Texte intégral
Chers Camarades,
Nous concluons à Lille la deuxième étape des Etats généraux du projet sous la houlette d'Henri Emmanuelli. Nous voulions être à Lille pour cette journée consacrée aux Territoires, à la décentralisation, au logement. À Lille, parce que c'est Martine et que des actions exemplaires sont menées là ; à Lille parce que c'est aussi l'agglomération de Pierre Mauroy dont le nom est forcément attaché à l'histoire de la décentralisation.
Nous avons voulu faire coïncider la volonté des élus -et pas seulement celle des élus socialistes- de dire leur colère et celle qui est la nôtre de proposer. Il s'est trouvé également qu'à Lille aujourd'hui, aussi, se réunit la coordination étudiante pour affirmer la colère de la jeunesse par rapport au Contrat Première Embauche. Il y a donc de la colère partout dans notre pays. Une colère qui ne faiblit pas car elle a des raisons de s'entretenir, de se mobiliser, de s'exprimer. Et ce n'est pas l'intervention de Jacques CHIRAC hier soir qui apaisera l'humeur, l'agitation des temps d'aujourd'hui et sans doute de demain.
Nous attendions de Jacques CHIRAC -s'il fallait en attendre encore quelque chose- une décision simple, claire, évidente tant il était interpellé lui-même ; nous nous attendions à ce qu'il nous dise, après deux mois de mouvements contre le CPE, qu'il n'allait pas promulguer la loi ou, en tout cas, l'article 8 de cette loi qui, précisément, introduisait le Contrat Première Embauche. Nous n'avons pas obtenu, pour l'instant, cette décision. Jacques CHIRAC a préféré créer une confusion -une de plus, mais celle-là est d'importance : il nous a dit qu'il allait promulguer la loi, en ajoutant qu'il ne l'appliquerait pas. Il faut parfois le suivre, Jacques CHIRAC ! Et lui-même, d'ailleurs, a quelques difficultés à se suivre lui aussi !
La confusion, c'est qu'au sein de son équipe -si tant est qu'il en ait encore une- il faut à la fois sauver la face de Dominique de Villepin et donner la main à Nicolas Sarkozy. Pas facile entre main et une face de trouver le compromis ! Alors, il a fait un acte politique : il a simplement rappelé qu'entre Villepin, Sarkozy et lui-même, c'est tout simplement la même chose.
Mais, après la confusion, est venu l'imbroglio, car il nous a dit que la loi s'appliquait donc, puisqu'elle est promulguée, et que le Contrat Première Embauche devait entrer en vigueur... Mais, le patronat sera sollicité pour ne pas créer justement d'embauche sous cette forme. On supplie donc les entreprises de ne pas appliquer la loi que l'on vient de promulguer... Allez comprendre !
Même le patronat a du mal ! Il demandait d'ailleurs à peine le CPE ; on lui offre ; et maintenant, il faudrait attendre. Et pourquoi ? Parce que, et c'est là qu'intervient la manoeuvre, une proposition de loi serait en train d'être préparée pour changer les modalités du CPE. Non pas de changer le CPE, mais de créer une forme de « CPE bis », un CPE aux couleurs du précédent sans en avoir tout à fait les formes !
C'est là que nous devons, nous les socialistes mais pas simplement nous, nous mobiliser une nouvelle fois contre cette manoeuvre car il n'y a qu'une seule action aujourd'hui à engager : l'abrogation du Contrat Première Embauche, sa suppression, son annulation.
Et, puisque la droite nous dit-on prépare une proposition de loi pour corriger le CPE, pour créer ce « CPE bis », le groupe socialiste à l'Assemblée nationale déposera lui aussi sa proposition de loi et portera en article 1 la formule suivante : « Le CPE est supprimé, le CPE est abrogé ». Voilà ce que nous ferons dans les prochains jours.
Il nous faut, dans cette période dure pour notre pays, éprouvante même, dans cette période de tensions, de conflits, faire preuve de plus de responsabilité que ceux qui nous gouvernent, de plus de hauteur de vue que ceux qui ont eu -par le suffrage universel- la mission de pacifier, de concilier, d'arbitrer entre les intérêts particuliers. Il faut que les manifestations de mardi soient puissantes ; il faut que nous soyons encore plus nombreux dans les manifestations du 4 avril prochain si l'on veut obtenir l'abrogation du CPE et, en même temps, nous devons mettre en cause le pouvoir et lui dire qu'en poursuivant ainsi la confrontation, il porte lui-même la responsabilité des incidents qui pourraient s'y produire. Il ne faut pas que cette colère déborde et prenne d'autres caractères ; il faut donc dès à présent dire qu'il n'y a qu'une seule façon d'arrêter le conflit, d'en terminer avec la division que le pouvoir installe entre les Français, c'est de retirer ce Contrat Première Embauche.
Voilà pourquoi il faut, au-delà de la protestation qui est la nôtre, de la contestation légitime que nous affirmons avec d'autres, aussi faire preuve de propositions dans l'acte de responsabilité. C'est ce que nous faisons depuis maintenant plusieurs semaines : commission du projet, Etats généraux du projet, réflexion collective, participation des syndicats, des associations à nos propres efforts de réflexion et de propositions.
Aujourd'hui, nous abordons la question de la décentralisation qui est un projet de société en tant que tel, et nous l'avions conçu ainsi au début des années 80. La décentralisation n'est pas simplement la réforme de l'Etat, une meilleure organisation de la décision publique. Pour nous, la décentralisation est un projet de société pour faire émerger une démocratie locale, une démocratie participative des citoyens actifs, mais aussi pour promouvoir une égalité entre les territoires et une solidarité sur l'ensemble de notre pays.
