Interview de Mme Rachida Dati, ministre de la justice, à Europe 1 le 13 juin 2007, portant notamment sur le nouveau statut pénal de M. Jacques Chirac, ancien Président de la République, et sur le contenu du projet de loi de lutte contre la récidive présenté en Conseil des ministres le 13 juin 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- C'est la première intervention de R. Dati, comme ministre de la Justice, bonjour bienvenue.
 
R. Dati : Bonjour.
 
Q.- Et puis monsieur le maire de Paris, B. Delanoë, bienvenu, bonjour.
 
B. Delanoë : Bonjour.
 
Q.- Tout de suite une question - ce n'est pas un débat, je préviens tout de suite - au ministre de la Justice, R. Dati. J. Chirac témoin devant les juges, quand son immunité de chef d'Etat prendra fin, c'est-à-dire samedi minuit, les journaux d'Europe 1 et la presse le disent ce matin. Est-ce qu'il y aura une audition rapide d'après ce que vous savez ?
 
R. Dati : Ecoutez je n'ai absolument pas d'information concernant les éléments que vous indiquez. Et puis il y a des magistrats instructeurs qui sont saisis d'un dossier, je suis garante aussi de l'indépendance de la justice. Moi, je n'ai pas à commenter les initiatives ou les initiatives éventuelles des magistrats instructeurs.
 
Q.- Mais est-ce que ses avocats ont réclamé un traitement singulier, d'après ce que sait le ministre de la Justice ?
 
R. Dati : Il n'y a pas eu de réclamations d'aucune sorte.
 
Q.- Et est-ce qu'il bénéficierait ou bénéficiera d'un traitement particulier étant donné qu'il a été chef d'Etat pendant 12 ans, même s'il devient citoyen comme un autre ?
 
R. Dati : Ecoutez, les magistrats instructeurs, s'ils doivent prendre des initiatives, convoquer ou entendre, ils sont libres du statut sous lequel ils souhaitent l'entendre.
 
Q.- Mais est-ce que vous donnerez des instructions individuelles ?
 
R. Dati : Je n'ai pas d'instructions d'individuelles à donner, dans ce type de dossier. Et encore une fois, je le rappelle les magistrats sont indépendants dans leur instruction. Il y a un secret de l'instruction donc je ne suis pas partie à la faire.
 
Q.- D'accord, mais est-ce qu'en pareil cas, le Garde des Sceaux est tenu au courant ?
 
R. Dati : Je vous dis que les magistrats instructeurs sont indépendants dans leurs actes de procédure. Et je ne suis pas partie à la faire, donc je n'ai pas d'autre commentaire à faire.
 
Q.- Le Premier ministre a dit hier : "C'est un justiciable comme un autre, un président de la République qui quitte ses fonctions". Est-ce que vous le dites vous aussi ?
 
R. Dati : Quand on n'a plus d'immunité, on devient justiciable, c'est la définition même du justiciable. C'est quand on a une immunité, on n'est pas justiciable à ce moment-là. Donc c'est un justiciable quand on n'a plus d'immunité. Mais je n'ai pas d'autres commentaires à faire, vous savez, et puis en plus je n'ai pas d'éléments concernant les éléments que vous indiquez.
 
D'accord. Et dans Clearstream, P. Rancé rappelait d'ailleurs tout à l'heure, qu'il ne risque rien, J. Chirac, alors on peut se demander déjà pourquoi tout ce battage. B. Delanoë, on se reverra tout à l'heure après la conversation que nous aurons sur la justice avec R. Dati, mais au PS, la crise a éclaté hier soir, comme un orage devant le bureau national, vous y étiez. Qu'est-ce qu'il l'a déclenchée ?
 
B. Delanoë : Non, il n'y a pas eu de crise, il y a eu clarification d'une position de bon sens et d'honnêteté intellectuelle. C'est-à-dire que nous soutenons dans ce second tour, tous les candidats progressistes, qui à partir de convergence de fond, sont donc les candidats du pluralisme de la diversité et dans les circonscriptions, nous ne sommes pas présents, les progressistes, nous soutenons les candidats centristes avec lesquels nous n'avons pas d'accord politique, mais au nom du pluralisme, de la diversité, puisque vous savez bien que l'UMP sera très, très largement majoritaire dans cette Assemblée nationale, il est utile qu'il y ait de la diversité démocratique dans le Parlement français. C'est le bon sens.
 
