Bucarest. Nos chefs d'Etat et de gouvernement en ont posé le principe à Moncton et, depuis, nous nous sommes appliqués à le préparer avec ardeur et détermination.
Car nous le savons, c'est sur le terrain de la démocratie, des droits et des libertés que nos opinions publiques et nos partenaires nous jugeront. Il en va de la crédibilité et de l'avenir de notre mouvement. Nous avons, tout au long des travaux préparatoires, pris la mesure des aspirations de l'ensemble des composantes de nos sociétés. Responsable public, acteur de la société civile, chacun a pu faire valoir son point de vue, formuler des propositions. Ces échanges ont été féconds mais les attentes qu'ils ont fait naître sont grandes. Il nous appartient maintenant d'y répondre avec audace et imagination.
C'est donc, bien au-delà de ses représentants institutionnels, les citoyens de la Francophonie qui appellent de leurs vux le succès de notre réunion. Ils en escomptent des résultats concrets. Nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Notre séminaire ne constitue pas un aboutissement. Il est une étape décisive d'un long cheminement par lequel la Francophonie, depuis près de dix ans, accompagne les transitions démocratiques.
Nous souhaitons qu'il débouche sur la définition de termes de référence communs. Nous ne doutons pas qu'il dessinera des perspectives aussi nettes qu'ambitieuses pour que la Francophonie joue une part toujours plus active et plus efficace dans la consolidation de l'Etat de droit et l'approfondissement de la culture démocratique.
Relever ce défi est à notre portée. Je souhaite qu'en rentrant de Bamako, nous disposions d'un véritable corps de doctrine et que, dans un an, à Beyrouth, nos chefs d'Etat et de gouvernement puissent en tirer toutes les conséquences opérationnelles et institutionnelles souhaitables.
* * *
1 - Bamako, une étape déterminante dans le processus d'approfondissement de la démocratie au sein de l'espace francophone :
Francophonie et démocratie
Je l'ai dit, le travail que nous entreprenons aujourd'hui s'inscrit dans un processus entamé il y a plus de dix ans maintenant à l'extérieur de la Francophonie. Ces transitions démocratiques que plusieurs de nos pays membres, ici présents, ont connues, notre mouvement a souhaité les accompagner activement. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette disponibilité qui correspond pleinement à la mission de la Francophonie et à la dimension politique que nous avons souhaité lui voir acquérir.
Vous qui êtes tous des acteurs privilégiés de la Francophonie, vous savez, par expérience, que notre mouvement, même si certains le soupçonnent parfois de timidité sur ce plan, n'a pas attendu Bamako pour parler de démocratie et de Droits de l'Homme. Il n'est que de relire les résolutions, les déclarations et les plans d'action de nos sommets pour nous en convaincre. J'incline même à penser que cette préoccupation a toujours été au cur du projet francophone, même si celui-ci n'a pas toujours été suffisamment explicite sur ce thème.
Que notre communauté soit d'abord fondée sur le partage d'une langue n'empêche pas, - je dirais même, au contraire -, qu'elle véhicule partout dans le monde ces valeurs d'universalité et de démocratie, dont la langue française est, plus que toute autre, porteuse.
Nos chefs d'Etat et de gouvernement ont souhaité consacrer la vocation politique de la Francophonie. Les Sommets de Cotonou (1995) et de Hanoï (1997) ont marqué, à cet égard, un tournant décisif. Cette tonalité politique de la Francophonie est désormais assumée. En renforçant les institutions de notre mouvement, en le dotant d'un Secrétaire général chargé d'une mission éminemment politique et de prérogatives étendues, nos chefs d'Etat et de gouvernement ont créé les conditions d'un approfondissement de la démocratie et du respect des Droits de l'Homme au sein de l'espace francophone. La réussite des actions engagées par le Secrétaire général, les missions d'observation, les médiations qu'il effectue personnellement ou qu'il diligente montre que nous sommes sur la bonne voie.
La nécessité d'un bilan objectif
La communauté que nous constituons autour d'une langue et de valeurs partagées a adopté lors du Sommet de Hanoï en 1997 un texte qui recense très précisément les principes fondateurs auxquels nous entendons nous référer. Mais, s'agissant de démocratie, nous savons bien que les principes font moins difficulté que leur traduction dans la réalité concrète des pays.
Force est de constater qu'en dépit d'avancées significatives, la Francophonie présente dans ce domaine un bilan qui a besoin d'être consolidé.
Les dix dernières années ont été marquées, en particulier en Afrique et en Europe centrale et de l'Est, par une évolution constitutionnelle consacrant désormais dans l'espace francophone la prééminence du pluralisme et de l'Etat de droit.
Nous ne pouvons que nous en réjouir très vivement. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles se heurte encore sa mise en uvre, le phénomène démocratique n'est pas, ou n'est plus, contesté dans son essence ni dans ses modes d'institutionnalisation. Ce sont là des avancées considérables.
Mais, dans bien des cas, les institutions et les juridictions mises en place ont encore du mal à affirmer leur indépendance et leur autonomie. Le défi à relever est donc celui de l'ancrage de ces instances dans la vie démocratique, l'indépendance des institutions juridiques et judiciaires permettant seules in fine de garantir les libertés.
