Texte intégral
Monsieur le président de l'Association des Maires de France,
cher Jacques Pélissard,
Mesdames et Messieurs les maires,
Monsieur le président DURIEU,
Monsieur le président de La Poste, cher Jean-Paul Bailly,
Madame la présidente de la CNAF, Madame Prud'homme,
Monsieur le président de l'Assemblée des départements de
France,
Je suis bien évidemment très heureux de conclure devant vous cette
matinée de travail, non pas parce qu'elle se termine, mais parce que
j'ai entendu ce que j'espérais entendre.
Vous aurez relevé sans doute, cher Stéphane MACHERE, que je n'ai pas
cherché à intervenir un seul instant tout au long de cette table ronde.
J'ai choisi ce matin de consacrer ce temps à vous écouter. Je crois que
beaucoup d'entre vous sont lassés d'entendre systématiquement des
représentants du gouvernement qui ne vous écoutent jamais. Je vais vous
apporter un certain nombre de réponses : je vais vous livrer ma part de
vérité et je repartirai aussi avec un certain nombre de propositions
que j'ai entendues et que j'entends reprendre à mon compte.
Vous ne m'en voudrez pas si je ne vous apporte pas, ce matin, toutes
les réponses aux questions qui ont été soulevées. Je voulais vous
entendre et je ferai miennes un certain nombre de vos propositions.
J'ai entendu, non pas un discours univoque qui reflèterait mes opinions
personnelles, loin s'en faut, mais des débats riches, intelligents,
instructifs, tout ce qui témoigne d'une ouverture d'esprit. Je crois
sincèrement qu'à travers ce débat qui arrive déjà à une étape d'un
processus de concertation engagé depuis plusieurs mois, nous avons
quitté l'ère des crispations, certes parfois compréhensibles, mais bien
souvent, reconnaissez-le, stériles.
Un changement radical était nécessaire ; mais en rajoutant deux lettres
au service public, il me semble que nous en avons changé l'état
d'esprit. Nous lui avons redonné ses lettres de noblesse, car le
service au public c'est tout l'honneur du service public.
Je souhaite, et cela me paraît désormais très bien parti, que tous
ensemble nous participions à créer un nouveau visage du service au
public en milieu rural. Je parle de nous, de ceux qui gouvernent, mais
aussi de la représentation parlementaire et puis surtout, de vous, les
maires et au-delà même, les conseillers municipaux, ces quelques 500
000 élus de la ruralité qui font le maillage, l'âme politique de notre
pays et de ses traditions.
La France verticale et parisienne du service public, je vous l'assure,
n'est pas la mienne. Vous savez, je suis d'abord l'élu d'un canton
rural à 1 500 mètres d'altitude dans le département des Alpes
maritimes, au bord d'un parc national, avec toutes les difficultés et
les rigueurs de la ruralité. Et lorsqu'il m'a été confié au mois de
juin dernier d'exercer cette responsabilité aux côtés du ministre de
l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, je l'ai acceptée avec enthousiasme et en
sachant pertinemment que cette responsabilité ne s'exerce que le temps
que vous accorde la démocratie.
Mais au fond de moi-même je me disais aussi : tu ne peux pas pendant ce
temps qui te sera offert par la démocratie, offrir, toi l'élu rural qui
a tant revendiqué, qui a regardé tant de ministres de gauche comme de
droite, notamment à la tribune de l'Assemblée nationale où j'ai siégé
pour représenter cette ruralité de France pendant 17 ans, et en me
disant d'eux que je les détestais parce que j'avais le sentiment que
leur discours était en décalage avec la réalité que je vivais au
quotidien avec mes administrés.
Je me suis dis ce jour qu'il fallait tout faire pour ne pas offrir ce
visage, il faut tout faire pour rester conforme à ses engagements, à
ceux de ces maires, de ces conseillers généraux, de ces élus de la
ruralité qui font la richesse de notre pays.
Oui, pour beaucoup d'entre vous ce matin, vous l'avez soulevé, un
immense fossé s'est creusé au fil des 20-30 dernières années entre les
citoyens des villes et les citoyens de notre ruralité. Il y a eu tant
d'incompréhensions qui ont été générées par des gouvernements
successifs qui ont pris des décisions unilatérales qui sont tombées sur
notre ruralité comme une chape de plomb et qui ont été tout à fait
incomprises.
Quant on décide de fermer une perception, sans concertation, ici ou là,
avec 3 agents seulement, quant on sait que dans une commune ou dans un
canton, 3 agents cela représente 3 ou 4 enfants dans une école et que 4
ou 5 enfants de moins dans une école c'est passer en dessous d'un seuil
où l'inspecteur d'académie ne peut plus maintenir l'école ouverte ; la
fermeture de la classe, la fermeture de l'école et à côté de ça, c'est
un autre service public qui se dit : « puisqu'il n'y plus d'école dans
le village et que nos agents s'en plaignent, on ne va pas forcément
maintenir ouvert aussi notre service public ». Et puis c'est une
entreprise privée avec des emplois qualifiés et des personnels qui se
disent : « si on n'a plus les services publics dont nous avons besoin,
il faut qu'on délocalise l'activité privée »? Et c'est ainsi que de fil
en aiguille, pendant des années, une incompréhension profonde s'est
tissée à cause de ce désengagement de l'Etat à l'égard de la ruralité
de notre pays.
Alors, je vous le dis, en acceptant le ministère de l'Aménagement du
territoire, je me suis fixé un objectif en sachant que j'avais plus de
chance d'échouer que de réussir, mais j'espère que les liens que nous
tisserons ensemble m'aideront dans cette tâche : essayer un peu, un
tout petit peu, mais ce serait déjà une part de réussite, de
réconcilier la France des campagnes avec la France des villes.
On a beaucoup parlé d'égalité ? liberté, égalité, fraternité ? ce matin
; mais plus encore que l'égalité c'est l'équité qui m'intéresse parce
que pour moi, la différence entre l'égalité et l'équité, c'est que
l'égalité signifie que l'Etat apporte la même chose à tout le monde
alors que l'équité c'est donner plus à ceux qui en ont plus besoin que
les autres.
De toute évidence, dans notre pays, l'équité serait que l'Etat apporte
plus à la ruralité de notre pays qui en a plus besoin dans un certain
nombre de domaines. Voilà comment j'essaie d'agir à côté du ministre de
l'Intérieur qui est le ministre des territoires avec ses réseaux de
préfets afin que nous puissions rétablir un peu d'équité dans notre
pays. Alors pour conclure nos travaux de la matinée, j'inscrirai mon
propos dans la ligne droite de ceux de la Conférence nationale des
services publics en milieu rural qu'a présidée votre collègue Paul
DURIEU.
Je reprendrai donc successivement les 3 domaines que nous avons abordés
ce matin : premièrement, la nouvelle demande ; deuxièmement, les
modalités de concertation ; troisièmement, les moyens financiers et les
propositions concrètes.
La demande de la population rurale change. Cette population change un
peu elle aussi ; des néo-ruraux viennent confirmer une tendance qui se
dessine depuis une dizaine d'années : la ruralité attire, la ruralité
se repeuple lentement mais sûrement et la tendance ne cesse de
s'amplifier.
Nous n'aurions rien compris si nous n'avions saisi l'opportunité de
cette tendance migratoire pour l'accompagner et soutenir ce retour à
l'équilibre territorial. Pour aider les préfets dans ce travail de
concertation nous avons fait réaliser par CSA un sondage sur les
attentes des Français ruraux en matière de services. Le résultat est
édifiant. On y apprend que la fermeture d'une perception n'est pas
forcément vécue comme un drame par l'habitant du village. Lui ce qu'il
réclame c'est un médecin près de chez lui, une superette ou un commerce
pas trop loin, une station-service à une distance compatible avec
l'autonomie de sa voiture.
Cette enquête nous apprend aussi que le critère de qualité passe
souvent avant celui de proximité ; que de nouveaux besoins
apparaissent, qui répondent à de nouveaux modes de vie et je pense
notamment aux crèches. En gros, on préfère à un service public qui ne
reçoit plus de public depuis bien longtemps, la réouverture d'une
épicerie ou d'une pompe à essence qui a fermé depuis plus de 20 ans. Et
qui devient aujourd'hui une exigence quotidienne en matière de service
pour la plupart des habitants de la ruralité.
Mais elle nous apprend surtout que si la France rurale a des visages
multiples, ses aspirations le sont aussi. Prenons-en acte. Nous allons
devoir délier nos rigidités administratives ; je vais y revenir. Mais
je voudrais d'abord m'arrêter sur un autre point. La demande de
concertation fait partie de cette nouvelle demande de la population.
Nos concitoyens demandent à être entendus, pas une fois pour toutes,
mais régulièrement. Il faut que la population soit systématiquement
associée aux débats.
Et là, mesdames et messieurs les maires, vous avez un rôle majeur à
jouer. C'est dans cet esprit d'ailleurs qu'avec le ministre de
l'Intérieur, j'ai cosigné le 2 août dernier une circulaire adressée à
tous les préfets des départements de France en leur disant « stop ».
Cela a été interprété comme un moratoire, comme un gel : oui, c'est une
sorte de gel. Nous avons dit : on ne ferme plus rien ; on engage la
concertation avec l'ensemble des maires et des élus de la ruralité de
notre pays. Et tant que cette concertation n'aura pas abouti, on ne
touche plus à rien.
C'est quand même un changement profond, alors que pendant des années,
de manière unilatérale, on a décidé de fermetures de manière
unilatérale. Depuis le 2 août, par cette circulaire, nous y avons mis
un terme et nous attendons que nous remontent toutes les propositions
de modernisation de services au public avec toutes les pistes en
matière d'imagination, quelles qu'elles soient, pour que cette
modernisation se fasse sans tabou. Bien évidemment Paul DURIEU et la
Conférence nationale des services publics en milieu rural y apportent
leur forte contribution.
Ces réorganisations doivent être conformes aux objectifs de qualité et
d'accessibilité des services à la population auxquels vous veillez.
Soyons tout à fait francs, quitte à choquer certaines personnes, pour
ma part je préfère une concertation informelle qui aboutit à une
concertation institutionnelle qui bloque. Le constat est parlant : les
préfets, en liaison étroite avec les présidents de conseils généraux
ont adapté leur mode de concertation aux réalités locales.
Résultat : autant de départements, autant de modalités différentes.
Pourquoi ? Parce que la France rurale n'est pas une, elle est multiple
; on doit l'envisager à l'échelle des bassins de vie des pays, des
arrondissements ou même par type de problème.
Le problème c'est que, où que l'on soit, on ne voit que Paris. Ce qui
fait que le Parisien considère qu'il y a deux France, Paris et la
province. La vérité est simple : il faut rompre avec le mode de
fonctionnement actuel, notamment, des comités départementaux
d'organisation et de fonctionnement des services publics. J'ai donc
proposé au Premier ministre de rénover complètement ces instances pour
qu'elles trouvent le rôle fondamental qui doit être le leur.
