Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur le développement régional, le logement social et la préparation des contrats de projets européens, la Guadeloupe le 12 octobre 2006.

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Circonstance : Déplacement à la Guadeloupe les 12 et 13 octobre 2006 : réunion avec les élus, au Conseil général le 12

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil général,
Monsieur le Président de l'Association des maires
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord je voudrais vous présenter mes excuses pour être arrivé en Guadeloupe avec quelques heures de retard, ce qui m'a contraint à annuler les rencontres qui étaient prévues hier soir. Je tenais tout particulièrement à ce que mes premiers moments en Guadeloupe soient consacrés au dialogue avec ses élus. Vous savez que j'ai dû me rendre sur les lieux du tragique accident ferroviaire survenu hier en Moselle. Je veux avec vous avoir une pensée pour les victimes et leurs proches.
Je vous remercie de m'avoir proposé cette réunion de travail. Je l'ai acceptée bien volontiers, dans un esprit d'ouverture et de dialogue conforme aux principes républicains que nous partageons tous. Je suis heureux de pouvoir aborder avec vous les sujets qui vous préoccupent et qui concernent l'avenir de la Guadeloupe.
Je vous remercie de la clarté et de l'intérêt de vos interventions. Je veux vous assurer que rien de ce que vous m'avez dit ce matin ne m'est indifférent. Vous avez abordé avec beaucoup de coeur un grand nombre de questions très diverses sur lesquelles il est essentiel d'avoir un débat approfondi.
Je sais que François Baroin est en permanence à votre écoute. Je peux vous assurer qu'il relaye avec beaucoup de détermination vos préoccupations et vos propositions, afin qu'elles reçoivent toute l'attention du Gouvernement.
Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est que vous pouvez compter sur le soutien et la solidarité du Gouvernement et de la Nation toute entière, pour la Guadeloupe, les Antilles et tout l'Outre-mer français.
J'entends parfois en effet parler de désintérêt ou de désengagement. Rien n'est plus éloigné de l'intention du Gouvernement. Rien n'est surtout plus éloigné de la réalité de son action. Dans tous les domaines d'intérêt général ou de portée plus locale, cette exigence de solidarité et de proximité à votre égard est permanente. Plusieurs membres du Gouvernement se sont rendus en Guadeloupe ces derniers mois. Cela a permis de faire avancer des dossiers importants, d'expliquer et d'illustrer l'action du Gouvernement.
Aujourd'hui je veux répondre aux principales questions que vous venez d'aborder.
D'abord le logement social. Plusieurs d'entre vous m'ont alerté ces derniers mois sur les difficultés rencontrées dans ce secteur. François Baroin m'en a parlé à plusieurs reprises. Nous avons fait réaliser deux audits approfondis sur la question. Sur la base de ces audits, dès le mois de mai, j'ai demandé à François Baroin et Jean-Louis Borloo d'en tirer les conclusions et de me faire des propositions.
Nous sommes partis d'un constat : l'effort financier de l'Etat pour le logement social dans les départements d'outre-mer est considérable, puisqu'il dépasse 850 millions d'euros par an. Cette somme prend en compte la totalité des sommes dépensées par l'Etat, qu'elles le soient par le ministère de l'Outre-Mer ou par d'autres Ministères.
Malgré l'ampleur de cet engagement, François Baroin et Jean-Louis Borloo m'ont dit, et vous m'avez rappelé sans ambiguïté, que nous n'étions pas encore à la hauteur des besoins.
D'abord parce que le retard entre les opérations engagées et les crédits de paiement s'accroît, retardant l'exécution des programmes et fragilisant les opérateurs. Je pense en particulier aux petites entreprises et aux artisans. Cette situation ne peut plus durer.
Ensuite parce que l'évolution des crédits du logement social gérés par le ministère de l'outre-mer n'a pas suivi, ces dernières années celui des crédits consacrés au logement en métropole.
Les causes de ces difficultés sont diverses. Certaines sont liées aux fortes contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. D'autres sont plus administratives. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est répondre à l'urgence et éviter qu'à l'avenir ces difficultés se reproduisent, en mettant en place des solutions préventives.
J'ai donc pris trois décisions :
Le retard des crédits de paiement sera rattrapé en priorité. L'ampleur de ce retard est aujourd'hui inacceptable. Je prends l'engagement devant vous qu'il sera entièrement résorbé avant la fin du premier trimestre 2007.