Les conditions matérielles de fonctionnement des Parlements, des appareils judiciaires, ainsi que des Hautes autorités de contrôle, de médiation et de régulation sont également source de préoccupation. Comment ne pas déplorer la maigreur des budgets consacrés à la justice au moment où un consensus se dégage, tant du côté des contributeurs que des bénéficiaires de l'aide, sur l'idée que l'Etat de droit est non seulement une nécessité éthique mais encore une condition d'éligibilité aux programmes de développement internationaux ? Un renforcement des moyens humains et matériels mis à la disposition des juridictions apparaît donc plus que jamais nécessaire.
Au cours de la dernière décennie, des avancées significatives ont été enregistrées dans l'espace francophone en ce qui concerne la tenue d'élections libres, transparentes et conformes aux normes essentielles de la démocratie et de l'Etat de droit. La récente alternance politique au Sénégal a été à cet égard exemplaire. Mais dans le même temps, les processus électoraux, s'ils ont parfois permis la réalisation de l'alternance, ont été trop souvent à l'origine de tensions et de crises qui ont gravement porté atteinte à la paix civile. En Côte d'Ivoire, il aura fallu des manifestations de rue et les réactions de la communauté internationale pour que le peuple ivoirien se voit reconnaître sa victoire.
Le nouveau Président doit relever, dans l'urgence, des défis immenses. Et d'abord, la réconciliation nationale. Il lui faut faire vivre cette assertion qui apparaît comme un paradoxe : la démocratie, ce n'est pas la seule loi de la majorité, c'est aussi l'écoute des minorités. Les prochaines élections législatives auront, à cet égard, valeur de test.
Il lui faut aussi refonder une Côte d'Ivoire ouverte, consciente de la participation des communautés étrangères à la mise en valeur de ses immenses ressources, mais aussi à l'enrichissement de sa culture. C'est à ce prix que l'alternance démocratique réussira durablement.
Sur le plan pratique, il me paraît indispensable que notre symposium se penche sur l'épineuse question des listes électorales. Il s'agit là, n'en doutons pas, d'un préalable à la tenue d'élections régulières. A terme, c'est une réflexion sur l'ensemble des moyens de satisfaire l'impérieuse nécessité, pour chaque pays, de disposer d'un état civil fiable et permanent qui doit être menée. Je me permets d'insister sur ce point qui me paraît fondamental.
Le bilan de l'expérience démocratique dans les pays francophones est considérable même si beaucoup reste encore à faire. Ce symposium peut et doit nous aider à progresser dans cette voie.
2 - Les objectifs du symposium de Bamako :
Nous devons tout d'abord - je viens de l'évoquer- dresser un bilan objectif et sans complaisance de la pratique de la démocratie dans l'espace francophone.
Il nous faut ensuite, au-delà de l'examen de conscience collectif que tout bilan implique, définir nos attentes.
Nous avons attentivement étudié les conclusions des travaux préparatoires de ce symposium et des séminaires qui se sont déroulés. Il me paraît que deux idées sont plus particulièrement ressorties de ces débats : la nécessité de mieux promouvoir la culture démocratique au sein de notre communauté et celle de mieux prendre en compte les attentes de la société civile. La France se réjouit particulièrement de ces orientations qui correspondent pleinement aux siennes. Elle constate aussi avec satisfaction que les débats qui se sont déroulés dans le cadre des séminaires préparatoires permettent d'augurer de l'existence d'un consensus sur des termes de référence. Il y a là, dans la perspective du Sommet de Beyrouth, matière à aller plus loin pour faire vivre la démocratie dans l'espace francophone et pour permettre une contribution accrue de la Francophonie aux efforts entrepris en la matière sur le plan international.
Promouvoir la culture démocratique
Nous ne saurions en effet nous contenter d'affirmations de principes. Au-delà des textes, la démocratie est d'abord une attitude de respect, de tolérance, d'acceptation des différences, voire des divergences. La démocratie ne nie pas le conflit, elle ne cherche pas à l'étouffer sous un faux consensus. Bien au contraire, elle accepte, elle encourage même la libre confrontation des idées et reconnaît l'existence d'intérêts opposés tant que le contrat social qui fonde la communauté n'est pas mis en cause. C'est pourquoi la diffusion d'une culture démocratique, d'une culture de la démocratie à tous les échelons de la société et plus particulièrement chez tous ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir, est si importante.
Tout cela, direz-vous, est largement affaires de moyens, lesquels ont jusqu'à présent fait cruellement défaut. Certes. Et c'est la raison pour laquelle la France se réjouit que ce symposium soit amené à réfléchir à un programme d'action. Notre démarche est d'abord une démarche d'accompagnement. Dans la perspective du Sommet de Beyrouth qui aura à déterminer les grands axes de la programmation du biennum 2002-2003, nous devons réfléchir aux moyens de reformuler et de renforcer nos programmes de coopération multilatérale dans les domaines juridique et judiciaire comme dans celui des Droits de l'Homme. Cet effort est fondamental et nous devons le faire si nous ne voulons pas que tous nos engagements restent lettre morte. Convenons toutefois que le renforcement de l'Etat de droit, le règlement effectif des droits de la défense, tout comme celui de la libre expression et des règles essentielles de la démocratie, ne se réduisent pas uniquement à une question financière. Les esprits sont malheureusement plus long à évoluer que les institutions et les règles de droit ! La prise de conscience individuelle de l'importance des Droits de l'Homme et de la démocratie, l'émergence de forces s'employant activement à leur promotion dans chaque pays sont sans doute le meilleur gage de progrès solides.