Je veux d'abord les alléger de façon à rendre leurs travaux vraiment
efficaces, et ensuite assouplir leur mode de fonctionnement. La
conférence présidée par Paul DURIEU a également mis en exergue
l'intérêt d'une instance de concertation au niveau national. C'est
pourquoi, avec mon collègue Dominique BUSSEREAU, nous avons souhaité
que, dès sa création, la conférence de la ruralité, dont le décret
constitutif est paru au Journal officiel de vendredi dernier, prévoie
une section uniquement consacrée au problème des services à la
population en milieu rural. Nous joignons donc le geste à la parole en
répondant à la recommandation du rapport DURIEU.
Enfin, je sais que vous attendez des propositions concrètes.
Vous avez, Monsieur le président DURIEU, dans le rapport final de la
Conférence, émis un certain nombre de propositions, et j'en ai entendu
d'autres ce matin, souvent très pertinentes. J'en ai lu encore
d'autres, d'ailleurs, dans les rapports des préfets qui nous remontent
aujourd'hui, jour après jour.
Je vais être clair et très bref : j'ai l'intention de les mettre toutes
en ?uvre. Pourquoi ? Parce que les solutions que vous avez évoquées ce
matin, les solutions qui remontent du terrain, sont des solutions de
bon sens, des solutions adaptées aux réalités locales.
Voyez-vous, il y a quelques années de cela, on a inventé quelque chose
d'extraordinaire dans notre pays : c'était les schémas nationaux. Les
schémas nationaux, cela consistait à dire depuis Paris, dont je parlais
il y a quelques instants, « on décide que tout doit s'organiser de la
même manière sur tout le territoire national ». On disait au Garde des
Sceaux : « on met en place une carte judiciaire », et c'est ainsi qu'on
a donné à tous les TGI des instructions en leur disant « allez-y,
modernisez et de manière unilatérale, fermez tous les greffes de
tribunaux d'instance en ruralité qui servent plus à rien » et voilà
comment nous avons vu disparaître la plupart d'entre eux.
On disait depuis le ministère de l'Economie à tous les TPG : « allez-y,
fermez toutes les perceptions dans la ruralité qui ne servent plus à
rien », en tout cas au moins le service au public, puisque tous les
maires qui sont ici savent bien que toutes les perceptions rurales ont
été fermées il y a maintenant 6 à 7 ans de cela. Il est de mon devoir
de le rappeler : le seul service qui a été maintenu est un service en
direction des mairies elles-mêmes et qui ne répond pas forcément à vos
attentes.
On a dit au ministre de l'Equipement « allez-y de manière unilatérale,
fermez ici ou là des subdivisions de l'Equipement pour les routes, pour
les droits des sols, et c'est ainsi que toutes les DDE se sont mises à
se « moderniser » avec leur propre vision des choses. Eh bien ces
schémas nationaux ça tue et nous n'en voulons plus. Il nous faut les
abolir une fois pour toutes les uns derrière les autres.
C'est d'ailleurs Claudy LEBRETON qui rappelait tout à l'heure qu'à
chaque territoire, sa spécificité. Je partage la même vision. Pour moi
la France littorale n'est pas la France des montagnes, la France des
vallées et des plaines n'est pas la France des villes. Chaque France a
sa spécificité, son histoire, son authenticité, sa culture, son
identité, et c'est pour cela qu'il faut traiter chaque territoire avec
la réalité de son vécu et je voulais vous dire que c'était dans cet
état d'esprit que nous avions donné des instructions pour que la
concertation se fasse entre les services de l'Etat et l'ensemble des
collectivités. Il ne peut plus être admis qu'ici ou là un grand service
de l'Etat ferme sans en parler avec les autres, parce que démolir une
pièce du puzzle, c'est désarticuler et fragiliser toutes les autres
pièces, sachant que dans ce puzzle des services publics, il y a d'abord
la mairie, comme d'autres l'ont rappelé avant moi : c'est le premier
service public, dans notre pays.
Quelle est le lieu dans la commune où on est sûr de trouver au moins un
service public ? C'est la mairie, avec les 36 000 communes de France.
Il y a tant de communes où il n'y pas de services de l'Etat ni du
département mais où il y a la mairie elle-même.
C'est la raison pour laquelle rien désormais, ne pourra plus se
concevoir sans cette concertation. Je pense donc que chaque territoire
doit se construire autour d'un projet global de bouquet de services,
que ce projet regarde vers l'avenir, et surtout qu'il ne soit pas un
état des lieux destiné à régler le passif de l'exode rural.
Je le dis et je le redis : nous avons tiré un trait sur cette façon de
faire de la politique. Dans les propositions du rapport DURIEU, vous
faites un préalable à toute amélioration des services, en passant
d'abord par celui de l'accès au haut débit. Et cela, c'est ma vraie
responsabilité ; je ne répondrai pas à tout ce que a été soulevé ce
matin, car ce sont des responsabilités transversales et d'autres de mes
collègues s'exprimeront au cours de ce congrès dans les heures et les
jours qui viennent.
Mais ce sujet ? assurer la couverture numérique de tout le territoire
national ? est pour moi un engagement, un défi et je veux vous dire que
d'ici 2007 j'y veillerai.
Quel est l'état des lieux ? D'abord celui de la téléphonie mobile :
nous savons que nous avons près de 3 000 communes rurales qui sont
aujourd'hui hélas encore en zone blanche. Nous avons choisi d'engager
près de 44 millions d'euros, plus 20 millions d'euros d'exonération de
TVA. Avec l'aide des collectivités, avec l'aide de l'Union européenne,
nous sommes en voie de résorption de la plupart de ces zones blanches.
D'ici à la fin du mois de décembre, il y aura déjà près de 600 sites
qui seront équipés et si le rythme que je surveille aujourd'hui à
raison de 80 sites équipés de plus par mois entre la phase 1 où nous
apportons notre contribution pour près de 2 000 communes et la phase 2
pour près de 1 000 communes où les opérateurs se sont engagés à prendre
à 100 % leur part d'aménagement, d'ici 2007 ce sera 100 % du territoire
national.
Le haut débit ensuite : nous voyons bien que dans ce domaine du
numérique les exigences de nos concitoyens ne cessent d'évoluer. Ce qui
était vrai il y a trois ans ne l'est plus aujourd'hui : ainsi en
matière de téléphonie on aura bouclé en 2007, mais qu'aura-t-on bouclé
? la première et la deuxième génération de téléphonie mobile ; mais
nous voyons qu'aujourd'hui la demande de la plupart de nos administrés
c'est de pouvoir avoir la troisième génération l'UMTS. Nous ne sommes
pas en mesure de pouvoir y répondre sauf si nous apportons d'autres
réponses en matière de numérique. Ce peut être en partie par le haut
débit, et là je salue tous les départements qui ont cité la charte de
départements innovants ? M. le président de l'ADF, d'ailleurs, à
l'heure qu'il est, je crois qu'il n'y en a que six qui ne l'ont pas
signée. Ils permettent par les moyens traditionnels, notamment la fibre
optique, d'irriguer quasiment 93 % du territoire.
Nous serons d'ici le début de l'année prochaine à 96 %. Nous serons
d'ici fin 2006 à 98 % et puis il y a toujours ces zones blanches
restantes qui vont représenter beaucoup pour vous, les maires ruraux.
Donc nous avons décidé de lancer un grand plan pour les solutions
alternatives ; le ministre de l'Industrie a d'ailleurs lancé un appel
d'offres pour le Wimax ; nous avons près de 175 opérateurs qui se sont
déjà positionnés. Et puis il y a d'autres solutions alternatives : le
satellite, le WiFi et d'autres solutions encore.
Nous nous y engageons, d'ici 2007, ce sera 100 %. Mais alors que d'ici
2007 il y aura quasiment 100 % du territoire qui sera relié à l'ADSL,
au haut débit, il y a déjà une nouvelle exigence de la part de nos
administrés, et surtout les entreprises, qui consiste non plus à avoir
l'ADSL mais à avoir le haut débit de haut niveau voire même le très
haut débit. Et donc il est de mon devoir de m'y attaquer, parce que je
sais que vous en avez besoin pour l'attractivité de vos territoires.
C'est ainsi que l'autre jour j'étais avec le président de France
Télécom dans la zone d'activité de Brive-la-Gaillarde où nous amenions
le 100 mégabits, le très haut débit pour des entreprises dans une zone
d'activité rurale dans notre pays. D'ici la fin de l'année 2006, 2 000
de ces zones d'activité seront équipées. Mieux, je peux vous dire
qu'avant la fin du mois de décembre, nous mettrons à la disposition de
chacun d'entre vous le 2 mégabits symétrique, c'est-à-dire le haut
débit pour toutes les entreprises qui voudront s'installer en n'importe
quel lieu du territoire, que ce soit une zone d'activité ou pas, pour
pouvoir renforcer en terme de localisation dans vos territoires ruraux
l'attractivité d'un certain nombre d'entreprises.
Enfin, troisième sujet qui touche au numérique : celui de la télévision
numérique terrestre. Lorsque je me déplace dans les départements,
beaucoup me disent : « Monsieur le ministre, comment se fait-il que 50
% des Français reçoivent 18 chaînes de télévision gratuites chez eux
alors que sur notre territoire nous n'en recevons que 3-4 et même
certains territoires n'en reçoivent que 2 et quelquefois dans de
mauvaises conditions » voilà la réalité. Nous devons, là aussi,
apporter une réponse d'équité. Les opérateurs de la télévision
numérique terrestre se sont engagés à ce que d'ici fin 2006, début 2007
85 % des foyers de France puissent recevoir la télévision numérique
terrestre. Mais dans ce domaine aussi, nous aurons toujours le problème
des zones blanches dans les 15 % restant comme pour la téléphonie
mobile, comme pour le haut débit. Mon exigence c'est d'y apporter une
véritable réponse, c'est pourquoi j'ai proposé la mise en place d'un
bouquet satellitaire qui envoie gratuitement ces 18 chaînes de
télévision sur toutes les zones blanches restantes de notre pays en
2007 et ainsi qu'il y ait 100 % des français qui puissent avoir accès
aux 18 chaînes de télévision gratuites.
Et par la même occasion cela permettra d'accélérer le processus de
passage de notre pays du système analogique au système numérique,
libérant ainsi les fréquences dont nous avons besoin pour pouvoir nous
engager sur la voie de la troisième génération de la téléphonie mobile.
Si nous réussissons ce pari et cet objectif, et en tout cas j'y mettrai
toutes mes forces, d'ici 2007 nous serons le premier pays de l'Union
européenne en matière de couverture numérique et un exemple par rapport
à touts les autres pays de l'Union européenne, notamment pour les zones
rurales.
Vous demandiez ensuite à avoir les moyens financiers pour améliorer les
services, vous avez demandé, M. DURIEU, que dans ce domaine nous
puissions participer à l'aménagement de projets innovants permettant
d'améliorer la qualité et l'accessibilité des services en milieu rural.