Le montant des engagements sera, à partir de 2007, augmenté de 20 % pour les trois prochaines années, afin d'aligner le rythme de progression des crédits du logement outre-mer sur celui qui avait été fixé en métropole dès 2004 par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo et l'engagement national pour le logement exprimé par la loi du 13 juillet 2006. Pour accélérer encore la relance, cette augmentation totale de 120 millions d'euros sera mise en oeuvre dès 2007, à hauteur de 60 millions d'euros, puis à hauteur de 30 millions d'euros les deux années suivantes.
Le pilotage politique et l'organisation administrative de la gestion de ces crédits seront améliorés. Dès maintenant, j'ai fixé trois orientations :
Le maintien d'un niveau de déconcentration élevé. Je ne souhaite pas que la gestion des crédits du logement soit davantage concentrée à Paris. Le rôle du préfet, des collectivités locales et de ses partenaires locaux, opérateurs du logement social et bien sûr collectivités locales, sera préservé et conforté.
Une plus grande implication des services du ministère du logement dans la gestion des crédits du logement social. Pour éviter tout décalage entre l'effort consenti en métropole et outre-mer, il faudra, à partir de 2008, que la ligne budgétaire unique consacrée au logement social outre-mer soit élaborée, présentée et votée au Parlement en même temps que les crédits du logement social en métropole. Ainsi, l'exigence d'égalité sera pleinement garantie et mieux contrôlée au cours des prochaines années.
Je veux en même temps que la spécificité de l'outre-mer soit garantie par ces nouvelles modalités de gestion. La ligne budgétaire unique sera maintenue. La politique du logement outre-mer ne doit en aucun cas être diluée dans celle de la métropole. Au contraire, il faut créer les conditions d'une véritable dynamique politique en sa faveur. J'ai donc décidé, sur proposition de François Baroin et Jean-Louis Borloo, d'installer avant la fin de l'année une Conférence nationale du logement outre-mer, présidée par les ministres de l'outre-mer et du logement, réunissant régulièrement les représentants des opérateurs du logement social outre-mer et les élus. La conférence contribuera à la définition par le Gouvernement et le Parlement des orientations pour la politique du logement outre-mer.
Ces mesures d'organisation devront être complétées par d'autres décisions, que je prendrai dans les prochains mois. Je pense en particulier aux propositions que la commission d'évaluation de la loi programme pour l'outre-mer, formulera dans quelques semaines en matière d'amélioration du dispositif de défiscalisation.
Je développerai de façon plus précise ces différents points ce soir au Moule.
Jacques Gillot et Jean Laguerre ont évoqué la question de l'immigration irrégulière, qui est d'une importance capitale pour la Guadeloupe. La visite du ministre de l'intérieur, en mars dernier, a permis de faire le point sur les efforts accomplis. L'installation, en janvier 2006, d'une antenne de l'Office français des réfugiés et apatrides et la conclusion, en mars, d'un accord de réadmission avec la Dominique, ont permis de faire diminuer de façon spectaculaire l'arrivée de demandeurs d'asile et la durée des procédures. Les demandes ont baissé de plus de 70 % en 2006 par rapport à 2005. Dans le même temps, 1500 éloignements ont été effectués depuis la Guadeloupe pendant les neuf premiers mois de 2006, ce qui représente près de 10 % du total des éloignements effectuée en métropole.
Il nous faut maintenant confirmer ces progrès. Je sais que Nicolas Sarkozy et François Baroin suivent avec attention l'évolution de la situation et qu'ils veilleront à maintenir et amplifier le niveau d'effort nécessaire.
Le Président Lurel a évoqué, pour sa part, le contrat de projet en cours de négociation et les perspectives des programmes européens.
Dans ce domaine aussi, l'engagement de l'Etat en faveur de la Guadeloupe est total. Les mandats de négociation que j'ai adressés aux préfets de région en juillet dernier réservent un traitement très favorable aux régions d'outre-mer. Ils reposent sur un principe essentiel : contrairement à ce qui a trop longtemps été le cas, l'Etat ne s'engagera que sur des projets qu'il est en mesure, avec ses partenaires, de financer effectivement dans les conditions prévues. Ce changement de perspective assure une bien plus grande crédibilité à notre partenariat.
Quant à l'enveloppe des fonds européens attribuée à la Guadeloupe, elle progresse de 3,6 % par rapport à la précédente génération de programmes alors qu'elle régresse globalement au niveau national. Si cette progression n'est pas plus forte, c'est d'abord parce que les conditions économiques se sont améliorées en Guadeloupe, grâce aux politiques que l'Etat, la Région et le Département conduisent ensemble avec le soutien de l'Europe.