Au-delà des institutions et des normes, qui réclament de notre part le plus grand soutien et la meilleure attention, comment en effet ne pas souligner que la démocratie, l'Etat de droit et le respect des Droits de l'Homme reposent avant tout sur une culture - la culture démocratique -, elle-même fondée sur des attitudes, une pratique et une morale ? La société civile a, à cet égard, un rôle fondamental à jouer pour diffuser les valeurs démocratiques.
Prenons garde que nos concitoyens, informés par les médias des comportements par rapport à l'argent de certains dirigeants, ne se détournent de la solidarité à laquelle les appelle leur statut de contribuable, au nord comme au sud.
Associer la société civile
J'entends par société civile l'ensemble des structures organisées sur la base d'initiatives citoyennes qui concourent à l'épanouissement d'une véritable culture démocratique. Or il n'y a pas de démocratie possible s'il n'existe pas de société civile qui joue pleinement son rôle. Preuve en est que les Etats totalitaires ont tous cherché à l'étouffer, tantôt en réprimant les expressions privées, tantôt en usant d'un arbitraire brutal, souvent en combinant les deux. C'est pourtant de la société, j'en suis profondément persuadé, que doivent surgir les initiatives nécessaires à l'évolution des mentalités. Les barreaux, les associations de juristes, les organisations de promotion de Droits de l'Homme, sont en première ligne dans ce combat ; nous devons les aider à s'organiser.
A contrario, force est de reconnaître que la démocratie a peu de chances d'émerger là où n'existe pas de société civile organisée. L'insuffisance de développement, la persistance de logiques de clan ou de tribu, la corruption et le népotisme sont autant d'entraves qui s'opposent à l'enracinement de la démocratie. L'un des vices du modèle étatiste de développement appliqué au lendemain des indépendances a été de conforter pour partie cette impasse. Aujourd'hui, ce rôle de la société civile comme poumon de la démocratie doit être bien intégré, non seulement à nos analyses - car il ne s'agit pas de détruire l'Etat - mais aussi à nos actions dans des pays qui bien souvent, ne l'oublions pas, ont encore à construire l'Etat.
J'insisterai en outre tout particulièrement sur le rôle de la démocratie locale. La décentralisation des pouvoirs permet au citoyen d'exercer, au niveau qui lui est le plus familier, son pouvoir de choisir. Elle permet la mise en place de contre-pouvoirs et l'apprentissage du pluralisme. Elle permet un dialogue direct entre pouvoirs publics et associations. Enfin, elle est le cadre d'un échange fructueux avec d'autres pays, à travers la coopération décentralisée.
Enfin je ne saurais clore ce chapitre sans saluer ici les efforts déployés par les organisations non gouvernementales pour faire progresser la cause des Droits de l'Homme. Malgré les entraves et les méfiances auxquelles elles se heurtent trop souvent, elles sont les meilleurs messagers des préoccupations, voire des indignations de la société civile. Les ONG constituent des relais essentiels du développement de la culture démocratique et de la consolidation de l'Etat de droit. Il faut que nos Etats établissent avec elles, ici même à Bamako, les conditions d'un dialogue confiant et fructueux.
La réflexion qui a été engagée, à laquelle les ONG ont contribué et continueront de contribuer, doit permettre d'aboutir à l'adoption de normes communes sur lesquelles tous les pays francophones pourront fonder leur conduite.
3 - les suites que la France attend du symposium :
La France attend en effet de ce symposium : qu'il aboutisse à l'adoption d'un texte de référence en matière de démocratie et de Droits de l'Homme et que découlent de ce texte des orientations et des engagements clairs pour l'avenir.
Un corpus de référence commun
La déclaration que nos chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté au Sommet de Hanoï ne laisse planer aucune ambiguïté sur les principes qui animent notre communauté tant est forte notre conviction que démocratie, Etat de droit, paix et développement sont indissociables. Sans la consolidation de l'Etat de droit, les conditions de la concorde civile et du développement économique et social ne sauraient être réunies.
Certes - les séminaires préparatoires n'ont pas manqué de le relever - la démocratie a toujours été le fruit d'un processus à l'amorçage délicat et au développement progressif, mettant en jeu toutes les forces du changement, à commencer par les facteurs économiques et sociaux. La démocratie doit certes s'apprécier par rapport à un processus historique. Elle ne se proclame pas, elle se constate dans ses progrès et dans ses reculs. Elle sera toujours un devenir, jamais un aboutissement. Mais si nous nous devons de reconnaître les contraintes liées à l'Histoire, aux murs, aux cultures, aux différences dans l'organisation politique ou sociale, cela ne doit pas empêcher qu'une même référence, un corpus commun tel qu'il a été formalisé dans les grandes conventions, nous engage en matière de Droits de l'Homme. A cet égard, permettez-moi de rappeler que la France estime que, si la ratification des instruments de protection des Droits de l'Homme doit figurer parmi nos objectifs fondamentaux, c'est surtout leur mise en uvre effective qui vaut pour nos citoyens.
