Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame la rapporteure
Mesdames et Messieurs les députés,
Le texte soumis à votre examen et les amendements qui l'accompagnent ont deux objets principaux.
D'une part, il vous est proposé de compléter la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes par des dispositions concernant l'indemnisation des détentions suivies d'une révision de la condamnation.
D'autre part, le Gouvernement et votre rapporteure, Madame LAZERGES, vous proposent de faciliter la mise en oeuvre d'une partie des dispositions de cette loi, relatives à l'application des peines
Comme vous le savez, la loi du 15 juin 2000, a bénéficié d'un très large consensus politique et le rôle du Parlement, notamment de l'Assemblée nationale, a été prépondérant dans son élaboration.
Les principales modifications apportées par la loi du 15 juin 2000 portaient :
- sur le renforcement des droits de la défense, avec notamment l'intervention d'un avocat dès la première heure de la garde à vue;
- sur la limitation de la détention provisoire;
- sur la création d'un appel en matière criminelle;
- sur la juridictionnalisation de l'application des peines.
Sur les propositions de votre rapporteure Madame LAZERGES, qui rapporte également le présent texte, ces dispositions ont été très sensiblement améliorées par l'Assemblée nationale, qui est d'ailleurs à l'origine de la réforme de l'application des peines.
Permettez moi, avant d'aborder le fond de cette proposition de loi, de rendre hommage au travail de votre commission des lois, de son Président, M. Bernard ROMAN, de sa rapporteure, Christine LAZERGES. Une fois de plus la qualité des travaux de votre commission des lois permet, en accord complet avec le Gouvernement, de faire progresser le droit pour le bien commun.
J'en viens au contenu de la proposition de loi.
1. Le premier objectif de cette proposition de loi est de parfaire la loi du 15 juin 2000, en y apportant quelques précisions ou compléments, ce qui est bien normal compte tenu du nombre élevé de dispositions de la loi du 15 juin 2000.
La proposition de loi sénatoriale avait ainsi comme objet principal d'étendre à l'hypothèse de la révision les nouvelles règles instituées en matière d'indemnisation des détentions provisoires.
Le Sénat a fort opportunément complété ce texte sur d'autres points afin de réparer d'autres omissions.
Sans parler de corrections purement rédactionnelles, je citerai par exemple les dispositions permettant de maintenir les sanctions encourues par le témoin qui refuse de comparaître ou de déposer, qui paraissent évidemment nécessaires.
Je citerai aussi les dispositions permettant de désigner une même cour d'assises autrement composée lorsque cette cour d'assises comprend neuf magistrats professionnels, comme en matière de terrorisme.
Je citerai encore les dispositions d'adaptation concernant l'outre-mer, qui tiennent compte de la spécificité des juridictions qui y ont leur siège.
Je citerai enfin les dispositions qui rendent plus explicites le fait qu'une réparation intégrale est due pour l'indemnisation d'une détention provisoire suivie d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.
Votre commission propose, dans le même esprit, de compléter cette proposition de loi par des dispositions de coordination particulièrement bienvenues, et qui sont donc totalement approuvées par le Gouvernement.
Certaines sont de nature rédactionnelle.
- Tel est le cas de celles qui complètent les dispositions adoptées par le Sénat en matière d'indemnisation des détentions provisoires.
- Tel est aussi le cas de celles qui prennent en compte la suppression des ordonnances de transmission de pièces au procureur général et des arrêts de mise en accusation devant la cour d'assises, suppression qui résultent de la réforme de la procédure criminelle.
D'autres procèdent à des coordinations de fond.
- Tel est le cas de l'amendement qui complète l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante afin de permettre au juge des libertés et de la détention de prononcer une mesure de liberté surveillée ou de garde provisoire.
Cette disposition aligne les attributions du juge des libertés et de la détention sur celles du juge des enfants avant la réforme du 15 juin 2000 ; elle est donc particulièrement bienvenue car de nature à limiter l'incarcération des mineurs.
- Tel est également le cas de l'amendement permettant au parquet, en cas d'appel par la personne mise en examen de l'ordonnance de mise en accusation, de disposer d'un délai d'appel supplémentaire pour former appel incident.