Je peux vous dire qu'avec Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, nous
avons inscrit dans le budget 20 millions d'euros pour une première
série de projets innovants : c'est un premier pas. Je veux en matière
financière, alors qu'on a beaucoup parlé de péréquation ce matin, vous
dire un mot de la péréquation en faveur des collectivités rurales, mais
d'autres s'exprimeront, au cours des jours qui viennent sur ce sujet.
D'une manière générale l'affectation à la péréquation 2006 des 92
millions d'euros de la régularisation 2004 favorisera prioritairement
les communes et les EPCI ruraux en permettant de garantir une
progression de la dotation solidarité rurale de l'ordre de 15 %.
Je veux vous parler aussi de la charte que vous avez réclamée, M. le
président DURIEU. Vous savez que lorsque vous avez remis jeudi dernier
au Premier ministre les résultats de votre consultation, celui-ci nous
a confié, à vous et à moi, d'élaborer cette charte dans un délai de
deux mois. Donc je sais que j'ai un objectif de résultat : je suis
condamné d'ici deux mois à finaliser cette charte avec vous, M. le
président DURIEU, et bien évidemment je veux maintenant qu'elle soit
travaillée avec les services de l'Etat et avec les différents
opérateurs pour que nous puissions apporter une réponse concrète avec
cette charte à vos exigences.
Un point sur les maisons de services que beaucoup ont évoquées. Moi je
n'y apporte pas une réponse absolue, j'apporte simplement une piste de
réflexions sur laquelle nous travaillons avec le ministre de
l'Intérieur, qui est celle de la mutualisation des moyens, de la
polyvalence, du rôle que chacun peut jouer. Je le disais tout à
l'heure, nous avons avec les mairies le premier service public de
France. Beaucoup d'entre vous le savent, il y a des mairies où les
recettes de fonctionnement ne permettent de faire face qu'au
financement d'un seul demi-secrétaire de mairie. Pourquoi ne pas se
dire aujourd'hui que ce demi-secrétaire de mairie pourrait être l'autre
mi-temps d'un agent de l'Etat, d'un agent du conseil général, lorsque
l'on sait que le conseil général par exemple est aussi un organisateur
de service public important sur la surface d'un département.
J'ai fait faire une cartographie pour avoir une vision précise des
choses : nous voyons qu'entre les circonscriptions d'action médicale et
sociale, les centres médico-sociaux, les centres de petite enfance,
l'ensemble des services sociaux, les médiathèques départementales, les
services techniques, les subdivisions des routes départementales? les
départements de France sont un des organisateurs de services publics
les plus importants au plan territorial. Vous ne pensez pas qu'on
pourrait assurer la mutualisation de tout cela, renforcer en même temps
le statut du fonctionnaire de la ruralité, qu'il soit d'Etat ou d'une
collectivité territoriale, pour en faire une personnalité importante
considérée, dont le statut soit revalorisé, dont la rémunération soit
revalorisée pour faire en sorte que quelque part le croisement de ses
compétences apporte un service à chacun, que ce soit au sein de la
mairie, au sein d'un service de l'Etat implanté dans la ruralité, au
sein d'un service du département. Pour l'ensemble de nos administrés ce
qui a de l'importance, c'est que l'on puisse se rendre dans n'importe
quel service implanté dans la ruralité pour rencontrer un agent
polyvalent qui soit capable avec le haut débit devant un ordinateur
d'éditer une carte grise, remplir un dossier d'APA pour le compte du
conseil général, apporter une réponse sur un service municipal, accuser
réception d'une demande d'aménagement de clôture, de mouvement de sol
ou de permis de construire pour le compte des services de l'équipement.
Vous ne pensez pas que là aussi nous pourrions apporter de véritables
réponses, permettre à n'importe quel lieu public, que ce soit la
mairie, le département, le service de l'Etat, d'être un lieu où l'on
tienne des permanences en fonction des demandes de rendez-vous, qui
sont pris avec l'inspecteur d'académie, avec un fonctionnaire de la
paierie générale, avec un fonctionnaire de l'équipement, pour que
chaque semaine, on sache que dans chaque canton rural, dans chaque
commune rurale d'un département, on a systématiquement une relation
avec un tel ou un tel pour que le lien ne se distende pas entre nos
administrés et la plupart de nos services publics ?
Et pour aller dans cette direction, je veux dire déjà, sans apporter de
réponse définitive, que trois moyens seront mis en ?uvre dans les
prochains mois :
Il y aura d'abord, dès la fin de l'année, la possibilité pour les
maisons de services d'accueillir également des services rendus par des
prestataires privés.
Deuxièmement, nous allons généraliser des groupements d'intérêt public,
de manière à ce que les employeurs publics puissent facilement en créer
et recruter ensemble une personne pouvant remplir de multiples services
pour le compte des membres du GIP.
Et troisièmement, enfin, nous allons assouplir les règles de la
fonction publique, notamment les règles de cumul d'emplois publics tels
que j'en parlais : cela permettra à un même agent de travailler
beaucoup plus facilement pour plusieurs employeurs publics.
Je voudrais terminer en vous donnant trois exemples concrets de notre
façon de répondre de répondre aux attentes qui reviennent le plus
souvent dans les enquêtes de terrain.
Premier exemple, que vous avez largement abordé ce matin, la santé.
Dans le domaine fondamental de la santé, nous attendu beaucoup trop
longtemps que la loi sur l'assurance maladie de 2004 ait enfin prévu
l'identification des zones sous-médicalisées, de manière à attribuer
des aides encourageant l'installation des médecins. La définition de
ces zones n'a que trop tardé. Heureusement, elle est aujourd'hui
achevée dans 18 régions et le sera dans 24 sur 26 à la fin du mois. Les
collectivités et les caisses d'assurance maladie pourront alors prendre
à leur charge une partie des frais d'installation et d'activité de
l'offre de soin.
La question de l'offre de service forme un tout : si la qualité globale
de l'ensemble s'améliore, l'attractivité des territoires ruraux sera
renforcée, et les médecins ou les commerçants s'y installeront plus
facilement.
Ainsi, l'accès au haut débit, auquel je me suis engagé, permettra de
soutenir la présence médicale dans les zones rurales. C'est un progrès
considérable. Là aussi, les hôpitaux ruraux, qui ont été si souvent, si
longtemps menacés de fermetures, notamment par les ARH, et qui
aujourd'hui, pour beaucoup d'entre eux, sont devenus de simples maisons
de retraite? En complément de ce qui a été proposé tout à l'heure, en
matière d'implantation de médecins dans la ruralité, des difficultés
qui sont les leurs par rapport aux gardes, la nécessité qu'il y ait
dans une même zone au moins deux médecins pour qu'ils puissent se
remplacer l'un l'autre? Il faut que ce soit un métier attractif, qu'il
soit aussi rémunérateur pour eux, comme tous les autres personnels
médicaux, comme les infirmières, par exemple ; il faut offrir
l'opportunité à un médecin rural, à un médecin libéral, de pouvoir
intervenir aussi à l'hôpital rural public, qui par convention est
relié, grâce au haut débit, au CHU, pour y faire avec les professeurs
du CHU, sur la téléradio, sur les échographies, des expertises, des
diagnostics, des soins postopératoires, qui permettent aussi d'éviter
des déplacement en ambulance, longs et douloureux?
Ce sont autant de pistes qu'il nous faut aujourd'hui traiter ensemble,
regarder ensemble, en sachant que les responsabilités d'un médecin en
zone rurale sont considérables, que la solitude, l'absence d'échanges
professionnels et la contrainte des gardes pèsent aussi très lourd dans
les choix des jeunes diplômés. Il nous faut donc rendre ce métier le
plus attractif possible.
Mais une fois ces questions professionnelles réglées, vont se poser les
problèmes d'installation de son cabinet, et surtout les problèmes de
l'installation de sa famille. Quel logement pour sa famille ? quel
travail pour son conjoint ? Eventuellement, quelles écoles et quels
loisirs pour ses enfants ? Et là, c'est avec vous, les maires, que nous
devrons apporter des solutions. Et si nous sommes capables de faire des
propositions, je peux vous le dire, les médecins reviendront, nous le
savons. Un certain nombre de médecins recherchent aussi la qualité de
vie que vous pouvez proposer en milieu rural. C'est d'ailleurs pour
cela que nous allons tenter, avec vous, et un certain nombre de
départements, une expérience à l'occasion du prochain salon du médecin,
en mars 2006, et je veux vous le dire, vous y serez totalement
associés.
Autre exemple, l ?école en milieu rural. Je considère l'éducation
nationale comme une partie intégrante et fondamentale de l'approche
globale et territoriale que j'ai lancée sur les services au public.
Dans ce domaine, il faut être réaliste : même si nous devons être
attentifs aux cas particuliers que posent certaines communes de
montagne, une classe unique de huit ou dix élèves ne peut pas en règle
générale offrir le service éducatif qu'attendent aujourd'hui les
parents, en raison des écarts d'âge entre élèves, ou du manque
d'équipement, et beaucoup nous l'ont dit, dans le résultat de l'enquête
CSA. Parfois des regroupement pédagogiques doivent être mis sur pied,
et constituent la seule possibilité de maintenir une école de
proximité.
De proximité, et aussi de qualité, car, je le répète, comme en matière
médicale, l'objectif n'est pas seulement celui de la proximité, il est
aussi celui de l'équité. Les ruraux ont droit à la même qualité de
service que les habitants des villes. Pour cela, un dialogue à moyen
terme doit être conduit en permanence entre l'autorité académique et
les communes que vous représentez. Plusieurs années à l'avance,
l'inspection académique et les maires doivent étudier ensemble les
perspectives démographique des communes, et leurs conséquences sur la
structure scolaire. Avertis plusieurs années à l'avance du risque d'une
fermeture d'école, le maire pourra ainsi mieux anticiper les réponses à
apporter en terme d'activité économique ou de réalisation de logements.
En gros, je vous le dis, pour moi, il n'est plus acceptable, qu'à une
fin d'année scolaire, de manière brutale, on vienne dire au maire : « à
la rentrée scolaire, monsieur ou madame le maire, votre école sera
fermée, parce que vous n'avez plus assez d'élèves ».
Je ne veux plus que l'éducation nationale se permette d'agir de la
sorte.
C'est pourquoi nous demandons, avec le ministre de l'Intérieur et de
l'aménagement du territoire, à ce qu'il y ait un délai de trois ans,
pour dire au maire : « nous avons regardé l'évolution démographique
dans votre commune. Voilà comment, dans les trois années qui viennent,
elle risque d'évoluer, et de nous conduire, au terme de ces trois ans,
à la fermeture de votre école. Alors, regardons ensemble les moyens qui
vous éviteront, dans trois ans, de fermer votre école ».
Si les maires sont prévenus trois ans, et non pas trois mois avant,
alors chacun pourra réagir, pour voir comment attirer une nouvelle
activité, en partenariat avec le département, en partenariat avec
l'Etat, pour renforcer la présence dans son école, et ainsi lui
permettre, au terme de ces trois années, de pérenniser la présence de
l'école. Je ne veux plus de décision brutale de la part des instances
académiques, voilà donc un certain nombre de propositions que nous
voulions faire. De même, pour compenser la fermeture de petits
collèges, les inspecteurs d'académie doivent avoir la possibilité de
développer les options dans les établissements plus grands, et un peu
plus lointains, où les élèves se rendront.