Mais nous ne saurions nous contenter d'une pétition de principes. La France a la volonté de donner un contenu et une portée concrets à la déclaration que nous allons adopter au terme de ce symposium.
L'adoption de normes communes engagera notre avenir. Quel serait le sens de notre symposium si, au terme de nos travaux, notre attitude vis avis de la démocratie et des Droits de l'Homme demeurait inchangée ? Ne nous y trompons pas, nous ne pourrons pas faire l'économie de questions délicates :
- Comment faire prévaloir les idéaux démocratiques et universels qui nous animent sans nous ériger en censeurs ?
- Quelle attitude notre communauté doit-elle adopter vis à vis d'un Etat membre dont le fonctionnement démocratique a été interrompu ?
A ces questions, comme à bien d'autres, il nous appartiendra de répondre dans la sérénité, sans exclusive ni a priori. Si nous entendons que la Francophonie demeure une communauté exemplaire, il lui appartient d'être irréprochable sur le terrain de la démocratie et de la protection des Droits de l'Homme. C'est en contribuant à l'élaboration de normes de référence qu'elle y parviendra. Cela suppose d'abord qu'elle en tire des conséquences pratiques.
Une concertation institutionnalisée
La première condition de cette ambition, c'est que le symposium de Bamako marque le point de départ d'un processus de concertation régulier et approfondi sur le thème de la démocratie et des Droits de l'Homme dans l'espace francophone. Membres des gouvernements, parlementaires, représentants de la société civile, tous les acteurs concernés ont vocation à y participer. A nous d'en définir le cadre institutionnel, les modalités et le calendrier. Le moment paraît donc venu que nous élaborions conjointement les mécanismes d'observation et de concertation envisagés dans le plan d'action du Sommet de Moncton.
Une meilleure coordination avec les autres organisations internationales
Depuis plusieurs années les Etats africains manifestent une volonté accrue de s'impliquer dans la gestion des crises qui les concernent. Indépendamment de l'ONU et de l'OUA, les organisations sous-régionales jouent de plus en plus un rôle éminent. Ainsi la CEDEAO, la SADC, la CEEAC, l'IGAD disposent-elles à présent de mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits comparables à ceux de l'OUA. La France se réjouit de cette évolution positive et milite pour une articulation accrue entre l'ensemble des ces organismes régionaux et internationaux et la Francophonie.
Dans le cadre de l'Union européenne et de concert avec ses partenaires européens, mon pays s'est déjà engagé dans cette voie. A travers le Fonds européen de développement et l'Accord de Cotonou, qui entend donner plus d'importance au dialogue politique que les Conventions de Lomé, la France appuie la construction de l'Etat de droit et de la démocratie et encourage la saine gestion des affaires publiques, car elle estime que ces objectifs, qui participent pleinement des politiques de développement, sont la clef de la stabilité et de la paix.
Sur la question de la démocratie en particulier, même s'il faut bien reconnaître que la prise de conscience de la Francophonie est plus récente que celle d'autres organisations, notre détermination est sans faille et aucune raison ne justifierait que notre ambition se situe en retrait par rapport aux mécanismes que le Commonwealth, l'Union européenne ou l'OUA sont parvenus à mettre en place.
Je n'ignore pas que l'essentiel des préoccupations que je viens d'énoncer est largement pris en compte dans le projet de déclaration qui sera soumis à notre approbation à l'issue de ce symposium. Mais s'agissant de démocratie, nous savons bien que les grands principes font moins difficulté que leur traduction dans la réalité concrète des pays. Les mots, les discours dans lesquels ces mots s'insèrent, sont importants dans la mesure où ils engagent ceux qui les prononcent mais nous serons davantage jugés sur notre capacité à mettre en pratique nos engagements que sur leur valeur incantatoire.
* * *
Ensemble, nous voulons une Francophonie fraternelle, qui participe activement à l'enracinement dans le monde de la paix, de la démocratie, du respect des Droits de l'Homme en même temps qu'elle contribue à assurer un développement économique, social, culturel fondé sur l'équité et la justice. Le symposium de Bamako doit permettre de définir de nouvelles perspectives de coopération, de faire émerger de nouveaux partenariats et de favoriser le développement de la culture démocratique en liaison avec tous les acteurs concernés, notamment les représentants de la société civile.
Je peux vous assurer que la France appuiera ce processus avec détermination.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 08 novembre 2000).
Je voudrais, en premier lieu, remercier les autorités maliennes, et en particulier le président Konaré, pour la qualité de leur accueil et l'excellente organisation de cette rencontre. Ma reconnaissance va également au Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, pour avoir, avec toute l'énergie et l'enthousiasme que nous lui connaissons, mobilisé aussi largement les ressources de la Francophonie et réuni toutes les conditions pour faire de cette rencontre un succès.
