Texte intégral
FREDERIC MOUNIER - Bonjour à tous. Merci de votre fidélité. Merci de votre fidélité à « Face aux chrétiens ». Notre invité, aujourd'hui, est Laurent WAUQUIEZ, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement. Laurent WAUQUIEZ, bonjour.
LAURENT WAUQUIEZ - Bonjour.
FREDERIC MOUNIER - Merci d'avoir répondu à notre invitation. Vous avez eu 32 ans le 12 avril dernier. Durant votre courte vie, du haut de votre 1,90 mètre, vous avez survolé haut la main le parcours de l'excellence à la française : Sciences Po, l'ENA, dont vous êtes sorti major, Normal Sup', l'agrégation d'histoire, où vous étiez, à nouveau, premier de votre promotion. Avec un tel CV, vous ne pouviez pas rester longtemps à vous ennuyer au Conseil d'Etat. Donc, Jacques BARROT, élu immémorial de votre département d'origine, la Haute-Loire, vous a repéré, testé, puis confié, à l'occasion de son départ à la Commission européenne, sa présence circonscription. A 29 ans, en 2004, vous vous êtes donc retrouvé le benjamin de l'Assemblée nationale. Vous en avez fait un livre, « Un huron à l'Assemblée ». Et puis, le huron a poursuivi son chemin. En juin dernier, le Premier ministre, François FILLON, vous a demandé de devenir porte-parole de son gouvernement en vous disant « Je te prends pour que tu passes la politique gouvernementale au crible de la Haute-Loire ». Désormais, vous creusez votre sillon entre l'hyper président et le très actif porte-parole de l'Elysée, David MARTINON. Mais, comme vous circulez, habituellement, dans les rues de Paris à vélo, vous savez éviter les poids lourds, les bouchons et ceux qui, parfois, klaxonnent trop fort. Sur notre très riche actualité politique, vous serez interrogé, aujourd'hui, par Aymeric POURBAIS, pour Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Bonjour.
FREDERIC MOUNIER - Par Laurent de BOISSIEU, pour LA CROIX.
LAURENT DE BOISSIEU - Bonjour.
FREDERIC MOUNIER - Et par Jean-François BODIN, pour RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Bonjour.
FREDERIC MOUNIER - Une précision, pour des raisons d'agenda, ce « Face aux chrétiens » a été enregistrée le mercredi 24 octobre dans l'après-midi. Alors, une toute première question, Laurent WAUQUIEZ, la croissance s'essouffle, le gouvernement semble, parfois, tanguer, les cotes de popularité semblent s'effriter et le couple présidentiel semble se déliter, non pas tant Nicolas SARKOZY et François FILLON, mais Nicolas SARKOZY et Cécilia. Est-ce que, pour vous, les temps sont durs, Laurent WAUQUIEZ ?
LAURENT WAUQUIEZ - Oui et non. Ils sont durs, oui, parce que les réformes qu'on fait ne sont pas des réformes faciles mais, ça, on s'y attendait. Et, quelque part, il y avait un choix, qui était un choix initial, qui était de dire « On n'est pas là pour gérer une période d'Etat de grâce ». Ce choix-là était un vrai choix politique parce qu'on aurait très bien pu se dire « Il y a les municipales début mars et le gouvernement doit être prudent, pas trop agiter le, le tourbillon des réformes ». Et le choix qui a été fait, c'est, au contraire, de se dire « Il faut que le gouvernement agisse, qu'il agisse tout de suite » et puis, quelque part, si l'indice de popularité d'un gouvernement était lié à son inaction, certains gouvernements seraient restés très populaires. Donc, le choix qui a été fait, c'est quand même plutôt d'agir, d'avancer, de mettre des réformes sur la table. On en parlera sûrement. C'est un vrai choix.
FREDERIC MOUNIER - Très bien. Sur toutes vos actions, sur toutes vos réformes, les réformes du gouvernement, dont vous êtes le porte-parole, Laurent WAUQUIEZ, une première question de Laurent de BOISSIEU, LA CROIX.
LAURENT DE BOISSIEU - Oui. Alors, vous êtes porte-parole du gouvernement, donc vous êtes là pour porter la parole du gouvernement. On a entendu, au moment de l'examen du projet de loi sur l'immigration, qu'il y avait plusieurs paroles discordantes, parfois. Alors, comment faites-vous pour porter la parole du gouvernement ? Quelle parole portez-vous ? Celle du Premier ministre ?
LAURENT WAUQUIEZ - C'est une vraie, enfin, c'est un vrai sujet et qui renvoie à une évolution dans la pratique de ce gouvernement par rapport au gouvernement antérieur. D'abord, porte-parole du gouvernement, ça veut dire les ministres, tous les ministres, le Premier ministre et le président de la République dans sa formation où il préside le Conseil des ministres. Donc, c'est, je dirais, l'ensemble de l'action collective du gouvernement. Et, tout mon job, eh bien c'est aussi d'expliquer les débats qu'on peut avoir entre nous. Et c'est là où il y a une différence par rapport au précédent gouvernement. Tout le travail des précédents gouvernements était, quelque part, une seule tête et une communication très coulée dans le béton. Ce qu'a changé le président de la République, c'est de dire « On aborde des sujets qui sont compliqués, par exemple les tests ADN, par exemple la politique d'immigration, par exemple l'approche des relations entre les distributeurs et les fournisseurs, le pouvoir d'achat. C'est normal qu'on ait des débats entre nous. Mais il y a un moment où on décide et, le moment où la décision est prise, après, on bascule dans l'action ». Mais on accepte cette partie du débat et c'est, d'ailleurs, un de mes travails, c'est de restituer les débats qu'on a entre nous.
FREDERIC MOUNIER - Laurent de BOISSIEU.
LAURENT DE BOISSIEU - Mais la solidarité gouvernementale veut que le projet de loi sur l'immigration soit autant un projet de loi HORTEFEUX qu'un projet de loi AMARA ou un projet de loi de n'importe quel membre du gouvernement. C'est le gouvernement, ce n'est pas monsieur HORTEFEUX qui, qui a fait adopter ce projet de loi.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr mais, en même temps, je pense que, et, là-dessus, il y a une vraie évolution des esprits et de la politique, la politique de grand-papa où tout le monde fait semblant d'être d'accord et cette fiction d'une cohésion gouvernementale absolue et, si on n'est pas d'accord, on démissionne, pour reprendre...
INTERVENANT - C'est la logique de la solidarité gouvernementale, qui est, actuellement, dans la Constitution. On peut la remettre en cause mais c'est, actuellement, la règle de droit.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, ce que je pense, surtout, c'est une évolution de l'état d'esprit. C'est vrai, vous avez raison de le souligner, c'est un vrai changement, c'est de dire « On accepte le débat ». Que Fadela AMARA ne soit pas d'accord avec le test ADN n'empêche pas que, sur les banlieues, elle contribue considérablement à faire avancer l'action du gouvernement. Il faut, il faut accepter cette diversité des approches.
FREDERIC MOUNIER - Aymeric POURBAIS, Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Alors, il y a un nouveau venu au gouvernement, c'est Bernard LAPORTE, qui a déclaré avant d'arriver « Eh bien, je vais voir si ça me plaît. Finalement, si ça ne me plaît pas, je m'en vais ». Ca rentre aussi dans cette diversité-là que vous évoquez...
FREDERIC MOUNIER - Et, finalement, on avait dit qu'il aurait la jeunesse et puis, il n'a pas la jeunesse dans son portefeuille. Alors, voilà. Comment ça fonctionne tout ça de l'intérieur ? Expliquez-nous le mode d'emploi.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors, de l'intérieur - je vais dire les choses très franchement - vous vous appelez Bernard LAPORTE. Vous vous êtes fait quand même à la force du poignet. Vous êtes un sportif qui a eu un parcours relativement exemplaire. Vous y avez fait référence, d'ailleurs, sur mon parcours, moi, universitaire « d'excellence républicaine », entre guillemets, dont je suis, à la fois, très fier mais dont je connais très bien les limites. Vous êtes projeté dans l'univers politique du jour au lendemain. Eh bien oui, désolé, de temps en temps, ce n'est pas facile à maîtriser tous les... Moi, quand j'ai été nommé porte-parole, j'ai commencé par faire quelques bourdes. Donc, il faut, je dirais, un minimum de tolérance. Je l'ai vu s'exprimer mardi aux « Questions au gouvernement » où il a été tout à fait à la hauteur. C'est un exercice terrible. Vous avez, face à vous, tous les députés qui, en plus, chahutent. D'ailleurs, j'ai été un peu choqué parce que les députés PS l'ont traité un peu avec mépris sur le thème...
INTERVENANT - Ils ont sorti les cartons jaunes, il semblerait.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, sur le thème « Voilà, il n'est pas de chez nous. Hors d'ici ». Là encore, c'est un peu une nouvelle façon d'approcher la politique : accepter qu'il y ait des personnes qui viennent avec des parcours un peu divers et qui enrichissent aussi l'approche de la politique.