Plus de 25 ans après cette grande loi de décentralisation, la droite a mis en pièce l'héritage, a abîmé l'idée même de décentralisation en la rendant confuse : enchevêtrement des compétences, expérimentations de toute nature, compétences affaiblies pour les uns renforcées pour les autres sans que l'on en comprenne les raisons, oubli de l'intercommunalité... Tout cela a été rendu illisible pour les citoyens mais aussi pour les élus. La droite a rendu injuste l'organisation même des pouvoirs locaux, puisque l'Etat décentralise ses déficits, transfert ses compétences sans les moyens correspondants et refuse toute solidarité territoriale avec, par exemple, l'abandon des contrats entre l'Etat et les régions, au prétexte que les Régions -on le sait- sont devenues entre temps pour l'essentiel socialistes.
Nous nous trouvons face à une décentralisation injuste, confuse, coûteuse même pour les élus qui sont privés de toute autonomie fiscale -perte de la capacité de beaucoup de collectivités de décider de leur taxe professionnelle ou ce fameux bouclier fiscal qui n'est rien d'autre que la meilleure manière, pour l'Etat, de faire un nouveau cadeau aux plus riches payé néanmoins par les collectivités locales. Ce qui aboutit à cette situation invraisemblable où l'Etat peut baisser les impôts des plus favorisés et, en même temps, renvoie sur les collectivités locales la responsabilité, pas toujours facile à prendre pour financer les services publics, d'augmenter les impôts -et notamment ceux qui pèsent sur les plus faibles et les plus modestes.
Devant cette situation, nous avons à montrer que nous avons confiance en notre pays. Il faut donner un projet, donner une vision, un sens. Il faut montrer qu'il y a une espérance.
La décentralisation est une manière de retrouver la confiance entre nous. Nous souhaitons une nouvelle étape de décentralisation. Pour cela, il faut un acte fort.
La première proposition que nous faisons, c'est d'organiser des Assises des Territoires dès la gauche revenue aux responsabilités en 2007 pour que nous soyons exemplaires en matière de démocratie et de concertation.
Ce que ferait un gouvernement de gauche au lendemain de la victoire d'un Président de gauche, d'une assemblée majoritairement à gauche, ce serait de convoquer deux grandes réunions : la première avec les partenaires sociaux pour délimiter les responsabilités de chacun, fixer les objectifs communs, relever ce qui vient de l'Etat et ce qui doit être renvoyé à la négociation collective. Etre capable de fixer ensemble les financements nécessaires pour donner à la solidarité autre chose qu'une incantation. Et puis la deuxième avec les Territoires pour que l'on sache aussi ce que l'Etat devrait faire et ce que les collectivités auraient à assumer dans un cadre clair avec des financements correspondants.
La deuxième proposition que nous faisons, c'est une loi-cadre qui organiserait les territoires, les responsabilités de chacun. Nous en terminerions forcément avec la loi Raffarin du 13 août 2004.
Il faut, c'est vrai, clarifier les compétences et j'ai constaté qu'entre nous, il pouvait y avoir encore quelques débats :
Certains souhaitent des blocs de compétences (Régions : le développement économique, la formation professionnelle et les aspects territoriaux de l'action régionale ; les départements : la solidarité et les routes) ; blocs de compétence qui auraient, au moins, comme vertu de savoir qui fait quoi, ce qui n'est pas inutile en démocratie. Rien n'est aussi simple car à l'échelle d'un département ou de l'action intercommunale il y a aussi de l'action économique, de l'action pour l'emploi et il n'est pas aussi facile de relever ce qui est de la compétence de l'un ou de l'autre. Alors, fixons ces blocs et, en même temps, permettons les coopérations.
D'autres évoquent le fait de déterminer le rôle de l'Etat. Nous avons eu raison de demander à ce que l'Etat soit un acteur de la solidarité territoriale. Car, s'il s'agissait simplement que la solidarité soit entre les territoires eux-mêmes, l'Etat n'aurait finalement qu'un rôle de répartiteur. Et il prendrait aux uns pour donner aux autres... Ce serait si simple ! Non pas qu'il ne faille pas cette solidarité entre collectivités -nous l'avons d'ailleurs nous-mêmes promu. Mais il faut que l'Etat fasse aussi ses choix et intervienne lui-même sur les territoires les plus en difficulté. La semaine dernière nous étions à Bondy, notamment dans les quartiers difficiles. Aujourd'hui nous sommes dans le Nord-Pas-de-Calais qui souffre de beaucoup de retard, notamment en matière sanitaire ou d'équipements universitaires. Il faut donc que l'Etat, dans ses politiques, fasse ses choix.
Le rôle de l'Etat est aussi de faire la réforme de la fiscalité locale. Dans notre exercice régulier de battage de coulpe ou de mauvaise conscience, nous évoquons souvent le fait que nous n'ayons pas changé la fiscalité locale ; si nous ne l'avons pas fait c'est sans doute parce que c'est difficile ; mais il faudra tout de même le faire.
Comment ? Il faut une bonne fois changer, moderniser les bases de la fiscalité locale ou alors de quoi parlons-nous, quand on sait que les valeurs locatives qui servent de référence pour les impôts locaux datent des années 70 !
