Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et président de l'UMP, sur la prévention de la délinquance, notamment dans les établissements scolaires, les mesures contre l'immigration clandestine et la protection civile, Pointe-à-Pitre le 9 mars 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Nicolas Sarkozy - Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et président de l'UMP

Circonstance : Déplacement en Guadeloupe les 9 et 10 mars 2006-rencontre avec les services de police, de gendarmerie et les sapeurs pompiers à la préfecture de la Guadeloupe le 9

Texte intégral

Ma venue aux Antilles, aujourd'hui en Guadeloupe, demain en Martinique, est un voyage très important pour moi qui suis en charge de la sécurité des Français, de tous les Français, qu'ils vivent à Strasbourg, à Toulouse, à Ajaccio ou à Basse-Terre.
Il y a longtemps que je souhaitais faire ce déplacement et vous rencontrer.
Quand je regarde l'évolution générale dans tout l'Arc Caribéen, il me semble que la situation doit non seulement faire l'objet, au plus haut niveau, d'un suivi attentif mais aussi d'un engagement global qui mobilise tous les partenaires, l'Etat, les collectivités, les élus et plus généralement tous les partenaires dont le monde associatif.
Je suis donc particulièrement satisfait de pouvoir aujourd'hui faire un point de situation avec vous qui représentez l'ensemble des policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers en charge de la sécurité des guadeloupéens.
Avant de vous rappeler votre feuille de route, je veux d'abord que l'on rende ensemble un hommage au Major Clin, victime du devoir le 12 février dernier à Saint-Martin.
J'ai d'ailleurs reçu ce matin Madame CLIN et des militaires de la brigade de Marigot pour leur exprimer tout mon soutien.
Vous avez été tous choqués, je le sais, par des réactions inadmissibles de certains individus présents sur les lieux. Je partage votre indignation. Les élus guadeloupéens ont également témoigné leur émotion et leur soutien. Vous exercez un métier difficile, parfois dangereux, sachez que je suis à vos côtés et attaché à vous donner les moyens de remplir votre mission.
S'agissant de Saint-Martin, j'ai immédiatement décidé de prendre les mesures complémentaires pour que soit assurée avec détermination la protection des personnes et des biens, tant des habitants que des centaines de milliers de touristes qui visitent l'île chaque année.
Outre l'affectation en cours de 8 policiers de la PAF et la transformation de l'antenne locale de la DIPJ en antenne de l'OCRTIS, regroupant des policiers, gendarmes et douaniers, j'ai approuvé les propositions du directeur général de la gendarmerie de renforcer les capacités d'intervention du PSIG de St-Martin en y adjoignant notamment une équipe cynophile, de créer une antenne permanente de la brigade de prévention juvénile de Guadeloupe et d'activer un centre opérationnel.
J'ai également appelé l'attention du Garde des Sceaux sur la situation. Celui ci vient de me faire connaître, et je l'en remercie, les décisions qu'il venait de prendre. Un substitut est ainsi d'ores et déjà présent à Saint Martin trois jours par semaine, un poste supplémentaire de substitut sera créé au Tribunal de Grande Instance de Basse-Terre afin de siéger de façon permanente à Saint-Martin à compter de cet été. Enfin dans le cadre de la réforme institutionnelle des îles de l'Archipel du Nord, un tribunal d'instance devra être créé à Saint-Martin et devrait fonctionner dès 2007.
Mais, je suis aussi là pour vous dire ce que j'attends concrètement de chacun.
Un mot d'abord sur les chiffres et les statistiques : En 2005, avec un taux de 63,6 pour mille, à rapprocher de la moyenne nationale qui se situe à 62,35 pour mille, la Guadeloupe a connu une diminution de 2,44 % de la délinquance générale par rapport à 2004.
Cette évolution favorable rompt avec l'augmentation observée entre 2001 et 2004. Cela est encourageant.
Les indicateurs d'activité sont également, et ce de manière continue, à la hausse depuis 2001. Le taux d'élucidation est notamment passé de 30,7% à 39,5%. Cela reflète votre activité et une efficacité accrue dans le domaine de l'investigation.
Ces résultats ne doivent pas masquer cependant des évolutions préoccupantes dans deux domaines : les violences aux personnes sont en augmentation sensibles et l'implication des mineurs a doublé, ce qui est considérable.

Voilà des tendances lourdes qui indiquent clairement vos axes d'effort prioritaires :

  • Il faut orienter vos actions sur les violences aux personnes.
  • Il faut développer aussi toutes les initiatives en matière de prévention. C'est la raison d'ailleurs pour laquelle je cosignerai symboliquement à l'issue de notre entretien le document officialisant la création du Conseil Intercommunal de Sécurité et de Prévention de la Délinquance de la Communauté de Communes du Sud-Basse-Terre. Cet exemple doit servir de modèle aux communes d'au moins 5 000 habitants. Je me suis attaché, comme vous le savez, à ce que les maires disposent de réelles et larges prérogatives en matière de prévention.