FREDERIC MOUNIER - Jean-François BODIN, RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Est-ce que les ministres d'expérience, je ne vais pas dire les ministres de métier parce que on n'est pas ministre par métier, mais les ministres d'expérience...
LAURENT WAUQUIEZ - On peut s'y enfermer.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Eh bien n'en ont pas un petit peu marre de voir que des personnalités qui viennent de la société civile prennent toute la place médiatique, même en terme de communication, et que, finalement, le travail de fond, les dossiers importants sont happés ou disparaissent dans le flou médiatique qui entoure les quelques personnalités dont on parle beaucoup ? Est-ce qu'il n'y a pas un peu d'agacement par moments ?
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien, parfois, il y a un petit peu d'agacement mais ça fait aussi partie du jeu du débat tel qu'il est aujourd'hui. Par exemple, c'est sûr que, plutôt que de parler de Bernard LAPORTE, je préférerais peut-être parler de « Qu'est-ce qu'on va faire en terme de santé ? » ou...
FREDERIC MOUNIER - On va y arriver, on va y arriver.
LAURENT WAUQUIEZ - ... Sur la jeunesse. C'est rare, d'ailleurs, d'avoir, comme vous, une émission où on a une heure pour faire un vrai débat de fond. Après, j'ai envie de dire « Voilà, ça fait partie des règles du jeu ». Votre question sur savoir « Est-ce que les ministres plus politiques sont irrités de la place des autres ministres ? », tout est une question de dosage. Ca fait aussi du bien d'aérer un peu une approche qui soit... Voilà, il ne faut pas que la classe politique soit refermée sur elle-même. J'essaye d'appartenir un peu à une nouvelle génération qui essaye d'approcher la politique de façon différente. Personnellement, par exemple, j'ai sans doute été le seul député UMP à accepter de travailler avec Martin HIRSCH alors que personne ne voulait aller travailler avec lui quand il était président de EMMAÜS. Voilà, c'est peut-être un nouvel état d'esprit.
INTERVENANT - Pourquoi est-ce que personne ne voulait aller travailler avec lui ?
LAURENT WAUQUIEZ - Parce que, moi, je me souviens très bien, j'avais été, j'avais été à sa commission « Familles et pauvreté » et un certain nombre de mes collègues m'avait dit « Oh la, la, mais tu vas aller travailler avec Martin HIRSCH, qui est de gauche. Qu'est-ce que tu fais ? ». Eh bien moi, ça ne me posait pas de problème et je me suis aperçu, d'ailleurs, qu'on avait plein de points communs dans l'approche qu'on a fait sur son travail sur « Familles et pauvreté », que, d'ailleurs, aujourd'hui, Martin décline au niveau du gouvernement.
INTERVENANT - Et alors, maintenant, ces mêmes collègues qui rechignaient, quand ils le voient au gouvernement, ils disent quoi ? Ils vous disent quoi à vous ?
LAURENT WAUQUIEZ - Ce n'est pas mes collègues qui étaient au gouvernement qui l'avaient... Juste, je pense, voilà, il y a une chose qui, en politique, que, en politique, je trouve terrible, c'est le sectarisme et les a priori idéologiques. De temps en temps, être capable d'enlever les oeillères, ça ne veut pas dire qu'on se dépouille de son identité et de ses convictions.
FREDERIC MOUNIER - Jean-François BODIN, RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Est-ce que, dans la composition de ce gouvernement, il n'y a pas un côté qui ressemble, finalement, beaucoup à Nicolas SARKOZY et qu'on lui reproche par moments, c'est-à-dire un côté un peu - pardonnez-moi l'expression - un peu strass et paillettes, un peu people - c'est agrémenté par un certain nombre de médias - qui fait de l'occupation de terrain et puis, derrière, quelqu'un qui travaille vraiment, qui fait avancer des dossiers, etc ? Est-ce que ce gouvernement n'est pas, finalement, à cette image, on parle de choses et puis, on travaille sur d'autres ?
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien, prenons des exemples concrets pour, pour le tester, Martin HIRSCH. C'est vrai, on peut dire, au moment où il a été nommé président d'EMMAÜS, etc. Martin fait un énorme travail sur la question des minima sociaux, sur lequel il a réussi à mettre en place des expérimentations de terrain dans plus de la moitié des départements. Je regrette, d'ailleurs, parce que, moi, j'aurais bien voulu qu'on puisse le faire en Haute-Loire mais c'était très difficile pour un département de petite taille, qui a des petits effectifs administratifs. Donc, Martin : vrai travail de fond. Fadela AMARA. Elle est en train de, vraiment, changer les choses au niveau de l'approche des banlieues avec, à la fois, un discours qui est clair. Quand elle dit « Lutte contre la glandouille », c'est clair. Ca a le mérite...
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Ce n'est pas une mesure, ce n'est pas une mesure.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais, derrière, il y a un tout un plan qu'elle est en train de mettre en place, notamment pour l'emploi des jeunes dans les quartiers. Et puis, pour tout le reste - je pense qu'on va progressivement l'évoquer - le nombre de réformes et le travail de fond est quand même très important. Je crois qu'il faut, surtout, en politique, ne jamais oublier et, pour un porte-parole, plus que quiconque, c'est le risque, que, même si on porte une parole et qu'on fait de la communication, ce pourquoi les gens nous ont fait confiance, c'est pour agir.
FREDERIC MOUNIER - Laurent de BOISSIEU, LA CROIX. On va peut-être aborder des dossiers importants.
LAURENT DE BOISSIEU - Je vais revenir, on parlait tout à l'heure de la fiction, c'est-à-dire que le gouvernement est toujours unanime sur un sujet, sur tous les sujets. Une autre, est-ce que la présence de Nicolas SARKOZY, l'autre jour, au bureau politique de l'UMP, est-ce que ce n'est pas une autre fiction que vous voulez remettre en cause du président de la République, président de tous les Français ?
FREDERIC MOUNIER - Alors, c'était dimanche soir. Donc, il faut rappeler, le président de la République s'est invité... On peut dire ça ?
INTERVENANT - Oui, il a invité le bureau politique.
FREDERIC MOUNIER - Il a convoqué le bureau politique de l'UMP, rue de la Boétie, au siège. C'était une nouvelle pratique. Voilà.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors, d'abord, c'est une fiction qui est une vraie fiction française. C'est quoi, cette fiction ? C'est que vous devenez président de la République. Vous êtes porté quand même par une famille politique, avec laquelle vous avez un lien très fort, et, du jour au lendemain, on vous dit « Fini, vous n'avez plus le droit de leur parler parce que, attention, c'est politiquement incorrect ». C'est-à-dire vous ne devez plus avoir le moindre lien avec la famille politique qui est la famille de vos convictions, je dirais, en tout cas, les convictions que vous avez portées.
LAURENT DE BOISSIEU - Entre avoir des liens et venir à un bureau politique qui est l'organe de décision du parti, il y a tout de même une marge.
LAURENT WAUQUIEZ - Vous prenez SCHRÖDER, Angela MERKEL, ZAPATERO, AZNAR...
LAURENT DE BOISSIEU - Mais ce sont des chefs de gouvernement et non pas des chefs d'Etat.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr mais, honnêtement, ça... Je comprends très bien tous les, ce sont des arguments institutionnels qui sont justes, très policés. J'ai tendance à penser que, aujourd'hui, ce n'est plus tellement en prise avec la réalité. La réalité, c'est quoi ? C'est que le président travaille pour tous les Français. Il l'a montré avec l'ouverture, avec sa volonté de dire « Je ne suis pas là pour gérer un clan ou une famille ». Mais, en même temps, qu'on ne lui demande pas de ne plus voir, malgré tout, sa famille politique sous prétexte que ce serait politiquement incorrect. Il l'assume au grand jour, c'est-à-dire il le fait sans chercher à s'en cacher. Parce que, la réalité, c'était quoi avant ? C'est que eh bien les présidents de la République les recevaient le dimanche soir en catimini pour qu'on n'en parle pas. Je pense que c'est sain que tout ça soit bien sur la place publique. Il a un lien qui est un lien avec sa famille politique mais c'est aussi le président de tous les Français. L'un ne me semble pas inconciliable avec l'autre.
FREDERIC MOUNIER - Aymeric POURBAIS, Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Alors, l'actualité de ces derniers jours, de la semaine dernière, c'est, notamment, les grèves qui ont marqué, évidemment, tous les Français avec aussi cette concession accordée à la fédération des agents de conduite, notamment le droit à un conducteur de train de partir à 50 ans avec, en prime, ses primes comptabilisées dans le calcul de sa retraite. On comprend bien la volonté tactique de diviser les syndicats pour, finalement, que le mouvement de grève s'essouffle mais, en même temps, est-ce que ce n'est pas l'esprit des réformes même promises par Nicolas SARKOZY qui est compromis ? Est-ce que, finalement, ce n'est pas de l'affichage politique ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors, j'espère que non. Je vais essayer d'être, d'être...