Par ailleurs, vous l'avez rappelé, nous sommes en cours de négociation sur le contrat de projet. J'ai déjà indiqué que j'étais ouvert à la prise en compte de nouveaux projets allant au-delà des mandats de négociation, dès lors qu'ils présentent un intérêt particulier et que leurs chances de réalisation et les conditions de leur financement sont réalistes. A l'issue de la discussion en cours nous pourrons tirer le bilan. Je suis pour ma part déterminé à ce que cette négociation se poursuive dans un esprit constructif et responsable. C'est la condition de notre crédibilité face aux institutions européennes.
Je voudrais aussi citer la question du revenu minimum d'insertion, évoquée par Jacques Gillot, comme un autre exemple de cet esprit de responsabilité et de solidarité qui inspire l'Etat dans sa relation avec ses partenaires. Le gouvernement souhaite avancer avec les départements dans deux directions :
Sur la question financière tout d'abord, le gouvernement a, vous le savez, décidé d'aller au-delà de ses obligations constitutionnelles. Après l'effort de 457 millions d'euros accompli l'an dernier, j'ai décidé de porter à 500 millions le fonds de mobilisation pour l'insertion, et ceci pendant trois ans. Les crédits seront répartis 2007 entre départements et j'ai veillé à ce que la péréquation soit prise en compte.
Mais je souhaite aussi donner aux départements les moyens d'une politique mieux maîtrisée. Je suis prêt à assouplir la gestion du RMI, en permettant aux collectivités de mieux contrôler le dispositif. Je propose également aux départements qui le souhaitent d'améliorer, à titre expérimental, le dispositif de l'intéressement à la reprise d'emploi et les conditions des contrats aidés. Car nous ne devons pas perdre de vue que l'objectif essentiel du RMI est le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés. Je salue à cet égard le Conseil général et les collectivités de Guadeloupe qui se mobilisent pour améliorer la dynamique de réinsertion. L'engagement de l'Etat pour la continuité territoriale a également été évoqué par Victorin Lurel. Je l'en remercie, car cela me permet de souligner le travail réalisé sous l'autorité de François Baroin. Le ministère de l'outre-mer a mis en oeuvre, depuis 2002, une politique très ambitieuse avec le passeport-mobilité destiné aux jeunes étudiants ou en formation et les subventions pour les personnes défavorisées selon des critères mis en oeuvre par les conseils régionaux. La montée en puissance de ce dispositif est considérable : les crédits budgétaires affectés à cette action passent de moins de 49 millions d'euros à plus de 57,5 millions entre 2005 et 2007.
Le président Jean Laguerre a mentionné le sujet capital de la prévention antisismique. Je rappelle que le 21 novembre 2005, Nelly Olin a rendu public un plan séisme national.
Ce plan a pour objectif de mieux connaître les risques sismiques pour concentrer les efforts sur les zones où le risque est le plus fort, d'informer les habitants des zones concernées sur les bons comportements à adopter en cas de séisme, d'améliorer la qualité des construction et de mieux assurer la veille face au risque de tsunami.
Pour tenir compte de la situation particulière des Antilles, le Gouvernement a décidé de mettre en place en Guadeloupe et en Martinique un volet spécifique de ce plan avec pour priorités la mise en sécurité des personnes, la protection des équipements et le renforcement des bâtiments nécessaires à la gestion des crises. Ce volet spécifique est en cours d'élaboration.
Sans attendre l'adoption du volet Antilles du plan séisme, je souhaite que la négociation du contrat de projet réserve une place significative à la mise aux normes des écoles.
Enfin, dans un registre plus politique, le Président Lurel a rappelé la situation des îles du nord. Très brièvement je voudrais confirmer ce qu'avait dit François Baroin lors de sa venue à Saint-Martin et Saint-Barthélémy en juin dernier :
La volonté exprimée par les habitants des îles du nord sera respectée. Le Sénat se saisira du projet statutaire avant la fin du mois.
Les transferts de compétence seront financés par l'Etat sur le fondement d'une évaluation objective
Enfin, la présence des services de l'Etat sera renforcée pour l'exercice de ses compétences dans les secteurs prioritaires de la sécurité publique et de la justice.
Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs,
J'aurais souhaité pouvoir prolonger cette discussion et ces échanges. Je tiens à vous remercier une fois encore pour votre invitation ainsi que pour la qualité et la franchise de ce dialogue direct mais loyal. Car au-delà de nos différences, il y a bien aujourd'hui quelque chose qui nous rassemble : c'est l'avenir de la Guadeloupe et des Guadeloupéens. J'espère avoir l'occasion de revoir prochainement beaucoup d'entre vous, pendant cette journée ou lors d'autres déplacements en Guadeloupe.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 13 octobre 2006