Il faut avoir une forme de spécialité de l'impôt et même créer de nouvelles formes de prélèvements -et notamment de prélèvements écologiques qui doivent de la responsabilité, pour partie, des collectivités locales.
Il faudra bien que nous prenions aussi la responsabilité d'affecter une part des impôts nationaux vers les collectivités locales si nous voulons vraiment faire acte de décentralisation.
Il a été enfin souligner le rôle majeur de l'Etat pour les services publics. Nos propositions là aussi sont claires : il faut que l'Etat assure partout sur le territoire des droits fondamentaux ; et parmi les droits fondamentaux, il y a le droit aux services publics. Un seuil minimal de services publics. Il faut aussi, sur la question de la santé -qui n'est pas en soi toujours organisé par l'Etat puisque cela relève aussi du secteur privé, qu'il y ait des obligations, des incitations permettant à chacun d'être soigné partout sur le territoire de la même manière.
Il y a aussi le rôle de l'Etat dans la préparation de l'avenir -et notamment par rapport aux nouvelles technologies. Si nous n'affirmons pas le droit pour chacune et chacun d'avoir un accès numérique, d'avoir la capacité de disposer de toutes les technologies, alors nous sommes en train de construire une nouvelle inégalité dont les plus faibles, les territoires les plus reculés seront les victimes.
L'Etat qui a abandonné toutes ses prérogatives -et pas simplement depuis 4 ans- doit redeveni un acteur capable de ré industrialiser une bonne partie des territoires les plus affectés par les mutations économiques. Nous proposons donc une Agence de ré-industrialisation avec des fonds d'Etat qui pourraient précisément permettre aux Régions de préparer, parfois d'anticiper, en tout de cas de régler les grandes questions des mutations économiques.
Si nous voulons la décentralisation, c'est pour un meilleur fonctionnement des pouvoirs publics ; c'est pour que le citoyen lui-même soit mieux servi, qu'il soit à l'égal de l'autre. Si nous voulons l'aménagement du territoire, c'est aussi pour une véritable démocratie. La démocratie doit être une des perspectives et un des instruments de notre projet. Si nous sommes socialistes, c'est que nous croyons qu'il est possible d'élargir le champ de la démocratie et que nous pensons que c'est par la démocratie que nous pouvons être les plus efficaces dans l'intervention publique.
C'est pourquoi, la démocratie locale doit être renforcée ; des propositions ont été faites : évolution du mode de scrutin -notamment pour les départements, élection au suffrage universel des communautés d'agglomération et de l'intercommunalité, mettre la durée des mandats à 5 ans, faire en sorte que le cumul puisse être limité et, dans le même temps, créer un véritable statut de l'élu ; il faut aussi faire en sorte que nous ayons une démocratie jusqu'au bout : le droit de vote des étrangers résidant en France depuis plus de 5 ans devrait être reconnu pour les élections locales ; nous en parlons depuis longtemps ; j'ai donc pris un engagement au nom du Parti socialiste : nous introduirons le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Mais comment, car c'est la question. Nous déposerons un projet de loi ; il sera soumis au lendemain de notre victoire à l'Assemblée nationale, puis au Sénat -là il est à craindre que nous n'ayons pas tout de suite l'assentiment du Sénat. Encore que, quand on entend les uns, les autres s'exprimer...
Il semble même que Nicolas Sarkozy ait déclaré qu'il était favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales ! C'est curieux qu'il l'ait dit car il pourrait le faire : il est à la fois numéro 2 du gouvernement, Ministre de l'Intérieur et Président de l'UMP... Il ne le fait pourtant pas ; cela devrait d'ailleurs en convaincre beaucoup sur le fait que la plupart du temps, il ne fait pas ce qu'il dit. Nous ferons donc en sorte que ce projet de loi soit voté. S'il est voté -puisque c'est une révision constitutionnelle à la majorité des 3/5 ème- cela en sera fait et les étrangers pourront voter. S'il n'est pas voté, il faudra prendre la responsabilité -et donc le risque démocratique, mais c'est ce que nous devons faire quand nous avons confiance dans le suffrage universel- d'organiser un référendum institutionnel qui prévoira le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Mais, la démocratie, c'est aussi d'être capable de faire vivre les conseils de quartiers, un droit de pétition reconnu, d'avoir une conception du référendum local qui aille au-delà de quelques consultations sans importance.
Il faut savoir comment faire vivre nos différences locales, régionales et l'identité nationale. C'est une grande question qui d'ailleurs vient de loin. Au-delà même de la Révolution française qui a toujours fait débat dans notre pays -encore aujourd'hui plus que jamais- je crois à la réalité des différences -elles existent. Je crois à cette volonté des uns et des autres d'affirmer un certain nombre de singularités, d'attachement collectif, souvent à un territoire et parfois même au-delà. Mais, je crois aussi qu'il faut faire vivre ces différences dans la République, avec les principes de la République. Ce qui n'est rien d'autre que l'extension du principe de la laïcité à l'ensemble des affaires publiques. Oui aux différences, oui aux particularismes, oui à la réalité régionale, locale, mais dans la République, à égalité de droits et de devoirs, où chacun connaît la règle et où nul n'est regardé comme citoyen parce qu'il appartient à un territoire. Nous sommes d'abord des citoyens dans la République.
Il y a ensuite les questions du développement durable et de la croissance. Nous avons tort de toujours raisonner avec les indicateurs d'hier. La question n'est plus simplement la croissance -il en faut et il en faudra bien plus qu'aujourd'hui si l'on veut créer des emplois, car cela ne se fait pas par un contrat de travail même au rabais, mais par la croissance, par la dynamique économique, par le soutien au pouvoir d'achat, par l'investissement.