Cette disposition évite ainsi qu'une affaire criminelle concernant plusieurs accusés - dont l'un seul fait appel de l'ordonnance de mise en accusation - ne soit jugée au cours de plusieurs procès distincts.
2. Le second objectif du texte est de permettre que la réforme du 15 juin 2000 entre en vigueur, le 1er janvier prochain, dans des conditions aussi sereines que possibles, en facilitant les conditions de son application.
2.1 Pour faciliter cette mise en oeuvre sereine, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement précisant que le décret prévu pour la mise en oeuvre de la réforme de l'application des peines, peut déterminer la localisation des débats contradictoire qui se tiendront devant les juges de l'application des peines et les juridictions régionales de la libération conditionnelle.
Ces débats, lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés, et uniquement dans ce cas là, auront lieu au sein de l'établissement pénitentiaire.
Cette solution a été adoptée :
- pour renforcer la présence du droit, de la défense et des magistrats dans les établissements pénitentiaires ;
- pour répondre à des exigences de sécurité, c'est à dire de responsabilité, qui incitent à ne pas multiplier les extractions de personnes éventuellement susceptibles de tenter de s'évader.
2.2 Dans le même souci d'application sereine, le Sénat a adopté, à la suite d'amendements du Gouvernement, plusieurs dispositions complétant le code de l'organisation judiciaire afin de permettre, dans les juridictions de taille modeste, c'est à dire à une ou deux chambres, une forme de mutualisation des moyens.
Dans des conditions strictement encadrées par ces dispositions, le juge des libertés et de la détention d'une juridiction pourra, pendant les périodes de service allégé, de fin de semaine ou en cas d'absence d'un magistrat, exercer cette fonction dans un ou deux autres tribunaux.
Ainsi, la continuité de l'exercice des fonctions de juge des libertés et de la détention pourra dans tous les cas être assurée dans les petites juridictions.
* * *
Je souhaite maintenant vous donner quelques indications sur les efforts accomplis pour préparer et permettre la mise en oeuvre de cette réforme.
2.3 La mise en oeuvre de la réforme a fait l'objet d'un dispositif que je présenterai brièvement.
A/ Un groupe de suivi chargé d'apporter tout complément propre à favoriser l'entrée en vigueur de la réforme a été créé. Il est composé de praticiens de terrain, magistrats et fonctionnaires et de responsables de mes services. Il a été installé le 28 juin 2000 et fonctionne depuis lors très régulièrement.
B/ Les principaux décrets d'applications de la loi sont achevés ou en voie d'achèvement.
- le décret en Conseil d'Etat sur l'indemnisation des détentions provisoires, daté du 10 décembre 2000, a été publié au Journal officiel du 13 décembre 2000.
- la publication du décret sur l'application des peines est intervenue ce matin.
- le décret sur l'indemnisation des frais engagés pour une procédure suivie d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement devrait être publié au 1er trimestre 2001.
C/ Pour l'information des juridictions, les principales dispositions de la loi du 15 juin 2000 font l'objet de cinq circulaires.
Trois de ces circulaires, en date des 16 novembre, 4 et 11 décembre, sont actuellement disponibles et diffusées.
Je prendrai un seul exemple parmi ces trois textes : la circulaire commentant les dispositions concernant la garde à vue et l'enquête qui a été signée le 4 décembre.
Deux circulaires seront encore diffusées dans les prochains jours. La mobilisation des services permet donc de publier dans les délais annoncés aux juridictions les textes nécessaires.
D/ Enfin, je rappelle que des moyens financiers et humains ont déjà été prévus en 1999 et 2000 pour la partie de la réforme créant le juge des libertés et de la détention. Ils seront complétés grâce à la loi de finances actuellement examinée par le Parlement en particulier pour l'appel criminel et pour la juridictionnalisation de l'application des peines.
J'ai, tout particulièrement sur ce dernier point, beaucoup écouté depuis ma prise de fonctions les représentants des syndicats et organisations de greffiers et fonctionnaires de justice ou de magistrats.
J'ai analysé les éléments que me fournissaient les chefs de cour et de juridiction.
Pour mieux apprécier la portée des inquiétudes exprimées, j'ai fait vérifier les conditions dans lesquelles la loi du 15 juin 2000 allait entrer en vigueur en demandant dès le 8 novembre dernier à l'inspection générale des services judiciaires de procéder à un examen concret de la situation des juridictions afin d'être en mesure de vous proposer toute mesure d'ajustement.