AYMERIC POURBAIS - ... D'être franc.
LAURENT WAUQUIEZ - Je vais essayer d'être très franc sur le et clair sur la réponse. Evidemment, il n'y a pas, là-dessus, de posture tactique consistant à se dire « On va émietter ou ébrécher un front syndical ». Quelle a été notre ligne dès le début ? La première, ça a été de dire « Le passage de 37,5 ans à 40 ans de cotisation pour avoir une cotisation pleine, c'est le principe de base sur lequel on doit travailler ». A côté de ça, on n'est pas là pour stigmatiser et on reconnaît aussi que le travail à la SNCF, à EDF, mais de la même manière que dans d'autres métiers, que travailler chez MICHELIN en Haute-Loire ou dans une industrie du plastique, est un travail qui a des spécificités, des particularités. Donc, ce qu'on essaye de dire, c'est il y a un principe qui est de base, qui est l'alignement. A côté de ça, on est ouvert à la discussion pour prendre en compte la pénibilité des métiers, pour prendre en compte l'emploi des seniors, pour prendre en compte les comptes épargne temps. Donc, là, par exemple, une des possibilités qui est ouverte sur la table, c'est de dire « Le compte épargne temps peut être utilisé pour autre chose que uniquement prendre du temps libre le dimanche ». Si jamais on veut permettre aux gens qui ont accumulé un gros compte épargne temps de pouvoir partir plus tôt, c'est une marge de négociation qu'on peut laisser. Plus largement, sur l'approche de la réforme, c'est intéressant parce que, la grosse différence par rapport à 95 ou même par rapport à la réforme du CPE, pour dire les choses très clairement, on n'est pas dans un état d'esprit réforme sabre au clair en disant « Nous, on fait passer la réforme idéale, coulée dans un seul bloc où il n'y a rien à négocier ». Non...
AYMERIC POURBAIS - Et, en même temps, la durée n'était pas négociable, apparemment. Ca a été rappelé, ce sera 40 ans. Donc, il y a quand même des choses sabre au clair.
LAURENT WAUQUIEZ - Non, ce n'est pas sabre au clair. C'est de dire « On sait la direction où on veut aller ». Mais, après, on se laisse une marge de négociation et d'ouverture. On n'est pas des... Parfois, en France, c'est ce que j'appelle, il y a un côté, pardonnez-moi, mais un peu masochiste de la réforme. La bonne réforme, c'est celle où on se cogne et où on s'affronte durement et brutalement. Il y a peut-être une autre manière de réformer qui est avec, à la fois, un cap clair mais, en même temps, des marges de négociation.
FREDERIC MOUNIER - Jean-François BODIN, RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Qu'est-ce que vous répondez à ce discours qu'on entend beaucoup du côté des syndicats en disant « Aujourd'hui, moi, quand je me suis engagé à la SNCF, j'ai signé un contrat. C'est pour ça que je me suis engagé, parce que il y avait un certain nombre de points sur la retraite. Si on me change mon contrat en cours de route, je ne m'y retrouve pas » ? Qu'est-ce que vous répondez à ce discours ? Est-ce qu'il faut vraiment étaler, du coup, dans le temps, l'application de cette durée des cotisations ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je comprends très bien ce discours. Je le comprends parce que je comprends très bien que, quand vous vous êtes engagé dans une entreprise, qu'on vous avait dit « Vous allez pouvoir partir à tel âge », quelque part, pour vous, ça faisait partie des données. Mais, juste, ce qu'il faut intégrer aussi, c'est que, quand on a fait la réforme du régime des retraites du régime général, quand on a fait la réforme du régime aussi des retraites de la Fonction publique, de la même manière, on a dit aux gens « Eh bien, il faut qu'on fasse un effort parce que, tout simplement, sinon, qui est-ce qui va payer l'addition, eh bien c'est les générations qui travaillent, les jeunes générations ». Et il y a aussi, et puis il y a un principe d'équité dans notre société qui est la juste répartition du fardeau entre les différentes générations. Donc, on a fait, on a demandé le même effort et on l'a fait en se donnant le temps, c'est-à-dire en disant « On fait cet effort d'alignement sur quatre ans ». Eh bien, là, c'est à peu près la même démarche qu'on demande. Mais, le point qui est important pour nous, c'est de bien comprendre, et ce point que vous soulignez est très fort, c'est que, effectivement, ça fait partie d'un contrat global et que, parler du régime des retraites, on ne peut pas tout à fait le faire sans parler aussi, par exemple, des avantages familiaux pour les femmes qui sont engagées dans les entreprises, sans parler de la question des pénibilités, sans parler de la question des seniors. C'est des entreprises où, avec les clauses couperets, on pousse les gens dehors. On les poussait, qu'ils le veuillent, d'ailleurs, ou non, aux alentours de 50-52 ans, d'ailleurs, selon les différents, selon les différentes entreprises. Eh bien, toutes ces questions-là, on essaye de les mettre sur la table.
FREDERIC MOUNIER - Laurent WAUQUIEZ, Laurent de BOISSIEU, la CROIX, vous pose la dernière question de cette première partie de « Face aux chrétiens ».
LAURENT DE BOISSIEU - Régime général, fonctionnaires, régimes spéciaux, c'est un peu la même réforme des retraites qui est conduite depuis le gouvernement BALLADUR. Alors, ça a été saucissonné. On arrive un peu à la dernière rondelle de cette réforme. Ce n'était pas le moment de, vous parliez de pénibilité, de remettre les choses à plat et de regarder dans toutes les professions, de faire une sorte de retraite par points et suivant la pénibilité des professions, que ce soit des professions du privé ou du public ? Est-ce qu'il n'y a pas une occasion manquée, là, de faire la grande réforme qui chapeaute les précédentes ?
LAURENT WAUQUIEZ - D'abord, vous savez, en France, on a toujours un peu le fantasme du grand soir. Il faut faire attention, des fois, il vaut mieux essayer de s'adapter...
INTERVENANT - Ce n'est pas votre truc, le grand soir.
LAURENT WAUQUIEZ - ... Non, pas trop. Mais, le vrai sujet, c'est quoi ? Mettons-nous deux secondes à la place de ceux qui sont dans le régime général ou dans le régime de la Fonction publique. On leur aurait dit « Ecoutez, les régimes spéciaux, pas tout de suite. On va plutôt rediscuter à nouveau de tout ». Ca aurait été perçu comme étant un peu inéquitable. Je pense que, d'abord, le premier problème et, si on le dit simplement, ce qui dépasse, d'ailleurs, les régimes spéciaux, c'est que, faute d'un certain courage politique, on a laissé, dans la société française, s'enkyster un certain nombre d'inéquités et d'injustices. La faute, c'est celle des politiques, ce n'est pas des personnes qui ont bénéficié de ces différents régimes. Mais, le but, quand même, c'est d'essayer de remettre en place un tout petit peu plus de justice et d'équité dans le fonctionnement de notre société française.
FREDERIC MOUNIER - Très bien. Nous allons marquer une première pause dans cette édition de « Face aux chrétiens » et nous poursuivrons notre dialogue avec notre invité, Laurent WAUQUIEZ, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement.
FREDERIC MOUNIER - Notre invité, aujourd'hui, est Laurent WAUQUIEZ, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement. Il est interrogé par Laurent de BOISSIEU, pour LA CROIX, Jean-François BODIN, pour RCF, et Aymeric POURBAIS, pour Radio Notre Dame. C'est Aymeric POURBAIS qui ouvre le feu de cette deuxième partie. Aymeric.