Q.- D'accord c'est une position unanime ?
 
B. Delanoë : Unanime tout à fait et calme, il n'y a pas eu d'échauffement.
 
Q.- Oui, mais c'était la première fois que le comportement ou la stratégie de l'excandidate à la présidence était désavouée ?
 
B. Delanoë : "Désavouée" est un mot très fort. Ce que je peux vous dire...
 
Q.- Alors choisissez un autre...
 
B. Delanoë : Vous permettez monsieur Elkabbach ! C'est la même position que nous avions prise dimanche soir dans un bureau national. Il se trouve que les formulations de S. Royal ont pu être mal comprises, il ne faut pas interpréter cela comme un désaveu mais comme la prise de position collective, unanime, d'une formation démocratique qui ne peut fonctionner efficacement que collectivement. C'est tout.
 
Q.- Est-ce que pour F. Hollande, c'est une victoire ou au moins un sursis ?
 
B. Delanoë : Ce n'est ni une victoire, ni un sursis, c'est une confirmation que F. Hollande est le seul dirigeant légitime désigné, par un vote démocratique comme premier secrétaire du Parti socialiste. Mais toutes les autres personnalités, et en particulier notre candidate à l'élection présidentielle a un rôle important à jouer. Mais, nous ne devons nous exprimer pour l'avenir des Français et notamment l'avenir du pluralisme en France, qu'à partir d'une réflexion et, j'y insiste, l'honnêteté intellectuelle. L'honnêteté intellectuelle c'est que le pluralisme, la diversité sont en jeu dans cette élection de dimanche prochain. En même temps, il ne faut pas faire semblant d'être d'accord sur tous les points avec le MoDem, puisque ce n'est pas le cas.
 
Q.- Alors à tout à l'heure, B. Delanoë. R. Dati vous êtes magistrat ou magistrate désormais si proche de N. Sarkozy, vous êtes aussi une vraie politique. Alors aujourd'hui, vous présentez au Conseil des ministres, votre premier projet de loi, pour renforcer la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. D'abord pourquoi si vite ?
 
R. Dati : Les Français ont une attente forte et attendent de nous une réponse claire et efficace s'agissant de la lutte contre la récidive. C'est une préoccupation majeure et deux chiffres pour démontrer cette dérive inquiétante. Vous savez qu'en cinq ans, le nombre de condamnation en récidive pour des délits et des crimes a augmenté de plus de 70 % et pour les crimes et les délits les plus violents, entre 2000 et 2005, ça a augmenté de plus de 145 %. Donc il y a une urgence qui s'impose.
 
Q.- Donc la récidive devient une catégorie pénale particulière ? R. Dati : Alors ce texte permet d'abord d'avoir un régime clair pour la récidive. Donc ça permet d'avoir une politique pénale claire, s'agissant de la récidive et ça permet aussi d'avoir une cohérence, s'agissant des sanctions prononcées. Donc ça permet pour les magistrats, il y aura des peines minimales, qui est à peu près d'un tiers des peines encourues, mais toutefois le magistrat pourra aller en deçà de ces seuils. Il faudra toutefois le motiver.
 
Q.- On va voir le contenu. Mais c'est une des premières lois qui va être présentée au Parlement. Ça ira à l'Assemblée ou au Sénat d'abord ? Et est-ce que c'est tout de suite dès cette session ?
 
R. Dati : Alors ce sera pour cet été et on commencera au Sénat.
 
Q.- Le 5 juillet ?
 
R. Dati : A priori oui.
 
Q.- C'est la délinquance qui est jugée grave. À quels délits s'applique-t-elle ?
 