Les conclusions de ce rapport, qui a été déposé officiellement le 6 décembre, et que j'ai largement fait diffuser, se résument comme suit :
- La création du juge des libertés et de la détention, qui a été anticipée, paraît, sous réserve de quelques aménagements, ne pas devoir poser de problèmes insurmontables.
- Le recours en matière criminelle nécessitera dans les mois à venir un renforcement des effectifs de magistrats et de greffiers.
- La juridictionnalisation de l'application des peines soulève quant à elle des difficultés particulières concernant principalement les effectifs des greffes.
Il s'ensuit que, si la loi du 15 juin 2000 pourra être appliquée dans des conditions plutôt satisfaisantes, une adaptation de nature législative apparaît nécessaire pour une partie du volet de la loi consacré à l'application des peines.
En effet, un véritable échange des arguments et des pièces du dossier, c'est à dire l'instauration d'un débat contradictoire en présence du condamné, assisté de son conseil, suppose l'intervention d'un greffier.
Or, les greffiers ne seront pas en nombre suffisant au 1er janvier 2001 pour réaliser ces tâches nouvelles, ce qui rend matériellement impossible la tenue des débats contradictoires dès le 1er janvier 2001.
Nous disposerons cependant de renforts significatifs en greffiers au cours de l'année 2001, puisque 400 personnes arriveront sur le terrain entre le 2 mai et le 3 septembre 2001.
Dans l'attente de ces renforts, l'application à la date prévue, soit le 1er janvier 2001, de cette nouvelle disposition, et de celle-ci seulement, dans des conditions matérielles susceptibles de mécontenter la population pénale pourrait, de façon paradoxale, nuire à la sérénité d'une réforme à laquelle le Gouvernement comme le Parlement sont profondément attachés.
C'est pourquoi, me référant notamment tant aux inquiétudes des magistrats, des greffiers et fonctionnaires qu'aux conclusions de l'inspection générale des services judiciaires, j'ai déposé devant votre Assemblée un amendement proposant un aménagement partiel et transitoire de la disposition relative à la procédure suivie par le juge de l'application des peines.
La procédure prévue par la loi du 15 juin 2000 rend obligatoire le débat contradictoire et l'intervention d'un greffier pour assister le juge dans son audition du condamné et lorsqu'il statue.
L' amendement que je propose, aménage du 1er janvier au 16 juin 2001 une période transitoire pendant laquelle les décisions du juge de l'application des peines seront rendues après avis de la commission de l'application des peines et avis du condamné sans aller pour autant jusqu'à un débat contradictoire.
Le condamné, assisté le cas échéant de son avocat, pourra donc formuler des observations écrites et présenter de observations orales devant ce magistrat, qui n'aura pas besoin d'être assisté d'un greffier.
Il est bien sûr précisé que le condamné pourra bénéficier de l'aide juridictionnelle. Il est en effet indispensable que le condamné puisse être effectivement assisté par un avocat.
Dès le 1er janvier 2001, les autres avancées résultant de la réforme de l'application des peines entreront en vigueur ainsi que le parlement l'avait voulu et fixé :
- Le juge d'application des peines devra statuer sur les demandes des condamnés par des décisions motivées, ce qui favorisera l'information du condamné, qui est aujourd'hui parfois tenu dans l'ignorance des raisons pour lesquelles les demandes d'aménagement de peine qu'il a déposées sont refusées.
- En matière de libération conditionnelle, la compétence du juge de l'application des peines sera étendue aux condamnés à des peines inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement .
- Enfin, les libérations conditionnelles concernant les condamnés à des peines supérieures à dix ans, les longues peines, relèveront de la juridiction régionale de la libération conditionnelle et non plus du ministre de la justice. C'est donc ici la juridictionnalisation intégrale qui entre en vigueur
Pour me résumer, dès la fin de cette période transitoire , le 16 juin 2001, la procédure devant le juge de l'application des peines sera totalement juridictionnalisée, puisque la décision interviendra à la suite d'un débat contradictoire.
Votre commission des lois a adopté cet amendement en le modifiant par un sous-amendement afin de préciser que les décisions du juge de l'application des peines pourront faire l'objet d'un appel de la part du condamné et du procureur de la République, et non d'un simple recours de ce dernier, comme le prévoient les textes actuels.
