Interview de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et président de l'UMP, à TV5 Monde le 22 septembre 2006, sur les mineurs récidivistes et la Justice, l'immigration et la pré-campagne présidentielle 2007.

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Média : TV5

Texte intégral

PATRICK SIMONIN
Madame, Monsieur, merci de nous retrouver sur TV5 ; invité ici sur ce
plateau, Nicolas SARKOZY, ministre français de l'Intérieur ; bonjour
Monsieur SARKOZY.
NICOLAS SARKOZY
Bonjour, merci de m'inviter. Ca me fait plaisir parce que je suis
souvent un téléspectateur de TV5, je voyage beaucoup et je suis heureux
de voir cette chaîne.
PATRICK SIMONIN
Il serait difficile de ne pas entendre parler de vous en ce moment
Monsieur SARKOZY. Dans quelques instants on va parler bien sûr de la
question importante des flux migratoires. On voit bien que les
ministres de l'Intérieur réunis en Finlande n'arrivent pas à s'entendre
sur les moyens de limiter l'immigration clandestine. Il y a une
polémique sur les déclarations que vous avez faites à propos de la
Justice, notamment à l'égard du tribunal de Bobigny que vous avez jugé
avoir démissionné, alors que les chiffres de la délinquance ont
augmenté ; qu'un rapport du Préfet de Seine Saint-Denis était très
alarmant concernant la délinquance des mineurs récidivistes. Vous
regrettez les propos que vous avez tenus ?
NICOLAS SARKOZY
Non. Non, pas du tout. Je sais que c'est une spécialité en France, on
regarde un problème, on contourne le problème. Moi, je vois un
problème, j'essaie d'y apporter une solution. D'ailleurs, la meilleure
preuve que c'est un vrai problème c'est la passion qui a saisi l'
ensemble de la société, à la suite de mes propos. Je n'ai entend
personne dire : "Voilà, on est très satisfait de la justice, tout va
bien n'en parlons pas ". La preuve que c'est un vrai problème, c'est
qu'il y a une réunion qui va avoir chez le Garde des Sceaux avec les
magistrats...
PATRICK SIMONIN
Oui ça c'est une bonne chose ? C'est à la demande de Jacques CHIRAC.
C'est une bonne réponse au problème ?
NICOLAS SARKOZY
Je crois même que c'est moi qui l'ai demandée. Je dis, on ne peut pas
continuer comme ça, les policiers ne peuvent pas courir après les mêmes
délinquants, lesquels délinquants ne sont pas punis. Ce n'est pas
possible, il faut qu'à un moment on en parle, on essaie de trouver des
solutions. Moi je n'ai pas mis en cause le travail des magistrats, ne
général. Ce sont des hommes compétents, de qualité, honnêtes. J'ai dit
: parfois il y a des dysfonctionnements, ça arrive. Vous savez, moi je
suis là pour résoudre des problèmes et en parlant, j'oblige la société
française à évoluer.
PATRICK SIMONIN
Le président de la Cour de Cassation a été reçu par Jacques CHIRAC, à
sa demande d'ailleurs, ce matin. Il a demandé et Jacques CHIRAC a exigé
le respect ce l'indépendance de la Justice. Il a dit qu'il serait très,
très vigilant.
NICOLAS SARKOZY
Enfin, écoutez ça me fait bien... c'est très intéressant tout cela ; les
mêmes magistrats mettaient en cause le président de la République la
semaine dernière, sur la nomination de Laurent LEMESLE. Alors celui
dont on contestait la semaine dernière qu'il défende l'indépendance de
la Justice, aujourd'hui on vient l'appeler pour protéger l'indépendance
de la Justice. C'est les mêmes. Franchement. La nomination de Laurent
LEMESLE je la soutiens, c'est un excellent magistrat. Souvenez -vous de
la polémique de la semaine dernière..
PATRICK SIMONIN
Oui, on l'accusait d'être trop proche de Jacques CHIRAC et on parlait
d'une éventuelle immunité après son départ de l'Elysée.