AYMERIC POURBAIS - Oui, l'actualité, c'est, évidemment, le Grenelle de l'environnement qui se tient en ce moment, alors avec un certain nombre de mesures prévues et, en même temps, qu'est-ce que vous répondez à Nicolas HULOT qui dit « Il y a des mesures qui sont prévues mais, finalement, on ne change pas vraiment la manière de consommer, d'envisager notre système de production. Donc, ce Grenelle, c'est de l'apparence mais ça ne servira pas à grand-chose. C'est cosmétique » ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors, d'abord, je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit exactement le discours de Nicolas HULOT, si je peux me permettre. J'ai bien relu, d'ailleurs, ses différentes interventions. Nicolas HULOT a quand même salué le côté très original de la démarche, plus le fait qu'il y avait des avancées concrètes qui étaient très positives. Ce que Nicolas HULOT attend, lui, c'est la taxe au carbone. Juste, en terme d'environnement, là encore, je pense que, ce qui est intéressant, il y a deux choses qui sont intéressantes. D'abord, la première, c'est la prise de conscience collective. Mesurons le chemin parcouru. Aujourd'hui, le numéro deux du gouvernement, c'est celui qui est en charge des questions de développement durable. Il n'y a pas un autre pays au monde qui a fait ce qu'on a mené depuis quatre mois, c'est-à-dire de faire des vraies assises. Et, d'ailleurs, à Rio où il y a eu un sommet international, je crois, qui était en septembre, tout le monde était halluciné de voir le travail qui était fait par la France. La deuxième chose, c'est que, en terme de développement durable, on peut avancer aussi avec du concret. Alors, c'est des choses qui sont très tangibles. C'est, par exemple, faire en sorte que votre taxe de déchets, tout le monde le vit chez soi, ça n'a rien à voir avec la réalité de ce que vous polluez. C'est-à-dire, si vous faites des efforts pour bien trier, vous n'en avez aucun retour un minimum incitatif en terme de signal. Le bio, la place du bio, notamment le côté un peu exemplaire des différentes administrations. Est-ce qu'on incite un tout petit peu à faire un tout petit peu plus de nourriture bio ? Troisièmement, tout ce qui est les transports, voilà, est-ce qu'on vous incite à avoir plutôt un véhicule, rouler à vélo, avoir un véhicule qui soit plutôt respectueux de l'environnement ou non ? Dernier point, qui, moi, me tient très à coeur, les questions de logement. Il faut savoir que, le logement, c'est 40 % de notre consommation d'énergie. On continue à faire des logements sur lesquels on ne met pas véritablement les investissements pour. Ne serait-ce que quand vous construisez... Chez moi, en Haute-Loire, il y a une étape qui est importante dans la vie de sa famille, c'est le moment où on construit, faire construire. Est-ce que, au moment où on fait construire, on implante la maison tournée dans le bon sens ? Est-ce qu'on réfléchit au fait de mettre un peu de photovoltaïque ? Est-ce que l'Etat vous y incite ou non ?
AYMERIC POURBAIS - Mais ça va nous coûter beaucoup plus cher, monsieur le ministre.
LAURENT WAUQUIEZ - Mais ça va aussi nous faire beaucoup épargner, et c'est là où c'est intéressant. C'est que, moi, une des choses qui me fascine en matière de développement durable, c'est que c'est un des domaines où vous pouvez avoir un jeu gagnant-gagnant qui est le plus fort. C'est-à-dire qu'on peut, à la fois, arriver - et, d'ailleurs, le journal LA CROIX l'a très bien montré dans les différentes, les différentes analyses que vous avez faites là-dessus, notamment votre numéro, là, de mercredi qui était très intéressant - on voit bien qu'on peut arriver à faire des jeux gagnant-gagnant. Par exemple, si un ministère investit pour mieux faire son isolation, eh bien ça va lui coûter pendant quatre ans mais, au bout de quatre ans, il aura son retour sur investissement parce qu'il aura fait des économies d'énergie. Pour une famille, ça coûtera peut-être un peu plus cher au moment de la construction, mais l'Etat peut compenser, et il aura le retour sur investissement sur la facture, par exemple, énergétique.
FREDERIC MOUNIER - Laurent de BOISSIEU, de l'excellent quotidien LA CROIX, justement.
LAURENT WAUQUIEZ - J'ai fait de la démagogie.
INTERVENANT - Juste ce qu'il faut.
FREDERIC MOUNIER - Laurent de BOISSIEU.
LAURENT DE BOISSIEU - En tant que porte-parole du gouvernement, comment allez-vous gérer les associations écologistes qui, forcément, seront un peu déçues parce que elles demandent des moratoires sur les autoroutes, sur les OGM, sur le nucléaire ? On sait bien que le gouvernement ne va pas pouvoir répondre à ces attentes-là.
FREDERIC MOUNIER - Cécile DUFLOT, secrétaire générale des Verts, était à votre place il y a quelque temps. Elle est très, très critique sur la démarche. Elle n'attend pas beaucoup de choses. Alors, qu'est-ce que vous lui dites ?
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien, j'ai envie de dire, mais c'est toujours le même sujet, c'est celui du verre à moitié plein et du verre à moitié vide, il faut aussi avoir la lucidité et le courage, même si, politiquement, chacun est enfermé un peu dans ses postures, de la part d'un gouvernement qui était, enfin et même de la part de ma famille politique qui est une famille politique de la droite et du centre...
INTERVENANT - Qui n'était pas très écolo au départ...
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr, qui n'était pas très écolo...
INTERVENANT - Pas très écolo, plutôt productiviste. Voilà.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr. Il y a un énorme chemin qu'on a parcouru pour dire « Aujourd'hui, le développement durable est l'enjeu majeur ». Quand François FILLON intervient pour inaugurer le Grenelle de l'environnement et dit « Le développement durable fait partie des trois priorités les plus importantes de mon gouvernement », c'est un énorme chemin qu'on a parcouru. Je pense que c'est aussi important que les associations environnementalistes, qui, jusque là, étaient dans un univers qui était plus un univers très exigeant parce que dans une exigence qui était déconnectée aussi de la faisabilité, fassent cet effort de se dire « OK. Il y a un jeu, qui est un jeu coopératif, où, certes, on n'aura pas tout ce qu'on demande mais il y a des avancées qu'on va obtenir ». Et je veux vraiment tirer mon chapeau au travail qu'ils ont fait...
LAURENT DE BOISSIEU - Elles jouent le jeu...
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr. Elles ont quand même fait un sacré travail. Il faut quand même imaginer, et, là, ce n'est même pas une métaphore, que, les gens qui se sont retrouvés de part et d'autre de la table au Grenelle de l'environnement, ils discutaient, avant, à coups de fusil. Quand vous aviez les anti-OGM et les agriculteurs, ça se passait à coups de fusil. Et, là, on a réussi à mettre autour de la table des gens qui n'arrivaient pas à trouver des points de consensus. On a trouvé un certain nombre de points de consensus. Il n'y a pas tout. Par exemple, le président de la République a été très clair en disant « Le nucléaire ne fait pas partie des sujets qui seront en débat dans le cadre du Grenelle de l'environnement ». Il l'avait dit dès le début. La donne était claire pour tout le monde. Pour autant, ça ne veut pas dire que, parce que on ne monte pas totalement au mât de Cocagne, qu'on ne fait rien d'utile pour faire avancer le développement durable.
FREDERIC MOUNIER - Jean-François BODIN, RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Est-ce que, finalement, sur ce dossier de l'environnement, le plus difficile, c'est de passer de la prise de conscience collective qui est, aujourd'hui, effectivement, avérée, y compris, vous le dites, parce que tout le monde se retrouve autour d'une table, à la prise de conscience personnelle ? C'est-à-dire qu'on va pouvoir faire, pardonnez-moi, des grands machins, le Grenelle va être un grand machin. La question, c'est est-ce que, concrètement, vous, moi, personnellement, quand on se retrouve chez soi, on va avoir les gestes écologiques nécessaires ? Est-ce que ce n'est pas ça, le grand..., parce que, bravo pour le Grenelle, mais après ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous savez en qui j'ai confiance ? C'est en mon fils et je le dis très simplement. Il a quatre ans...
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Et il vous dit de ne pas laisser couler le robinet.
LAURENT WAUQUIEZ - Exactement.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Eh bien voilà. C'est ce qu'ils disent tous. Est-ce que c'est suffisant ?
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien, je pense que, en tout cas, c'est des déclics. Quand on fait de la politique, il faut fondamentalement avoir confiance dans l'âme humaine. Il ne faut pas avoir une logique qui soit trop désespérante ou pessimiste. Et voilà, je pense que la génération qui nous suit est aussi une génération qui a une conscience écologique beaucoup plus forte que la nôtre. C'est, d'ailleurs, ROUSSEAU qui disait ça. ROUSSEAU disait que, en matière de nature et d'environnement, ça n'était pas dans la régression qu'on arriverait à résoudre les problèmes de la nature et de l'environnement mais, au contraire, dans le progrès, social et humain. C'est intéressant.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Sur la confiance et le progrès, il y a un débat, en ce moment, sur la question du principe de précaution qui était inclus dans la Constitution et, aujourd'hui, en particulier, la commission ATTALI, dont nous reparlerons tout à l'heure, nous dit « Attention, attention, ça bloque le progrès ». Alors, le principe de précaution, il doit être où ?
LAURENT WAUQUIEZ - Le principe de précaution, enfin, il est fondamental. C'est, d'ailleurs, en vertu de ce principe de précaution aussi qu'on va, qu'on va aborder la question des OGM dans le cadre du Grenelle de l'environnement et, je dirais, surtout pour des médias qui sont les médias comme Radio Notre Dame, RCF ou LA CROIX. Cette idée de la précaution, quand on touche au fondement de la nature, de l'homme, enfin de l'humanisme dans son sens le plus large, il s'impose. Après, il est aussi contrebalancé par un autre devoir qui est celui de responsabilité et où il faut faire attention à ce que, pour devenir beaucoup plus prosaïque, le principe de précaution ne se traduise pas par ouvrir le parapluie. Mais, là, ce n'est pas le principe de précaution qui est en cause, c'est la façon dont les politiques l'appliquent.
