Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la préservation des forêts tropicales du Bassin du Congo, Paris le 22 juin 2006.

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Circonstance : Réunion plénière du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo, à Paris le 22 juin 2006

Texte intégral

Monsieur le Président de la Commission des Forêts d'Afrique Centrale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chère Jane,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi une satisfaction particulière de pouvoir vous saluer, à Paris, à l'occasion de cette réunion plénière du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo.
Chacun sait le rôle irremplaçable des forêts tropicales. Leur rôle dans la régulation du cycle de l'eau et la protection des sols de l'érosion. Leur importance pour le climat de la planète à travers leur capacité de capter et de stocker ce carbone dont nous rejetons des quantités sans cesse croissantes dans l'atmosphère. Et, bien sûr, leur rôle unique de réservoir de la biodiversité végétale et animale. Les grands singes, dont la survie est indissociable des forêts tropicales, symbolisent ce lien. Et je salue à cette occasion la présence de Mme Jane Goodall ainsi que des représentants du Projet pour la survie des grands singes, le GRASP.
Mais derrière la large silhouette des gorilles et des chimpanzés se pressent toutes les autres espèces, connues ou encore à découvrir, qui aspirent à vivre, et dont nous aurons un jour besoin. La forêt tropicale est assurément un bien public mondial. Et pourtant elle continue à régresser, partout, à un rythme effréné. Je suis ministre en charge de l'écologie mais aussi du « développement durable ». Je considère qu'à l'échelle de la planète, la destruction des forêts tropicales est sans doute l'action la plus contraire, la plus préjudiciable, à tout développement durable.
Dans le Bassin du Congo, l'espoir est cependant permis. D'abord ce massif, le second du monde après l'Amazonie, est mieux préservé qu'ailleurs. Ensuite parce qu'il y a eu une véritable prise de conscience régionale et l'affirmation d'une volonté d'agir. J'en veux pour preuves les sommets des chefs d'Etats à Yaoundé en 1999 et surtout à Brazzaville en février 2005, à l'occasion du déplacement du Président de la République. La résolution adoptée à cette occasion, la signature du traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers, et l'adoption du Plan de Convergence et du principe de la mise en place d'un mécanisme autonome de financement sous-régional ont été autant d'étapes encourageantes. La Présidence gabonaise et le secrétariat exécutif de la COMIFAC ont par ailleurs déployé de réels efforts depuis lors pour mettre concrètement en oeuvre ces décisions.
Le second motif de satisfaction réside dans ce partenariat même, dans la présence de six ministres du Bassin du Congo, mais aussi dans votre présence à tous, représentants du secteur privé, des organisations non gouvernementales, des institutions internationales, des instituts de recherche.
Les travaux de la journée m'encouragent à penser que l'action est possible, que nous pouvons réussir à préserver les écosystèmes forestiers et tout en créant de l'activité et des revenus pour les populations. Nous voyons bien que l'avenir passe à la fois par le recours à des aires protégées pour assurer la conservation des écosystèmes les plus riches en biodiversité et par une gestion réellement durable des autres espaces.
Le vrai défi de cette double mission réside dans l'effectivité et l'efficacité de ces instruments. Pour cela, il faut d'abord une connaissance précise des atteintes à la forêt et de sa dynamique interne. Le document présenté ce matin sur l'état des forêts du Bassin du Congo sera à cet égard très utile. Il faut ensuite améliorer la réglementation forestière et assurer son application partout, dans la transparence. Les différentes initiatives pour améliorer la gouvernance, comme AFLEG et FLEGT, de même que la mise en place de certifications forestières, concourent à cet objectif. J'ajouterai que les préoccupations, de plus en plus mises en avant, d'association aux décisions des communautés vivant dans la forêt, de même que de respect de la biodiversité et de la faune dans les forêts exploitées, peuvent et doivent être prises en compte dans l'élaboration des plans d'aménagement durable.
Pour toutes ces actions, bien sûr, il faut des moyens financiers. Je rappelle que le Président Chirac avait déclaré à Brazzaville que « nous devons être prêts à mutualiser une partie du coût de la préservation » des forêts. Pour un bien commun, il est légitime que toute la communauté internationale se mobilise. Une partie essentielle de vos travaux a donc été consacrée à explorer toutes les sources possibles de financement. Ces financements doivent bien sûr d'abord venir des pays de la région eux-mêmes, qui doivent concrétiser leur engagement. Ils viennent aussi de l'aide directe des pays donateurs, par des fonds fiduciaires, par l'affectation du produit des annulations de dettes ainsi que des investissements privés et de la rémunération des services environnementaux ou globaux rendus par les forêts. Je trouve à cet égard particulièrement encourageante la décision prise, à la conférence des parties de la convention Climat, à Montréal en décembre dernier, d'étudier les modalités pour une prise en compte effective du rôle des forêts dans le stockage du carbone.
S'agissant de l'action particulière de la France, je voudrais vous assurer, au nom de l'ensemble du gouvernement, de notre engagement le plus ferme. Nous avons accepté le rôle de facilitateur du partenariat sur la base de termes de référence ambitieux et convenus ensemble. Nous essayons depuis lors de mettre en oeuvre ces différentes actions. A la demande du Président de la Comifac, M. le Ministre Doumba, nous avons convié cette réunion à Paris pour permettre une meilleure présence des donateurs de tous horizons. En termes financiers, nous avions promis d'engager 50 millions d'euros en 2003. 41 millions ont déjà été mis en oeuvre et 38 millions supplémentaires sont en cours d'instruction. Nous avons aussi sensiblement réorienté nos actions. Nous avons élaboré, en 2004, une stratégie spécifique pour utiliser davantage l'aide publique au développement en faveur de l'environnement. J'ai, à cet égard, le grand plaisir de vous annoncer la reconstitution du FFEM à hauteur de 70 millions d'euros, pour les périodes 2007-2010, ainsi que notre réengagement au Fonds pour l'environnement mondial. Nous nous sommes également dotés, à l'initiative de mon ministère, d'une stratégie en faveur de la biodiversité et je vais présenter en conseil des ministres, dans les semaines qui viennent, un volet spécialement consacré aux forêts incluant notre action internationale dans ce secteur. Nous avons également décidé, conformément à la résolution des Chefs d'Etat adoptée à Brazzaville, d'utiliser en faveur de la forêt des ressources provenant des annulations de dette : le premier exemple en est le C2D (Contrat Désendettement Développement) conclu avec le Cameroun, que Mme Girardin signe ce jour même à Yaoundé, et qui alloue 20 millions d'euros au Programme Sectoriel Forêt Environnement de ce pays.
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,
C'est il y a un peu moins de 400 millions d'années que la terre a commencé à verdir. Aujourd'hui, sous l'effet de la désertification, accentuée par le changement climatique, de l' « artificialisation » des espaces, et surtout de la déforestation, notre planète est de moins en moins verte. Et la vie, dans sa diversité, régresse. Nous sommes réunis dans ce partenariat pour réagir, pour aider les pays du Bassin du Congo à gérer et à préserver leur patrimoine, mais aussi pour élaborer les instruments, explorer toutes les voies pour être plus efficaces, plus entendus. Soyez sûrs qu'il y a peu de tâches aussi essentielles pour notre avenir à tous.
Je vous remercie.Source www.cbfp.org, le 22 août 2006