NICOLAS SARKOZY
Monsieur BARELLA a expliqué sur toutes les chaînes de télévision que le
président mettait en cause, gravement l'indépendance de la Justice. Je
vois qu'aujourd'hui, une semaine après, après l'avoir accusé d'avoir
mis en cause l'indépendance de la Justice on lui demande de la
garantir. Mais moi je ne le mets pas en cause l'indépendance de la
Justice. Je dis simplement qu'il n'y a pas de pouvoir sans
responsabilité. Et qu'on peut donner une opinion sur la façon dont
certains juges, jugent... ou ne jugent pas.
PATRICK SIMONIN
Oui. C'est-à-dire que par exemple, il y a un an c'était les émeutes en
banlieues, 180 mineurs arrêtés, 90 connus des services de police,
finalement une seule incarcération.
NICOLAS SARKOZY
Ecoutez, c'est extraordinaire, en Seine Saint-Denis, département où il
y a eu le plus d'émeutes, eh bien le tribunal pour enfants a trouvé
moyen de n'en incarcérer qu'un et le président du Tribunal, d'ailleurs
c'est son droit, a une politique bien précise qui consiste à ne jamais
les mettre en prison. Eh bien qu'il assume, là aussi, ses
responsabilités. Moi je ne veux polémiquer avec personne. Je dis, il y
a un problème. D'ailleurs, le fameux rapport du préfet, c'est lui qui
le dit. Il dit quoi ? Dans mon département, on n'y arrive plus parce
qu'il n'y a pas assez de sanctions. C'est lui qui l'a dit.
PATRICK SIMONIN
Ils disent aussi, les magistrats, que la prison n'est pas la solution
pour les mineurs délinquants, qu'il y a peut-être d'autres solutions.
NICOLAS SARKOZY
La prison n'est pas la seule solution mais pour un mineur qui viole,
pour un mineur qui tue, pour un mineur qui vole pour la dix-huitième
fois, pour un mineur qui tape un homme à terre, quelle est la réponse ?
on ne va pas rester assis les bras croisés. La réponse doit être une
réponse, une sanction parce que la sanction est une éducation.
PATRICK SIMONIN
Donc vous réclamez, Monsieur SARKOZY, une rupture - j'emploie le mot,
là - dans ce domaine-là.
NICOLAS SARKOZY
Ah mais je n'ai même pas besoin d'en parler, chacun a bien compris que
je n'étais pas d'accord avec la façon avec la façon dont tout cela se
faisait.
PATRICK SIMONIN
Vous avez l'impression d'avoir été soutenu par Jacques CHIRAC ?
NICOLAS SARKOZY
Oui, enfin le problème n'est pas là. D'abord j'ai l'impression de ne
rien avoir dit de très choquant. Qu'est-ce que j'ai dit ? Dans le
département de la Seine-Saint-Denis il y a un problème avec la réponse
pénale et ça, ça ne nécessite pas le tollé corporatiste d'un certain
nombre. J'ai fait une réflexion qui est une réflexion de bon sens. Que
d'innombrables Français pensent. Et même j'ai reçu d'innombrables
témoignages de magistrats qui disent " mais oui, vous avez raison, bien
sûr que le problème se pose ".
PATRICK SIMONIN
Vos seuls juges, ce sont les Français.
NICOLAS SARKOZY
Ecoutez, en démocratie, quand on est un homme politique, il vaut mieux
être jugé par ses électeurs et être jugé par qui, sinon ?
PATRICK SIMONIN
Ca veut dire que vous êtes déjà en campagne, c'est le candidat à l'
élection présidentiel ou c'est le ministre de l'Intérieur ou alors il
vous faut choisir ?