FREDERIC MOUNIER - Laurent de BOISSIEU, LA CROIX.
LAURENT DE BOISSIEU - Oui, je vais passer sur un autre sujet. Vous disiez, tout à l'heure, en ouverture de l'émission, que ce gouvernement n'attendait pas l'après-municipales, donc les échéances électorales, pour réformer. Il y a tout de même un sujet où, apparemment, le gouvernement a décidé d'attendre l'après-municipales...
LAURENT DE BOISSIEU - Exactement. La commission BALLADUR.
FREDERIC MOUNIER - Alors, on rappelle peut-être la commission BALLADUR. Il est question de créer une dose de proportionnelle, de permettre la saisine du Conseil constitutionnel par de simples citoyens, de modifier l'article 20 qui dispose que le gouvernement dirige et... Vous allez me le rappeler. Vous le savez certainement, l'article 20 de la Constitution ?
LAURENT WAUQUIEZ - Un des points qui est « piégeux », pour un porte-parole, c'est le côté « Questions pour un champion ». Je ne voudrais pas m'amuser avec...
FREDERIC MOUNIER - Non, non. La question de la relation entre le président de la République et le Premier ministre. Voilà. Donc, il y a beaucoup de questions épineuses. Est-ce que c'est reporté ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors, d'abord, non parce que on n'a pas demandé, on n'a pas demandé à la commission BALLADUR de reporter la présentation de son rapport. Le rapport sera présenté lundi avec des propositions qui sont très innovantes, notamment sur tous les sujets que vous avez évoqués. Après, c'est une responsabilité qui est une responsabilité collective, notamment du Parlement. La pierre de touche, c'est d'avoir les trois cinquièmes des voix pour réussir à faire en sorte que la réforme institutionnelle soit adoptée. Là, ça suppose qu'on arrive, notamment, à sortir d'un jeu de postures où chaque parti se renvoie la balle pour réussir à trouver un terrain d'accord. Trouver un terrain d'accord sur ces sujets-là prend peut-être du temps.
FREDERIC MOUNIER - Laurent de BOISSIEU.
LAURENT DE BOISSIEU - Le congrès devrait, de toute façon, a priori, se réunir pour le traité modificatif européen. Ce n'était pas l'occasion de faire un seul, un seul congrès pour la réforme institutionnelle et la réforme européenne ?
LAURENT WAUQUIEZ - Là encore, il faut, il faut expliquer aux auditeurs et puis, à vos lecteurs, quel a été le cadre de raisonnement. La France a réussi à débloquer, avec l'énergie qui a mise le président de la République et qu'on lui connaît, ce qui était une vraie impasse au niveau institutionnel européen. On a quand même été moteur là-dessus, sur le fait de dire « On fait un traité simplifié qui nous permet de débloquer les questions institutionnelles »...
INTERVENANT - Les Allemands sont un peu énervés là-dessus. Ils pensent que Nicolas SARKOZY n'était pas tout seul à débloquer l'affaire.
LAURENT WAUQUIEZ - On n'est jamais tout seul mais, en même temps, il faut quand même un déclic initial. Il faut aussi rendre à César ce qui est à César. Et donc, en tout cas, ce serait quand même bien, je trouve...
INTERVENANT - Comparaison n'est pas raison.
FREDERIC MOUNIER - Poursuivez, Laurent WAUQUIEZ, poursuivez.
LAURENT WAUQUIEZ - Je vais épuiser mes proverbes... Donc, juste, là-dessus, la France qui, quand même, sur le dernier référendum, a, en partie, été à l'origine de cette crise européenne, ce serait quand même un signal très fort qu'on soit les premiers à ratifier le traité simplifié et que, quelque part, on dise « Voilà, on est partant pour remettre de l'énergie et du mouvement dans la construction européenne ». Ca, ça suppose qu'on puisse le ratifier vite et on voit, d'ailleurs, que, sur ce sujet-là, il y a un consensus puisque, y compris les socialistes, et je rends honneur à leur démarche qui est, là-dessus, constructive, ont dit « OK, allons-y, ratifions ce traité, si possible rapidement ». J'ai encore vu une prise de position de DELANOË là-dessus...
LAURENT DE BOISSIEU - Tout le monde n'est pas sur cette ligne-là au sein du PS.
LAURENT WAUQUIEZ - Ils ont des petites divisions. J'espère qu'ils sauront aller au-delà de leurs divisions et de leurs querelles intestines mais je le crois. Donc, là-dessus, il faut qu'on avance vite. Par contre, sur les institutions, on le voit bien, il y a plus de crispations. J'espère qu'ils arriveront aussi à être dans cette démarche constructive. Visiblement, il faut qu'on leur laisse un peu plus de temps.
FREDERIC MOUNIER - Aymeric POURBAIS, RCF, Radio Notre Dame. Pardon !
AYMERIC POURBAIS - Je voudrais poursuivre sur l'Europe quand même parce que, ce traité simplifié, est-ce que ce n'est pas une Constitution bis ? Est-ce que ce n'est pas une manière de refiler, pardonnez-moi l'expression, aux Français quelque chose qu'ils ont déjà refusé ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non, parce que, la seule partie qui est dans ce traité simplifié, c'est, notamment, toutes les règles de fonctionnement des institutions...
AYMERIC POURBAIS - Mais il y a une certaine supranationalité qui s'exprime dans ce traité simplifié.
LAURENT WAUQUIEZ - Non, enfin, je ne pense pas. L'idée, vraiment, pour la résumer simplement au niveau du traité simplifié, c'est de faire en sorte que les institutions européennes, qui ne fonctionnaient plus avec le nombre de pays qu'on a aujourd'hui, puissent continuer à fonctionner. On a enlevé toutes ces questions qui avaient fait beaucoup débat sur la référence, ou non, aux valeurs chrétiennes, par exemple, les questions de place de la libre concurrence ou non. Donc, on est vraiment sur un traité qui est un traité uniquement institutionnel. Et, le deuxième point, en tout cas, c'est...
AYMERIC POURBAIS - Mais on donne la capacité à l'Union européenne de signer les traités, par exemple.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui.
AYMERIC POURBAIS - Donc, ça veut dire que...
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr. Il y a une représentation, il y a une représentation étrangère qui est devenue plus importante. Mais il y a un autre point qui est important pour nous. C'est que je comprendrais très bien qu'on ait ce débat si jamais le président n'en avait pas parlé avant. Il a été très clair, sur cette question, d'ailleurs, comme celle des régimes spéciaux, en prenant des risques et en disant « Sur le traité simplifié, je prendrai mes responsabilités »...
AYMERIC POURBAIS - Sur la Turquie, par exemple, il a été plus clair, il est devenu moins clair tout d'un coup.
LAURENT WAUQUIEZ - Non, il n'a pas changé, vraiment. Il l'a redit même deux à trois fois depuis. Il est contre l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Il est pour, en revanche, qu'on étudie une façon de faire une association forte de la Turquie à l'Union européenne. Ce n'est pas la même chose. Mais, juste là-dessus, sur, sur ce traité simplifié, on a été très clair avant et, d'ailleurs, je constate que Ségolène ROYAL, qui était et qui en avait fait, d'ailleurs, un argument électoral en disant « Moi, je veux absolument le référendum », a dit d'elle-même que, sur le traité simplifié ratifié par le Parlement, elle pensait que, effectivement, c'était une solution de bon sens.
FREDERIC MOUNIER - Jean-François BODIN, RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Alors, si ce mini traité permet de débloquer, au niveau institutionnel, la construction de l'Europe, ce que beaucoup reprochent, aujourd'hui, c'est un manque de vision et de projets sur l'Europe, c'est-à-dire qu'on la fait avancer bon gré mal gré. On essaye de rabibocher un peu, institutionnellement, des choses qui tiennent la route, etc, mais il n'y a plus de projets, il n'y a plus de vision véritablement européenne. Est-ce que c'est une préoccupation du gouvernement et du, du chef de l'Etat, aujourd'hui ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous savez, moi, c'est une de mes...
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Et, si oui, vers quels projets ?
LAURENT WAUQUIEZ - C'est une des mes très fortes préoccupations personnelles. Je reviendrai, après, sur votre question de fond. Quand j'avais 18 ans et si on m'interrogeait pour - enfin, d'ailleurs, c'était une question qu'on s'était posé avec des amis - de se dire « Qu'est-ce qui sera le projet de notre génération ? » et une des réponses qui était très forte pour nous, ce sera, précisément, le devoir de notre génération, ça va être de parachuter cet édifice européen...
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Oui mais pourquoi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Et, depuis, entre 18 ans et maintenant...