Ce symposium, nous l'avons tous voulu. J'en avais lancé l'idée il y a près de deux ans, lors de la Conférence ministérielle de Bucarest. Nos chefs d'Etat et de gouvernement en ont posé le principe à Moncton et, depuis, nous nous sommes appliqués à le préparer avec ardeur et détermination.
Car nous le savons, c'est sur le terrain de la démocratie, des droits et des libertés que nos opinions publiques et nos partenaires nous jugeront. Il en va de la crédibilité et de l'avenir de notre mouvement. Nous avons, tout au long des travaux préparatoires, pris la mesure des aspirations de l'ensemble des composantes de nos sociétés. Responsable public, acteur de la société civile, chacun a pu faire valoir son point de vue, formuler des propositions. Ces échanges ont été féconds mais les attentes qu'ils ont fait naître sont grandes. Il nous appartient maintenant d'y répondre avec audace et imagination.
C'est donc, bien au-delà de ses représentants institutionnels, les citoyens de la Francophonie qui appellent de leurs vux le succès de notre réunion. Ils en escomptent des résultats concrets. Nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Notre séminaire ne constitue pas un aboutissement. Il est une étape décisive d'un long cheminement par lequel la Francophonie, depuis près de dix ans, accompagne les transitions démocratiques.
Nous souhaitons qu'il débouche sur la définition de termes de référence communs. Nous ne doutons pas qu'il dessinera des perspectives aussi nettes qu'ambitieuses pour que la Francophonie joue une part toujours plus active et plus efficace dans la consolidation de l'Etat de droit et l'approfondissement de la culture démocratique.
Relever ce défi est à notre portée. Je souhaite qu'en rentrant de Bamako, nous disposions d'un véritable corps de doctrine et que, dans un an, à Beyrouth, nos chefs d'Etat et de gouvernement puissent en tirer toutes les conséquences opérationnelles et institutionnelles souhaitables.
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1 - Bamako, une étape déterminante dans le processus d'approfondissement de la démocratie au sein de l'espace francophone :
Francophonie et démocratie
Je l'ai dit, le travail que nous entreprenons aujourd'hui s'inscrit dans un processus entamé il y a plus de dix ans maintenant à l'extérieur de la Francophonie. Ces transitions démocratiques que plusieurs de nos pays membres, ici présents, ont connues, notre mouvement a souhaité les accompagner activement. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette disponibilité qui correspond pleinement à la mission de la Francophonie et à la dimension politique que nous avons souhaité lui voir acquérir.
Vous qui êtes tous des acteurs privilégiés de la Francophonie, vous savez, par expérience, que notre mouvement, même si certains le soupçonnent parfois de timidité sur ce plan, n'a pas attendu Bamako pour parler de démocratie et de Droits de l'Homme. Il n'est que de relire les résolutions, les déclarations et les plans d'action de nos sommets pour nous en convaincre. J'incline même à penser que cette préoccupation a toujours été au cur du projet francophone, même si celui-ci n'a pas toujours été suffisamment explicite sur ce thème.
Que notre communauté soit d'abord fondée sur le partage d'une langue n'empêche pas, - je dirais même, au contraire -, qu'elle véhicule partout dans le monde ces valeurs d'universalité et de démocratie, dont la langue française est, plus que toute autre, porteuse.
Nos chefs d'Etat et de gouvernement ont souhaité consacrer la vocation politique de la Francophonie. Les Sommets de Cotonou (1995) et de Hanoï (1997) ont marqué, à cet égard, un tournant décisif. Cette tonalité politique de la Francophonie est désormais assumée. En renforçant les institutions de notre mouvement, en le dotant d'un Secrétaire général chargé d'une mission éminemment politique et de prérogatives étendues, nos chefs d'Etat et de gouvernement ont créé les conditions d'un approfondissement de la démocratie et du respect des Droits de l'Homme au sein de l'espace francophone. La réussite des actions engagées par le Secrétaire général, les missions d'observation, les médiations qu'il effectue personnellement ou qu'il diligente montre que nous sommes sur la bonne voie.
La nécessité d'un bilan objectif
La communauté que nous constituons autour d'une langue et de valeurs partagées a adopté lors du Sommet de Hanoï en 1997 un texte qui recense très précisément les principes fondateurs auxquels nous entendons nous référer. Mais, s'agissant de démocratie, nous savons bien que les principes font moins difficulté que leur traduction dans la réalité concrète des pays.
Force est de constater qu'en dépit d'avancées significatives, la Francophonie présente dans ce domaine un bilan qui a besoin d'être consolidé.
Les dix dernières années ont été marquées, en particulier en Afrique et en Europe centrale et de l'Est, par une évolution constitutionnelle consacrant désormais dans l'espace francophone la prééminence du pluralisme et de l'Etat de droit.
Nous ne pouvons que nous en réjouir très vivement. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles se heurte encore sa mise en uvre, le phénomène démocratique n'est pas, ou n'est plus, contesté dans son essence ni dans ses modes d'institutionnalisation. Ce sont là des avancées considérables.