R. Dati : Vous savez, quand on est déjà en récidive, ça veut dire qu'on a commis deux faits de même nature ou de nature assimilée. Pour la première récidive, c'est-à- dire qu'il y aura des peines minimales dès la première récidive ; pour tous les crimes et délits, à partir de trois ans de peine encourue. Et vous aurez un régime adapté pour la deuxième récidive. La deuxième récidive, ça veut dire trois faits de même nature ou de nature assimilée mais pour des crimes et des délits de nature ou plus violente ou qui troublent gravement l'ordre public ; ça peut être des vols violence, ça peut être avec un élément de violence très grave, mais ça peut être aussi le trafic de stupéfiant où ça n'est pas violent, mais ça trouble gravement l'ordre public.
 
Q.- Et cette forme de délinquance, elle ne s'exprime pas forcément où on croit ?
 
R. Dati : Elle ne s'exprime pas forcément où on croit, c'est-à-dire que ça concerne tout le monde, partout et sur tout le territoire.
 
Q.- Alors le choix, c'est la punition. D'abord, est-ce que vous pensez que la sanction, elle est vraiment suffisante pour dissuader aujourd'hui ceux qui sont parfois des mineurs, parfois des majeurs récidivistes ?
 
R. Dati : La vertu de la loi pénale, elle est effectivement répressive, elle n'est pas que ça, elle est aussi fortement dissuasive. Donc s'agissant des récidivistes, ils sauront ce qu'ils encourent.
 
Q.- Et ce sont des peines qui sont automatiques ?
 
R. Dati : Il n'y a pas de peine automatique, c'est-à-dire qu'on ne réduit pas les magistrats à des distributeurs de peines automatiques.
 
Q.- Oui, mais puisque vous répondez très brièvement, avec ces peines de prison sévères minimales, en cas de récidive, le juge doit expliquer sa décision ?
 
R. Dati : Alors s'il va en deçà de la peine minimale, il devra motiver sa décision. Donc il y aura des conditions ; il faudrait qu'il y ait des conditions et des garanties de réinsertion tout à fait exceptionnelles.
 
Q.- Mais alors c'est une manière de coincer en quelque sorte le juge, parce qu'il doit motiver non pas la détention, mais le maintien en liberté, il doit s'expliquer quoi ?
 
R. Dati : Un magistrat, quand il rend une décision, il doit la motiver.
 
Q.- Et est-ce que c'est une manière de forcer les magistrats à s'engager davantage ?
 
R. Dati : On ne force un magistrat à rendre une décision, c'est sa fonction première que de rendre une décision.
 
Q.- Et pourquoi alors ils sont si tendus les magistrats ? Pourquoi ils commencent à grogner avant même que le texte apparaisse en Conseil des ministres ?
 
R. Dati : Ecoutez, j'ai reçu les organisations syndicales, ils ont eu les éléments et le texte, le débat a eu lieu. Comme je vous l'ai dit, il y a des chiffres, il y a une dérive inquiétante, et le texte a été souvent caricaturé. Mais tel qu'il est aujourd'hui, il est tout à fait conforme aux principes constitutionnels, mais aussi conforme aux engagements internationaux, s'agissant des mineurs.
 
Q.- R. Dati, certains craignent que cela annonce une loi qui engage la responsabilité des magistrats et en même temps, que cela entraîne une obligation de résultat ? Est-ce que ça va venir, ou ce n'est pas d'actualité ? Et ça le sera dans quelques mois ?
 
R. Dati : Mais c'est ce que je vous disais tout à l'heure : un magistrat est là pour juger en fonction des faits et de la personnalité. La récidive devient un élément de personnalité. Quelqu'un qui commet des faits à répétition, ça devient un élément de personnalité. Mais le magistrat, sa fonction première, c'est de prendre des décisions. Donc ce n'est pas le forcer à prendre la décision, c'est juste qu'il fasse son travail.
 
Q.- Alors les peines sur la récidive, elles s'accumulent, elles s'additionnent, comment elles jouent, contre le délinquant ?
 