Aujourd'hui, nous sentons bien qu'il y a plus que de la croissance à engager et à imaginer. Il y a ce que l'on appelle le développement durable, les richesses qui ne se mesurent pas seulement aux biens matériels mais aux indicateurs de bien être, de bonheur collectif, de santé, d'éducation, de lutte contre la pauvreté, d'égalité... C'est tout cela que nous devons promouvoir. Et, dans notre projet, au-delà de la croissance ou du taux de chômage qu'il faudra bien faire baisser, il faut que nous portions ces indicateurs-là, ces indicateurs de bien être, de partage, ces indicateurs qui révèlent ce qu'est une société.
Car, quand il y a 10 % d'enfants pauvres dans notre pays, lorsqu'il y a autant de familles monoparentales, lorsqu'il y a autant de détresse, de mal-logés, que veulent dire les chiffres de croissance ? Que veulent dire les chiffres de profits ? Nous nous trouvons là devant des réalités humaines et ce sont donc des objectifs humains que nous devons atteindre et pas forcément des objectifs économiques ou financiers qui viendront en même temps que nous atteindrons les objectifs humains.
C'est toute la question du logement. C'est un droit majeur, opposable sûrement, mais qu'il faut satisfaire. C'est la grande question qui est posée à travers l'ensemble du territoire : comment donner à chacun le logement qu'il attend. Et l'on voit bien que ce n'est pas simplement une affaire d'exclus, de personnes mal-logées ou pas logées. C'est le problème de l'accès au logement social. C'est même aussi le problème des classes moyennes qui ne parviennent plus à trouver un logement dans le patrimoine privé ou qui n'arrivent même plus à accéder à la propriété.
Derrière tout cela, il y a l'idée même du projet. Nous ne voulons pas d'un projet qui serait l'accumulation de propositions, de revendications susceptibles de satisfaire l'ensemble du corps électoral. Nous n'y parviendrons pas. Un projet, c'est ce que nous voulons pour la France ; un projet c'est une ambition collective ; un projet, c'est d'affirmer un modèle de société pour les années qui viennent. Ce projet doit reposer sur l'égalité et la réussite, la solidarité et l'excellence. Il faut que nous soyons meilleurs que nous ne le sommes collectivement, les meilleurs d'ailleurs et nous pouvons le faire. Il faut en terminer avec cette idéologie du déclin qui voudrait nous faire faire des sacrifices alors que nous avons des atouts considérables à valoriser. Mais, une des manières d'atteindre la réussite collective -et même la réussite individuelle, c'est de poser l'égalité comme la condition. Pas simplement comme la valeur qui est la nôtre, mais l'instrument qui permet justement d'être meilleur collectivement. Pour cela, il va falloir être sélectif. Quatre ou cinq grandes priorités, pas davantage, et ensuite les propositions qui viendront avec. Et, pas toutes les propositions. Terminons en avec une idée qui a fait tant de mal à la gauche qui voudrait que la gauche soit obligée de réussir les transformations en une législature, que la gauche soit obligée de satisfaire toutes les aspirations en une législature, en cinq ans, alors qu'il nous faut du temps pour réussir notre programme. C'est une curieuse conception que de demander à la gauche d'en terminer avec l'ambition politique en une législature. Il faut fixer l'objectif, la perspective et donner le rythme.
C'est pour cela que nous avons à fixer le cap, dégager clairement les priorités -Education, emploi, logement, environnement, démocratie- ainsi que les propositions qui devront les étayer.
CONCLUSION
Chacun connaît l'état du pays ; chacun mesure la défiance que de plus en plus de nos concitoyennes et de concitoyens expriment à l'égard de la droite. Reconnaissons qu'elle est en difficulté et qu'elle a mis le pays en difficulté. Reconnaissons aussi que par la force des choses, ou par un mouvement de compensation bien naturel -il ne faut pas s'en plaindre, la gauche a plutôt en ce moment le vent en poupe ; la preuve, elle arrive même à faire son unité -ce qui n'est pas si facile.
Nous avons eu vendredi une réunion présentée comme historique, parce qu'il y avait non seulement les partis de gauche, tous les partis de gauche, et même l'extrême gauche. Je ne m'en plains pas. Je pense qu'elle place chacune de ces formations politiques devant leurs responsabilités car, pour l'extrême gauche, ce ne sera pas facile d'expliquer qu'il faut battre la droite dans la rue contre le CPE, notamment, et de ne pas la battre dans les urnes au deuxième tour de l'élection présidentielle.
Nous ne sommes qu'à un an de l'élection présidentielle. Un an, c'est long ; trop long pour beaucoup de ceux qui souffrent aujourd'hui. Un an, c'est aussi court et il n'y a pas de temps à perdre. Mais, nous ne devons pas être simplement les bénéficiaires d'un rejet, mais les promoteurs d'un projet. C'est l'ardente l'obligation qui pèse sur nous.
Nous ne devons pas simplement être les acteurs d'un changement politique, mais permettre un mouvement de l'ensemble de la société sans laquelle nous ne pouvons pas gagner et réussir.