Mais, dans bien des cas, les institutions et les juridictions mises en place ont encore du mal à affirmer leur indépendance et leur autonomie. Le défi à relever est donc celui de l'ancrage de ces instances dans la vie démocratique, l'indépendance des institutions juridiques et judiciaires permettant seules in fine de garantir les libertés.
Les conditions matérielles de fonctionnement des Parlements, des appareils judiciaires, ainsi que des Hautes autorités de contrôle, de médiation et de régulation sont également source de préoccupation. Comment ne pas déplorer la maigreur des budgets consacrés à la justice au moment où un consensus se dégage, tant du côté des contributeurs que des bénéficiaires de l'aide, sur l'idée que l'Etat de droit est non seulement une nécessité éthique mais encore une condition d'éligibilité aux programmes de développement internationaux ? Un renforcement des moyens humains et matériels mis à la disposition des juridictions apparaît donc plus que jamais nécessaire.
Au cours de la dernière décennie, des avancées significatives ont été enregistrées dans l'espace francophone en ce qui concerne la tenue d'élections libres, transparentes et conformes aux normes essentielles de la démocratie et de l'Etat de droit. La récente alternance politique au Sénégal a été à cet égard exemplaire. Mais dans le même temps, les processus électoraux, s'ils ont parfois permis la réalisation de l'alternance, ont été trop souvent à l'origine de tensions et de crises qui ont gravement porté atteinte à la paix civile. En Côte d'Ivoire, il aura fallu des manifestations de rue et les réactions de la communauté internationale pour que le peuple ivoirien se voit reconnaître sa victoire.
Le nouveau Président doit relever, dans l'urgence, des défis immenses. Et d'abord, la réconciliation nationale. Il lui faut faire vivre cette assertion qui apparaît comme un paradoxe : la démocratie, ce n'est pas la seule loi de la majorité, c'est aussi l'écoute des minorités. Les prochaines élections législatives auront, à cet égard, valeur de test.
Il lui faut aussi refonder une Côte d'Ivoire ouverte, consciente de la participation des communautés étrangères à la mise en valeur de ses immenses ressources, mais aussi à l'enrichissement de sa culture. C'est à ce prix que l'alternance démocratique réussira durablement.
Sur le plan pratique, il me paraît indispensable que notre symposium se penche sur l'épineuse question des listes électorales. Il s'agit là, n'en doutons pas, d'un préalable à la tenue d'élections régulières. A terme, c'est une réflexion sur l'ensemble des moyens de satisfaire l'impérieuse nécessité, pour chaque pays, de disposer d'un état civil fiable et permanent qui doit être menée. Je me permets d'insister sur ce point qui me paraît fondamental.
Le bilan de l'expérience démocratique dans les pays francophones est considérable même si beaucoup reste encore à faire. Ce symposium peut et doit nous aider à progresser dans cette voie.
2 - Les objectifs du symposium de Bamako :
Nous devons tout d'abord - je viens de l'évoquer- dresser un bilan objectif et sans complaisance de la pratique de la démocratie dans l'espace francophone.
Il nous faut ensuite, au-delà de l'examen de conscience collectif que tout bilan implique, définir nos attentes.
Nous avons attentivement étudié les conclusions des travaux préparatoires de ce symposium et des séminaires qui se sont déroulés. Il me paraît que deux idées sont plus particulièrement ressorties de ces débats : la nécessité de mieux promouvoir la culture démocratique au sein de notre communauté et celle de mieux prendre en compte les attentes de la société civile. La France se réjouit particulièrement de ces orientations qui correspondent pleinement aux siennes. Elle constate aussi avec satisfaction que les débats qui se sont déroulés dans le cadre des séminaires préparatoires permettent d'augurer de l'existence d'un consensus sur des termes de référence. Il y a là, dans la perspective du Sommet de Beyrouth, matière à aller plus loin pour faire vivre la démocratie dans l'espace francophone et pour permettre une contribution accrue de la Francophonie aux efforts entrepris en la matière sur le plan international.
Promouvoir la culture démocratique
Nous ne saurions en effet nous contenter d'affirmations de principes. Au-delà des textes, la démocratie est d'abord une attitude de respect, de tolérance, d'acceptation des différences, voire des divergences. La démocratie ne nie pas le conflit, elle ne cherche pas à l'étouffer sous un faux consensus. Bien au contraire, elle accepte, elle encourage même la libre confrontation des idées et reconnaît l'existence d'intérêts opposés tant que le contrat social qui fonde la communauté n'est pas mis en cause. C'est pourquoi la diffusion d'une culture démocratique, d'une culture de la démocratie à tous les échelons de la société et plus particulièrement chez tous ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir, est si importante.