NICOLAS SARKOZY
Ce n'est pas la question d'être en campagne, c'est simplement qu'en
démocratie, il vaut mieux parler un langage que les gens comprennent,
sur des thèmes et des valeurs que les gens attendent de nous. Je ne
suis pas de gauche, je suis désolé ; si c'est une révélation qui en
bouleverse quelques-uns, eh bien voilà, c'est avoué. J'ai mes valeurs,
j'ai mes idées, j'ai mes convictions. Quant à la campagne... enfin,
rappelez-moi, en 2002, Monsieur JOSPIN a été candidat comme Premier
ministre, personne ne lui en a fait le reproche. Jacques CHIRAC a été
candidat comme président de la République. Valéry GISCARD d'ESTAING a
été candidat comme ministre des Finances à l'époque.
PATRICK SIMONIN
Et vous, vous serez candidat comme ministre de l'Intérieur ?
NICOLAS SARKOZY
Jacques CHABAN DELMAS a été candidat comme Premier ministre. François
MITTERRAND a été candidat comme président sortant. C'est amusant qu'on
se pose la question que sur moi. Mais vraiment, tout cet intérêt, je
vais finir par croire qu'on m'aime bien.
PATRICK SIMONIN
Ca veut dire, Monsieur SARKOZY que vous allez rester Place Beauvau
jusqu'à l'élection présidentielle ?
NICOLAS SARKOZY
Non, ça veut simplement dire que tous ceux qui se posent en professeur
de vertu, et qui ont fait exactement le contraire lorsqu'il s'agissait
d'eux ; c'est une comédie, les Français ne se laissent pas abuser par
cela. Il y a un Français sur deux qui ne votent plus. Il y a un quart
des Français qui votent, qui votent pour l'extrême, extrême gauche ou
extrême droite. Il y a eu LE PEN au deuxième tour et on voudrait :
dormez tranquilles, bonnes gens, continuez comme si de rien n'était, il
n'y a pas de problèmes, allez, on fait tous ensemble du bruit avec la
bouche, on en parle de rien, on ne propose rien, on ignore tout et on
ne comprend rien. Moi, j'ai choisi une autre stratégie qui consiste d'
être authentique. Mais la semaine dernière, on m'a posé la question de
savoir : est-ce qu'il faut réformer les régimes spéciaux de retraite ?
J'ai dit : oui, bien sûr ! On va le faire par le dialogue. Mais comment
pouvez-vous dire...
PATRICK SIMONIN
Ce n'est pas Jacques CHIRAC qui l'a dit, il n'est pas d'accord.
NICOLAS SARKOZY
Mais ça c'est l'avis de Jacques CHIRAC, j'ai le droit d'avoir mon avis
aussi. Je ne sais pas comment on peut expliquer aux fonctionnaires qu'
on a fait une réforme des retraites pour les faire travailler plus
longtemps ; aux salariés du privé qu'on a fait une réforme des
retraites pour les faire travailler plus longtemps et puis, pour les
régimes spéciaux : ah non, vous, vous restez comme ça. Mais qui peut le
croire ! C'est manquer de respect aux Français.
PATRICK SIMONIN
Alors il y en a qui vous reprochent d'être peut-être déjà en campagne
électorale et puis il y en a aussi qui vous disent : retardez la
désignation du candidat de l'UMP, au début de l'année prochaine, pour
ne pas interférer avec l'annonce de l'éventuelle décision de Jacques
CHIRAC. Vous allez changer ce calendrier ?
NICOLAS SARKOZY
Non. Non, non le calendrier a été défini par une réunion du bureau
politique du Mouvement que je préside, réunion qui a pris sa décision à
l'unanimité ; on a dit qu'on ferait le congrès qui choisira le candidat
qu'il soutiendra, au mois de janvier. Je confirme le mois de janvier.
Je rappelle que les élections ont lieu au mois d'avril et qu'il vaut
mieux choisir son candidat avant les élections, qu'après.
PATRICK SIMONIN
Mais il vaut mieux une campagne plus que deux mois, une campagne un peu
plus longue.
NICOLAS SARKOZY
Ecoutez, tout ceci c'est un peu d'agitation et ça me laisse
parfaitement de marbre.
