Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le projet de loi sur l'eau, la taxe piscicole et le projet de création de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), Paris le 28 novembre 2005.

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Circonstance : Congrès national des présidents des fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique à Paris le 28 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Union nationale des pêcheurs,
Monsieur le Ministre, Président du groupe parlementaire pêche de loisir,
Mesdames messieurs les élus,
Mesdames messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai en tant que Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable à être parmi vous ce matin. Je souhaite à cette occasion vous dire que je suis à votre écoute comme j'ai pu l'indiquer au président Roustan lors de notre première rencontre dès cet été.
Les pêcheurs sont des citoyens attachés avec passion à la qualité des milieux aquatiques. Ce sont un million six cent milles personnes qui connaissent nos cours d'eau dans leurs moindres détails et sont particulièrement engagés dans leur défense. Je n'oublie pas que la pêche amateur représente aussi une activité économique et touristique importante.
Je sais que l'examen du projet de loi sur l'eau et des milieux aquatiques est au c?ur de vos préoccupations. Vous avez clairement exprimé votre soutien à cette loi, tout en faisant connaître vos positions divergentes sur certains points et vos préoccupations pour que la vie piscicole reste un souci majeur de la politique de l'eau.
Malgré un calendrier parlementaire chargé, son examen à l'Assemblée nationale est prévu pour février 2006. D'ici là, je serai particulièrement attentive à vos propositions d'améliorations du texte en liaison étroite avec les rapporteurs Messieurs FLAJOLET et SIDO.
Ce projet de loi contribuera à atteindre un objectif partagé par l'ensemble des pays européens : celui du bon état des eaux en 2015. Aujourd'hui, cet objectif n'est atteint que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles. C'est dire le chemin qu'il nous reste à accomplir !
Cet objectif peut paraître ambitieux, mais il est clair, mobilisateur et s'inscrit totalement dans une politique de développement durable : plutôt prévenir et préserver un milieu naturel en bon état, que guérir et supporter des coûts de traitement de l'eau de plus en plus onéreux.
Garantir une ressource en eau potable, concilier le développement d'activités économiques et d'activités de loisirs comme la pêche ou la baignade, tout en assurant la protection des milieux aquatiques ; c'est en ce sens que la loi sur l'eau française de 1992 avait érigé l'eau en « patrimoine commun de la nation ».
Plusieurs points du projet de loi vous tiennent à c?ur : les barrages, la gestion quantitative de l'eau, la lutte contre les pollutions diffuses, mais aussi la difficile question des eaux libres et des eaux closes, l'évolution du CSP et l'organisation de la pêche au niveau national.
En matière de protection des rivières et de gestion des obstacles qui affectent la reproduction des grands migrateurs, je considère qu'un compromis acceptable a été trouvé entre la sauvegarde des milieux aquatiques et l'utilisation des ressources hydroélectriques pour lutter contre l'effet de serre.
Je connais votre sensibilité aux effets de la sécheresse. Je sais que dans certains départements les pêcheurs ont laissé leurs lignes au repos pour ne pas déranger les poissons durant l'été critique que nous avons connu cette année. Je tiens à saluer cette attitude responsable. Nous devons nous préparer à faire face au retour plus fréquent de tels épisodes. C'est pourquoi j'ai présenté le 26 octobre dernier un plan de gestion de la rareté de l'eau.
Au-delà des mesures d'anticipation et de gestion de crise nous devons réduire structurellement notre vulnérabilité aux sécheresses. Le projet de loi renforcera les dispositifs en matière de gestion quantitative des ressources en eau.
En matière de lutte contre les pollutions diffuses, le projet de loi doit permettre à nos agriculteurs de s'adapter aux contraintes imposées par la Directive Cadre sur l'Eau. Il prévoit la mise en ?uvre de plans d'actions concertés par bassins versants pour modifier les pratiques agricoles, avec la possibilité de rendre certaines d'entre elles obligatoires après concertation.