Je suis favorable à ce sous-amendement qui permet de garantir au mieux les droits du condamné pendant cette période transitoire, tout en permettant les aménagements nécessités par le nombre insuffisant de greffiers.
Comme vous le voyez, ces différentes dispositions, et notamment celles résultant de la combinaison de l'amendement que j'ai déposé et du sous amendement déposé par Madame LAZERGES, sont à la fois nécessaires et justifiées.
Avant de conclure, je voudrais insister sur deux points :
D'une part, l'amendement du Gouvernement ne peut nullement être considéré comme un report de la loi du 15 juin 2000, ou d'une partie de cette loi. Il aménage le dispositif procédural par un régime transitoire pendant une très courte période, qui sauvegarde totalement au fond les droits des condamnés tout en évitant le danger de blocage des juridictions de l'applications des peines.
Tout est ainsi mis en oeuvre pour permettre que la loi du 15 juin 2000, en dépit de l'importance des changements qu'elle induit dans le fonctionnement de nos juridictions, puisse être appliquée dans des conditions satisfaisantes.
D'autre part, la proposition d'un régime transitoire pour une modalité de procédure devant le juge de l'application des peines relève d'un choix portant sur des considérations strictement techniques que j'ai exposées.
De telles dispositions peuvent naturellement appeler des objections pour n'importe lequel des volets et d'aucuns peuvent regretter, comme je l'ai lu et entendu, que la population pénale ne bénéficie pas de l'immédiate et entière application de la loi du 15 juin 2000 alors que la situation des prisons a fait l'objet cette année d'une attention particulière.
Ces objections sont pertinentes et je les partage. Mais des dispositions transitoires appliquées à d'autres volets de la loi du 15 juin 2000, comme le juge des libertés et de la détention, ou l'appel criminel auraient légitimement appelé les mêmes objections, car le propre de la loi du 15 juin est de ne pas avoir de volet secondaire.
C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi avec les amendements du Gouvernement et de votre commission qui la complètent.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 décembre 2000)
Madame la rapporteure
Mesdames et Messieurs les députés,
Le texte soumis à votre examen et les amendements qui l'accompagnent ont deux objets principaux.
D'une part, il vous est proposé de compléter la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes par des dispositions concernant l'indemnisation des détentions suivies d'une révision de la condamnation.
D'autre part, le Gouvernement et votre rapporteure, Madame LAZERGES, vous proposent de faciliter la mise en oeuvre d'une partie des dispositions de cette loi, relatives à l'application des peines
Comme vous le savez, la loi du 15 juin 2000, a bénéficié d'un très large consensus politique et le rôle du Parlement, notamment de l'Assemblée nationale, a été prépondérant dans son élaboration.
Les principales modifications apportées par la loi du 15 juin 2000 portaient :
- sur le renforcement des droits de la défense, avec notamment l'intervention d'un avocat dès la première heure de la garde à vue;
- sur la limitation de la détention provisoire;
- sur la création d'un appel en matière criminelle;
- sur la juridictionnalisation de l'application des peines.
Sur les propositions de votre rapporteure Madame LAZERGES, qui rapporte également le présent texte, ces dispositions ont été très sensiblement améliorées par l'Assemblée nationale, qui est d'ailleurs à l'origine de la réforme de l'application des peines.
Permettez moi, avant d'aborder le fond de cette proposition de loi, de rendre hommage au travail de votre commission des lois, de son Président, M. Bernard ROMAN, de sa rapporteure, Christine LAZERGES. Une fois de plus la qualité des travaux de votre commission des lois permet, en accord complet avec le Gouvernement, de faire progresser le droit pour le bien commun.
J'en viens au contenu de la proposition de loi.
1. Le premier objectif de cette proposition de loi est de parfaire la loi du 15 juin 2000, en y apportant quelques précisions ou compléments, ce qui est bien normal compte tenu du nombre élevé de dispositions de la loi du 15 juin 2000.
La proposition de loi sénatoriale avait ainsi comme objet principal d'étendre à l'hypothèse de la révision les nouvelles règles instituées en matière d'indemnisation des détentions provisoires.