PATRICK SIMONIN
Permettez-moi Monsieur SARKOZY de revenir sur l'événement tragique, l'
ouverture des journaux télévisés hier, c'était un visage tuméfié, celui
d'un des policiers tabassés par une bande dans une banlieue. Un acte
terrible qui montre effectivement de ce dont on parlait effectivement
il y a quelques instants, cette insécurité, une impression d'
impuissance aussi et vous, vous allez avoir les moyens d'arrêter ceux
qui ont commis cet ...
NICOLAS SARKOZY
Ah non, pas d'impuissance, j'ai été hier au chevet de ce policier, très
courageux, d'une très grande dignité. Il y avait son père et sa femme ;
et je le dis de la façon la plus solennelle : ceux qui ont fait cela
auront à en rendre compte. Que nul n'en doute. Nous mettrons les moyens
qu'il faut, techniques, humains mais nous les retrouverons. Nous les
retrouverons tous. J'ai moi-même ce matin tenu une réunion avec le
procureur de la République du département de l'Essonne, avec le patron
de la police judiciaire du département de l'Essonne, avec le directeur
de la police du département de l'Essonne ; je vous garantis que ceux
qui ont fait cela seront arrêtés et seront punis. C'est un engagement
que j'ai pris devant la famille de ce fonctionnaire et c'est un
engagement que j'ai pris devant tous les fonctionnaires de France.
Parce que, en quatre minutes - puisque l'agression a duré quatre
minutes - ils se sont acharnés sur un homme seul, à terre, comme des
sauvages. Ils n'ont frappé qu'à la tête. Ils ont fait cela pour faire
mal, voire pour tuer. Je ne l'accepte pas.
PATRICK SIMONIN
Et vous avez des indices qui vous permettent de penser qu'ils vont être
arrêtés. Est-ce qu'on va pouvoir exploiter les éléments ADN ?
NICOLAS SARKOZY
Je vous garantis qu'il y en a quelques-uns qui doivent dormir mal, ce
soir.
PATRICK SIMONIN
Oui. Monsieur SARKOZY, on parlait il y a quelques instants, des
questions d'immigration. Il y a effectivement une réunion en Finlande,
avec les ministres de l'Intérieur. On voit bien avec la situation en
Espagne qui a titularisé 600.000 sans papiers, que les décisions des
Etats ont des conséquences sur d'autres Etats, notamment sur la France.
Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui ? on parlera dans quelques
instants de ceux qui sont déjà sur notre sol, les sans-papiers ici,
mais qu'est-ce que vous faites aujourd'hui pour empêcher cette
immigration clandestine ?
NICOLAS SARKOZY
Eh bien écoutez, demain il va se passer quelque chose d'important. je
veux vous l'annoncer. Je me rends à Dakar, à l'invitation du président
WADE, qui est un des très grands chefs d'Etats africains, qui est un
homme sage, qui est un homme compétent, qui est un homme qui a des
idées très précises sur la politique d'immigration. Qui ne veut pas la
fuite des cerveaux dans son pays. Il y a eu un malentendu, on a discuté
et finalement on va signer le premier accord sur une politique d'
immigration concertée entre le Sénégal et la France.
PATRICK SIMONIN
C'est-à-dire que ça c'est un accord de la France avec le Sénégal ?
NICOLAS SARKOZY
Exactement, c'est une politique concertée, c'est un accord équilibré.
Nous choisirons ensemble ceux qui émigrent. Nous faciliterons l'
obtention de visas pour ceux de nos amis Sénégalais qui travaillent en
France. Nous faciliterons les visas pour les étudiants sénégalais ; nos
amis sénégalais vont nous aider à lutter contre l'immigration
clandestine et les filières criminelles.
PATRICK SIMONIN
De quelle façon ? il y a des moyens supplémentaires ?