Tout cela, direz-vous, est largement affaires de moyens, lesquels ont jusqu'à présent fait cruellement défaut. Certes. Et c'est la raison pour laquelle la France se réjouit que ce symposium soit amené à réfléchir à un programme d'action. Notre démarche est d'abord une démarche d'accompagnement. Dans la perspective du Sommet de Beyrouth qui aura à déterminer les grands axes de la programmation du biennum 2002-2003, nous devons réfléchir aux moyens de reformuler et de renforcer nos programmes de coopération multilatérale dans les domaines juridique et judiciaire comme dans celui des Droits de l'Homme. Cet effort est fondamental et nous devons le faire si nous ne voulons pas que tous nos engagements restent lettre morte. Convenons toutefois que le renforcement de l'Etat de droit, le règlement effectif des droits de la défense, tout comme celui de la libre expression et des règles essentielles de la démocratie, ne se réduisent pas uniquement à une question financière. Les esprits sont malheureusement plus long à évoluer que les institutions et les règles de droit ! La prise de conscience individuelle de l'importance des Droits de l'Homme et de la démocratie, l'émergence de forces s'employant activement à leur promotion dans chaque pays sont sans doute le meilleur gage de progrès solides.
Au-delà des institutions et des normes, qui réclament de notre part le plus grand soutien et la meilleure attention, comment en effet ne pas souligner que la démocratie, l'Etat de droit et le respect des Droits de l'Homme reposent avant tout sur une culture - la culture démocratique -, elle-même fondée sur des attitudes, une pratique et une morale ? La société civile a, à cet égard, un rôle fondamental à jouer pour diffuser les valeurs démocratiques.
Prenons garde que nos concitoyens, informés par les médias des comportements par rapport à l'argent de certains dirigeants, ne se détournent de la solidarité à laquelle les appelle leur statut de contribuable, au nord comme au sud.
Associer la société civile
J'entends par société civile l'ensemble des structures organisées sur la base d'initiatives citoyennes qui concourent à l'épanouissement d'une véritable culture démocratique. Or il n'y a pas de démocratie possible s'il n'existe pas de société civile qui joue pleinement son rôle. Preuve en est que les Etats totalitaires ont tous cherché à l'étouffer, tantôt en réprimant les expressions privées, tantôt en usant d'un arbitraire brutal, souvent en combinant les deux. C'est pourtant de la société, j'en suis profondément persuadé, que doivent surgir les initiatives nécessaires à l'évolution des mentalités. Les barreaux, les associations de juristes, les organisations de promotion de Droits de l'Homme, sont en première ligne dans ce combat ; nous devons les aider à s'organiser.
A contrario, force est de reconnaître que la démocratie a peu de chances d'émerger là où n'existe pas de société civile organisée. L'insuffisance de développement, la persistance de logiques de clan ou de tribu, la corruption et le népotisme sont autant d'entraves qui s'opposent à l'enracinement de la démocratie. L'un des vices du modèle étatiste de développement appliqué au lendemain des indépendances a été de conforter pour partie cette impasse. Aujourd'hui, ce rôle de la société civile comme poumon de la démocratie doit être bien intégré, non seulement à nos analyses - car il ne s'agit pas de détruire l'Etat - mais aussi à nos actions dans des pays qui bien souvent, ne l'oublions pas, ont encore à construire l'Etat.
J'insisterai en outre tout particulièrement sur le rôle de la démocratie locale. La décentralisation des pouvoirs permet au citoyen d'exercer, au niveau qui lui est le plus familier, son pouvoir de choisir. Elle permet la mise en place de contre-pouvoirs et l'apprentissage du pluralisme. Elle permet un dialogue direct entre pouvoirs publics et associations. Enfin, elle est le cadre d'un échange fructueux avec d'autres pays, à travers la coopération décentralisée.
Enfin je ne saurais clore ce chapitre sans saluer ici les efforts déployés par les organisations non gouvernementales pour faire progresser la cause des Droits de l'Homme. Malgré les entraves et les méfiances auxquelles elles se heurtent trop souvent, elles sont les meilleurs messagers des préoccupations, voire des indignations de la société civile. Les ONG constituent des relais essentiels du développement de la culture démocratique et de la consolidation de l'Etat de droit. Il faut que nos Etats établissent avec elles, ici même à Bamako, les conditions d'un dialogue confiant et fructueux.
La réflexion qui a été engagée, à laquelle les ONG ont contribué et continueront de contribuer, doit permettre d'aboutir à l'adoption de normes communes sur lesquelles tous les pays francophones pourront fonder leur conduite.
3 - les suites que la France attend du symposium :
La France attend en effet de ce symposium : qu'il aboutisse à l'adoption d'un texte de référence en matière de démocratie et de Droits de l'Homme et que découlent de ce texte des orientations et des engagements clairs pour l'avenir.
Un corpus de référence commun
La déclaration que nos chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté au Sommet de Hanoï ne laisse planer aucune ambiguïté sur les principes qui animent notre communauté tant est forte notre conviction que démocratie, Etat de droit, paix et développement sont indissociables. Sans la consolidation de l'Etat de droit, les conditions de la concorde civile et du développement économique et social ne sauraient être réunies.
