Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué à l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité et la fonction publique territoriale, Paris le 23 novembre 2005.

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Circonstance : 88ème congrès des maires et des présidents de communautés de France à Paris, du 22 au 24 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Chers amis,
Je me réjouis de vous retrouver ce matin pour clôturer cette table ronde sur l'intercommunalité. Je reconnais des visages qui me sont familiers, tous ces maires que j'ai rencontrés lors des très nombreuses associations départementales que j'ai visitées depuis ma nomination au gouvernement le 2 juin dernier.
Je continuerai à parcourir le territoire car je me suis fixé pour règle d'aller, à chaque fois, à votre rencontre tant c'est toujours une tranche de France que je retrouve. Pour les Françaises et Français, vous êtes les repères, les relais, les remèdes. Dés qu'il y a une difficulté, c'est vous qu'on interpelle ! Dés qu'il y a une question, c'est vous qu'on interroge ! Dés qu'il y a un incident, c'est vous qu'on accuse ! Dans l'esprit mais aussi, bien heureusement, dans le c?ur de millions de Français, l'Etat, c'est vous.
Permettez-moi de saluer tout particulièrement votre président, Jacques Pelissard, avec qui je mène depuis six mois une concertation très active sur tous les dossiers majeurs de mon portefeuille.
A chaque fois, Monsieur le Président, j'ai remarqué et apprécié votre capacité d'écoute, votre souci du dialogue et votre volonté d'agir dans l'intérêt général, au service de toutes les communes de France.
Plusieurs membres du Gouvernement sont déjà intervenus ou interviendront lors de ce Congrès.
Le Premier Ministre, Dominique de Villepin, s'est exprimé hier, et le Ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy, clôturera demain votre Congrès.
Afin d'éviter les doublons, je concentrerai mon propos aujourd'hui sur deux thèmes : l'intercommunalité, qui était au menu de cette matinée, et la fonction publique territoriale.
I. La fonction publique territoriale
Vous le savez, j'ai réuni il y a tout juste une semaine, le 16 novembre, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale présidé par Bernard DEROSIER.
Le texte que je lui ai soumis a donné lieu à un avis très favorable de sa part, puisque nous avons obtenu un vote positif de 24 voix sur 38 (soit les 2/3).
Ce vote positif émane de la totalité des élus présents, toutes tendances politiques et toutes catégories de collectivités confondues (AMF, ADF, ARF). 3 syndicats sur les 6 présents ont approuvé ce texte, à savoir la CGC, l?UNSA-FA-FPT et la CFDT.
Nous nous félicitons de cette avancée historique, la plus importante enregistrée au CSFPT depuis 1994, et n'ayant jamais entraîné une majorité aussi forte.
Ce succès ne relève pas du miracle, mais bien de notre volonté d'aller au-delà des clivages partisans, de rechercher à obtenir un consensus autour d'un projet de réforme objectivement constructif.
A l'heure où nombre de nos compatriotes s'interrogent sur le bien-fondé de nos clivages partisans, il est encourageant de montrer que sur certains sujets majeurs, nous savons les dépasser.
Nous allons enfin pouvoir donner plus de consistance et d'attractivité à la fonction publique territoriale de notre pays.
Je m'y engage devant vous, l'avant-projet de loi sera soumis au Conseil des Ministres avant la fin de l'année, ce qui nous permettra une présentation au Sénat en février-mars 2006 et une discussion générale qui devrait ainsi s'achever en juin prochain.
Que recherchons-nous à travers ce projet de loi ?
Vous le savez, une réforme était nécessaire dans la mesure où la pyramide des âges et les départs à la retraite étaient inéluctables au cours des dix années à venir ? d'ici à 2012, 35 % des fonctionnaires territoriaux et 50 % des cadres A atteindront l'âge de 60 ans.
Si l'on avait décidé de laisser les choses en l'état, si nous n'avions rien fait, la fonction publique de proximité aurait été décimée en quelques années. Il fallait donc impérativement la moderniser pour attirer les nouvelles générations.
Trois orientations nouvelles seront mises en oeuvre :
- Une plus grande fluidité, tout d'abord. La réforme permettra de créer davantage de passerelles entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale ;
- Ensuite, une prise en compte de l'expérience professionnelle dans le recrutement des agents venant du secteur privé. Bon nombre de salariés du privé souhaitent, en effet, à un moment ou un autre de leur carrière, pouvoir exercer des métiers territoriaux et éventuellement intégrer un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale.
Ainsi, une puéricultrice dotée d'un diplôme d'Etat ne sera plus évaluée sur les matières qui lui ont permis d'obtenir son diplôme, mais uniquement sur la base d'un entretien d'évaluation et de motivation. Et si elle a 12 ans d'ancienneté, elle ne repartira pas de zéro !