Le Sénat a fort opportunément complété ce texte sur d'autres points afin de réparer d'autres omissions.
Sans parler de corrections purement rédactionnelles, je citerai par exemple les dispositions permettant de maintenir les sanctions encourues par le témoin qui refuse de comparaître ou de déposer, qui paraissent évidemment nécessaires.
Je citerai aussi les dispositions permettant de désigner une même cour d'assises autrement composée lorsque cette cour d'assises comprend neuf magistrats professionnels, comme en matière de terrorisme.
Je citerai encore les dispositions d'adaptation concernant l'outre-mer, qui tiennent compte de la spécificité des juridictions qui y ont leur siège.
Je citerai enfin les dispositions qui rendent plus explicites le fait qu'une réparation intégrale est due pour l'indemnisation d'une détention provisoire suivie d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.
Votre commission propose, dans le même esprit, de compléter cette proposition de loi par des dispositions de coordination particulièrement bienvenues, et qui sont donc totalement approuvées par le Gouvernement.
Certaines sont de nature rédactionnelle.
- Tel est le cas de celles qui complètent les dispositions adoptées par le Sénat en matière d'indemnisation des détentions provisoires.
- Tel est aussi le cas de celles qui prennent en compte la suppression des ordonnances de transmission de pièces au procureur général et des arrêts de mise en accusation devant la cour d'assises, suppression qui résultent de la réforme de la procédure criminelle.
D'autres procèdent à des coordinations de fond.
- Tel est le cas de l'amendement qui complète l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante afin de permettre au juge des libertés et de la détention de prononcer une mesure de liberté surveillée ou de garde provisoire.
Cette disposition aligne les attributions du juge des libertés et de la détention sur celles du juge des enfants avant la réforme du 15 juin 2000 ; elle est donc particulièrement bienvenue car de nature à limiter l'incarcération des mineurs.
- Tel est également le cas de l'amendement permettant au parquet, en cas d'appel par la personne mise en examen de l'ordonnance de mise en accusation, de disposer d'un délai d'appel supplémentaire pour former appel incident.
Cette disposition évite ainsi qu'une affaire criminelle concernant plusieurs accusés - dont l'un seul fait appel de l'ordonnance de mise en accusation - ne soit jugée au cours de plusieurs procès distincts.
2. Le second objectif du texte est de permettre que la réforme du 15 juin 2000 entre en vigueur, le 1er janvier prochain, dans des conditions aussi sereines que possibles, en facilitant les conditions de son application.
2.1 Pour faciliter cette mise en oeuvre sereine, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement précisant que le décret prévu pour la mise en oeuvre de la réforme de l'application des peines, peut déterminer la localisation des débats contradictoire qui se tiendront devant les juges de l'application des peines et les juridictions régionales de la libération conditionnelle.
Ces débats, lorsqu'ils concernent des condamnés incarcérés, et uniquement dans ce cas là, auront lieu au sein de l'établissement pénitentiaire.
Cette solution a été adoptée :
- pour renforcer la présence du droit, de la défense et des magistrats dans les établissements pénitentiaires ;
- pour répondre à des exigences de sécurité, c'est à dire de responsabilité, qui incitent à ne pas multiplier les extractions de personnes éventuellement susceptibles de tenter de s'évader.
2.2 Dans le même souci d'application sereine, le Sénat a adopté, à la suite d'amendements du Gouvernement, plusieurs dispositions complétant le code de l'organisation judiciaire afin de permettre, dans les juridictions de taille modeste, c'est à dire à une ou deux chambres, une forme de mutualisation des moyens.
Dans des conditions strictement encadrées par ces dispositions, le juge des libertés et de la détention d'une juridiction pourra, pendant les périodes de service allégé, de fin de semaine ou en cas d'absence d'un magistrat, exercer cette fonction dans un ou deux autres tribunaux.
Ainsi, la continuité de l'exercice des fonctions de juge des libertés et de la détention pourra dans tous les cas être assurée dans les petites juridictions.
* * *
Je souhaite maintenant vous donner quelques indications sur les efforts accomplis pour préparer et permettre la mise en oeuvre de cette réforme.