NICOLAS SARKOZY
Oui bien sûr, notamment la Marine française qui va aider la Marine
sénégalaise et puis par l'échange de renseignements, parce que l'argent
du crime exploité sur la misère de ces malheureux c'est inacceptable
pour le président WADE, comme pour moi-même. Nous allons créer un
observatoire de l'immigration des deux côtés, pour être certains de nos
chiffres. Et puis pour la première fois il va y avoir un accord de
réadmission, des deux côtés. Il y a 15.000 Français qui vivent au
Sénégal, et bien quand le Sénégal ne voudra pas garder un Français
parce qu'il se sera mal comporté, on s'engage à le récupérer et quand
nous aurons besoin d'expulser un Sénégalais qui n'aura pas de papiers
ou qui se sera mal comporté, on l'expulsera. C'est donc un accord
gagnant/gagant, un accord concerté pour définir pour la première fois,
une politique d'immigration, parce que la politique d'immigration on ne
peut pas la construire l'Europe contre l'Afrique, on doit la construire
l'Europe et l'Afrique ensemble.
PATRICK SIMONIN
Oui mais il faut toute l'Europe.
NICOLAS SARKOZY
Oui, mais commençons. Le Sénégal est un grand pays d'Afrique, avec qui
nous avons une tradition d'amitié. Je respecte la culture sénégalaise ;
je respecte le président WADE et c'est très important de commencer avec
lui. Alors vous me dites...
PATRICK SIMONIN
Commencer, ça veut dire d'autres pays...
NICOLAS SARKOZY
Je l'espère.
PATRICK SIMONIN
Vous allez signer également avec d'autres pays, le Mali, le...
NICOLAS SARKOZY
J'espère que par la suite nous le ferons avec d'autres pays et puis
moi, je vais me battre pour qu'il y ait une véritable politique d'
immigration européenne.
PATRICK SIMONIN
Oui mais parce que là, Monsieur SARKOZY, un émigré qui arrive par l'
Espagne, il se trouve une journée après à Paris ou en Allemagne.
NICOLAS SARKOZY
Surtout avec l'espace Schengen. Et donc il faut harmoniser nos
politiques d'immigration. Mais pourquoi est-ce que ça n'a pas été fait
? Il faut avoir le courage de le dire. Parce que les décisions en
matière politique d'immigration se prennent à l'unanimité ; la
Constitution de Valéry GISCARD d'ESTAING prévoyait que ça prenne à la
majorité, donc on aurait pu agir. Je regrette que la Constitution n'ait
pas été adoptée, de ce seul point de vue. Alors il y a des solutions,
me semble-t-il, d'autant que les pays qui ont prôné la régularisation
massive, comme l'Espagne, se rendent compte que c'est une impasse.
PATRICK SIMONIN
L'Espagne est très isolée dans cette affaire.
NICOLAS SARKOZY
Ils ont décidé d'arrêter d'ailleurs et ils considèrent... alors je serais
en Espagne la semaine prochaine, pour trouver les voies et les moyens
d'un accord sur une politique d'immigration commune. Il faut qu'on
travaille ensemble. J'ajoute que les pays comme le Sénégal sont devenus
de pays de rebond. Eux-mêmes, victimes d'une immigration. Le président
WADE ne voulait pas qu'on exploite cette main-d'oeuvre ou qu'il y ait
une fuite des cerveaux. Eh bien grâce à cet accord, grâce à sa
compréhension on va pouvoir donner satisfaction à nos amis sénégalais
et enfin établir une véritable politique de coopération entre l'Afrique
et la France.
PATRICK SIMONIN
Alors je parlais de cette réunion en Finlande ; il ne faut pas créer
aussi des brigades de contrôleurs européennes, c'est-à-dire que l'
Europe soit véritablement unie sur cette question. Vous parliez de ce
problème de l'unanimité. Le veto, l'Allemagne et puis...
NICOLAS SARKOZY
Mais écoutez, rendez-vous compte il y a 900 millions d'Africains ; sur
900 millions d'Africains il y en a 450 millions qui ont moins de 17
ans. La jeunesse du monde est africaine. Il faut donc absolument aider
les pays comme le Sénégal qui ont choisi la voie du développement et
les progrès sont assez spectaculaires au Sénégal, pour qu'ils puissent
donner du travail et une espérance à leurs enfants. Ca passe d'abord
par cela. Voilà. Et c'est pour cela que l'Europe doit aider l'Afrique à
se développer car le désastre de l'Afrique aujourd'hui serait le drame
de l'Europe, demain.