Le projet de loi comporte aussi des mesures plus directement orientées vers le cycle biologique du poisson dans l'esprit de la « loi pêche » de 1984. Il prévoit de nouveaux concepts comme les réservoirs biologiques ou la continuité écologique, ou précise pour les rendre plus opérationnelles les dispositions en matière de préservation des frayères. Le dispositif actuel est renforcé pour la lutte contre le braconnage et la vente illicite des poissons, ce qui est important pour les espèces en déclin à l'échelle internationale, comme l'anguille ou le saumon.
Un débat a été engagé au Sénat sur la définition des eaux closes, sujet qui nourrit aujourd'hui trop de contentieux. Mon prédécesseur, Serge LEPELTIER, avait demandé une expertise juridique conduite par Madame VESTUR, conseiller d'Etat, avec le concours de juristes émérites. Cette expertise s'est fondée sur la jurisprudence actuelle, tout en prenant en compte les risques pour l'environnement. Elle contribuera à éclairer le débat à l'Assemblée nationale sur cette question difficile.
Le projet de loi sur l'eau, comprend également des points très importants en matière d'organisation institutionnelle comme vous l'avez souligné Monsieur le Président.
Le Conseil Supérieur de la Pêche au sein duquel les pêcheurs ont joué un rôle déterminant, a ?uvré depuis de nombreuses années, à la reconquête des milieux aquatiques, et permettez moi de rendre hommage à son personnel compétent et motivé par l'importance de ses missions.
Mais le contexte a évolué. Il est devenu indispensable de revoir notre organisation institutionnelle pour conforter l'action publique dans la mise en ?uvre de la Directive Cadre. Vous en êtes d'ailleurs les premiers demandeurs.
C'est en ce sens que le Sénat a entériné le projet de création de l'Office National de l'Eau et des Milieux aquatiques (l' O.N.E.M.A.). Les peuplements piscicoles sont de véritables indicateurs de la qualité des milieux aquatiques, et l'O.N.E.M.A continuera d'y porter un grand intérêt.
Les missions des agences de l'eau seront renforcées et mieux orientées vers les objectifs de la Directive Cadre, le Sénat ayant souligné également leur rôle en matière de solidarité envers le monde rural. Le dispositif des redevances bénéficiera d'un socle constitutionnel.
Dans le même temps, la taxe piscicole sera remplacée par une redevance pour les milieux aquatiques versée aux agences de l'eau dont le plafond devrait rester modeste et répondre ainsi à votre attente. Le financement de la surveillance des cours d'eau et des actions de police de l'eau et de la pêche réalisés par l'O.N.E.M.A sera assuré par l'ensemble des usagers de l'eau, et non plus restreint aux seuls pêcheurs. J'ai bien noté M. le Président votre souhait que cette redevance ne soit acquittée qu'une seule fois, et donc dans un seul bassin quel que soit l'endroit où l'on pêche. Soyez assuré que je serai vigilante sur ce point. Il est important de s'adapter aux modes de vie actuels. De plus en plus de personnes pratiquent la pêche dans des lieux variés notamment à l'occasion de vacances.
Il est important de faciliter cette évolution qui peut constituer, souvent dans un cadre familial, une véritable initiation écologique des générations futures.
Je relève également votre demande d'autorisation de pêcher gratuitement pendant les activités promotionnelles organisées sous l'égide des fédérations départementales de pêche.
Je ne serais pas opposée à un amendement au projet de loi ouvrant cette possibilité, car je crois que la promotion de la pêche est un véritable enjeu.
Enfin, une Fédération Nationale de la pêche et de la protection des milieux aquatiques est prévue par le projet de loi. Elle consacrera une reconnaissance nationale et permettra aux pêcheurs d'offrir une lisibilité nouvelle, avec je le souhaite, un renouveau de la vie associative. Elle est assortie d'une capacité financière et j'y ajoute ma confiance pour un partenariat efficace avec mon Ministère.