Dans le cas de l'école, comme dans celui de tous les autres services,
il ne doit pas y avoir de réorganisation sans amélioration de la
qualité du service rendu. A l'école ou au collège, c'est un choix
d'options plus large ou de meilleurs équipements.
Dans d'autres services, ce sont des horaires d?ouverture étendus, ou
des délais de réponse raccourcis.
Troisième exemple : celui des distributeurs de billets. C'est un vrai
sujet, souligné par l'enquête nationale que nous avons faite, et qui
revient très souvent dans les rapports des préfets. On voit bien les
exigences de nos concitoyens. Ces services de proximité, ces services
au public, le haut débit, la téléphonie troisième génération, la
télévision numérique terrestre, le distributeur de billets? pourquoi le
trouve-t-on à n'importe quel carrefour en ville, et pas au c?ur du
village ou du canton ?
Alors j'ai décidé de regarder les choses de très près, afin de voir
quels sont les obstacles juridiques et financiers à l'installation de
distributeurs automatiques supplémentaires en zones rurales. Car le
distributeur automatique de billets est un moyen de faire tourner le
commerce local, un service rendu aux habitants. Il marque très
concrètement la présence de l'activité économique et commerciale dans
une commune.
Donc, dans les prochaines semaines, des propositions juridiques, et
d'accompagnement financier seront faites en partenariat avec les
collectivités locales.
Les services en milieu rural s'amélioreront d'autant plus que nos
territoires ruraux se développeront. Pour cela, je veux mener deux
actions essentielles. Vous en avez parlé tout à l'heure : la première,
c'est que le décret réformant les zones de revitalisation rurale ? je
vous le dis, vous êtes les premiers à le savoir ? a été publié au
Journal officiel ce matin. Ce décret élargit les anciennes zones :
elles concernent désormais 600 000 habitants supplémentaires. Mais
surtout, ce décret va relancer la mise en ?uvre effective des
dispositions prévues dans la loi relative au développement des
territoires ruraux. Cette loi contient un train de mesures incitatives
pour favoriser toutes sortes d'investissements en milieu rural, que ce
soit dans la création ou l'implantation d'entreprises, auprès des
professions libérales, du petit commerce, mais également pour favoriser
l'investissement dans le logement et dans les résidences de tourisme.
Désormais, 13 000 communes et 5 millions d'habitants bénéficieront de
toutes ces dispositions.
Alors, j'ai entendu, bien évidemment, ce que vous avez dit ce matin sur
les zones qui sont « sorties . Je veux le dire : il y a 477 zones «
sortantes ». En contrepartie de cela, il y a 1892 zones « entrantes ».
Donc nous voyons que ce n'est pas un solde négatif, mais un solde
positif.
De quoi découlent ces 477 zones « sortantes » ? De la loi sur les
territoires ruraux d'il y a un peu plus d'un an maintenant.
J'ai pris mes fonctions au mois de juin dernier, et ma première
préoccupation, parce que les maires que je rencontrais me disaient : «
alors quand vont être pris les décrets d'application ? est-ce que ce
sera comme la loi Pasqua de 1995, sur les premières zones de
revitalisation rurale ? Va-t-on attendre dix ans avant que les premiers
décrets ne soient pris ? »
J'ai donc voulu qu'ils soient pris dans l'urgence. Ils ont été pris
conformément à la loi qui a été votée au début de l'année 2005, cela a
été ma préoccupation : en moins de six mois, j'aurai donc obtenu la
signature des décrets. Au premier janvier prochain, ils seront donc
applicables.
Quelles sont les zones qui sont « sorties » ? Eh bien, ce sont celles
qui, aux termes de la loi, parce qu'elles ont progressé, parce qu'elles
sont arrivées à un niveau d'équilibre économique et social, ne sont
plus dans les critères des zones de revitalisation rurale.
Je ne suis pas certain que ces dispositions soient les plus justes et
les plus équitables. Encore une fois, elles découlent d'une loi
précédente. Et s'il y a ici ou là des injustices qui vous semblent
patentes, je suis prêt, avec les préfets, à regarder les choses pour
proposer prochainement des amendements qui pourraient élargir un
certain nombre de périmètres, et veiller à ce qu'il y ait l'équité la
plus totale dans ce domaine, à condition, bien évidemment, que ce soit
justifié.
Les services en milieu rural devraient bénéficier aussi de ce soutien
et, dès le début 2006, je vous adresserai un document très pratique
vous donnant le détail de tous les avantages, et vous permettant
surtout d'informer tous les demandeurs des moyens concrets d'en
bénéficier. Je sais, dans mon propre canton qui est classé en ZRR
depuis bien longtemps, le nombre de fois où l'on m'a dit : « mais où
peut-on avoir des explications ? A la perception, personne n'est
capable de nous les donner ; à la mairie, personne n'est capable de
nous les donner? ». C'est-à-dire qu'on avait pris précédemment des
mesures, mais sans se tourner vers celles et ceux qui pouvaient être
intéressés par ces mesures pour rendre nos territoires attractifs.
Donc, je suis en train de faire réaliser par la DATAR une plaquette
très explicative, qui sera mise à disposition de toutes les mairies
concernées, et dès le début de l'année 2006, vous pourrez en disposer
pour la diffuser le plus largement possible et essayer d'attirer
l'implantation de nouveaux services et de nouvelles entreprises sur vos
territoires.
Mais je sais aussi que bon nombre d'entre vous ont des idées, quelques
fois, d'ailleurs, des rêves ? des rêves réalisables, bien sûr ? que
votre commune ne peut envisager, faute d'autonomie financière. C'est
pourquoi le Premier ministre m'a demandé d'engager, au mois de juillet
dernier, une réflexion sur la manière de vous accompagner pour réaliser
cette part de rêve que, pour beaucoup d'entre vous, vous entretenez.
J'ai visité 38 départements depuis le 2 juin dernier, et j'ai pu
découvrir, ici ou là, des initiatives extraordinaires. Un maire, tout à
l'heure, nous disait ce qu'il avait réussi à faire pour maintenir un
certain nombre de services dans sa commune, en faisant en sorte que le
médecin soit hébergé dans un bâtiment municipal, que tel service au
public soit préservé dans un bâtiment municipal, qu'il y ait un point
Poste dans un bâtiment municipal, qu'il y ait une épicerie qui puisse
rouvrir dans un bâtiment municipal?
Je dis que tout cela mérite d'être mieux soutenu, d'être mieux
accompagné. C'est une énergie formidable, un talent, une intelligence
propre aux hommes et aux femmes des terroirs de notre pays, qui est la
vôtre et qui vous appartient, et qu'il nous appartient aussi de
soutenir.
C'est pourquoi, là où j'ai mis en place les pôles de compétitivité, au
Comité interministériel à l'aménagement du territoire du 12 juillet
dernier, je veux pour notre ruralité proposer un prolongement. Parce
que je vous le dis très sincèrement : pour moi, la France qui gagne, la
France qui bouge, la France qui a des idées, ce n'est pas simplement la
France des grands projets industriels et scientifiques. C'est aussi la
France de nos territoires ruraux, la France dont il faut savoir
valoriser les talents, les savoir-faire, et les intelligences.
Et c'est pourquoi j'ai fait adopter, avec le soutien du Premier
ministre et du ministre de l'Intérieur, lors du Comité interministériel
à la compétitivité des territoires, le 14 octobre dernier, la création
de pôles d'excellence ruraux.
C'est-à-dire que toutes celles et tous ceux d'entre vous, dans le cadre
de votre pays, de vos intercommunalités, ou du territoire, avec les
acteurs publics, privés, associatifs, qui vous paraîtront l es plus
pertinents, et qui seront en mesure de nous proposer un label autour du
tourisme, autour du patrimoine, qu'il soit culturel, historique,
naturel, comme nos parcs régionaux ou nos parcs nationaux, autour de
leur biodiversité, mais aussi autour de la technologie de l'information
et de la communication, au service du télétravail, de la télémédecine,
ou encore autour des énergies alternatives et renouvelables ? nous
savons, au moment où nous encaissons un nouveau choc pétrolier, que la
ruralité de France peut beaucoup apporter en matière de création de
richesses et de création d'emplois, avec la biomasse, avec la filière
bois, avec le solaire, avec l'eau, avec beaucoup d'autres filières
encore où nous pouvons exploiter nos ressources naturelles ?, tous ceux
qui nous proposeront des projets autour de cela ? et nous lancerons un
appel à 300 projets en France ? se verront, au même titre que les pôles
de compétitivité, labelliser « pôles d?excellence ruraux », avec un
certain nombre de mesures d'incitation en matière de fiscalité et de
charges sociales pour leur commerces, leurs artisans, leurs
entreprises, et un certain nombre de mesures d'accompagnement publiques
transversales à travers plusieurs ministères, celui de la culture,
celui de l'agriculture, celui de l'industrie, celui du commerce, et,
bien évidemment, celui de l'aménagement du territoire, pour soutenir un
certain nombre d'initiatives publiques autour de tout cela.
Oui, la France rurale est un magnifique réservoir d'un art de vivre que
le monde entier nous envie, la vitrine française serait peu de choses
sans sa ruralité. Ce que je voudrais, c'est que nous parvenions, en
innovant à partir de notre patrimoine, de nos savoir-faire, de ce qu'on
appelle, au fond, le génie français, à projeter notre passé dans
l'avenir.
Voilà comment j'imagine aussi que la France rurale puisse contribuer au
redressement économique de notre pays. C'est une banalité de dire que
les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais si chacun d'entre
nous décide que le petit ruisseau de son enfance, celui dont il est le
maire, va participer à une grande aventure, un nouveau grand projet
pour le pays, nous entraînerons ensemble les 11 millions d'habitants de
la France rurale, dans un 21ème siècle qui sera celui de la
réconciliation entre la France rurale et la France des villes.
Avant de vous laisser, je voudrais m'adresser à vous en tant que
membre, comme je vous le disais tout à l'heure, de cette espèce
particulière que sont les élus locaux de la ruralité : on se demande
parfois, face aux sacrifices qui ne trouvent pas toujours de justes
contreparties, face aux critiques qu'on supporte, au mépris parfois
auquel on s'expose de la part de ceux qui ne cherchent de la vie
collective que des avantages personnels, qui font valoir des droits
sans jamais songer à s'investir dans la vie publique, on se demande
parfois pourquoi on fait tout ça. J'ai trouvé un jour cette belle
réponse dans une pensée de Gandhi. Je vous la livre pour qu'elle nous
accompagne, tous ensemble, dans cette entreprise de la renaissance des
services publics en milieu rural. Gandhi disait ceci : « vous devez
être le changement que vous voulez voir dans ce monde ».