Nous ne devons pas seulement rechercher une victoire électorale -elle viendra si nous en sommes dignes, mais surtout une réussite durable au lendemain de 2007, car ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays nous donne une grande responsabilité : obligation de gagner en 2007, obligation de réussir après 2007 ensemble.
source http://www.lesetatsgeneraux.fr, le 10 avril 2006
Nous concluons à Lille la deuxième étape des Etats généraux du projet sous la houlette d'Henri Emmanuelli. Nous voulions être à Lille pour cette journée consacrée aux Territoires, à la décentralisation, au logement. À Lille, parce que c'est Martine et que des actions exemplaires sont menées là ; à Lille parce que c'est aussi l'agglomération de Pierre Mauroy dont le nom est forcément attaché à l'histoire de la décentralisation.
Nous avons voulu faire coïncider la volonté des élus -et pas seulement celle des élus socialistes- de dire leur colère et celle qui est la nôtre de proposer. Il s'est trouvé également qu'à Lille aujourd'hui, aussi, se réunit la coordination étudiante pour affirmer la colère de la jeunesse par rapport au Contrat Première Embauche. Il y a donc de la colère partout dans notre pays. Une colère qui ne faiblit pas car elle a des raisons de s'entretenir, de se mobiliser, de s'exprimer. Et ce n'est pas l'intervention de Jacques CHIRAC hier soir qui apaisera l'humeur, l'agitation des temps d'aujourd'hui et sans doute de demain.
Nous attendions de Jacques CHIRAC -s'il fallait en attendre encore quelque chose- une décision simple, claire, évidente tant il était interpellé lui-même ; nous nous attendions à ce qu'il nous dise, après deux mois de mouvements contre le CPE, qu'il n'allait pas promulguer la loi ou, en tout cas, l'article 8 de cette loi qui, précisément, introduisait le Contrat Première Embauche. Nous n'avons pas obtenu, pour l'instant, cette décision. Jacques CHIRAC a préféré créer une confusion -une de plus, mais celle-là est d'importance : il nous a dit qu'il allait promulguer la loi, en ajoutant qu'il ne l'appliquerait pas. Il faut parfois le suivre, Jacques CHIRAC ! Et lui-même, d'ailleurs, a quelques difficultés à se suivre lui aussi !
La confusion, c'est qu'au sein de son équipe -si tant est qu'il en ait encore une- il faut à la fois sauver la face de Dominique de Villepin et donner la main à Nicolas Sarkozy. Pas facile entre main et une face de trouver le compromis ! Alors, il a fait un acte politique : il a simplement rappelé qu'entre Villepin, Sarkozy et lui-même, c'est tout simplement la même chose.
Mais, après la confusion, est venu l'imbroglio, car il nous a dit que la loi s'appliquait donc, puisqu'elle est promulguée, et que le Contrat Première Embauche devait entrer en vigueur... Mais, le patronat sera sollicité pour ne pas créer justement d'embauche sous cette forme. On supplie donc les entreprises de ne pas appliquer la loi que l'on vient de promulguer... Allez comprendre !
Même le patronat a du mal ! Il demandait d'ailleurs à peine le CPE ; on lui offre ; et maintenant, il faudrait attendre. Et pourquoi ? Parce que, et c'est là qu'intervient la manoeuvre, une proposition de loi serait en train d'être préparée pour changer les modalités du CPE. Non pas de changer le CPE, mais de créer une forme de « CPE bis », un CPE aux couleurs du précédent sans en avoir tout à fait les formes !
C'est là que nous devons, nous les socialistes mais pas simplement nous, nous mobiliser une nouvelle fois contre cette manoeuvre car il n'y a qu'une seule action aujourd'hui à engager : l'abrogation du Contrat Première Embauche, sa suppression, son annulation.
Et, puisque la droite nous dit-on prépare une proposition de loi pour corriger le CPE, pour créer ce « CPE bis », le groupe socialiste à l'Assemblée nationale déposera lui aussi sa proposition de loi et portera en article 1 la formule suivante : « Le CPE est supprimé, le CPE est abrogé ». Voilà ce que nous ferons dans les prochains jours.
Il nous faut, dans cette période dure pour notre pays, éprouvante même, dans cette période de tensions, de conflits, faire preuve de plus de responsabilité que ceux qui nous gouvernent, de plus de hauteur de vue que ceux qui ont eu -par le suffrage universel- la mission de pacifier, de concilier, d'arbitrer entre les intérêts particuliers. Il faut que les manifestations de mardi soient puissantes ; il faut que nous soyons encore plus nombreux dans les manifestations du 4 avril prochain si l'on veut obtenir l'abrogation du CPE et, en même temps, nous devons mettre en cause le pouvoir et lui dire qu'en poursuivant ainsi la confrontation, il porte lui-même la responsabilité des incidents qui pourraient s'y produire. Il ne faut pas que cette colère déborde et prenne d'autres caractères ; il faut donc dès à présent dire qu'il n'y a qu'une seule façon d'arrêter le conflit, d'en terminer avec la division que le pouvoir installe entre les Français, c'est de retirer ce Contrat Première Embauche.
Voilà pourquoi il faut, au-delà de la protestation qui est la nôtre, de la contestation légitime que nous affirmons avec d'autres, aussi faire preuve de propositions dans l'acte de responsabilité. C'est ce que nous faisons depuis maintenant plusieurs semaines : commission du projet, Etats généraux du projet, réflexion collective, participation des syndicats, des associations à nos propres efforts de réflexion et de propositions.
Aujourd'hui, nous abordons la question de la décentralisation qui est un projet de société en tant que tel, et nous l'avions conçu ainsi au début des années 80. La décentralisation n'est pas simplement la réforme de l'Etat, une meilleure organisation de la décision publique. Pour nous, la décentralisation est un projet de société pour faire émerger une démocratie locale, une démocratie participative des citoyens actifs, mais aussi pour promouvoir une égalité entre les territoires et une solidarité sur l'ensemble de notre pays.