- Enfin, une formation accrue et recentrée des agents. Nous souhaitons centrer la FPT sur ses 253 métiers. La loi prévoit, par exemple, que tous les agents territoriaux, y compris ceux de catégorie C qui représentent plus de trois quarts des effectifs totaux, bénéficieront d'une formation initiale d'intégration à l'emploi et au contexte professionnel. Cette formation doit être courte (pas plus de 3 jours) mais systématique.
Enfin, pour vous donner plus de souplesse dans vos recrutements, j'ai souhaité abaisser le seuil de création de l'emploi fonctionnel de Directeur général des services d'une commune de 3.500 à 2.000 habitants. Ainsi, de plus petites communes auront désormais la possibilité de recruter des "managers" performants et à la hauteur des exigences accrues de nos concitoyens.
II. J'en viens maintenant au sujet de votre table ronde : l'intercommunalité.
Le premier Président de la Cour des Comptes, Philippe Séguin, s'est exprimé devant vous ce matin pour vous présenter son rapport. Le Ministre d'Etat et moi-même avons souhaité réagir au plus vite et de manière très concrète. Nous venons de signer une circulaire aux Préfets qui permettra de vous aider à améliorer l'intercommunalité.
Soyons très clairs entre nous et évitons tout malentendu : je crois beaucoup dans l'intercommunalité et je vais même vous dire même mieux, j'ai la conviction que cet échelon est l'élément de structuration de la France de demain.
Les choses sont simples : lorsque je me déplace, j'entends tous vos témoignages, surtout dans les communes rurales, qui me disent très justement "l'union fait la force", "sans intercommunalité, nous ne serions pas grand chose, nous n'aurions pas pu construire telle piscine, tel équipement, etc."
Mais voilà, aujourd'hui, l'intercommunalité n'est plus une affaire d'initiés. Les Français connaissent de plus en plus l'intercommunalité et sont capables de voir en quoi c'est un plus ou en quoi ça ne l'est pas. Aux prochaines élections municipales, ils vous interpelleront sur les résultats de vos intercommunalités et exigeront très naturellement un bilan coût-avantage.
C'est vrai, pendant longtemps, nous avons demandé aux Préfets de pousser l'intercommunalité car il fallait lancer le mouvement.
Le succès quantitatif est, d'ailleurs, incontestable. Au 1er janvier 2005, on comptait 2.525 EPCI à fiscalité propre, regroupant très exactement 32.311 communes (soit 88 % des communes de France) et 52 millions d'habitants (soit 82 % de la population).
Dans quelques cas, il faut bien avouer que certains défenseurs zélés ont recherché uniquement l'effet d'aubaine fiscale que l'intercommunalité procurait.
D'autres structures intercommunales ont, quant à elles, multiplié les emplois : l'une d'elles est allée jusqu'à embaucher 600 employés intercommunaux, avec tous les coûts de fonctionnement qui s'ensuivent !
Nous ne pouvons pas rester sur de telles critiques. Toute l'intelligence du rapport de la Cour des Comptes est de non seulement recenser les imperfections de l'intercommunalité mais aussi d'imaginer des pistes pour l'améliorer.
Que fallait-il faire de ces nombreux rapports et études qui pointent, chacun à sa façon et avec sa sensibilité, les imperfections qui sont parfois venues fragiliser le mouvement de construction de l'intercommunalité ? Les ignorer ? Je ne crois pas.
S'en servir pour tenter d'améliorer encore davantage l'intercommunalité ? Précisément.
Mon sentiment est qu'après une première phase d'adolescence avec tout ce que cela suppose de tourments et de contradictions, nous devons passer à un nouvel âge de l'intercommunalité. Celui de la maturité.
A certains endroits, il est indéniable qu'on a parfois voulu construire trop vite. Il faut, par conséquent, adopter une approche plus qualitative du mouvement intercommunal en améliorant encore son mode de constitution et de fonctionnement.
La circulaire du Ministre d'Etat va exactement dans ce sens : elle vise, tout en respectant ses nombreux acquis, à engager un processus de rationalisation et de simplification de l'intercommunalité.
Cette relance devra s'articuler autour de trois axes prioritaires :
- avant tout, la rationalisation des périmètres (a) ;
- ensuite, la définition d'un intérêt communautaire (b) ;
- enfin, une clarification des relations financières entre les EPCI et les communes (c)
(a) La première des priorités est d'accroître la lisibilité de la carte intercommunale, tout simplement parce que rien ne peut se construire sans périmètre pertinent.
La Cour des comptes met l'accent sur le caractère parfois trop exigu de certains périmètres communautaires qui ne permettent pas toujours d'apporter des réponses pertinentes aux problématiques locales. Cette critique porte, par exemple, sur les zones rurales où bon nombre de communautés de communes n'atteignent pas une taille leur permettant d'être un véritable outil du développement local.
Si cela peut se comprendre lorsqu'on est dans des secteurs à faible densité où des communautés autour de 2.000 habitants peuvent être pertinentes, je crois qu'il faut éviter ailleurs les communautés inférieures à 5.000 habitants.