Alors, je vous propose, tout simplement, qu'ensemble, nous soyons ce
changement.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 28 novembre 2005)
cher Jacques Pélissard,
Mesdames et Messieurs les maires,
Monsieur le président DURIEU,
Monsieur le président de La Poste, cher Jean-Paul Bailly,
Madame la présidente de la CNAF, Madame Prud'homme,
Monsieur le président de l'Assemblée des départements de
France,
Je suis bien évidemment très heureux de conclure devant vous cette
matinée de travail, non pas parce qu'elle se termine, mais parce que
j'ai entendu ce que j'espérais entendre.
Vous aurez relevé sans doute, cher Stéphane MACHERE, que je n'ai pas
cherché à intervenir un seul instant tout au long de cette table ronde.
J'ai choisi ce matin de consacrer ce temps à vous écouter. Je crois que
beaucoup d'entre vous sont lassés d'entendre systématiquement des
représentants du gouvernement qui ne vous écoutent jamais. Je vais vous
apporter un certain nombre de réponses : je vais vous livrer ma part de
vérité et je repartirai aussi avec un certain nombre de propositions
que j'ai entendues et que j'entends reprendre à mon compte.
Vous ne m'en voudrez pas si je ne vous apporte pas, ce matin, toutes
les réponses aux questions qui ont été soulevées. Je voulais vous
entendre et je ferai miennes un certain nombre de vos propositions.
J'ai entendu, non pas un discours univoque qui reflèterait mes opinions
personnelles, loin s'en faut, mais des débats riches, intelligents,
instructifs, tout ce qui témoigne d'une ouverture d'esprit. Je crois
sincèrement qu'à travers ce débat qui arrive déjà à une étape d'un
processus de concertation engagé depuis plusieurs mois, nous avons
quitté l'ère des crispations, certes parfois compréhensibles, mais bien
souvent, reconnaissez-le, stériles.
Un changement radical était nécessaire ; mais en rajoutant deux lettres
au service public, il me semble que nous en avons changé l'état
d'esprit. Nous lui avons redonné ses lettres de noblesse, car le
service au public c'est tout l'honneur du service public.
Je souhaite, et cela me paraît désormais très bien parti, que tous
ensemble nous participions à créer un nouveau visage du service au
public en milieu rural. Je parle de nous, de ceux qui gouvernent, mais
aussi de la représentation parlementaire et puis surtout, de vous, les
maires et au-delà même, les conseillers municipaux, ces quelques 500
000 élus de la ruralité qui font le maillage, l'âme politique de notre
pays et de ses traditions.
La France verticale et parisienne du service public, je vous l'assure,
n'est pas la mienne. Vous savez, je suis d'abord l'élu d'un canton
rural à 1 500 mètres d'altitude dans le département des Alpes
maritimes, au bord d'un parc national, avec toutes les difficultés et
les rigueurs de la ruralité. Et lorsqu'il m'a été confié au mois de
juin dernier d'exercer cette responsabilité aux côtés du ministre de
l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, je l'ai acceptée avec enthousiasme et en
sachant pertinemment que cette responsabilité ne s'exerce que le temps
que vous accorde la démocratie.
Mais au fond de moi-même je me disais aussi : tu ne peux pas pendant ce
temps qui te sera offert par la démocratie, offrir, toi l'élu rural qui
a tant revendiqué, qui a regardé tant de ministres de gauche comme de
droite, notamment à la tribune de l'Assemblée nationale où j'ai siégé
pour représenter cette ruralité de France pendant 17 ans, et en me
disant d'eux que je les détestais parce que j'avais le sentiment que
leur discours était en décalage avec la réalité que je vivais au
quotidien avec mes administrés.
Je me suis dis ce jour qu'il fallait tout faire pour ne pas offrir ce
visage, il faut tout faire pour rester conforme à ses engagements, à
ceux de ces maires, de ces conseillers généraux, de ces élus de la
ruralité qui font la richesse de notre pays.
Oui, pour beaucoup d'entre vous ce matin, vous l'avez soulevé, un
immense fossé s'est creusé au fil des 20-30 dernières années entre les
citoyens des villes et les citoyens de notre ruralité. Il y a eu tant
d'incompréhensions qui ont été générées par des gouvernements
successifs qui ont pris des décisions unilatérales qui sont tombées sur
notre ruralité comme une chape de plomb et qui ont été tout à fait
incomprises.
Quant on décide de fermer une perception, sans concertation, ici ou là,
avec 3 agents seulement, quant on sait que dans une commune ou dans un
canton, 3 agents cela représente 3 ou 4 enfants dans une école et que 4
ou 5 enfants de moins dans une école c'est passer en dessous d'un seuil
où l'inspecteur d'académie ne peut plus maintenir l'école ouverte ; la
fermeture de la classe, la fermeture de l'école et à côté de ça, c'est
un autre service public qui se dit : « puisqu'il n'y plus d'école dans
le village et que nos agents s'en plaignent, on ne va pas forcément
maintenir ouvert aussi notre service public ». Et puis c'est une
entreprise privée avec des emplois qualifiés et des personnels qui se
disent : « si on n'a plus les services publics dont nous avons besoin,
il faut qu'on délocalise l'activité privée »? Et c'est ainsi que de fil
en aiguille, pendant des années, une incompréhension profonde s'est
tissée à cause de ce désengagement de l'Etat à l'égard de la ruralité
de notre pays.
Alors, je vous le dis, en acceptant le ministère de l'Aménagement du
territoire, je me suis fixé un objectif en sachant que j'avais plus de
chance d'échouer que de réussir, mais j'espère que les liens que nous
tisserons ensemble m'aideront dans cette tâche : essayer un peu, un
tout petit peu, mais ce serait déjà une part de réussite, de
réconcilier la France des campagnes avec la France des villes.
On a beaucoup parlé d'égalité ? liberté, égalité, fraternité ? ce matin
; mais plus encore que l'égalité c'est l'équité qui m'intéresse parce
que pour moi, la différence entre l'égalité et l'équité, c'est que
l'égalité signifie que l'Etat apporte la même chose à tout le monde
alors que l'équité c'est donner plus à ceux qui en ont plus besoin que
les autres.
De toute évidence, dans notre pays, l'équité serait que l'Etat apporte
plus à la ruralité de notre pays qui en a plus besoin dans un certain
nombre de domaines. Voilà comment j'essaie d'agir à côté du ministre de
l'Intérieur qui est le ministre des territoires avec ses réseaux de
préfets afin que nous puissions rétablir un peu d'équité dans notre
pays. Alors pour conclure nos travaux de la matinée, j'inscrirai mon
propos dans la ligne droite de ceux de la Conférence nationale des
services publics en milieu rural qu'a présidée votre collègue Paul
DURIEU.
Je reprendrai donc successivement les 3 domaines que nous avons abordés
ce matin : premièrement, la nouvelle demande ; deuxièmement, les
modalités de concertation ; troisièmement, les moyens financiers et les
propositions concrètes.
La demande de la population rurale change. Cette population change un
peu elle aussi ; des néo-ruraux viennent confirmer une tendance qui se
dessine depuis une dizaine d'années : la ruralité attire, la ruralité
se repeuple lentement mais sûrement et la tendance ne cesse de
s'amplifier.
Nous n'aurions rien compris si nous n'avions saisi l'opportunité de
cette tendance migratoire pour l'accompagner et soutenir ce retour à
l'équilibre territorial. Pour aider les préfets dans ce travail de
concertation nous avons fait réaliser par CSA un sondage sur les
attentes des Français ruraux en matière de services. Le résultat est
édifiant. On y apprend que la fermeture d'une perception n'est pas
forcément vécue comme un drame par l'habitant du village. Lui ce qu'il
réclame c'est un médecin près de chez lui, une superette ou un commerce
pas trop loin, une station-service à une distance compatible avec
l'autonomie de sa voiture.
Cette enquête nous apprend aussi que le critère de qualité passe
souvent avant celui de proximité ; que de nouveaux besoins
apparaissent, qui répondent à de nouveaux modes de vie et je pense
notamment aux crèches. En gros, on préfère à un service public qui ne
reçoit plus de public depuis bien longtemps, la réouverture d'une
épicerie ou d'une pompe à essence qui a fermé depuis plus de 20 ans. Et
qui devient aujourd'hui une exigence quotidienne en matière de service
pour la plupart des habitants de la ruralité.
Mais elle nous apprend surtout que si la France rurale a des visages
multiples, ses aspirations le sont aussi. Prenons-en acte. Nous allons
devoir délier nos rigidités administratives ; je vais y revenir. Mais
je voudrais d'abord m'arrêter sur un autre point. La demande de
concertation fait partie de cette nouvelle demande de la population.
Nos concitoyens demandent à être entendus, pas une fois pour toutes,
mais régulièrement. Il faut que la population soit systématiquement
associée aux débats.
Et là, mesdames et messieurs les maires, vous avez un rôle majeur à
jouer. C'est dans cet esprit d'ailleurs qu'avec le ministre de
l'Intérieur, j'ai cosigné le 2 août dernier une circulaire adressée à
tous les préfets des départements de France en leur disant « stop ».
Cela a été interprété comme un moratoire, comme un gel : oui, c'est une
sorte de gel. Nous avons dit : on ne ferme plus rien ; on engage la
concertation avec l'ensemble des maires et des élus de la ruralité de
notre pays. Et tant que cette concertation n'aura pas abouti, on ne
touche plus à rien.
C'est quand même un changement profond, alors que pendant des années,
de manière unilatérale, on a décidé de fermetures de manière
unilatérale. Depuis le 2 août, par cette circulaire, nous y avons mis
un terme et nous attendons que nous remontent toutes les propositions
de modernisation de services au public avec toutes les pistes en
matière d'imagination, quelles qu'elles soient, pour que cette
modernisation se fasse sans tabou. Bien évidemment Paul DURIEU et la
Conférence nationale des services publics en milieu rural y apportent
leur forte contribution.
Ces réorganisations doivent être conformes aux objectifs de qualité et
d'accessibilité des services à la population auxquels vous veillez.
Soyons tout à fait francs, quitte à choquer certaines personnes, pour
ma part je préfère une concertation informelle qui aboutit à une
concertation institutionnelle qui bloque. Le constat est parlant : les
préfets, en liaison étroite avec les présidents de conseils généraux
ont adapté leur mode de concertation aux réalités locales.
Résultat : autant de départements, autant de modalités différentes.
Pourquoi ? Parce que la France rurale n'est pas une, elle est multiple
; on doit l'envisager à l'échelle des bassins de vie des pays, des
arrondissements ou même par type de problème.
Le problème c'est que, où que l'on soit, on ne voit que Paris. Ce qui
fait que le Parisien considère qu'il y a deux France, Paris et la
province. La vérité est simple : il faut rompre avec le mode de
fonctionnement actuel, notamment, des comités départementaux
d'organisation et de fonctionnement des services publics. J'ai donc
proposé au Premier ministre de rénover complètement ces instances pour
qu'elles trouvent le rôle fondamental qui doit être le leur.