R. Dati : Aujourd'hui, le délinquant saura que s'il a commis deux fois les mêmes faits, il encourt une peine minimale, et s'il commet trois fois les mêmes faits - donc la deuxième récidive - il sera plus lourdement sanctionné.
 
Q.- Aujourd'hui, un mineur de 16-18 ans peut bénéficier de ce qu'on appelle l'excuse de minorité. Demain, s'il récidive, est-ce qu'elle lui est supprimée cette excuse ?
 
R. Dati : Aujourd'hui, à droit constant, donc dans les textes actuels, dès la première récidive, le tribunal peut écarter cette excuse de minorité. C'est-à-dire que le mineur peut être jugé comme un majeur et la peine minimale lui est applicable, s'agissant d'un récidiviste. Et s'il y a une deuxième récidive, donc un troisième fait de même nature, avec un élément de violence ou un trouble grave à l'ordre public, l'excuse de minorité est écartée de plein droit.
 
Q.- Et alors comment les mineurs en état de récidive vont être jugés ? Est-ce qu'il va y avoir des juridictions particulières pour eux ?
 
R. Dati : Le principe de la spécialisation des juridictions est maintenu. C'est-à-dire qu'ils continueront à être jugés par des tribunaux pour enfants, mais jugés comme des majeurs.
 
Q.- Comme des majeurs, donc avec la sévérité et tous les risques encourus comme des majeurs ?
 
R. Dati : Avec la sanction qui sera adaptée en fonction des faits de la personnalité.
 
Q.- La majorité pénale, c'est 18 ans ?
 
R. Dati : Oui.
 
Q.- Avec votre loi, est-ce qu'elle n'est pas en train de descendre déjà de facto à 16 ans ?
 
R. Dati : Dès lors où on a 16 ans et on est multirécidiviste, on encourt la possibilité d'être jugé comme un majeur.
 
Q.- Pourquoi 16 ans, pourquoi cette sévérité ? Parce qu'il y a de plus en plus de violence, de délits, chez ces jeunes et qui ont peut-être commencé parfois à 12 ans, 13 ans, c'est ça ?
 
R. Dati : Ecoutez, sur 5 ans, sur les mêmes dates de 2005, on a eu une augmentation de plus de 40 % sur le nombre de condamnations en récidive pour des mineurs. Et de plus de 40 %, je crois que c'est de 38 % également pour des condamnations en récidive pour des crimes ou des délits extrêmement violents. Et je vous rappelle que parfois les mineurs sont souvent jugés pour plusieurs affaires en un seul jugement. Donc ça veut dire que, quand ils en arrivent à la récidive, c'est qu'il y a un ancrage dans la délinquance et il faut à un moment donné, donner des réponses claires.
 
Q.- Un "ancrage", c'est-à-dire ?
 
R. Dati : Quelqu'un qui commet des faits à répétition, des faits et des infractions, c'est qu'on est ancré dans la délinquance.
 
Q.- Il y a, d'après ce que j'ai lu, 700 mineurs détenus. Des magistrats disent qu'en 3-4 ans, avec votre système, on en prévoit 3 ou 4000. Où vous allez les mettre ?
 
R. Dati : La prison, enfin l'incarcération ce n'est pas mécanique. Ce n'est pas parce qu'on fait un texte, que ça sera mécanique. Simplement, la prison, on peut la concevoir, elle est conçue de deux sortes : c'est une sanction, vous avez raison, il faut développer les alternatives à l'incarcération - le bracelet électronique, les centres de semi-liberté, les placements extérieurs - mais c'est aussi conçu comme une protection des citoyens. Vous avez des individus qui doivent absolument être maintenus en prison pour protéger la société. Mais si on va plus loin - et ça, ça sera la deuxième grande réforme de cette fin d'année - il y aura une loi pénitentiaire. La loi pénitentiaire qui aura deux volets : l'amélioration des conditions de détention, parce qu'il faut que nos prisons soient au moins au niveau des standards européens, et aussi l'amélioration du travail des personnels pénitentiaires, auxquels je souhaite rendre hommage parce que c'est un corps qui s'est remis en cause, qui a énormément évolué, et qui a intégré sa mission d'insertion de manière remarquable.
 