Certes - les séminaires préparatoires n'ont pas manqué de le relever - la démocratie a toujours été le fruit d'un processus à l'amorçage délicat et au développement progressif, mettant en jeu toutes les forces du changement, à commencer par les facteurs économiques et sociaux. La démocratie doit certes s'apprécier par rapport à un processus historique. Elle ne se proclame pas, elle se constate dans ses progrès et dans ses reculs. Elle sera toujours un devenir, jamais un aboutissement. Mais si nous nous devons de reconnaître les contraintes liées à l'Histoire, aux murs, aux cultures, aux différences dans l'organisation politique ou sociale, cela ne doit pas empêcher qu'une même référence, un corpus commun tel qu'il a été formalisé dans les grandes conventions, nous engage en matière de Droits de l'Homme. A cet égard, permettez-moi de rappeler que la France estime que, si la ratification des instruments de protection des Droits de l'Homme doit figurer parmi nos objectifs fondamentaux, c'est surtout leur mise en uvre effective qui vaut pour nos citoyens.
Mais nous ne saurions nous contenter d'une pétition de principes. La France a la volonté de donner un contenu et une portée concrets à la déclaration que nous allons adopter au terme de ce symposium.
L'adoption de normes communes engagera notre avenir. Quel serait le sens de notre symposium si, au terme de nos travaux, notre attitude vis avis de la démocratie et des Droits de l'Homme demeurait inchangée ? Ne nous y trompons pas, nous ne pourrons pas faire l'économie de questions délicates :
- Comment faire prévaloir les idéaux démocratiques et universels qui nous animent sans nous ériger en censeurs ?
- Quelle attitude notre communauté doit-elle adopter vis à vis d'un Etat membre dont le fonctionnement démocratique a été interrompu ?
A ces questions, comme à bien d'autres, il nous appartiendra de répondre dans la sérénité, sans exclusive ni a priori. Si nous entendons que la Francophonie demeure une communauté exemplaire, il lui appartient d'être irréprochable sur le terrain de la démocratie et de la protection des Droits de l'Homme. C'est en contribuant à l'élaboration de normes de référence qu'elle y parviendra. Cela suppose d'abord qu'elle en tire des conséquences pratiques.
Une concertation institutionnalisée
La première condition de cette ambition, c'est que le symposium de Bamako marque le point de départ d'un processus de concertation régulier et approfondi sur le thème de la démocratie et des Droits de l'Homme dans l'espace francophone. Membres des gouvernements, parlementaires, représentants de la société civile, tous les acteurs concernés ont vocation à y participer. A nous d'en définir le cadre institutionnel, les modalités et le calendrier. Le moment paraît donc venu que nous élaborions conjointement les mécanismes d'observation et de concertation envisagés dans le plan d'action du Sommet de Moncton.
Une meilleure coordination avec les autres organisations internationales
Depuis plusieurs années les Etats africains manifestent une volonté accrue de s'impliquer dans la gestion des crises qui les concernent. Indépendamment de l'ONU et de l'OUA, les organisations sous-régionales jouent de plus en plus un rôle éminent. Ainsi la CEDEAO, la SADC, la CEEAC, l'IGAD disposent-elles à présent de mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits comparables à ceux de l'OUA. La France se réjouit de cette évolution positive et milite pour une articulation accrue entre l'ensemble des ces organismes régionaux et internationaux et la Francophonie.
Dans le cadre de l'Union européenne et de concert avec ses partenaires européens, mon pays s'est déjà engagé dans cette voie. A travers le Fonds européen de développement et l'Accord de Cotonou, qui entend donner plus d'importance au dialogue politique que les Conventions de Lomé, la France appuie la construction de l'Etat de droit et de la démocratie et encourage la saine gestion des affaires publiques, car elle estime que ces objectifs, qui participent pleinement des politiques de développement, sont la clef de la stabilité et de la paix.
Sur la question de la démocratie en particulier, même s'il faut bien reconnaître que la prise de conscience de la Francophonie est plus récente que celle d'autres organisations, notre détermination est sans faille et aucune raison ne justifierait que notre ambition se situe en retrait par rapport aux mécanismes que le Commonwealth, l'Union européenne ou l'OUA sont parvenus à mettre en place.
Je n'ignore pas que l'essentiel des préoccupations que je viens d'énoncer est largement pris en compte dans le projet de déclaration qui sera soumis à notre approbation à l'issue de ce symposium. Mais s'agissant de démocratie, nous savons bien que les grands principes font moins difficulté que leur traduction dans la réalité concrète des pays. Les mots, les discours dans lesquels ces mots s'insèrent, sont importants dans la mesure où ils engagent ceux qui les prononcent mais nous serons davantage jugés sur notre capacité à mettre en pratique nos engagements que sur leur valeur incantatoire.
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Ensemble, nous voulons une Francophonie fraternelle, qui participe activement à l'enracinement dans le monde de la paix, de la démocratie, du respect des Droits de l'Homme en même temps qu'elle contribue à assurer un développement économique, social, culturel fondé sur l'équité et la justice. Le symposium de Bamako doit permettre de définir de nouvelles perspectives de coopération, de faire émerger de nouveaux partenariats et de favoriser le développement de la culture démocratique en liaison avec tous les acteurs concernés, notamment les représentants de la société civile.
Je peux vous assurer que la France appuiera ce processus avec détermination.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 08 novembre 2000).