PATRICK SIMONIN
Ca veut dire Monsieur SARKOZY, qu'on ne se retrouvera plus avec cette
situation que vous avez eue à gérer de 30.000 familles sans papiers
avec des enfants scolarisés ; il a fallu étudier les dossiers... moins
6.000 ont pu obtenir des papiers...
NICOLAS SARKOZY
Eh bien j'ai eu à les gérer, pour une raison simple... un peu moins de
7.000... j'ai eu à la gérer parce que le laxisme des années socialistes
où ils ont régularisé 80.000 sans papiers en 1997 ; quand vous
régularisez, tous les réseaux criminels de passeurs viennent vers votre
pays en disant à ces malheureux : installez-vous en France, comme ils
régularisent il n'y a aucun problème, ça viendra à votre tour. Et ça
joue comme une pompe aspirante. Voilà pourquoi je refuse le principe
d'une régularisation massive.
PATRICK SIMONIN
Alors ceux qui restent, 23.000 familles, on parle du Réseau Education
Sans Frontières, de 50.000 enfants de parents sans papiers toujours
scolarisés. Est-ce qu'ils vont tous être expulsés ou comme la dit Arno
KLARSFELD, le médiateur national, ils ne seront pas tous expulsés,
selon qu'ils...
NICOLAS SARKOZY
Non... mais il faut qu'ils reprennent la voie des demandes, le groupement
familial, l'asile politique, un certain nombre de procédures leur sont
ouvertes. Ceux qui n'ont pas de papiers n'ont pas vocation à rester en
France.
PATRICK SIMONIN
On parlait il y a quelques instants, du rapport de Seine Saint-Denis,
on parlait aussi, on le disait aussi de l'islamisation dans les
banlieues. C'est un véritable problème. Est-ce que vous avez demandé
une loi sur la laïcité, enfin, vous avez demandé une modification
éventuelle de la loi de 1907.
NICOLAS SARKOZY
Non, j'ai reçu un rapport extrêmement intéressant parce que je crois
qu'il n'y a pas de Français qui ont moins de devoirs que les autres, il
ne doit pas y avoir de Français non plus qui ont moins de droits que
les autres. Et je suis très attaché à cette idée qu'on ne peut être
ferme que lorsque l'on est juste et j'essaie d'être juste et je ne veux
pas qu'il y ait d'amalgame entre nos compatriotes musulmans qui ne
demandent qu'une seule chose, c'est de vivre leur foi et un certain
nombre d'extrémistes qui veulent abattre les démocraties. Il ne faut
pas d'amalgame. Et c'est la raison pour laquelle nous conduisons une
action extrêmement ciblée pour faire la différence entre celui qui est
un croyant et celui qui est un extrémiste.
PATRICK SIMONIN
Un rapport qui vous a été remis préconise notamment le financement
public par les communes, des lieux de culte.
NICOLAS SARKOZY
Ca c'est une voie qui est intéressante parce que chacun voit bien que
la communauté musulmane de France n'a pas les moyens de s'affranchir
d'une tutelle étrangère pour le financement. Et moi je ne veux pas de
l'argent de l'étranger pour former des Imams ou pour payer des
Mosquées.
PATRICK SIMONIN
Nicolas Sarkozy, on parlait il y a quelques instants de cette campagne
électorale. Au Parti socialiste on voit bien que les jeux ne sont pas
faits. Vous diriez comme Lionel JOSPIN hier à la télévision qui, sans
la citer, en parlant de Ségolène ROYAL, disait que c'était un phénomène
médiatique ?