INTERVENANT - 32 ans, 32 ans.
LAURENT WAUQUIEZ - Et 32 ans, qu'est-ce que j'ai constaté ? Eh bien, c'est plutôt, honnêtement, un effritement de la force d'enthousiasme ou de la, enfin de la force d'entraînement de ce projet européen. Et, vous avez raison, le problème qu'on a, aujourd'hui, c'est de redonner une vision. Le président est très au clair là-dessus. Le choix qu'il a fait, c'est de dire « D'abord, on remet d'équerre les institutions ». Aujourd'hui, vous l'avez rappelé, mon père spirituel, c'est Jacques BARROT, auquel je dois énormément, qui est, aujourd'hui, le commissaire européen, notamment, chargé des transports. On a un problème au niveau du fonctionnement institutionnel de l'Union européenne. Donc, d'abord, remettre d'équerre les règles pour que le moteur tourne et, ensuite, retrouver la boussole. Retrouver la boussole, c'est la proposition qui a été faite par Nicolas SARKOZY de dire « On est à un moment où il faut qu'on sache où on va ». Donc, demandons à un comité de sages européens, d'une dimension vraiment très, très haut niveau intellectuel, d'engagement politique, philosophique, de réfléchir pour sortir un tout petit peu la tête du guidon. Pas être prisonniers des directives ultra techniques pour se dire « OK, on fait l'Europe pourquoi ? ». Quel est, maintenant, l'objectif, quel est le sens de ce qu'on fait ? Est-ce que c'est la paix ? Est-ce que ça peut être encore ça ? Est-ce que c'est construire un modèle social et « civilisationnel » qui apportera une complémentarité par rapport à la Chine ou par rapport aux Etats-Unis ? Est-ce que c'est réussir, à la fois, s'enrichir de notre diversité tout en ayant un socle commun de références, culturelles, sociales, économiques ? Voilà, c'est toutes ces questions qu'il faut qu'on se pose. On en a besoin. Moi, je le ressens. Je ne serais sans doute pas très à l'aise si jamais vous m'interrogiez, là maintenant, sur le contenu du projet européen tel que je le vois sur les vingt ans qui viennent.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Mais il faudrait qu'on se retrouve dans combien de temps pour pouvoir en parler ? Deux ans, trois ans ?
LAURENT WAUQUIEZ - J'espère deux-trois ans mais je pense qu'on a besoin de ce moment de vraie réflexion. On se remet sur le fond par rapport à l'Europe. Et le président a bien fait bouger là-dessus. C'était, au début, un peu crispé.
FREDERIC MOUNIER - Une question à Laurent WAUQUIEZ, porte-parole du gouvernement, de la part de Laurent de BOISSIEU, LA CROIX.
LAURENT DE BOISSIEU - Je reviens sur le contenu du traité simplifié européen. Il commence à circuler sur Internet, on se souvient, au moment de la campagne référendaire, le « non » avait beaucoup utilisé Internet, les argumentaires montrant que tout ce qui était dans la Constitution européenne sont, se retrouve, pour l'essentiel, mis à part les symboles mais, sur le fond, dans le traité simplifié. Est-ce que vous ne craignez pas qu'il y ait un peu une sorte de mouvement populaire, ou autre, qui dénie à la majorité le fait de faire passer par le Parlement ce qui a été refusé par le peuple ? Quels arguments vous pouvez avancer, concrètement, pour répondre à ça ?
LAURENT WAUQUIEZ - Les arguments, c'est que la, enfin, l'adoption par un référendum, elle se justifie si on touche au fond, aux principes, je dirais, si on est quasiment sur une Constitution européenne. Là, on n'est pas sur une Constitution européenne. On a déjà eu, par le passé, un certain nombre de traités, y compris qui ont fait des avancées très importantes, et qui n'ont pas eu recours au référendum. La pierre de touche, c'est de savoir est-ce qu'on est sur un traité qui permet de répondre à un certain nombre de normes institutionnelles, même avec leurs audaces, vous l'avez rappelé, en terme de diplomatie internationale de l'Union européenne, ou est-ce qu'on est sur quelque chose de très, d'une Constitution fondamentale de l'Union européenne ? On n'est pas là-dessus.
FREDERIC MOUNIER - Aymeric POURBAIS, Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Mais est-ce que, quand même, pardonnez-moi d'insister, la règle de la majorité...
LAURENT WAUQUIEZ - Vous voulez vraiment me torturer.
AYMERIC POURBAIS - La règle de la majorité qui va prévaloir, qui « prévalera » si cette, si ce texte est adopté, qui abaisse, finalement, le seuil de la majorité nécessaire pour adopter un certain nombre de directives, ne va pas faire, conduire à, finalement, à ce que les décisions soient plus prises à Bruxelles qu'à Paris, par exemple ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous savez, si on fait la construction européenne, c'est précisément parce que on pense qu'il y a un certain nombre de décisions qui, si on continue à croire qu'on peut les prendre, justement, dans notre petit périmètre hexagonal, on s'aperçoit que, en réalité, on n'a aucune prise sur les choses. Donc, oui, mais j'ai envie de dire « C'est tout le sens de la construction européenne...
INTERVENANT - Mais est-ce que ce n'est pas ça que les Français ont refusé ?
INTERVENANT - Pourquoi ne pas le faire avec les peuples ? Pourquoi ne pas le faire avec les peuples ? Pourquoi ne pas leur redemander alors ?
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien, tout simplement parce que, là-dessus, encore une fois, la question n'est pas le champ des compétences de l'Union européenne, la question, c'est est-ce que, c'est à quel point est-ce qu'on veut une machine européenne qui est totalement bloquée ou non ? Le président de la République l'a clairement énoncé dans, au moment du, je dirais, le contrat républicain qui le lie avec les Français. Sur son élection, il a été clair. Il a dit « Je ferai un traité simplifié. Ce traité simplifié sera ratifié par le Parlement parce que je ne veux pas à nouveau prendre... ». On ne peut pas, à nouveau, se payer le luxe de mettre la voiture européenne une deuxième fois dans le mur. Voilà.
FREDERIC MOUNIER - Très bien. Il nous reste de nombreux sujets à aborder avec Laurent WAUQUIEZ, porte-parole du gouvernement : l'immigration, la commission ATTALI, le pouvoir d'achat, l'union méditerranéenne. Vous restez avec nous. Nous allons faire une seconde pause dans cette édition de « Face aux chrétiens ».
FREDERIC MOUNIER - Notre invité, aujourd'hui, est Laurent WAUQUIEZ, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement. Il est interrogé par Aymeric POURBAIS, pour Radio Notre Dame, Laurent de BOISSIEU, pour LA CROIX, Jean-François BODIN, pour RCF. C'est Jean-François qui pose la première question de cette troisième et dernière partie de « Face aux chrétiens ».
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Au soir de son élection, Nicolas SARKOZY avait parlé, un peu à la surprise générale, de l'union méditerranéenne. Il n'en avait jamais fait mention avant. Le voilà qui essaye de la mettre en route. Selon vous, alors on vient de parler de l'Europe, est-ce que ça ne fait pas un dossier en plus qui complique les choses avec la construction de l'Europe. Et est-ce que, j'ai été frappé dans ce que vous avez dit, avant, sur l'Europe, pas une fois on a parlé du ministre des Affaires étrangères, est-ce qu'il est aussi impliqué sur ces dossiers, y compris sur l'union méditerranéenne ? Une question à double sens.
LAURENT WAUQUIEZ - Je vais essayer de prendre le principal sens de la question. Je me souviens très bien du moment où le président de la République a évoqué ce sujet pendant la campagne présidentielle. C'était à Toulon et c'est un moment... Dans une campagne présidentielle, il y a des moments médiocres et il y a des moments où vous vous dites « Ce que je fais, mon engagement politique a du sens ». Eh bien, quand j'étais ressorti de ce discours, je m'étais dis, vraiment, voilà, quelque part, là, on touche à du dur. Ca a du sens, l'engagement politique, parce que on peut faire bouger les frontières. Pourquoi ? La première chose, et c'est bien de prendre un tout petit peu de champ, la France a été, finalement, prospère et, je dirais, s'est construit un modèle fort quand la relation avec la Méditerranée était une relation forte. C'est Fernand BRAUDEL, d'ailleurs, qui l'a très bien montré dans tout son travail sur l'Europe et la Méditerranée. La deuxième chose, c'est qu'on est, précisément, nous, sur une ligne de fracture qui est cette question qui nous hante un peu tous du choc des civilisations, y compris dans sa dimension religieuse avec l'affrontement entre l'Europe et l'islam, en étant, d'ailleurs, très prudent sur cette caricature qui est, parfois, de fait, de la réduction du monde arabe à l'islam. Je parle personnellement arabe. J'ai travaillé en histoire sur ces sujets. Donc, c'est des questions qui me touchent beaucoup. Cette double dimension, le but de l'union méditerranéenne, c'est de dire « On ne peut pas continuer à assister passivement au fait que la Méditerranée deviendrait un gouffre, où les deux rives dériveraient progressivement le plus loin l'une de l'autre »...