Plus de 25 ans après cette grande loi de décentralisation, la droite a mis en pièce l'héritage, a abîmé l'idée même de décentralisation en la rendant confuse : enchevêtrement des compétences, expérimentations de toute nature, compétences affaiblies pour les uns renforcées pour les autres sans que l'on en comprenne les raisons, oubli de l'intercommunalité... Tout cela a été rendu illisible pour les citoyens mais aussi pour les élus. La droite a rendu injuste l'organisation même des pouvoirs locaux, puisque l'Etat décentralise ses déficits, transfert ses compétences sans les moyens correspondants et refuse toute solidarité territoriale avec, par exemple, l'abandon des contrats entre l'Etat et les régions, au prétexte que les Régions -on le sait- sont devenues entre temps pour l'essentiel socialistes.
Nous nous trouvons face à une décentralisation injuste, confuse, coûteuse même pour les élus qui sont privés de toute autonomie fiscale -perte de la capacité de beaucoup de collectivités de décider de leur taxe professionnelle ou ce fameux bouclier fiscal qui n'est rien d'autre que la meilleure manière, pour l'Etat, de faire un nouveau cadeau aux plus riches payé néanmoins par les collectivités locales. Ce qui aboutit à cette situation invraisemblable où l'Etat peut baisser les impôts des plus favorisés et, en même temps, renvoie sur les collectivités locales la responsabilité, pas toujours facile à prendre pour financer les services publics, d'augmenter les impôts -et notamment ceux qui pèsent sur les plus faibles et les plus modestes.
Devant cette situation, nous avons à montrer que nous avons confiance en notre pays. Il faut donner un projet, donner une vision, un sens. Il faut montrer qu'il y a une espérance.
La décentralisation est une manière de retrouver la confiance entre nous. Nous souhaitons une nouvelle étape de décentralisation. Pour cela, il faut un acte fort.
La première proposition que nous faisons, c'est d'organiser des Assises des Territoires dès la gauche revenue aux responsabilités en 2007 pour que nous soyons exemplaires en matière de démocratie et de concertation.
Ce que ferait un gouvernement de gauche au lendemain de la victoire d'un Président de gauche, d'une assemblée majoritairement à gauche, ce serait de convoquer deux grandes réunions : la première avec les partenaires sociaux pour délimiter les responsabilités de chacun, fixer les objectifs communs, relever ce qui vient de l'Etat et ce qui doit être renvoyé à la négociation collective. Etre capable de fixer ensemble les financements nécessaires pour donner à la solidarité autre chose qu'une incantation. Et puis la deuxième avec les Territoires pour que l'on sache aussi ce que l'Etat devrait faire et ce que les collectivités auraient à assumer dans un cadre clair avec des financements correspondants.
La deuxième proposition que nous faisons, c'est une loi-cadre qui organiserait les territoires, les responsabilités de chacun. Nous en terminerions forcément avec la loi Raffarin du 13 août 2004.
Il faut, c'est vrai, clarifier les compétences et j'ai constaté qu'entre nous, il pouvait y avoir encore quelques débats :
Certains souhaitent des blocs de compétences (Régions : le développement économique, la formation professionnelle et les aspects territoriaux de l'action régionale ; les départements : la solidarité et les routes) ; blocs de compétence qui auraient, au moins, comme vertu de savoir qui fait quoi, ce qui n'est pas inutile en démocratie. Rien n'est aussi simple car à l'échelle d'un département ou de l'action intercommunale il y a aussi de l'action économique, de l'action pour l'emploi et il n'est pas aussi facile de relever ce qui est de la compétence de l'un ou de l'autre. Alors, fixons ces blocs et, en même temps, permettons les coopérations.
D'autres évoquent le fait de déterminer le rôle de l'Etat. Nous avons eu raison de demander à ce que l'Etat soit un acteur de la solidarité territoriale. Car, s'il s'agissait simplement que la solidarité soit entre les territoires eux-mêmes, l'Etat n'aurait finalement qu'un rôle de répartiteur. Et il prendrait aux uns pour donner aux autres... Ce serait si simple ! Non pas qu'il ne faille pas cette solidarité entre collectivités -nous l'avons d'ailleurs nous-mêmes promu. Mais il faut que l'Etat fasse aussi ses choix et intervienne lui-même sur les territoires les plus en difficulté. La semaine dernière nous étions à Bondy, notamment dans les quartiers difficiles. Aujourd'hui nous sommes dans le Nord-Pas-de-Calais qui souffre de beaucoup de retard, notamment en matière sanitaire ou d'équipements universitaires. Il faut donc que l'Etat, dans ses politiques, fasse ses choix.
Le rôle de l'Etat est aussi de faire la réforme de la fiscalité locale. Dans notre exercice régulier de battage de coulpe ou de mauvaise conscience, nous évoquons souvent le fait que nous n'ayons pas changé la fiscalité locale ; si nous ne l'avons pas fait c'est sans doute parce que c'est difficile ; mais il faudra tout de même le faire.
Comment ? Il faut une bonne fois changer, moderniser les bases de la fiscalité locale ou alors de quoi parlons-nous, quand on sait que les valeurs locatives qui servent de référence pour les impôts locaux datent des années 70 !
Il faut avoir une forme de spécialité de l'impôt et même créer de nouvelles formes de prélèvements -et notamment de prélèvements écologiques qui doivent de la responsabilité, pour partie, des collectivités locales.