2.3 La mise en oeuvre de la réforme a fait l'objet d'un dispositif que je présenterai brièvement.
A/ Un groupe de suivi chargé d'apporter tout complément propre à favoriser l'entrée en vigueur de la réforme a été créé. Il est composé de praticiens de terrain, magistrats et fonctionnaires et de responsables de mes services. Il a été installé le 28 juin 2000 et fonctionne depuis lors très régulièrement.
B/ Les principaux décrets d'applications de la loi sont achevés ou en voie d'achèvement.
- le décret en Conseil d'Etat sur l'indemnisation des détentions provisoires, daté du 10 décembre 2000, a été publié au Journal officiel du 13 décembre 2000.
- la publication du décret sur l'application des peines est intervenue ce matin.
- le décret sur l'indemnisation des frais engagés pour une procédure suivie d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement devrait être publié au 1er trimestre 2001.
C/ Pour l'information des juridictions, les principales dispositions de la loi du 15 juin 2000 font l'objet de cinq circulaires.
Trois de ces circulaires, en date des 16 novembre, 4 et 11 décembre, sont actuellement disponibles et diffusées.
Je prendrai un seul exemple parmi ces trois textes : la circulaire commentant les dispositions concernant la garde à vue et l'enquête qui a été signée le 4 décembre.
Deux circulaires seront encore diffusées dans les prochains jours. La mobilisation des services permet donc de publier dans les délais annoncés aux juridictions les textes nécessaires.
D/ Enfin, je rappelle que des moyens financiers et humains ont déjà été prévus en 1999 et 2000 pour la partie de la réforme créant le juge des libertés et de la détention. Ils seront complétés grâce à la loi de finances actuellement examinée par le Parlement en particulier pour l'appel criminel et pour la juridictionnalisation de l'application des peines.
J'ai, tout particulièrement sur ce dernier point, beaucoup écouté depuis ma prise de fonctions les représentants des syndicats et organisations de greffiers et fonctionnaires de justice ou de magistrats.
J'ai analysé les éléments que me fournissaient les chefs de cour et de juridiction.
Pour mieux apprécier la portée des inquiétudes exprimées, j'ai fait vérifier les conditions dans lesquelles la loi du 15 juin 2000 allait entrer en vigueur en demandant dès le 8 novembre dernier à l'inspection générale des services judiciaires de procéder à un examen concret de la situation des juridictions afin d'être en mesure de vous proposer toute mesure d'ajustement.
Les conclusions de ce rapport, qui a été déposé officiellement le 6 décembre, et que j'ai largement fait diffuser, se résument comme suit :
- La création du juge des libertés et de la détention, qui a été anticipée, paraît, sous réserve de quelques aménagements, ne pas devoir poser de problèmes insurmontables.
- Le recours en matière criminelle nécessitera dans les mois à venir un renforcement des effectifs de magistrats et de greffiers.
- La juridictionnalisation de l'application des peines soulève quant à elle des difficultés particulières concernant principalement les effectifs des greffes.
Il s'ensuit que, si la loi du 15 juin 2000 pourra être appliquée dans des conditions plutôt satisfaisantes, une adaptation de nature législative apparaît nécessaire pour une partie du volet de la loi consacré à l'application des peines.
En effet, un véritable échange des arguments et des pièces du dossier, c'est à dire l'instauration d'un débat contradictoire en présence du condamné, assisté de son conseil, suppose l'intervention d'un greffier.
Or, les greffiers ne seront pas en nombre suffisant au 1er janvier 2001 pour réaliser ces tâches nouvelles, ce qui rend matériellement impossible la tenue des débats contradictoires dès le 1er janvier 2001.
Nous disposerons cependant de renforts significatifs en greffiers au cours de l'année 2001, puisque 400 personnes arriveront sur le terrain entre le 2 mai et le 3 septembre 2001.
Dans l'attente de ces renforts, l'application à la date prévue, soit le 1er janvier 2001, de cette nouvelle disposition, et de celle-ci seulement, dans des conditions matérielles susceptibles de mécontenter la population pénale pourrait, de façon paradoxale, nuire à la sérénité d'une réforme à laquelle le Gouvernement comme le Parlement sont profondément attachés.
C'est pourquoi, me référant notamment tant aux inquiétudes des magistrats, des greffiers et fonctionnaires qu'aux conclusions de l'inspection générale des services judiciaires, j'ai déposé devant votre Assemblée un amendement proposant un aménagement partiel et transitoire de la disposition relative à la procédure suivie par le juge de l'application des peines.