En complément du projet de loi, je tiens également à aborder l'ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l'eau et de la pêche. Son objectif majeur est de simplifier les procédures, en évitant des doublons entre ces deux procédures. Les délais d'instruction seront réduits pour les usagers. L'action de l'administration sera recentrée sur les opérations les plus lourdes tout en assurant un meilleur contrôle de terrain des prescriptions fixées. Il n'y a donc pas d'assouplissement des mesures de protection des milieux aquatiques. Au contraire, la possibilité nouvelle d'opposition à déclaration permettra de préserver le milieu même pour des aménagements modestes en taille mais parfois importants par leurs conséquences.
Vous avez évoqué la possibilité de déroger aux justifications d'agrément des gardes particuliers. Ceci est du ressort de mon collègue, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire. Un défaut de procédure avait conduit au fil des décennies à de nombreux conflits pour excès de pouvoir. Il est indispensable de rétablir une règle applicable à l'ensemble des gardes particuliers urbains et ruraux. Règle qui pourra prendre en compte la notion de bail verbal. Par ailleurs, je suis attachée à ce que l'O.N.E.M.A. poursuive la surveillance des rivières, ainsi que le font aujourd'hui les brigades du CSP, dont la présence sur le terrain sera maintenue.
Vous avez récemment attiré mon attention sur les obligations de gestion piscicole faites aux pêcheurs de toutes catégories. Vous souhaitez que cette charge soit partagée avec les pêcheurs professionnels et amateurs aux engins.
Je partage ce point de vue, car je tiens à ce que ces trois catégories de pêcheurs cohabitent de façon harmonieuse. Des collaborations locales pour la défense des milieux aquatiques permettront de la conforter. Un rapport de l'Inspection Générale de l'Environnement ouvre d'ailleurs des voies dans ce sens et la Direction de l'Eau s'y emploie actuellement.
La sensibilisation et l'initiation aux milieux aquatiques ont toujours été au centre de la vie associative des pêcheurs. Ceux-ci comptent parmi les publics les plus mobilisés sur ces sujets.
La Directive Cadre a aussi consacré l'implication et la participation du public dans la définition de la politique locale de l'eau. Il s'agit de sensibiliser le grand public.
Une grande campagne télévisée de communication sur l'eau vient de s'achever. 22 millions de téléspectateurs auront ainsi vu en moyenne six fois le message diffusé. Cette campagne a amené les Français à participer à la consultation sur l'eau qui vient de s'achever le 2 novembre dernier. C'est un succès qui s'est également construit autour de débats sur l'état des lieux de nos bassins. Cela montre à quel point nos concitoyens sont attachés au thème de l'eau et s'en approprient les enjeux. Les actions menées par les pêcheurs sur le terrain ne sont certainement pas étrangères à ce succès.
Pour conclure, je vous redis mon ferme attachement à ce que la loi sur l'eau soit adoptée en 2006. J'ai bien entendu toute l'attente que vous avez exprimée Monsieur le Président. Il convient parallèlement de préparer avec les différents partenaires et notamment les pêcheurs les textes d'application. Je sais que ce travail est en cour en relation avec la Direction de l'eau.
Je voudrais également redire que la communauté des pêcheurs est un allié essentiel de la protection des milieux aquatiques. Ces dernières années cette communauté s'est réduite. La perception de la pêche par une population essentiellement urbaine est trop souvent celle d'une activité du passé. Je suis convaincue du contraire. La pêche est, notamment pour les plus jeunes, un lieu fort d'apprentissage écologique, mais aussi de citoyenneté au sein de nombreuses associations que vous regroupez.
Elle constitue à ce titre une activité d'avenir, qui devrait connaître le même développement que d'autres activités de nature. Il s'agit peut-être d'en faire évoluer l'image et d'adapter ses modalités pour mieux répondre aux différentes attentes de nos concitoyens.
Aussi, j'appelle de mes v?ux que votre communauté retrouve un nouveau souffle dans les années à venir. Mon ministère sera à vos cotés.
Je vous remercie. Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 2 janvier 2006