Interview de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, dans "Le Quotidien de La Réunion" le 24 septembre 2007, sur l'importance du logement social dans le projet de loi de programme pour le développement de La Réunion, la création de zones franches et la baisse des tarifs aériens.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Quotidien de La Réunion

Texte intégral

Le Quotidien de La Réunion : Que retenez-vous de la rencontre avec les responsables réunionnais à Paris ?
Christian Estrosi : La concertation sur le projet présidentiel pour le développement économique de l'outre mer a tenu ses objectifs. Elle a permis de présenter le projet dans ses différents volets, et notamment les zones franche globales d'activités qui est la mesure phare de la loi de programme qui sera présentée au premier trimestre 2008 ; mais aussi les mesures structurantes en faveur du logement social et intermédiaire ; de la continuité territoriale et de la réduction de la fracture numérique. Il s'agissait surtout, au-delà du texte présenté qui est, je le rappelle, un canevas, d'entendre l'avis et les premières propositions des responsables réunionnais sur la méthode envisagée. J'ai été très heureux de cette rencontre, car j'ai eu le sentiment que la démarche était comprise et que l'ambition d'un nouvel élan pour l'économie de La Réunion était partagée.
Le Quotidien de La Réunion : Pourquoi n'avez-vous pas invité les syndicats de salariés ?
Christian Estrosi : Je souhaite que la concertation soit la plus large possible. Le projet présidentiel qui est soumis à la concertation est, comme je le disais, un canevas et il appartient à chaque région d'en faire son projet. Toutes les contributions sont les bienvenues dans cette phase de concertation qui se poursuit localement sous l'égide des préfets et qui s'achèvera fin octobre. Tout le monde est invité à y participer et bien entendu les syndicats de salariés.
Le Quotidien de La Réunion : Avez-vous déjà arrêté les taux d'abattement et d'exonérations dont bénéficieront les entreprises de la zone franche globale d'activités ?
Christian Estrosi : Pour les entreprises bénéficiaires - celles éligibles à la loi programme 2003 - , des mesures nouvelles seront prévues dans le cadre de la zone franche globale d'activités qui comportera deux étages.
Dans le premier étage seront définis des abattements et des exonérations fiscales, selon des taux communs à l'ensemble des secteurs éligibles. Dans un second étage, des taux d'abattement et d'exonérations fiscales plus élevés seront proposés au profit de trois secteurs au maximum, spécifiques à chaque DOM et définis comme prioritaires en terme de développement économique et social par les acteurs locaux.
L'aide fiscale portera pendant 10 ans - dont 4 années en sortie dégressive - sur les points suivants. Premièrement, une exonération partielle d'impôt sur les sociétés ou d'impôts sur les revenus des exploitations (y compris succursales) situées dans les DOM. En contrepartie, les bénéficiaires devront utiliser le produit de l'avantage fiscal à des fins spécifiques, et notamment en matière de formation professionnelle ou pour conforter leurs fonds propres. Les règles relatives à l'articulation avec d'autres dispositifs fiscaux existants devront être définies.
Deuxièmement, l'exonération partielle de taxe professionnelle ainsi que l'exonération partielle de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les entreprises situées dans les DOM.
Voici comment devrait s'organiser le dispositif. Concernant les taux d'abattement, je ne peux vous les donner puisque ceux-ci font partie des points qui sont justement en cours de discussion et d'étude dans chacun des départements d'outre-mer.
Le Quotidien de La Réunion : Confirmez-vous que le secteur des TIC (Technologies de l'information et de la communication) fera bien partie de la zone franche ?
Christian Estrosi : Concernant le second étage du dispositif, il a été dit - je le rappelle - que la décision du choix des secteurs est locale et appartient aux acteurs réunionnais. Ce n'est donc pas au Secrétaire d'Etat de confirmer que tel ou tel secteur en fera partie. Sur un autre aspect du projet de loi, qui est l'accès au dispositif de défiscalisation, le texte prévoit effectivement que le secteur Recherche-Développement deviendrait éligible.
Le Quotidien de La Réunion : La TVA NPR, sera-t-elle supprimée ?
Christian Estrosi : Non, la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) ne sera pas supprimée. Il est proposé, sur la base du rapport d'audit de modernisation, de simplifier et de clarifier ce dispositif dont la base juridique est incertaine et dont les effets économiques ont pu être discutés. L'objectif est de recentrer, de consolider au plan juridique ce mécanisme sur les investissements et d'en exclure les achats et reventes.
Le Quotidien de La Réunion : Le projet présidentiel parle de " corrections " à apporter à la loi Girardin sur les exonérations. Quelles seront-elles ?