Q.- R. Dati, une des principales qualités qui est déjà faite au projet - vous le savez dès qu'on l'a entendu, on a vu tomber la critique - c'est qu'il va faire déborder des prisons qui sont déjà surpeuplées. Il y a par exemple 61 000 détenus au 1er mai de cette année, pour 50 000 places, même avec les prisons qui sont construites depuis 2002. Comment vous allez faire ?
 
R. Dati : Ecoutez dans la population carcérale, la loi pénitentiaire va pouvoir remettre tout ça à plat. Aujourd'hui, vous avez plus de 35 % de la population carcérale qui était suivie pour des troubles psychiatriques avant même d'être incarcérée. Il s'agit de développer les hôpitaux prison, qui est un engagement du président de la République. Il s'agit aussi de développer les alternatives en incarcération, le bracelet électronique, les centres de semi-liberté. Donc il faut repenser la prison aujourd'hui. Et puis dès cet été, il y a un texte qui passera parce qu'il y a vraiment un aspect très novateur par la création d'un contrôleur général des prisons qui sera un contrôleur indépendant qui veillera aux conditions...
 
Q.- Qu'est-ce qu'il fera ? Ou qu'est-ce qu'elle fera ? Elle aura des pouvoirs, elle aura des moyens ?
 
R. Dati : Oui, bien sûr, il y aura du pouvoir et des moyens, c'est un peu sur ce qui existe en Grande-Bretagne. C'est-à-dire qu'il pourra veiller aux conditions de détention, dans le respect des droits fondamentaux.
 
Q.- C'est une façon de dire qu'on met beaucoup de gens en prison, on va être répressif, mais il y aura quand même quelqu'un qui s'occupera des droits de l'homme et de la défense et de l'amélioration des conditions de détention ?
 
R. Dati : Vous n'avez pas entendu ce que je vous ai dit, c'est qu'on va développer les alternatives à l'incarcération, l'incarcération ce n'est pas tout.
 
Q.- Oui, j'ai très bien entendu mais c'est difficile à convaincre. Et quand le président de la République ou le Premier ministre F. Fillon s'exprime, ils promettent une réforme de la carte judiciaire. C'est-à-dire de réduire et de regrouper les tribunaux, ça va être fait ?
 
R. Dati : Ça commence un peu aujourd'hui, parce que quand on regroupe les pôles d'instruction et les juges d'instruction, c'est qu'il faudra réformer la carte judiciaire. Elle n'a pas été touchée depuis 1958...
 
Q.- Elle va l'être ?
 
R. Dati : La réforme est lancée et elle sera progressive, mais la réforme est lancée. Mais ce n'est pas un effet mécanique ou arithmétique, il s'agit d'avoir des principes à cette réforme. Et la qualité de la justice rendue, la proximité, la lisibilité des décisions de justice et tout ça passe et le chantier a été lancé dès mon arrivée, qui est la numérisation et la dématérialisation des procédures. Plus on va moderniser le fonctionnement des juridictions, plus on s'y retrouvera en terme de qualité de justice rendue.
 
Q.- Le maire de Paris, B. Delanoë, nous écoute, dans un instant, il intervient. Pour le 14 juillet, encore deux ou trois questions, R. Dati. Est-ce qu'il faut s'attendre à des mesures de grâce du président de la République ?
 
R. Dati : Oui, c'est une tradition républicaine, il y aura des mesures de grâce présidentielle ?
 
Q.- C'est vrai qu'elles vont toucher 4-5000 personnes ?
 
R. Dati : Ecoutez, le décret est en cours d'écriture, mais la grâce présidentielle est une tradition républicaine.
 
Q.- D'accord, mais quel délit ça va concerner ? Quels types de délits ? Quel champ d'application ?
 
R. Dati : Ne vous inquiétez pas, il n'y aura pas les délits les plus graves, les atteintes aux personnes, le champ est extrêmement réduit et on favorise aussi beaucoup les détenus qui s'engagent sur la voie de la réinsertion.
 