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Avec beaucoup de gens qui essayent de passer d'une rive à l'autre.
LAURENT WAUQUIEZ - Avec, d'ailleurs, beaucoup de gens qui essayent de passer d'une rive à l'autre et, d'ailleurs, des passeurs aussi entre deux cultures dont on a sans doute besoin. Le discours de l'union méditerranéenne, c'est donc vraiment très fort en terme de projet politique, c'est de dire « Essayons de redonner un sens à l'union méditerranéenne et de porter, enfin à cette Méditerranée qui nous rassemble, et si on portait ensemble des projets ». On a des vrais phares là-dessus. On va sans doute avoir un Conseil des ministres en Corse. La Corse a beaucoup trop rogné sa dimension méditerranéenne alors que elle peut être, pour nous, pour la France, un des promontoires avec ses îles qui font la transition, une des valeurs fortes pour le développement de la Corse. On a des échanges à mener avec le Maroc, des projets économiques à conduire ensemble. Toutes les questions de gestion de l'eau dans ses territoires...
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Est-ce que ce n'est pas, au fond, un contrepoids à la loi HORTEFEUX, à la loi sur l'immigration, ce projet d'union méditerranéenne ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je n'aime pas le terme de « contrepoids » parce que il sous-entend, derrière, une réduction quasi politicienne ou en terme de stratégie politicienne. Par contre, là où vous avez raison, c'est que c'est une façon d'essayer d'aborder les choses de façon équilibrée. Il n'y a rien de pire, en politique, que la caricature, être uniquement dans un corner où vous vous caricaturez vous-même. Je pense qu'on peut, à la fois, être exigeant en matière de maîtrise de notre politique d'immigration et de dire qu'on a aussi un devoir de solidarité pour essayer d'aider les pays de la Méditerranée à se développer et à porter, ensemble, des projets concrets. Ce n'est pas parce que vous faites l'un que l'autre vous est interdit et j'ai même tendance à penser que les deux se soutiennent.
FREDERIC MOUNIER - Aymeric POURBAIS, Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Oui, puisque vous citez BRAUDEL et l'impact de la Méditerranée, c'était vrai à l'époque où la Méditerranée était encore un lieu d'échange, etc. Est-ce que, aujourd'hui, finalement, en terme de trafic maritime, la Méditerranée, ce n'est pas plutôt une plage pour touristes que un lieu de... Non mais...
INTERVENANT - Ca n'est plus le centre du monde.
AYMERIC POURBAIS - Voilà. Est-ce que, aujourd'hui, ça a un sens de reparler de la Méditerranée comme lieu de confluence, d'influence et de partage ?
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien d'abord, le tourisme a un sens parce que c'est quand même une façon de partager, enfin de partager les choses. Je ne fais pas une caricature là-dessus. Je pense que, quand vous allez dans un autre pays, c'est aussi une façon de s'ouvrir à la différence. Ce n'est pas mal. Après, vous avez raison aussi, précisément, le but, c'est d'éviter que la Méditerranée ne soit qu'un lieu de tourisme où, en réalité, on ne se comprend pas dans le fond. Porter des projets concrets, c'est une façon de nous rappeler qu'on a un destin commun et pas un destin du nord de la Méditerranée et un destin du sud de la Méditerranée. On est vraiment sur quelque chose qui est, qui est lourd en terme de choix. C'est un vrai choix de civilisation de se dire « On ne va pas renfermer l'Europe uniquement sur le nord ou sur un centre de gravité qui serait le plus éloigné possible de la Méditerranée parce que la Méditerranée est un lieu de conflits ». C'est un vrai choix politique fort de dire « Je veux qu'on travaille ensemble des deux côtés de la Méditerranée ». La dernière fois qu'il y a eu ce choix fort, c'est Napoléon III. Voilà, c'est quand même... Vous savez, il y a des moments où, de temps en temps, même en politique, on croise l'Histoire.
FREDERIC MOUNIER - Jean-François BODIN, RCF.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - J'en reviens à la deuxième partie de ma question tout à l'heure, Union européenne-union méditerranéenne, domaine réservé...
LAURENT WAUQUIEZ - Là, on va revenir dans les cuisines politiciennes.
JEAN-FRANÇOIS BODIN - Domaine réservé du chef de l'Etat ou c'est aussi quelque chose qui peut intéresser le ministre des Affaires étrangères ?
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr que ça va intéresser le ministre des Affaires étrangères. Mais c'est un projet qui est un projet qui nécessite une vraie, une impulsion politique au plus haut niveau et c'est, d'ailleurs, vous l'avez très bien souligné vous-même, c'est un projet qui a été voulu, conçu par le président de la République. Donc, il est normal que ce soit un projet aussi présidentiel. Voilà.
FREDERIC MOUNIER - Une question, Laurent WAUQUIEZ, concernant...
LAURENT WAUQUIEZ - J'ai trouvé fort, d'ailleurs - pardon - ça n'a pas été forcément relevé, mais que ce discours-là ait été prononcé depuis le Maroc, le Maroc qui était, quelque part, l'endroit d'où partaient les conquérants arabes en direction de la Péninsule ibérique, puis dans l'autre sens. C'est très fascinant quand on va dans ce territoire parce que on voit très bien ce jeu des influences croisées entre civilisation européenne-civilisation arabe qui s'entrecroisent de façon beaucoup plus importante que ce qu'on a l'impression. On l'a trop oublié ça.
FREDERIC MOUNIER - Alors, sur cet encroisement, Laurent WAUQUIEZ, vous avez été attentif, je crois, vous l'êtes personnellement, à la position des évêques sur la question des tests ADN et, plus largement, sur la loi sur l'immigration. Comment vous avez réagi personnellement à cette prise de position ?
LAURENT WAUQUIEZ - C'est une question redoutable pour un porte-parole. Initialement, tel que le, tel que le texte était présenté, l'amendement initial, si j'avais été député à ce moment-là, je ne l'aurais pas voté. Je trouve que, là, il est vraiment encadré d'énormément de garanties qui permettent de faire en sorte que on soit certain que les questions de dignité humaine ne soient pas en cause. Il y a la garantie du juge, il y a la garantie de la base volontaire, il y a la garantie de remboursement...
FREDERIC MOUNIER - En gros, il est vidé de son contenu ? Pas tout à fait ?
LAURENT WAUQUIEZ - Garantir la dignité humaine, ça veut dire d'être vidé de son contenu ? Je ne l'espère pas.
FREDERIC MOUNIER - Bonne réponse ! Aymeric POURBAIS, Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Oui, pardonnez-moi d'être bassement matériel, je voudrais revenir sur le Maroc...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui. C'est normal.
AYMERIC POURBAIS - La visite de Nicolas SARKOZY et le fiasco qui a choqué sur l'histoire du Rafale que Nicolas SARKOZY n'a pas réussi à vendre. Est-ce que c'est symptomatique - il n'est pas le seul en cause. Ca s'est produit par le passé - est-ce que ce n'est pas symptomatique, selon vous, d'un dysfonctionnement d'Etat, d'un cloisonnement, d'une absence de concertation ? Enfin, il y a quand même un problème, là-dessus. La France a un problème, n'arrive pas à commercialiser ses belles réussites technologiques.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors, un, on a, incontestablement, un travail à faire pour mieux commercialiser nos réussites technologiques. Je ne sais pas, d'ailleurs, si ça vous a frappés, mais, sur le Nobel, je suis incapable de vous le donner dans le détail, j'ai peur, peut-être, d'être un peu caricatural mais, grosso modo, si j'ai bien compris, c'est le Nobel allemand qui a le véritable brevet alors que le Nobel français a fait tout un travail. Voilà, c'est sans doute sur tout, c'est sur toute cette façon de valoriser la recherche, et y compris dans sa déclinaison industrielle, que Valérie PECRESSE travaille. Deuxième remarque quand même, en politique, il y a, parfois, quelque chose qui est un peu étonnant, c'est que on ne vous parle que de ce qui ne marche pas. Il est quand même revenu avec des très, très beaux, on a des très beaux contrats...
AYMERIC POURBAIS - Le TGV.
LAURENT WAUQUIEZ - Qui ont été signés avec le Maroc, le TGV, des montants, des montants de plusieurs milliards d'euros. Eh bien, on peut peut-être aussi se réjouir de ce qui a marché.
FREDERIC MOUNIER - Une réponse sans en être une.
LAURENT WAUQUIEZ - Mais pourquoi ? Parce que, quand on parle de ce qui marche, ce n'est pas une réponse ? Non, je ne suis pas d'accord. Oui ?