Je veux d'abord les alléger de façon à rendre leurs travaux vraiment
efficaces, et ensuite assouplir leur mode de fonctionnement. La
conférence présidée par Paul DURIEU a également mis en exergue
l'intérêt d'une instance de concertation au niveau national. C'est
pourquoi, avec mon collègue Dominique BUSSEREAU, nous avons souhaité
que, dès sa création, la conférence de la ruralité, dont le décret
constitutif est paru au Journal officiel de vendredi dernier, prévoie
une section uniquement consacrée au problème des services à la
population en milieu rural. Nous joignons donc le geste à la parole en
répondant à la recommandation du rapport DURIEU.
Enfin, je sais que vous attendez des propositions concrètes.
Vous avez, Monsieur le président DURIEU, dans le rapport final de la
Conférence, émis un certain nombre de propositions, et j'en ai entendu
d'autres ce matin, souvent très pertinentes. J'en ai lu encore
d'autres, d'ailleurs, dans les rapports des préfets qui nous remontent
aujourd'hui, jour après jour.
Je vais être clair et très bref : j'ai l'intention de les mettre toutes
en ?uvre. Pourquoi ? Parce que les solutions que vous avez évoquées ce
matin, les solutions qui remontent du terrain, sont des solutions de
bon sens, des solutions adaptées aux réalités locales.
Voyez-vous, il y a quelques années de cela, on a inventé quelque chose
d'extraordinaire dans notre pays : c'était les schémas nationaux. Les
schémas nationaux, cela consistait à dire depuis Paris, dont je parlais
il y a quelques instants, « on décide que tout doit s'organiser de la
même manière sur tout le territoire national ». On disait au Garde des
Sceaux : « on met en place une carte judiciaire », et c'est ainsi qu'on
a donné à tous les TGI des instructions en leur disant « allez-y,
modernisez et de manière unilatérale, fermez tous les greffes de
tribunaux d'instance en ruralité qui servent plus à rien » et voilà
comment nous avons vu disparaître la plupart d'entre eux.
On disait depuis le ministère de l'Economie à tous les TPG : « allez-y,
fermez toutes les perceptions dans la ruralité qui ne servent plus à
rien », en tout cas au moins le service au public, puisque tous les
maires qui sont ici savent bien que toutes les perceptions rurales ont
été fermées il y a maintenant 6 à 7 ans de cela. Il est de mon devoir
de le rappeler : le seul service qui a été maintenu est un service en
direction des mairies elles-mêmes et qui ne répond pas forcément à vos
attentes.
On a dit au ministre de l'Equipement « allez-y de manière unilatérale,
fermez ici ou là des subdivisions de l'Equipement pour les routes, pour
les droits des sols, et c'est ainsi que toutes les DDE se sont mises à
se « moderniser » avec leur propre vision des choses. Eh bien ces
schémas nationaux ça tue et nous n'en voulons plus. Il nous faut les
abolir une fois pour toutes les uns derrière les autres.
C'est d'ailleurs Claudy LEBRETON qui rappelait tout à l'heure qu'à
chaque territoire, sa spécificité. Je partage la même vision. Pour moi
la France littorale n'est pas la France des montagnes, la France des
vallées et des plaines n'est pas la France des villes. Chaque France a
sa spécificité, son histoire, son authenticité, sa culture, son
identité, et c'est pour cela qu'il faut traiter chaque territoire avec
la réalité de son vécu et je voulais vous dire que c'était dans cet
état d'esprit que nous avions donné des instructions pour que la
concertation se fasse entre les services de l'Etat et l'ensemble des
collectivités. Il ne peut plus être admis qu'ici ou là un grand service
de l'Etat ferme sans en parler avec les autres, parce que démolir une
pièce du puzzle, c'est désarticuler et fragiliser toutes les autres
pièces, sachant que dans ce puzzle des services publics, il y a d'abord
la mairie, comme d'autres l'ont rappelé avant moi : c'est le premier
service public, dans notre pays.
Quelle est le lieu dans la commune où on est sûr de trouver au moins un
service public ? C'est la mairie, avec les 36 000 communes de France.
Il y a tant de communes où il n'y pas de services de l'Etat ni du
département mais où il y a la mairie elle-même.
C'est la raison pour laquelle rien désormais, ne pourra plus se
concevoir sans cette concertation. Je pense donc que chaque territoire
doit se construire autour d'un projet global de bouquet de services,
que ce projet regarde vers l'avenir, et surtout qu'il ne soit pas un
état des lieux destiné à régler le passif de l'exode rural.
Je le dis et je le redis : nous avons tiré un trait sur cette façon de
faire de la politique. Dans les propositions du rapport DURIEU, vous
faites un préalable à toute amélioration des services, en passant
d'abord par celui de l'accès au haut débit. Et cela, c'est ma vraie
responsabilité ; je ne répondrai pas à tout ce que a été soulevé ce
matin, car ce sont des responsabilités transversales et d'autres de mes
collègues s'exprimeront au cours de ce congrès dans les heures et les
jours qui viennent.
Mais ce sujet ? assurer la couverture numérique de tout le territoire
national ? est pour moi un engagement, un défi et je veux vous dire que
d'ici 2007 j'y veillerai.
Quel est l'état des lieux ? D'abord celui de la téléphonie mobile :
nous savons que nous avons près de 3 000 communes rurales qui sont
aujourd'hui hélas encore en zone blanche. Nous avons choisi d'engager
près de 44 millions d'euros, plus 20 millions d'euros d'exonération de
TVA. Avec l'aide des collectivités, avec l'aide de l'Union européenne,
nous sommes en voie de résorption de la plupart de ces zones blanches.
D'ici à la fin du mois de décembre, il y aura déjà près de 600 sites
qui seront équipés et si le rythme que je surveille aujourd'hui à
raison de 80 sites équipés de plus par mois entre la phase 1 où nous
apportons notre contribution pour près de 2 000 communes et la phase 2
pour près de 1 000 communes où les opérateurs se sont engagés à prendre
à 100 % leur part d'aménagement, d'ici 2007 ce sera 100 % du territoire
national.
Le haut débit ensuite : nous voyons bien que dans ce domaine du
numérique les exigences de nos concitoyens ne cessent d'évoluer. Ce qui
était vrai il y a trois ans ne l'est plus aujourd'hui : ainsi en
matière de téléphonie on aura bouclé en 2007, mais qu'aura-t-on bouclé
? la première et la deuxième génération de téléphonie mobile ; mais
nous voyons qu'aujourd'hui la demande de la plupart de nos administrés
c'est de pouvoir avoir la troisième génération l'UMTS. Nous ne sommes
pas en mesure de pouvoir y répondre sauf si nous apportons d'autres
réponses en matière de numérique. Ce peut être en partie par le haut
débit, et là je salue tous les départements qui ont cité la charte de
départements innovants ? M. le président de l'ADF, d'ailleurs, à
l'heure qu'il est, je crois qu'il n'y en a que six qui ne l'ont pas
signée. Ils permettent par les moyens traditionnels, notamment la fibre
optique, d'irriguer quasiment 93 % du territoire.
Nous serons d'ici le début de l'année prochaine à 96 %. Nous serons
d'ici fin 2006 à 98 % et puis il y a toujours ces zones blanches
restantes qui vont représenter beaucoup pour vous, les maires ruraux.
Donc nous avons décidé de lancer un grand plan pour les solutions
alternatives ; le ministre de l'Industrie a d'ailleurs lancé un appel
d'offres pour le Wimax ; nous avons près de 175 opérateurs qui se sont
déjà positionnés. Et puis il y a d'autres solutions alternatives : le
satellite, le WiFi et d'autres solutions encore.
Nous nous y engageons, d'ici 2007, ce sera 100 %. Mais alors que d'ici
2007 il y aura quasiment 100 % du territoire qui sera relié à l'ADSL,
au haut débit, il y a déjà une nouvelle exigence de la part de nos
administrés, et surtout les entreprises, qui consiste non plus à avoir
l'ADSL mais à avoir le haut débit de haut niveau voire même le très
haut débit. Et donc il est de mon devoir de m'y attaquer, parce que je
sais que vous en avez besoin pour l'attractivité de vos territoires.
C'est ainsi que l'autre jour j'étais avec le président de France
Télécom dans la zone d'activité de Brive-la-Gaillarde où nous amenions
le 100 mégabits, le très haut débit pour des entreprises dans une zone
d'activité rurale dans notre pays. D'ici la fin de l'année 2006, 2 000
de ces zones d'activité seront équipées. Mieux, je peux vous dire
qu'avant la fin du mois de décembre, nous mettrons à la disposition de
chacun d'entre vous le 2 mégabits symétrique, c'est-à-dire le haut
débit pour toutes les entreprises qui voudront s'installer en n'importe
quel lieu du territoire, que ce soit une zone d'activité ou pas, pour
pouvoir renforcer en terme de localisation dans vos territoires ruraux
l'attractivité d'un certain nombre d'entreprises.
Enfin, troisième sujet qui touche au numérique : celui de la télévision
numérique terrestre. Lorsque je me déplace dans les départements,
beaucoup me disent : « Monsieur le ministre, comment se fait-il que 50
% des Français reçoivent 18 chaînes de télévision gratuites chez eux
alors que sur notre territoire nous n'en recevons que 3-4 et même
certains territoires n'en reçoivent que 2 et quelquefois dans de
mauvaises conditions » voilà la réalité. Nous devons, là aussi,
apporter une réponse d'équité. Les opérateurs de la télévision
numérique terrestre se sont engagés à ce que d'ici fin 2006, début 2007
85 % des foyers de France puissent recevoir la télévision numérique
terrestre. Mais dans ce domaine aussi, nous aurons toujours le problème
des zones blanches dans les 15 % restant comme pour la téléphonie
mobile, comme pour le haut débit. Mon exigence c'est d'y apporter une
véritable réponse, c'est pourquoi j'ai proposé la mise en place d'un
bouquet satellitaire qui envoie gratuitement ces 18 chaînes de
télévision sur toutes les zones blanches restantes de notre pays en
2007 et ainsi qu'il y ait 100 % des français qui puissent avoir accès
aux 18 chaînes de télévision gratuites.
Et par la même occasion cela permettra d'accélérer le processus de
passage de notre pays du système analogique au système numérique,
libérant ainsi les fréquences dont nous avons besoin pour pouvoir nous
engager sur la voie de la troisième génération de la téléphonie mobile.
Si nous réussissons ce pari et cet objectif, et en tout cas j'y mettrai
toutes mes forces, d'ici 2007 nous serons le premier pays de l'Union
européenne en matière de couverture numérique et un exemple par rapport
à touts les autres pays de l'Union européenne, notamment pour les zones
rurales.
Vous demandiez ensuite à avoir les moyens financiers pour améliorer les
services, vous avez demandé, M. DURIEU, que dans ce domaine nous
puissions participer à l'aménagement de projets innovants permettant
d'améliorer la qualité et l'accessibilité des services en milieu rural.