Mais ce CISPD est aussi intéressant, car il va permettre d'étendre l'expérimentation de vidéosurveillance en cours sur le site du Champ d'Arbaud aux établissements scolaires et à certains établissements publics. Nous devons utiliser pleinement les potentialités que nous offrent les nouvelles technologies et j'ai d'ailleurs récemment fait adapter la législation pour étendre l'usage de la vidéosurveillance.
En ce qui concerne la sécurité des établissements scolaires, je vous demande de vous inscrire dans une double démarche, préventive en associant pleinement les chefs d'établissements aux CISPD et réactive en répondant systématiquement aux sollicitations de la communauté éducative. Pour cela, vous désignerez pour chaque établissement un référent qui non seulement sera un interlocuteur qualifié mais qui sera également en mesure d'assurer des permanences au sein même de l'établissement si la demande en est faite.
Dans un domaine qui me tient à c?ur, celui de l'égalité des chances, j'ai demandé à ce que l'on mette en place ici des cycles préparatoires aux concours qui permettront à des étudiants antillais d'accéder plus facilement aux fonctions de commissaires et d'officiers. Par ailleurs un dispositif "cadets de la république" sera installé dans chaque département d'outre-mer.
Mais la Guadeloupe est également confrontée à un problème majeur, celui de l'immigration clandestine.
Sans méconnaître la détresse de certaines situations, nous devons appliquer les lois et combattre fermement les filières et tous ceux qui tirent profit de la misère humaine. Nous devons contrôler la situation. C'est une des conditions majeures d'un développement maîtrisé de la société guadeloupéenne dans tous les domaines.

Notre réponse doit nécessairement combiner un ensemble de mesures :

  • Au plan législatif, d'abord, pour renforcer notre efficacité j'ai proposé dans le projet de loi sur l'immigration des mesures permettant de lutter contre l'immigration subie. Désormais, par exemple, lorsque le préfet refusera un titre de séjour, cette décision obligera automatiquement l'étranger à quitter le territoire dans un délai d'un mois. J'ai également décidé d'être beaucoup plus ferme à l'égard des étrangers demandant leur régularisation : il n'y aura plus de"prime " à la clandestinité. Pour tenir compte de la pression migratoire exceptionnelle en Guadeloupe, deux dispositions particulières déjà applicables en Guyane et sur la commune de Saint Martin seront adoptées pour une période de cinq ans. D'une part, il sera possible de procéder, avec l'assentiment du conducteur ou à défaut sur instructions du procureur à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà ainsi que sur les routes nationales 1 et 4. D'autre part, les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière et contre les obligations de quitter le territoire français n'auront plus de caractère suspensif sur l'ensemble de votre département.
  • Au plan diplomatique ensuite, je vais signer avec le gouvernement du Commonwealth de La Dominique un accord visant à faciliter la circulation des ressortissants dominiquais dans les départements français d'Amérique ainsi qu'un accord relatif à la réadmission et au transit des personnes en situation irrégulière. Cela nous permettra notamment de mieux lutter contre les filières organisées à partir d'Haïti.
  • Au plan opérationnel enfin, dès la fin 2005, une cellule de coordination opérationnelle inter-services, animée par le chef de la PAF a été créée pour déterminer les stratégies et objectifs à adopter.