De même, il faut systématiquement éviter de créer aujourd'hui de nouvelles communautés qui reposeraient seulement sur deux communes.
Qui peut nier que les périmètres pertinents sont ceux cohérents en terme de bassins de vie, de bassins d'emploi, de zones de chalandises, de flux de transport? Nous devons toujours envisager l'intercommunalité comme une intercommunalité de projet.
Par exemple, l'existence de ce qu'il est convenu d'appeler des communautés défensives en périphérie des agglomérations de bourgs-centres n'est pas toujours satisfaisante et nous devrons sans doute travailler à leur fusion pour mieux fertiliser leurs territoires.
Les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) travailleront très prochainement à un schéma d'orientation qui fixera le cap sur le moyen terme d'une intercommunalité idéale.
Ce schéma ne sera en rien un nouveau dispositif contraignant mais bien un instrument de concertation et de dialogue. Je souhaite, d'ailleurs, que les Préfets associent beaucoup plus les CDCI qui doivent être des interlocuteurs permanents sur un sujet aussi difficile.
(b) En ce qui concerne l'intérêt communautaire, vous le savez, le délai fixé par la loi du 13 août 2004 a été prolongé d'une année par la loi du 13 juillet 2005, venant, ainsi, à échéance, le 18 août 2006.
La clarification du rôle respectif des EPCI et de leurs communes membres est, aujourd'hui, une nécessité car elle rendra plus lisible pour les électeurs et les contribuables locaux l'action de leurs collectivités.
L'échéance du 18 août 2006 constitue, au-delà de son objet principal, une occasion unique pour les EPCI et leurs communes membres de mettre leurs statuts en conformité avec la réglementation en vigueur et d'engager de véritables réflexions tendant à renforcer l'efficacité de leurs interventions et la cohérence de leurs projets communs. Ce nouveau délai est une chance d'aller plus loin, je vous demande d'y accorder dès à présent une attention toute particulière.
(c) S'agissant, enfin, des relations financières des EPCI et de leurs communes membres, vous devrez veiller à ce que l'évaluation des charges correspondant aux transferts de compétences soit réalisée en toute objectivité et ne soit pas arrêtée à un montant inférieur à la réalité.
Je crois que l'intercommunalité doit encore davantage gagner en lisibilité et apparaître non pas comme un facteur supplémentaire de complexité dans notre paysage institutionnel mais, au contraire, comme une réponse rationnelle et adaptée au morcellement communal.
J'espère que vous m'avez bien compris : c'est bien parce que le gouvernement mise pleinement sur l'intercommunalité et la considère comme la clé de l'avenir de nos territoires qu'il se permet d'être exigent à son égard. Ne gâchons pas cette chance pour demain !
Avant de conclure et pour la part qui me revient en matière de services publics en milieu rural, permettez-moi de vous dire à quel point je tiens au rôle de guichet unique que vos mairies doivent pouvoir jouer.
Comme l'a dit hier le Premier Ministre, la première maison des services publics, c'est la mairie. Au-delà de vos fonctions d'état civil que vous assumez déjà comme agents de l'Etat, vos mairies doivent pouvoir devenir des lieux où sont exercés des formalités administratives, des prestations commerciales de service public et constituer ainsi des "guichets uniques de la République".
Les avancées seront très concrètes pour l'usager : cela permettrait à la fois de déposer en mairie les demandes de cartes grises, de passeports mais aussi de réserver des billets de train ou encore de souscrire à un contrat EDF?
Ces guichets uniques devront être aussi permettre aux citoyens d'avoir un accès direct à des services en ligne grâce à une sorte d'écrivain public Internet. De nombreuses formules seront mises en place afin que vous puissiez disposer d'un emploi permettant de remplir cette mission.
Nous sommes, à cet égard, en train de proposer aux premiers maires qui le souhaitent de tester cette possibilité à travers un partenariat. Le guichet unique n'est, cependant, qu'un exemple parmi d'autres.
Voici ce que je souhaitais vous préciser ce matin sur l'avenir de l'intercommunalité. Je voudrais terminer mon propos devant vous en vous insistant sur la chose suivante.
Trop de rendez-vous politiques ont été manqués ces dernières années. Nous devons apprendre, tous ensemble, responsables nationaux et locaux, à écouter les Français et à calquer nos politiques sur leurs attentes réelles. Etat comme collectivités locales, nous ne sommes que des instruments au service des Français.
Mais nous sommes des instruments majeurs, répondant à une belle ambition, celle qui consiste à être à la hauteur des exigences de nos compatriotes. Je sais, sur ce point, que je peux compter sur vous.
Une chose est certaine : notre responsabilité à nous tous, acteurs publics, est trop grande pour faire preuve de démagogie, de conservatisme et, encore moins, d'immobilisme.(Source://www.interieur.gouv.fr, le 28 novembre 2005)