INTERVENANT - Un détail, peut-être, je ne sais pas si le mot est juste, le fait que l'affaire Ben BARKA soit relancée judiciairement au moment où le président de la République se trouve au Maroc, c'est une bêtise ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non, je ne pense pas que c'est une bêtise...
INTERVENANT - C'est une réalité.
LAURENT WAUQUIEZ - C'est le, le travail de mémoire est toujours, est toujours très long, surtout quand,voilà, il y a toutes les questions aussi de responsabilités collectives qui sont en cause, de responsabilités de l'Etat. Voilà. Il faut laisser le, la mémoire prend beaucoup de temps. On l'a vu, d'ailleurs, sur l'affaire, je pense que vous allez m'en parler...
INTERVENANT - Voilà, l'affaire Guy MÔQUET. Je pense que c'est...
FRÉDÉRIC MOUNIER - Alors, Guy MÔQUET... Laurent de BOISSIEU, Laurent de BOISSIEU, LA CROIX.
LAURENT DE BOISSIEU - Justement, alors, outre le fait que, il y a eu plusieurs critiques, en fait, autour de cette affaire-là. Il y a ceux qui ont critiqué l'idée même que le gouvernement demande aux professeurs de commémorer, à une date précise, la Résistance. Et il y a aussi une critique, qui a été moins entendue, mais des milieux d'anciens résistants qui ont considéré que le choix de Guy MÔQUET n'était pas un bon choix, sachant que c'était une personne qui était plus otage que résistant. Il y a des lettres très émouvantes de jeunes résistants - je pense, notamment, ... du lycée Buffon - qui sont aussi poignantes et qui ont aussi, qui contiennent également plus de sens historique que la lettre de Guy MÔQUET qui est poignante mais qui n'a pas vraiment de réelle portée historique en soi.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors...
FREDERIC MOUNIER - Guy MÔQUET, Laurent WAUQUIEZ.
LAURENT WAUQUIEZ - Trois, trois remarques. La première, moi, je suis allé personnellement, je tenais à le faire, lire, d'ailleurs dans un lycée public et dans un lycée privé, la lettre de Guy MÔQUET. Ce n'est pas, moi, d'ailleurs, qui l'ai lu. On a fait un vrai travail d'une heure avec des étudiants qui avaient préparé leur sujet, d'ailleurs, avec leur prof d'histoire. Ce qui m'a fasciné, c'est la pertinence de leurs remarques, y compris dans les critiques, en disant l'excès de mémoire, l'instrumentalisation de la mémoire, quelle est la place de l'Histoire et de la mémoire. Ils sont repartis en me disant « On a vraiment passé un moment qui était très intéressant ». Première remarque. La deuxième remarque, c'est que je pense qu'on a besoin de symboles, précisément, et que le devoir, enfin, ça fait partie de la responsabilité du politique, c'est vrai, de faire des choix qui sont des choix de mémoire. Le choix de la commémoration du 11 novembre est un choix de mémoire. Le choix de dire que, à un moment, l'Etat français a une responsabilité dans la shoah est un choix de mémoire. Ce choix-là est celui du politique. J'ai une formation d'historien et, à côté de ça, une autre responsabilité qui est celle des historiens de restituer la complexité et l'objectivité. Mais c'est deux, c'est deux travaux qui se rencontrent. Le dernier point, la Haute-Loire est une terre de très forte résistance. Il y a quand même le Puy-en-Velay, il y a aussi Le Chambon-sur-Lignon avec la mémoire des Justes du Chambon-sur-Lignon. Tout ça, c'est un territoire où il y a beaucoup de, enfin voilà où on a une histoire qui est forte. C'est vrai que choisir Guy MÔQUET a un aspect de réduction mais on a besoin aussi, dans notre mémoire, d'avoir des symboles. Ce qui est intéressant et, moi, ce qui m'a intéressé dans le travail de ces étudiants, c'est que, en évoquant Guy MÔQUET, ils ont aussi évoqué Hans et Sophie SCHOLL, à Berlin, ils ont aussi évoqué la mémoire des Justes et que, quelque part, à partir d'un point ou d'un phare, il y a aussi d'autres sujets. Le dernier point qui fait référence à ce que vous disiez sur la mémoire, avant, on est quand même arrivé à un moment où on doit être capable de restituer la mémoire de la Résistance et de cette période-là dans toute sa complexité. L'itinéraire de Guy MÔQUET nous fait toucher, à travers ça aussi, la complexité de l'engagement du Parti communiste, le fait que est-ce qu'il a été soutenu, ou non, par le Parti communiste, l'ambiguïté du pacte germano-soviétique. Oui, c'est un itinéraire complexe. Je pense qu'il est quand même temps d'assumer la complexité de cette période.
FREDERIC MOUNIER - On arrive bientôt au terme de cette édition de « Face aux chrétiens » avec Laurent WAUQUIEZ, porte-parole. Une question de Aymeric POURBAIS, Radio Notre Dame.
AYMERIC POURBAIS - Oui, question délicate, peut-être, mais quand même...
LAURENT WAUQUIEZ - C'est la dernière ?
AYMERIC POURBAIS - Celle du divorce de Nicolas SARKOZY. Alors, il y a la part privée de l'affaire, qui est tragique et qui ne nous regarde pas, mais, justement, est-ce que, avec cette affaire, mais aussi pendant la campagne, on pourrait regarder à gauche entre Ségolène ROYAL et François HOLLANDE, est-ce qu'on n'a pas franchi une ligne jaune entre politique et vie privée ? Est-ce que médias et politiques n'ont pas, finalement, fait franchir conjointement une ligne jaune et on pourra difficilement revenir en arrière aujourd'hui en France ?
LAURENT WAUQUIEZ - Cette ligne est très compliquée parce que, quand vous êtes un homme public, votre engagement est public. Quand je me promène avec ma famille au Puy, eh bien je vis avec ma famille et, en même temps, des gens vont m'apostropher pour un oui ou pour un non pour me poser des questions qui sont des questions politiques, et je les comprends aussi. Donc, cette frontière-là, quand vous êtes un homme politique, elle est très difficile à gérer et je ne suis pas sûr qu'elle se réduise uniquement à la question qui est derrière celle que vous posez de la, de la peoplelisation. Voilà, c'est sans doute un devoir éthique de part et d'autre, à la fois de la part des politiques et des médias à réussir à trouver. L'engagement public, en tout cas, n'en est pas forcément affecté. Voilà.
FREDERIC MOUNIER - Une dernière question, Laurent WAUQUIEZ. La commission ATTALI prévoit une libéralisation de la grande distribution avec pour objectif une amélioration du pouvoir d'achat. Vous êtes un élu local de Haute-Loire, que vont dire vos électeurs petits commerçants ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense que ce qu'il faut qu'on arrive à trouver, c'est précisément ce chemin de parcours parce que, jusque là, qu'est-ce qu'on avait ? On a un dispositif juridique tellement corseté sur les règles de négociation que, la réalité, c'est qu'on n'a pas protégé le petit commerce - je peux vous dire que, en Haute-Loire, ils ont souffert durement - et que, en même temps, sur notre pouvoir d'achat, je ne suis pas sûr qu'on ait réussi non plus à y gagner. Je pense qu'il y a une manière peut-être plus intelligente de faire, à la fois, d'essayer de faire en sorte que, dans les négociations, notamment avec les grands fournisseurs, type NESTLE, DANONE, il y ait un tout petit peu plus de marges de manoeuvres qui soient faites. Ce n'est pas aux petits commerces qu'on veut faire payer l'addition mais c'est pour induire un tout petit peu plus de concurrence et qu'on arrive à faire baisser les prix. Nicolas SARKOZY l'avait fait quand il était à Bercy. D'ailleurs, les chiffres le montrent très bien. On a obtenu, sur les prix en question, une baisse de 2 à 3 % du prix. Si on peut redonner un peu de pouvoir d'achat... Je suis dans un territoire où les gens n'ont pas beaucoup et toutes les hausses type produits alimentaires ou les hausses de fuel se font ressentir durement, notamment sur les classes moyennes modestes. Je le dis souvent, le trou noir dans la cohésion sociale et dans le tissu social français n'est pas forcément, aujourd'hui, au niveau des personnes les plus marginalisées, il est aussi au niveau de ces classes moyennes modestes qui ont l'impression de ne pas être incorporées ou prises en compte dans le contrat social républicain.
FREDERIC MOUNIER - Très bien. Merci à vous, Laurent WAUQUIEZ. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement. Merci à vous tous qui avez écouté cette édition de « Face aux chrétiens ». Notre invité, la semaine prochaine, sera Didier MIGAUD, président socialiste de la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Si vous avez pris cette émission en cours, nous vous donnons rendez-vous sur les sites respectifs de LA CROIX, RADIO NOTRE DAME et RCF, pour la retrouver dans son intégralité. A la semaine prochaine. Merci à vous.Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 8 novembre 2007