Il faudra bien que nous prenions aussi la responsabilité d'affecter une part des impôts nationaux vers les collectivités locales si nous voulons vraiment faire acte de décentralisation.
Il a été enfin souligner le rôle majeur de l'Etat pour les services publics. Nos propositions là aussi sont claires : il faut que l'Etat assure partout sur le territoire des droits fondamentaux ; et parmi les droits fondamentaux, il y a le droit aux services publics. Un seuil minimal de services publics. Il faut aussi, sur la question de la santé -qui n'est pas en soi toujours organisé par l'Etat puisque cela relève aussi du secteur privé, qu'il y ait des obligations, des incitations permettant à chacun d'être soigné partout sur le territoire de la même manière.
Il y a aussi le rôle de l'Etat dans la préparation de l'avenir -et notamment par rapport aux nouvelles technologies. Si nous n'affirmons pas le droit pour chacune et chacun d'avoir un accès numérique, d'avoir la capacité de disposer de toutes les technologies, alors nous sommes en train de construire une nouvelle inégalité dont les plus faibles, les territoires les plus reculés seront les victimes.
L'Etat qui a abandonné toutes ses prérogatives -et pas simplement depuis 4 ans- doit redeveni un acteur capable de ré industrialiser une bonne partie des territoires les plus affectés par les mutations économiques. Nous proposons donc une Agence de ré-industrialisation avec des fonds d'Etat qui pourraient précisément permettre aux Régions de préparer, parfois d'anticiper, en tout de cas de régler les grandes questions des mutations économiques.
Si nous voulons la décentralisation, c'est pour un meilleur fonctionnement des pouvoirs publics ; c'est pour que le citoyen lui-même soit mieux servi, qu'il soit à l'égal de l'autre. Si nous voulons l'aménagement du territoire, c'est aussi pour une véritable démocratie. La démocratie doit être une des perspectives et un des instruments de notre projet. Si nous sommes socialistes, c'est que nous croyons qu'il est possible d'élargir le champ de la démocratie et que nous pensons que c'est par la démocratie que nous pouvons être les plus efficaces dans l'intervention publique.
C'est pourquoi, la démocratie locale doit être renforcée ; des propositions ont été faites : évolution du mode de scrutin -notamment pour les départements, élection au suffrage universel des communautés d'agglomération et de l'intercommunalité, mettre la durée des mandats à 5 ans, faire en sorte que le cumul puisse être limité et, dans le même temps, créer un véritable statut de l'élu ; il faut aussi faire en sorte que nous ayons une démocratie jusqu'au bout : le droit de vote des étrangers résidant en France depuis plus de 5 ans devrait être reconnu pour les élections locales ; nous en parlons depuis longtemps ; j'ai donc pris un engagement au nom du Parti socialiste : nous introduirons le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Mais comment, car c'est la question. Nous déposerons un projet de loi ; il sera soumis au lendemain de notre victoire à l'Assemblée nationale, puis au Sénat -là il est à craindre que nous n'ayons pas tout de suite l'assentiment du Sénat. Encore que, quand on entend les uns, les autres s'exprimer...
Il semble même que Nicolas Sarkozy ait déclaré qu'il était favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales ! C'est curieux qu'il l'ait dit car il pourrait le faire : il est à la fois numéro 2 du gouvernement, Ministre de l'Intérieur et Président de l'UMP... Il ne le fait pourtant pas ; cela devrait d'ailleurs en convaincre beaucoup sur le fait que la plupart du temps, il ne fait pas ce qu'il dit. Nous ferons donc en sorte que ce projet de loi soit voté. S'il est voté -puisque c'est une révision constitutionnelle à la majorité des 3/5 ème- cela en sera fait et les étrangers pourront voter. S'il n'est pas voté, il faudra prendre la responsabilité -et donc le risque démocratique, mais c'est ce que nous devons faire quand nous avons confiance dans le suffrage universel- d'organiser un référendum institutionnel qui prévoira le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Mais, la démocratie, c'est aussi d'être capable de faire vivre les conseils de quartiers, un droit de pétition reconnu, d'avoir une conception du référendum local qui aille au-delà de quelques consultations sans importance.
Il faut savoir comment faire vivre nos différences locales, régionales et l'identité nationale. C'est une grande question qui d'ailleurs vient de loin. Au-delà même de la Révolution française qui a toujours fait débat dans notre pays -encore aujourd'hui plus que jamais- je crois à la réalité des différences -elles existent. Je crois à cette volonté des uns et des autres d'affirmer un certain nombre de singularités, d'attachement collectif, souvent à un territoire et parfois même au-delà. Mais, je crois aussi qu'il faut faire vivre ces différences dans la République, avec les principes de la République. Ce qui n'est rien d'autre que l'extension du principe de la laïcité à l'ensemble des affaires publiques. Oui aux différences, oui aux particularismes, oui à la réalité régionale, locale, mais dans la République, à égalité de droits et de devoirs, où chacun connaît la règle et où nul n'est regardé comme citoyen parce qu'il appartient à un territoire. Nous sommes d'abord des citoyens dans la République.
Il y a ensuite les questions du développement durable et de la croissance. Nous avons tort de toujours raisonner avec les indicateurs d'hier. La question n'est plus simplement la croissance -il en faut et il en faudra bien plus qu'aujourd'hui si l'on veut créer des emplois, car cela ne se fait pas par un contrat de travail même au rabais, mais par la croissance, par la dynamique économique, par le soutien au pouvoir d'achat, par l'investissement.