NICOLAS SARKOZY
Eh bien ce n'est pas aimable. Moi je n'ai pas cette conception de mes
adversaires politiques ; je respecte mes adversaires politiques ;
Madame ROYAL comme les autres. La campagne ne doit pas être une
histoire de règlements de comptes ; ce sont des gens responsables,
respectables et vous savez je les vois parfois se déchaîner contre moi.
Une fois de plus Monsieur FABIUS, l'autre jour, a perdu son calme. Il a
cru me blesser. Il ne me blesse pas du tout. Je pense que c'est plutôt
lui qui se ridiculise. Moi je ne m'abaisserai jamais à cela. Et ça ne
me gêne pas de dire...
PATRICK SIMONIN
Attaqué sur vos rapports supposés proches avec les Etats Unis...
NICOLAS SARKOZY
Et avec l'argent. Quand on est Monsieur FABIUS, franchement, c'est l'
hôpital qui se moque de la charité.
PATRICK SIMONIN
Et quand c'est François BAYROU qui le dit ?
NICOLAS SARKOZY
Mais moi je respecte tout le monde, pourquoi voulez-vous que je
polémique. Y compris avec Monsieur BAYROU. Je ne vais pas lui faire de
la publicité. Je ne polémique pas. J'essaie de défendre mes idées ; je
considère que mes concurrents, mes contradicteurs ou mes adversaires
sont responsables et respectables. Et donc par conséquent, je n'éprouve
nullement le besoin d'aller détruire quelqu'un. Il suffit d'exprimer
l'alternative que l'on représente et que les Français choisissent.
PATRICK SIMONIN
On voit bien, vous faites la Une de toute la presse aujourd'hui. On a
l'impression que c'est une campagne qui va être extrêmement difficile,
extrêmement dure. Vous vous sentez la force de l'affronter ?
NICOLAS SARKOZY
Je pense...
PATRICK SIMONIN
Lionel JOSPIN disait " je ferais un bon président ". Vous diriez comme
lui ?
NICOLAS SARKOZY
Non, parce que je dois être un peu plus modeste que lui. Vous savez, ce
n'est pas la campagne qui est dure, c'est la vie qui est dure, mais la
vie est dure pour des millions de gens. Le matin quand on se lève, quel
que soit son métier, parfois c'est dur, il faut y aller, comme disent
les enfants. Moi j'ai choisi d'y aller parce que je pense au fond que
ce qu'il y a de plus passionnant dans la vie, c'est d'essayer de faire
de sa vie quelque chose d'un peu plus grand que ce qu'elle aurait été
si on ne s'était pas donné du mal. Voilà. Alors je ne pense pas que ma
vie est plus dure que celle des autres, la vie est dure.
PATRICK SIMONIN
Oui. François MITTERRAND parlait d'une passion quasi charnelle avec la
France, avec ses paysages. Vous, vous diriez que c'est quoi qui vous
pousse ? Qu'est-ce que vous avez envie d'apporter que les autres ne
peuvent pas faire ?
NICOLAS SARKOZY
Moi j'aime la vie. Je l'aime beaucoup la vie et je la respecte et j'ai
envie de faire de ma vie quelque chose d'utile.
PATRICK SIMONIN
Utile, c'est-à-dire utile aux autres et utile à votre pays ?
NICOLAS SARKOZY
Je ne veux pas être pompeux. Utile, c'est-à-dire quelque chose où on a
le sentiment de se battre pour autre chose que soi-même. De se battre
aussi pour les autres.
PATRICK SIMONIN
Merci Nicolas SARKOZY d'avoir été sur le plateau de TV5 MONDE.
NICOLAS SARKOZY
Merci. Et enfin je connais de l'intérieur, la chaîne.
PATRICK SIMONIN
Et vous y reviendrez...
NICOLAS SARKOZY
Ah ben ça, j'espère, si vous m'invitez.
PATRICK SIMONIN
En attendant vous allez demain au Sénégal, comme vous nous l'avez
annoncé ici en exclusivité, pour signer des accords avec le président
WADE. Merci.
NICOLAS SARKOZY
Merci. Source http://www.u-m-p.org, le 27 septembre 2006