Je peux vous dire qu'avec Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, nous
avons inscrit dans le budget 20 millions d'euros pour une première
série de projets innovants : c'est un premier pas. Je veux en matière
financière, alors qu'on a beaucoup parlé de péréquation ce matin, vous
dire un mot de la péréquation en faveur des collectivités rurales, mais
d'autres s'exprimeront, au cours des jours qui viennent sur ce sujet.
D'une manière générale l'affectation à la péréquation 2006 des 92
millions d'euros de la régularisation 2004 favorisera prioritairement
les communes et les EPCI ruraux en permettant de garantir une
progression de la dotation solidarité rurale de l'ordre de 15 %.
Je veux vous parler aussi de la charte que vous avez réclamée, M. le
président DURIEU. Vous savez que lorsque vous avez remis jeudi dernier
au Premier ministre les résultats de votre consultation, celui-ci nous
a confié, à vous et à moi, d'élaborer cette charte dans un délai de
deux mois. Donc je sais que j'ai un objectif de résultat : je suis
condamné d'ici deux mois à finaliser cette charte avec vous, M. le
président DURIEU, et bien évidemment je veux maintenant qu'elle soit
travaillée avec les services de l'Etat et avec les différents
opérateurs pour que nous puissions apporter une réponse concrète avec
cette charte à vos exigences.
Un point sur les maisons de services que beaucoup ont évoquées. Moi je
n'y apporte pas une réponse absolue, j'apporte simplement une piste de
réflexions sur laquelle nous travaillons avec le ministre de
l'Intérieur, qui est celle de la mutualisation des moyens, de la
polyvalence, du rôle que chacun peut jouer. Je le disais tout à
l'heure, nous avons avec les mairies le premier service public de
France. Beaucoup d'entre vous le savent, il y a des mairies où les
recettes de fonctionnement ne permettent de faire face qu'au
financement d'un seul demi-secrétaire de mairie. Pourquoi ne pas se
dire aujourd'hui que ce demi-secrétaire de mairie pourrait être l'autre
mi-temps d'un agent de l'Etat, d'un agent du conseil général, lorsque
l'on sait que le conseil général par exemple est aussi un organisateur
de service public important sur la surface d'un département.
J'ai fait faire une cartographie pour avoir une vision précise des
choses : nous voyons qu'entre les circonscriptions d'action médicale et
sociale, les centres médico-sociaux, les centres de petite enfance,
l'ensemble des services sociaux, les médiathèques départementales, les
services techniques, les subdivisions des routes départementales? les
départements de France sont un des organisateurs de services publics
les plus importants au plan territorial. Vous ne pensez pas qu'on
pourrait assurer la mutualisation de tout cela, renforcer en même temps
le statut du fonctionnaire de la ruralité, qu'il soit d'Etat ou d'une
collectivité territoriale, pour en faire une personnalité importante
considérée, dont le statut soit revalorisé, dont la rémunération soit
revalorisée pour faire en sorte que quelque part le croisement de ses
compétences apporte un service à chacun, que ce soit au sein de la
mairie, au sein d'un service de l'Etat implanté dans la ruralité, au
sein d'un service du département. Pour l'ensemble de nos administrés ce
qui a de l'importance, c'est que l'on puisse se rendre dans n'importe
quel service implanté dans la ruralité pour rencontrer un agent
polyvalent qui soit capable avec le haut débit devant un ordinateur
d'éditer une carte grise, remplir un dossier d'APA pour le compte du
conseil général, apporter une réponse sur un service municipal, accuser
réception d'une demande d'aménagement de clôture, de mouvement de sol
ou de permis de construire pour le compte des services de l'équipement.
Vous ne pensez pas que là aussi nous pourrions apporter de véritables
réponses, permettre à n'importe quel lieu public, que ce soit la
mairie, le département, le service de l'Etat, d'être un lieu où l'on
tienne des permanences en fonction des demandes de rendez-vous, qui
sont pris avec l'inspecteur d'académie, avec un fonctionnaire de la
paierie générale, avec un fonctionnaire de l'équipement, pour que
chaque semaine, on sache que dans chaque canton rural, dans chaque
commune rurale d'un département, on a systématiquement une relation
avec un tel ou un tel pour que le lien ne se distende pas entre nos
administrés et la plupart de nos services publics ?
Et pour aller dans cette direction, je veux dire déjà, sans apporter de
réponse définitive, que trois moyens seront mis en ?uvre dans les
prochains mois :
Il y aura d'abord, dès la fin de l'année, la possibilité pour les
maisons de services d'accueillir également des services rendus par des
prestataires privés.
Deuxièmement, nous allons généraliser des groupements d'intérêt public,
de manière à ce que les employeurs publics puissent facilement en créer
et recruter ensemble une personne pouvant remplir de multiples services
pour le compte des membres du GIP.
Et troisièmement, enfin, nous allons assouplir les règles de la
fonction publique, notamment les règles de cumul d'emplois publics tels
que j'en parlais : cela permettra à un même agent de travailler
beaucoup plus facilement pour plusieurs employeurs publics.
Je voudrais terminer en vous donnant trois exemples concrets de notre
façon de répondre de répondre aux attentes qui reviennent le plus
souvent dans les enquêtes de terrain.
Premier exemple, que vous avez largement abordé ce matin, la santé.
Dans le domaine fondamental de la santé, nous attendu beaucoup trop
longtemps que la loi sur l'assurance maladie de 2004 ait enfin prévu
l'identification des zones sous-médicalisées, de manière à attribuer
des aides encourageant l'installation des médecins. La définition de
ces zones n'a que trop tardé. Heureusement, elle est aujourd'hui
achevée dans 18 régions et le sera dans 24 sur 26 à la fin du mois. Les
collectivités et les caisses d'assurance maladie pourront alors prendre
à leur charge une partie des frais d'installation et d'activité de
l'offre de soin.
La question de l'offre de service forme un tout : si la qualité globale
de l'ensemble s'améliore, l'attractivité des territoires ruraux sera
renforcée, et les médecins ou les commerçants s'y installeront plus
facilement.
Ainsi, l'accès au haut débit, auquel je me suis engagé, permettra de
soutenir la présence médicale dans les zones rurales. C'est un progrès
considérable. Là aussi, les hôpitaux ruraux, qui ont été si souvent, si
longtemps menacés de fermetures, notamment par les ARH, et qui
aujourd'hui, pour beaucoup d'entre eux, sont devenus de simples maisons
de retraite? En complément de ce qui a été proposé tout à l'heure, en
matière d'implantation de médecins dans la ruralité, des difficultés
qui sont les leurs par rapport aux gardes, la nécessité qu'il y ait
dans une même zone au moins deux médecins pour qu'ils puissent se
remplacer l'un l'autre? Il faut que ce soit un métier attractif, qu'il
soit aussi rémunérateur pour eux, comme tous les autres personnels
médicaux, comme les infirmières, par exemple ; il faut offrir
l'opportunité à un médecin rural, à un médecin libéral, de pouvoir
intervenir aussi à l'hôpital rural public, qui par convention est
relié, grâce au haut débit, au CHU, pour y faire avec les professeurs
du CHU, sur la téléradio, sur les échographies, des expertises, des
diagnostics, des soins postopératoires, qui permettent aussi d'éviter
des déplacement en ambulance, longs et douloureux?
Ce sont autant de pistes qu'il nous faut aujourd'hui traiter ensemble,
regarder ensemble, en sachant que les responsabilités d'un médecin en
zone rurale sont considérables, que la solitude, l'absence d'échanges
professionnels et la contrainte des gardes pèsent aussi très lourd dans
les choix des jeunes diplômés. Il nous faut donc rendre ce métier le
plus attractif possible.
Mais une fois ces questions professionnelles réglées, vont se poser les
problèmes d'installation de son cabinet, et surtout les problèmes de
l'installation de sa famille. Quel logement pour sa famille ? quel
travail pour son conjoint ? Eventuellement, quelles écoles et quels
loisirs pour ses enfants ? Et là, c'est avec vous, les maires, que nous
devrons apporter des solutions. Et si nous sommes capables de faire des
propositions, je peux vous le dire, les médecins reviendront, nous le
savons. Un certain nombre de médecins recherchent aussi la qualité de
vie que vous pouvez proposer en milieu rural. C'est d'ailleurs pour
cela que nous allons tenter, avec vous, et un certain nombre de
départements, une expérience à l'occasion du prochain salon du médecin,
en mars 2006, et je veux vous le dire, vous y serez totalement
associés.
Autre exemple, l ?école en milieu rural. Je considère l'éducation
nationale comme une partie intégrante et fondamentale de l'approche
globale et territoriale que j'ai lancée sur les services au public.
Dans ce domaine, il faut être réaliste : même si nous devons être
attentifs aux cas particuliers que posent certaines communes de
montagne, une classe unique de huit ou dix élèves ne peut pas en règle
générale offrir le service éducatif qu'attendent aujourd'hui les
parents, en raison des écarts d'âge entre élèves, ou du manque
d'équipement, et beaucoup nous l'ont dit, dans le résultat de l'enquête
CSA. Parfois des regroupement pédagogiques doivent être mis sur pied,
et constituent la seule possibilité de maintenir une école de
proximité.
De proximité, et aussi de qualité, car, je le répète, comme en matière
médicale, l'objectif n'est pas seulement celui de la proximité, il est
aussi celui de l'équité. Les ruraux ont droit à la même qualité de
service que les habitants des villes. Pour cela, un dialogue à moyen
terme doit être conduit en permanence entre l'autorité académique et
les communes que vous représentez. Plusieurs années à l'avance,
l'inspection académique et les maires doivent étudier ensemble les
perspectives démographique des communes, et leurs conséquences sur la
structure scolaire. Avertis plusieurs années à l'avance du risque d'une
fermeture d'école, le maire pourra ainsi mieux anticiper les réponses à
apporter en terme d'activité économique ou de réalisation de logements.
En gros, je vous le dis, pour moi, il n'est plus acceptable, qu'à une
fin d'année scolaire, de manière brutale, on vienne dire au maire : « à
la rentrée scolaire, monsieur ou madame le maire, votre école sera
fermée, parce que vous n'avez plus assez d'élèves ».
Je ne veux plus que l'éducation nationale se permette d'agir de la
sorte.
C'est pourquoi nous demandons, avec le ministre de l'Intérieur et de
l'aménagement du territoire, à ce qu'il y ait un délai de trois ans,
pour dire au maire : « nous avons regardé l'évolution démographique
dans votre commune. Voilà comment, dans les trois années qui viennent,
elle risque d'évoluer, et de nous conduire, au terme de ces trois ans,
à la fermeture de votre école. Alors, regardons ensemble les moyens qui
vous éviteront, dans trois ans, de fermer votre école ».
Si les maires sont prévenus trois ans, et non pas trois mois avant,
alors chacun pourra réagir, pour voir comment attirer une nouvelle
activité, en partenariat avec le département, en partenariat avec
l'Etat, pour renforcer la présence dans son école, et ainsi lui
permettre, au terme de ces trois années, de pérenniser la présence de
l'école. Je ne veux plus de décision brutale de la part des instances
académiques, voilà donc un certain nombre de propositions que nous
voulions faire. De même, pour compenser la fermeture de petits
collèges, les inspecteurs d'académie doivent avoir la possibilité de
développer les options dans les établissements plus grands, et un peu
plus lointains, où les élèves se rendront.