Q.- N. Charbonneau veut savoir s'il y a une amnistie pour les infractions routières, c'est toujours non ?
 
R. Dati : C'est toujours non. N. Charbonneau : Bon, je voulais savoir ça, même pour les motos ?
 
Q.- Après l'agression du juge Norris, au Tribunal de Metz, vous avez tout de suite débloqué 20 millions d'euros pour sécuriser les tribunaux, ça a été bien reçu. Est-ce que les sommes commencent vraiment à être versées ?
 
R. Dati : Ecoutez, dès cette agression, moi, j'ai été très émue par l'agression de ce magistrat qui se rétablit peu à peu, j'ai des nouvelles au quotidien de son état de santé. Mais il y a deux volets : il y a la sécurisation des tribunaux, auxquels j'ai débloqué les crédits nécessaires, j'ai demandé à une mission de l'inspection des services judiciaires de me dire et de vérifier l'affectation de ces crédits à la sécurisation des tribunaux. Mais il y a un deuxième volet : c'est celui de la restauration de l'autorité de la justice. Il n'est absolument pas acceptable que des magistrats, des fonctionnaires, des greffiers puissent travailler dans l'insécurité. Donc il y a le volet sécurisation, fondamental...
 
Q.- Mais la faute à qui ? La faute à la violence générale ?
 
R. Dati : C'est la banalisation de la violence.
 
Q.- Mais à leur comportement aussi non ?
 
R. Dati : Non, c'est la banalisation de la violence. Donc aujourd'hui, j'ai donné des instructions claires et fermes de dire que toute atteinte aux personnels du ministère de la Justice sera systématiquement poursuivie.
 
Q.- Toute atteinte, c'est-à-dire agression orale, geste de menace...
 
R. Dati : Verbale, mais aussi... quelle que soit l'atteinte et quelle que soit la nature de l'atteinte.
 
Q.- C'est-à-dire sanction ?
 
R. Dati : Il y aura poursuite.
 
Q.- Il y a 2 à 300 magistrats qui lundi ont manifesté. Si 20 millions d'euros sont insuffisants, il y en aura davantage ?
 
R. Dati : Ecoutez les crédits ont été débloqués en fonction des nécessités de sécurisation. Donc ces 20 millions d'euros seront affectés là où c'est nécessaire.
 
Q.- Alors comme vous répondez à toutes les questions et très vite, il y en a une à laquelle vous n'aviez pas répondu : J.-M. Le Pen vous a reproché une double nationalité franco-marocaine. Est-ce que le silence c'est votre seule réponse ?
 
R. Dati : Ecoutez, il a fait la même chose avec le président de la République. Vous savez quand on...
 
Q.- Donc, c'est de bon signe ?
 
R. Dati : Non, mais quand on n'a pas d'argument, quand on ne peut pas attaquer les gens sur leurs projets ou leurs idées, on les attaque sur leur personne. Je suis française, j'ai été haut fonctionnaire de cette République, aujourd'hui je suis ministre de la Justice des Français et de tous les Français. Donc je n'ai pas à répondre à ce genre d'attaque.
 
Q.- Et Garde des Sceaux, vous vous sentez bien là où vous êtes ?
 
R. Dati : C'est une... la justice pour moi, c'est une belle mission. La justice pour moi, c'est un pilier de la démocratie, c'est un pilier de l'Etat de droit. C'est une justice qui protège les citoyens, et qui est créatrice de solidarités, de protections, mais aussi de responsabilités.
 
Q.- D'accord mais avec votre histoire personnelle, ça vous touche, ça vous, qu'est-ce que ça vous fait d'être là, Place Vendôme au ministère de la Justice, avec tant de prédécesseurs illustres ?
 
R. Dati : Il y a un symbole à tout cela et donc je suis encore plus comptable de ce que je ferai.
 
Q.- Merci. Une page de publicité, comme on dit, et B. Delanoë, qui a été attentif, silencieux... Qu'est-ce que nous allons prendre maintenant !
 
B. Delanoë : Très sage, très sage.
 Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2007