Christian Estrosi : Je souhaite tirer un premier bilan de la mise en oeuvre des dispositifs de la loi de programme pour l'outre-mer en tenant notamment compte du coût de certains d'entre eux par rapport aux objectifs visés et aux résultats obtenus. Il est important de rationaliser les moyens mis en oeuvre au profit des DOM, afin de s'inscrire dans une démarche de renforcement de l'efficacité globale des dispositifs. Il y a des éléments très positifs mais aussi des situations à corriger. Les recommandations de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer et celles des audits de modernisation seront d'ailleurs prises en compte. Nous les étudions actuellement.
L'objectif n'est pas de faire des " moins " sur ce volet pour compenser les " plus " du volet fiscal. Je vous rappelle que la consultation est en cours dans chaque département d'outre-mer, aussi ne puis-je vous donner pour l'instant davantage de précisions. Je peux en revanche vous assurer que mon objectif n'est de désavantager personne. Je veillerai personnellement à ce que personne n'y perde.
Le Quotidien de La Réunion : S'agissant du logement social, les seules mesures de défiscalisation seront-elles suffisantes pour relancer ce secteur sinistre ?
Christian Estrosi : L'objectif du gouvernement est de sortir, dans l'ensemble des départements d'outre-mer, le secteur du logement social de sa situation de crise. Je veux répondre au mieux aux besoins de nos compatriotes d'outre-mer en matière de logement social et intermédiaire. De mon point de vue, deux questions doivent être résolues : celles du besoin de financement et de la pénurie foncière. En effet, l'effort budgétaire de l'Etat doit être complété par des aides fiscales réformées pour orienter davantage l'investissement vers le secteur social ou intermédiaire. Le projet présidentiel pour l'outre-mer comportera une incitation aux collectivités locales afin qu'elles développent une offre foncière suffisante pour accueillir des programmes de logements mixtes, combinant habitat social, intermédiaire et libre.
Le projet présidentiel doit également favoriser la remise sur le marché locatif des logements vacants, en levant les obstacles tenant à l'existence d'un grand nombre de propriétés indivises. Le phénomène de l'indivision interdit en effet la remise de nombreux logements vacants sur le marché locatif.
Le Quotidien de La Réunion : Y aura-t-il un volet social dans la loi-programme comme le réclament les élus de l'île.
Christian Estrosi : Le logement social est une mesure structurante et importante du projet qui est présenté. Bien entendu d'autres aspects peuvent être évoqués à l'occasion de la concertation qui a été lancée.
Le Quotidien de La Réunion : Avez-vous une idée du coût approximatif de la loi-programme ?
Christian Estrosi : Le canevas proposé ne permet pas à ce stade de la concertation de chiffrer le coût global. Le financement sera dans le budget de l'Etat, comme pour les précédentes mesures en faveur de l'outre-mer.
Le Quotidien de La Réunion : La baisse des tarifs aériens est une promesse de Nicolas Sarkozy. Sera t-elle tenue ?
Christian Estrosi : Cette baisse des tarifs ariens nécessite une étude en profondeur de tous les paramètres entrant en ligne de compte, ainsi que le respect des principes de libre concurrence régissant le transport aérien. Le 31 juillet dernier, avec Patrick KARAM, délégué interministériel pour l'Egalité des chances des Français d'outre-mer, j'ai rencontré les compagnies aériennes avec qui je poursuis des discussions approfondies et constructives. Je suis d'autant plus confiant que des études sont en cours. Celles-ci permettent déjà de dégager des pistes d'actions globales aussi bien sur l'effacement de la période d'hyper pointe dont l'effet sur les prix est très important, que sur une meilleure régulation de la demande et sur un environnement économique nouveau. Il est également tenu compte des conclusions de la mission des inspections générales menée en 2006 sur l'optimisation de la desserte aérienne d'outre-mer pour orienter nos propositions.
Le Quotidien de La Réunion : Une de ces propositions est la suppression des OSP (obligations de service public). Mais elle est contestée par les élus de La Réunion.
Christian Estrosi : Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas, dans cette polémique, de la suppression des OSP mais de leur allègement. Les obligations de service public, comme d'autres paramètres, influent sur le prix du billet d'avion. Ne pas les alléger ne serait pas cohérent avec la démarche de réduction des coûts de ces billets que je mène. Favoriser l'émergence d'une saine concurrence sur des bases loyales va dans le bon sens et n'est pas synonyme de mise en péril des compagnies existantes. Lorsque cet allègement sera effectif, il est prévu un suivi de son impact, ce qui va dans le sens des préoccupations des élus de La Réunion.
Le Quotidien de La Réunion : Qui pilotera le projet présidentiel, vous-même ou Mme Michèle Alliot-Marie ?
Christian Estrosi : Michèle ALLIOT-MARIE et moi-même travaillons en parfaite harmonie. Nous présenterons ce projet ensemble, en bonne intelligence et en toute confiance.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 septembre 2007