Aujourd'hui, nous sentons bien qu'il y a plus que de la croissance à engager et à imaginer. Il y a ce que l'on appelle le développement durable, les richesses qui ne se mesurent pas seulement aux biens matériels mais aux indicateurs de bien être, de bonheur collectif, de santé, d'éducation, de lutte contre la pauvreté, d'égalité... C'est tout cela que nous devons promouvoir. Et, dans notre projet, au-delà de la croissance ou du taux de chômage qu'il faudra bien faire baisser, il faut que nous portions ces indicateurs-là, ces indicateurs de bien être, de partage, ces indicateurs qui révèlent ce qu'est une société.
Car, quand il y a 10 % d'enfants pauvres dans notre pays, lorsqu'il y a autant de familles monoparentales, lorsqu'il y a autant de détresse, de mal-logés, que veulent dire les chiffres de croissance ? Que veulent dire les chiffres de profits ? Nous nous trouvons là devant des réalités humaines et ce sont donc des objectifs humains que nous devons atteindre et pas forcément des objectifs économiques ou financiers qui viendront en même temps que nous atteindrons les objectifs humains.
C'est toute la question du logement. C'est un droit majeur, opposable sûrement, mais qu'il faut satisfaire. C'est la grande question qui est posée à travers l'ensemble du territoire : comment donner à chacun le logement qu'il attend. Et l'on voit bien que ce n'est pas simplement une affaire d'exclus, de personnes mal-logées ou pas logées. C'est le problème de l'accès au logement social. C'est même aussi le problème des classes moyennes qui ne parviennent plus à trouver un logement dans le patrimoine privé ou qui n'arrivent même plus à accéder à la propriété.
Derrière tout cela, il y a l'idée même du projet. Nous ne voulons pas d'un projet qui serait l'accumulation de propositions, de revendications susceptibles de satisfaire l'ensemble du corps électoral. Nous n'y parviendrons pas. Un projet, c'est ce que nous voulons pour la France ; un projet c'est une ambition collective ; un projet, c'est d'affirmer un modèle de société pour les années qui viennent. Ce projet doit reposer sur l'égalité et la réussite, la solidarité et l'excellence. Il faut que nous soyons meilleurs que nous ne le sommes collectivement, les meilleurs d'ailleurs et nous pouvons le faire. Il faut en terminer avec cette idéologie du déclin qui voudrait nous faire faire des sacrifices alors que nous avons des atouts considérables à valoriser. Mais, une des manières d'atteindre la réussite collective -et même la réussite individuelle, c'est de poser l'égalité comme la condition. Pas simplement comme la valeur qui est la nôtre, mais l'instrument qui permet justement d'être meilleur collectivement. Pour cela, il va falloir être sélectif. Quatre ou cinq grandes priorités, pas davantage, et ensuite les propositions qui viendront avec. Et, pas toutes les propositions. Terminons en avec une idée qui a fait tant de mal à la gauche qui voudrait que la gauche soit obligée de réussir les transformations en une législature, que la gauche soit obligée de satisfaire toutes les aspirations en une législature, en cinq ans, alors qu'il nous faut du temps pour réussir notre programme. C'est une curieuse conception que de demander à la gauche d'en terminer avec l'ambition politique en une législature. Il faut fixer l'objectif, la perspective et donner le rythme.
C'est pour cela que nous avons à fixer le cap, dégager clairement les priorités -Education, emploi, logement, environnement, démocratie- ainsi que les propositions qui devront les étayer.
CONCLUSION
Chacun connaît l'état du pays ; chacun mesure la défiance que de plus en plus de nos concitoyennes et de concitoyens expriment à l'égard de la droite. Reconnaissons qu'elle est en difficulté et qu'elle a mis le pays en difficulté. Reconnaissons aussi que par la force des choses, ou par un mouvement de compensation bien naturel -il ne faut pas s'en plaindre, la gauche a plutôt en ce moment le vent en poupe ; la preuve, elle arrive même à faire son unité -ce qui n'est pas si facile.
Nous avons eu vendredi une réunion présentée comme historique, parce qu'il y avait non seulement les partis de gauche, tous les partis de gauche, et même l'extrême gauche. Je ne m'en plains pas. Je pense qu'elle place chacune de ces formations politiques devant leurs responsabilités car, pour l'extrême gauche, ce ne sera pas facile d'expliquer qu'il faut battre la droite dans la rue contre le CPE, notamment, et de ne pas la battre dans les urnes au deuxième tour de l'élection présidentielle.
Nous ne sommes qu'à un an de l'élection présidentielle. Un an, c'est long ; trop long pour beaucoup de ceux qui souffrent aujourd'hui. Un an, c'est aussi court et il n'y a pas de temps à perdre. Mais, nous ne devons pas être simplement les bénéficiaires d'un rejet, mais les promoteurs d'un projet. C'est l'ardente l'obligation qui pèse sur nous.
Nous ne devons pas simplement être les acteurs d'un changement politique, mais permettre un mouvement de l'ensemble de la société sans laquelle nous ne pouvons pas gagner et réussir.
Nous ne devons pas seulement rechercher une victoire électorale -elle viendra si nous en sommes dignes, mais surtout une réussite durable au lendemain de 2007, car ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays nous donne une grande responsabilité : obligation de gagner en 2007, obligation de réussir après 2007 ensemble.
source http://www.lesetatsgeneraux.fr, le 10 avril 2006