Dans le cas de l'école, comme dans celui de tous les autres services,
il ne doit pas y avoir de réorganisation sans amélioration de la
qualité du service rendu. A l'école ou au collège, c'est un choix
d'options plus large ou de meilleurs équipements.
Dans d'autres services, ce sont des horaires d?ouverture étendus, ou
des délais de réponse raccourcis.
Troisième exemple : celui des distributeurs de billets. C'est un vrai
sujet, souligné par l'enquête nationale que nous avons faite, et qui
revient très souvent dans les rapports des préfets. On voit bien les
exigences de nos concitoyens. Ces services de proximité, ces services
au public, le haut débit, la téléphonie troisième génération, la
télévision numérique terrestre, le distributeur de billets? pourquoi le
trouve-t-on à n'importe quel carrefour en ville, et pas au c?ur du
village ou du canton ?
Alors j'ai décidé de regarder les choses de très près, afin de voir
quels sont les obstacles juridiques et financiers à l'installation de
distributeurs automatiques supplémentaires en zones rurales. Car le
distributeur automatique de billets est un moyen de faire tourner le
commerce local, un service rendu aux habitants. Il marque très
concrètement la présence de l'activité économique et commerciale dans
une commune.
Donc, dans les prochaines semaines, des propositions juridiques, et
d'accompagnement financier seront faites en partenariat avec les
collectivités locales.
Les services en milieu rural s'amélioreront d'autant plus que nos
territoires ruraux se développeront. Pour cela, je veux mener deux
actions essentielles. Vous en avez parlé tout à l'heure : la première,
c'est que le décret réformant les zones de revitalisation rurale ? je
vous le dis, vous êtes les premiers à le savoir ? a été publié au
Journal officiel ce matin. Ce décret élargit les anciennes zones :
elles concernent désormais 600 000 habitants supplémentaires. Mais
surtout, ce décret va relancer la mise en ?uvre effective des
dispositions prévues dans la loi relative au développement des
territoires ruraux. Cette loi contient un train de mesures incitatives
pour favoriser toutes sortes d'investissements en milieu rural, que ce
soit dans la création ou l'implantation d'entreprises, auprès des
professions libérales, du petit commerce, mais également pour favoriser
l'investissement dans le logement et dans les résidences de tourisme.
Désormais, 13 000 communes et 5 millions d'habitants bénéficieront de
toutes ces dispositions.
Alors, j'ai entendu, bien évidemment, ce que vous avez dit ce matin sur
les zones qui sont « sorties . Je veux le dire : il y a 477 zones «
sortantes ». En contrepartie de cela, il y a 1892 zones « entrantes ».
Donc nous voyons que ce n'est pas un solde négatif, mais un solde
positif.
De quoi découlent ces 477 zones « sortantes » ? De la loi sur les
territoires ruraux d'il y a un peu plus d'un an maintenant.
J'ai pris mes fonctions au mois de juin dernier, et ma première
préoccupation, parce que les maires que je rencontrais me disaient : «
alors quand vont être pris les décrets d'application ? est-ce que ce
sera comme la loi Pasqua de 1995, sur les premières zones de
revitalisation rurale ? Va-t-on attendre dix ans avant que les premiers
décrets ne soient pris ? »
J'ai donc voulu qu'ils soient pris dans l'urgence. Ils ont été pris
conformément à la loi qui a été votée au début de l'année 2005, cela a
été ma préoccupation : en moins de six mois, j'aurai donc obtenu la
signature des décrets. Au premier janvier prochain, ils seront donc
applicables.
Quelles sont les zones qui sont « sorties » ? Eh bien, ce sont celles
qui, aux termes de la loi, parce qu'elles ont progressé, parce qu'elles
sont arrivées à un niveau d'équilibre économique et social, ne sont
plus dans les critères des zones de revitalisation rurale.
Je ne suis pas certain que ces dispositions soient les plus justes et
les plus équitables. Encore une fois, elles découlent d'une loi
précédente. Et s'il y a ici ou là des injustices qui vous semblent
patentes, je suis prêt, avec les préfets, à regarder les choses pour
proposer prochainement des amendements qui pourraient élargir un
certain nombre de périmètres, et veiller à ce qu'il y ait l'équité la
plus totale dans ce domaine, à condition, bien évidemment, que ce soit
justifié.
Les services en milieu rural devraient bénéficier aussi de ce soutien
et, dès le début 2006, je vous adresserai un document très pratique
vous donnant le détail de tous les avantages, et vous permettant
surtout d'informer tous les demandeurs des moyens concrets d'en
bénéficier. Je sais, dans mon propre canton qui est classé en ZRR
depuis bien longtemps, le nombre de fois où l'on m'a dit : « mais où
peut-on avoir des explications ? A la perception, personne n'est
capable de nous les donner ; à la mairie, personne n'est capable de
nous les donner? ». C'est-à-dire qu'on avait pris précédemment des
mesures, mais sans se tourner vers celles et ceux qui pouvaient être
intéressés par ces mesures pour rendre nos territoires attractifs.
Donc, je suis en train de faire réaliser par la DATAR une plaquette
très explicative, qui sera mise à disposition de toutes les mairies
concernées, et dès le début de l'année 2006, vous pourrez en disposer
pour la diffuser le plus largement possible et essayer d'attirer
l'implantation de nouveaux services et de nouvelles entreprises sur vos
territoires.
Mais je sais aussi que bon nombre d'entre vous ont des idées, quelques
fois, d'ailleurs, des rêves ? des rêves réalisables, bien sûr ? que
votre commune ne peut envisager, faute d'autonomie financière. C'est
pourquoi le Premier ministre m'a demandé d'engager, au mois de juillet
dernier, une réflexion sur la manière de vous accompagner pour réaliser
cette part de rêve que, pour beaucoup d'entre vous, vous entretenez.
J'ai visité 38 départements depuis le 2 juin dernier, et j'ai pu
découvrir, ici ou là, des initiatives extraordinaires. Un maire, tout à
l'heure, nous disait ce qu'il avait réussi à faire pour maintenir un
certain nombre de services dans sa commune, en faisant en sorte que le
médecin soit hébergé dans un bâtiment municipal, que tel service au
public soit préservé dans un bâtiment municipal, qu'il y ait un point
Poste dans un bâtiment municipal, qu'il y ait une épicerie qui puisse
rouvrir dans un bâtiment municipal?
Je dis que tout cela mérite d'être mieux soutenu, d'être mieux
accompagné. C'est une énergie formidable, un talent, une intelligence
propre aux hommes et aux femmes des terroirs de notre pays, qui est la
vôtre et qui vous appartient, et qu'il nous appartient aussi de
soutenir.
C'est pourquoi, là où j'ai mis en place les pôles de compétitivité, au
Comité interministériel à l'aménagement du territoire du 12 juillet
dernier, je veux pour notre ruralité proposer un prolongement. Parce
que je vous le dis très sincèrement : pour moi, la France qui gagne, la
France qui bouge, la France qui a des idées, ce n'est pas simplement la
France des grands projets industriels et scientifiques. C'est aussi la
France de nos territoires ruraux, la France dont il faut savoir
valoriser les talents, les savoir-faire, et les intelligences.
Et c'est pourquoi j'ai fait adopter, avec le soutien du Premier
ministre et du ministre de l'Intérieur, lors du Comité interministériel
à la compétitivité des territoires, le 14 octobre dernier, la création
de pôles d'excellence ruraux.
C'est-à-dire que toutes celles et tous ceux d'entre vous, dans le cadre
de votre pays, de vos intercommunalités, ou du territoire, avec les
acteurs publics, privés, associatifs, qui vous paraîtront l es plus
pertinents, et qui seront en mesure de nous proposer un label autour du
tourisme, autour du patrimoine, qu'il soit culturel, historique,
naturel, comme nos parcs régionaux ou nos parcs nationaux, autour de
leur biodiversité, mais aussi autour de la technologie de l'information
et de la communication, au service du télétravail, de la télémédecine,
ou encore autour des énergies alternatives et renouvelables ? nous
savons, au moment où nous encaissons un nouveau choc pétrolier, que la
ruralité de France peut beaucoup apporter en matière de création de
richesses et de création d'emplois, avec la biomasse, avec la filière
bois, avec le solaire, avec l'eau, avec beaucoup d'autres filières
encore où nous pouvons exploiter nos ressources naturelles ?, tous ceux
qui nous proposeront des projets autour de cela ? et nous lancerons un
appel à 300 projets en France ? se verront, au même titre que les pôles
de compétitivité, labelliser « pôles d?excellence ruraux », avec un
certain nombre de mesures d'incitation en matière de fiscalité et de
charges sociales pour leur commerces, leurs artisans, leurs
entreprises, et un certain nombre de mesures d'accompagnement publiques
transversales à travers plusieurs ministères, celui de la culture,
celui de l'agriculture, celui de l'industrie, celui du commerce, et,
bien évidemment, celui de l'aménagement du territoire, pour soutenir un
certain nombre d'initiatives publiques autour de tout cela.
Oui, la France rurale est un magnifique réservoir d'un art de vivre que
le monde entier nous envie, la vitrine française serait peu de choses
sans sa ruralité. Ce que je voudrais, c'est que nous parvenions, en
innovant à partir de notre patrimoine, de nos savoir-faire, de ce qu'on
appelle, au fond, le génie français, à projeter notre passé dans
l'avenir.
Voilà comment j'imagine aussi que la France rurale puisse contribuer au
redressement économique de notre pays. C'est une banalité de dire que
les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais si chacun d'entre
nous décide que le petit ruisseau de son enfance, celui dont il est le
maire, va participer à une grande aventure, un nouveau grand projet
pour le pays, nous entraînerons ensemble les 11 millions d'habitants de
la France rurale, dans un 21ème siècle qui sera celui de la
réconciliation entre la France rurale et la France des villes.
Avant de vous laisser, je voudrais m'adresser à vous en tant que
membre, comme je vous le disais tout à l'heure, de cette espèce
particulière que sont les élus locaux de la ruralité : on se demande
parfois, face aux sacrifices qui ne trouvent pas toujours de justes
contreparties, face aux critiques qu'on supporte, au mépris parfois
auquel on s'expose de la part de ceux qui ne cherchent de la vie
collective que des avantages personnels, qui font valoir des droits
sans jamais songer à s'investir dans la vie publique, on se demande
parfois pourquoi on fait tout ça. J'ai trouvé un jour cette belle
réponse dans une pensée de Gandhi. Je vous la livre pour qu'elle nous
accompagne, tous ensemble, dans cette entreprise de la renaissance des
services publics en milieu rural. Gandhi disait ceci : « vous devez
être le changement que vous voulez voir dans ce monde ».
Alors, je vous propose, tout simplement, qu'ensemble, nous soyons ce
changement.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 28 novembre 2005)