La procédure prévue par la loi du 15 juin 2000 rend obligatoire le débat contradictoire et l'intervention d'un greffier pour assister le juge dans son audition du condamné et lorsqu'il statue.
L' amendement que je propose, aménage du 1er janvier au 16 juin 2001 une période transitoire pendant laquelle les décisions du juge de l'application des peines seront rendues après avis de la commission de l'application des peines et avis du condamné sans aller pour autant jusqu'à un débat contradictoire.
Le condamné, assisté le cas échéant de son avocat, pourra donc formuler des observations écrites et présenter de observations orales devant ce magistrat, qui n'aura pas besoin d'être assisté d'un greffier.
Il est bien sûr précisé que le condamné pourra bénéficier de l'aide juridictionnelle. Il est en effet indispensable que le condamné puisse être effectivement assisté par un avocat.
Dès le 1er janvier 2001, les autres avancées résultant de la réforme de l'application des peines entreront en vigueur ainsi que le parlement l'avait voulu et fixé :
- Le juge d'application des peines devra statuer sur les demandes des condamnés par des décisions motivées, ce qui favorisera l'information du condamné, qui est aujourd'hui parfois tenu dans l'ignorance des raisons pour lesquelles les demandes d'aménagement de peine qu'il a déposées sont refusées.
- En matière de libération conditionnelle, la compétence du juge de l'application des peines sera étendue aux condamnés à des peines inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement .
- Enfin, les libérations conditionnelles concernant les condamnés à des peines supérieures à dix ans, les longues peines, relèveront de la juridiction régionale de la libération conditionnelle et non plus du ministre de la justice. C'est donc ici la juridictionnalisation intégrale qui entre en vigueur
Pour me résumer, dès la fin de cette période transitoire , le 16 juin 2001, la procédure devant le juge de l'application des peines sera totalement juridictionnalisée, puisque la décision interviendra à la suite d'un débat contradictoire.
Votre commission des lois a adopté cet amendement en le modifiant par un sous-amendement afin de préciser que les décisions du juge de l'application des peines pourront faire l'objet d'un appel de la part du condamné et du procureur de la République, et non d'un simple recours de ce dernier, comme le prévoient les textes actuels.
Je suis favorable à ce sous-amendement qui permet de garantir au mieux les droits du condamné pendant cette période transitoire, tout en permettant les aménagements nécessités par le nombre insuffisant de greffiers.
Comme vous le voyez, ces différentes dispositions, et notamment celles résultant de la combinaison de l'amendement que j'ai déposé et du sous amendement déposé par Madame LAZERGES, sont à la fois nécessaires et justifiées.
Avant de conclure, je voudrais insister sur deux points :
D'une part, l'amendement du Gouvernement ne peut nullement être considéré comme un report de la loi du 15 juin 2000, ou d'une partie de cette loi. Il aménage le dispositif procédural par un régime transitoire pendant une très courte période, qui sauvegarde totalement au fond les droits des condamnés tout en évitant le danger de blocage des juridictions de l'applications des peines.
Tout est ainsi mis en oeuvre pour permettre que la loi du 15 juin 2000, en dépit de l'importance des changements qu'elle induit dans le fonctionnement de nos juridictions, puisse être appliquée dans des conditions satisfaisantes.
D'autre part, la proposition d'un régime transitoire pour une modalité de procédure devant le juge de l'application des peines relève d'un choix portant sur des considérations strictement techniques que j'ai exposées.
De telles dispositions peuvent naturellement appeler des objections pour n'importe lequel des volets et d'aucuns peuvent regretter, comme je l'ai lu et entendu, que la population pénale ne bénéficie pas de l'immédiate et entière application de la loi du 15 juin 2000 alors que la situation des prisons a fait l'objet cette année d'une attention particulière.
Ces objections sont pertinentes et je les partage. Mais des dispositions transitoires appliquées à d'autres volets de la loi du 15 juin 2000, comme le juge des libertés et de la détention, ou l'appel criminel auraient légitimement appelé les mêmes objections, car le propre de la loi du 15 juin est de ne pas avoir de volet secondaire.
C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi avec les amendements du Gouvernement et de votre commission qui la complètent.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 décembre 2000)