J'ai fait ouvrir au 1er janvier de cette année une antenne permanente de l'OFPRA pour réduire les délais de traitement des demandes d'asile de 4 mois à 2 mois.
J'ai également décidé la mise aux normes du CRA du Morne Vergain et l'accroissement de ses capacités d'accueil. Ce centre passera de 20 à 60 places en cours d'année et recevra pour son fonctionnement le renfort de 27 fonctionnaires de la PAF. Je sais qu'en attendant les aménagements qui s'imposent de manière urgente, la situation actuelle n'est pas facile même si elle n'est que provisoire.
Sur le terrain, le Préfet qui a désormais une délégation pour l'action de l'Etat en mer est en mesure de mener des opérations efficaces de surveillance en mer et, sur terre, de recherche et d'interception des clandestins. Les moyens aériens et nautiques ont été renforcés. La gendarmerie expérimentera d'ailleurs prochainement une embarcation rapide mise à disposition par la Douane et destinée à intercepter les passeurs. Si les résultats sont probants, alors s'en dotera-elle en propre. Des équipements de vision nocturne sont également en cours de livraison.
Au total, l'ensemble de ces mesures devrait nous permettre d'accroître en 2006 le nombre d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et atteindre ainsi l'objectif de 2 000 reconduites.
S'agissant maintenant de l'organisation de notre dispositif général de sécurité, depuis trois ans, la situation a beaucoup évolué.
Un travail nécessaire a notamment été accompli en matière de redéploiement. La direction départementale de la sécurité publique a ainsi pris en compte, par phases successives, la totalité de la commune de Gosier (25 000 habitants) et a bénéficié à ce titre d'un renfort de 24 effectifs. Les capacités d'investigations de la police nationale ont également été renforcées avec 17 fonctionnaires et ses moyens de contrôles des frontières avec 46 agents supplémentaires.
La gendarmerie nationale a, quant à elle, redéployé 15 militaires dans sa zone et bénéficié de 11 postes budgétaires nouveaux.
Pour moi désormais, l'efficacité doit s'évaluer en considérant l'utilisation optimale des moyens accordés au regard des objectifs fixés, lesquels doivent être fondés sur des diagnostics lucides, rigoureux et régulièrement réévalués.
Face aux enjeux qui sont les vôtres en matière de délinquance, je demande aussi que sous l'égide du préfet et en liaison étroite avec l'autorité judiciaire, le recours au GIR soit beaucoup plus systématique. Les actions doivent être programmées, planifiées et multipliées. Il est indispensable en effet, si l'on veut s'attaquer sérieusement aux phénomènes déstabilisants, qu'on les traite en profondeur, le plus en amont possible, et dans la durée.
Pour vous aider les uns et les autres, je demande aux deux directeurs généraux de renforcer vos moyens d'intervention et de sécurité en vous dotant de pistolets à impulsion électrique, en commençant pour la gendarmerie par Saint-Martin, et d'entreprendre l'installation de systèmes de géo-localisation à bord des véhicules.
Un mot sur la sécurité routière : l'évolution de la situation a été favorable en 2005 en matière d'accidents mortels.
On observe cependant une dégradation des comportements des automobilistes. La vitesse, tout particulièrement, doit continuer à faire l'objet d'une attention particulière?4 radars fixes ont été installés et 1 radar mobile automatique sera mis en place prochainement. Cette dotation en radars mobiles sera vraisemblablement amenée à évoluer.
Les sapeurs-pompiers de la Guadeloupe se doivent également d'être à la hauteur des enjeux opérationnels.
Les séismes, les cyclones, le volcan de la Soufrière, comme l'hypothèse d'un raz de marée sont des risques contre lesquels il vous faut vous préparer en permanence.
L'éloignement de la métropole accroît votre vulnérabilité aux risques naturels auxquels vous êtes exposés. Cette situation appelle une capacité de secours suffisante pour assurer une réponse significative dans les premiers jours d?une catastrophe.
C'est pourquoi pour chacun des risques ultra marins, les capacités de coordination opérationnelle et de réponse de tous les acteurs civils, militaires et privés seront évalués avant la fin de l'année. Il faut que dans le domaine de la sécurité civile l'égalité se renforce entre les Français d'Outre-mer et ceux de métropole.

C'est aussi pour toutes ces raisons qu'un hélicoptère de la sécurité civile a été affecté en complément de celui de la gendarmerie nationale.
Je sais que le conseil général et à travers lui le conseil d'administration du SDIS joue son rôle en vous dotant des instruments nécessaires. La construction de votre état-major et du centre de secours principal de Point à Pitre dont la première pierre a été posée en 2005 est un bel exemple. Déjà le SDIS de la Guadeloupe a tenu à tester ce que sera le futur centre de traitement des appels couplé à un véritable centre opérationnel en mettant en place le matériel expérimental dans ses locaux actuels. J'approuve pleinement cette démarche. On ne peut réduire la distance entre Basse-Terre et Point à Pitre, mais on peut rapprocher les hommes et les institutions en se donnant les moyens de communications.
J'observe cependant que le volontariat n'est pas une tradition bien établie. J'ai mis en place un ensemble de dispositifs propres à le rendre plus attrayant et à en faciliter la disponibilité de la part des employeurs. Il faut le faire savoir et les élus locaux doivent être les relais de proximité indispensable pour susciter les vocations.
Quant à vous les sapeurs-pompiers professionnels, vous avez bénéficié d'avancées significatives, notamment sur la gestion de votre fin de carrière.
Le congé pour raison opérationnelle ouvre, dès l'âge de 50 ans, à ceux qui rencontrent de réelles difficultés physiques ou psychologiques des possibilités de reclassement intéressantes. C'est là tenir compte de la dangerosité de votre métier.
Vous le voyez, j'attends beaucoup de vous tous policiers, gendarmes, et sapeurs-pompiers. Toute la Guadeloupe compte sur votre engagement. Je sais que vous avez à coeur d'être fidèles aux valeurs des institutions auxquelles vous appartenez.

Source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 mars 2006