Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat était le lieu tout indiqué pour tenir ce colloque consacré à la régionalisation du transport ferroviaire. En effet, la démarche dexpérimentation en cours est issue des travaux dune commission denquête sénatoriale présidée par le sénateur Hubert Haenel. Lidée, émise en juin 1993, de confier aux régions la responsabilité des services régionaux de voyageurs afin de mieux adapter le service public de transport aux attentes des populations concernées, sest rapidement imposée.
Etudiée plus précisément à partir de novembre 1993 à la demande du ministre de lÉquipement M. Bernard Bosson, cette idée a été retenue par le gouvernement dès 1994. Cest pourquoi, lors du Comité interministériel daménagement du territoire qui sest tenu à Troyes en septembre 1994, le gouvernement avait invité les régions à élaborer des schémas régionaux de transport, en concertation avec les départements, les autorités organisatrices chargées des transports urbains et les services déconcentrés de lÉtat.
Le cadre législatif de cette expérimentation a été fixé par la loi du 4 février 1995 dorientation pour laménagement et le développement du territoire, en particulier dans son article 67, qui autorise lÉtat à déléguer cette compétence. En 1997, le gouvernement a souhaité que ces dispositions soient complétées et précisées. Cela a été fait par larticle 15 de la loi du 13 février 1997, portant création de RFF " Réseau ferré de France ", en vue du renouveau du transport ferroviaire. Cet article dispose que les régions concernées par lexpérimentation sont " autorité organisatrice des services régionaux de voyageurs ".
Lexpérimentation a débuté le 1er janvier 1997 dans six régions volontaires : Alsace, Centre, NordPas-de-Calais, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte dAzur et Rhône-Alpes.
En 1998, le ministre chargé des Transports a proposé au Limousin de sassocier à cette expérimentation. Cela présente lavantage de létendre à une région où la population est moins dense, et daugmenter ainsi la variété des situations rencontrées : dessertes interurbaines, dessertes périurbaines des grandes villes et des villes moyennes, dessertes de zones rurales isolées
Cette diversité était déjà apparue lors des discussions qui ont permis délaborer les conventions nécessaires entre la SNCF et les 6 premières régions. Elle sest encore accrue fin 1998, lorsquil a fallu prendre en compte les spécificités de la région Limousin. Je me réjouis quun accord ait pu être trouvé, et que, depuis le début de cette année, le Limousin ait rejoint les six régions expérimentales.
Chaque région expérimentale a passé deux types de conventions :
- une convention avec lÉtat, qui précise les conditions du transfert à chaque région de sa quote-part de la contribution versée jusqualors à la SNCF pour lexploitation de ces services. Le montant de ces transferts sappuie sur les résultats de laudit des comptes de la SNCF, conduit en 1996 à la demande conjointe de lÉtat, des régions et de la SNCF.
Pour 1997, cette contribution a fait lobjet dun abondement complémentaire de lÉtat, qui sest élevé à 800 millions de francs pour les 6 régions, du fait notamment dune meilleure prise en compte de lamortissement du matériel roulant.
- une convention avec la SNCF, qui détermine la nature des services offerts à la clientèle régionale. Parmi les innovations que comportent ces nouvelles conventions, figurent des engagements de la SNCF en matière de qualité, avec des indemnités prévues dans les cas où les objectifs de qualité ne sont pas atteints. Profitant de labondement des dotations initiales, plusieurs régions ont passé des conventions complémentaires pour moderniser le matériel roulant.
Il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette expérimentation, qui ne sera close que le 31 décembre 1999. Cependant, on peut souligner quelle a déjà permis, en 1997 et 1998 (du moins jusquau mois doctobre, car nous navons pas encore les chiffres des deux derniers mois de 1998), à la fois une augmentation de loffre et de la fréquentation des services, et un renforcement des relations existantes entre la SNCF et les régions. Ces dernières ont mis en place des instances de suivi des services, qui prennent des formes diverses selon les régions.
Certaines associent dautres collectivités : départements et autorités organisatrices de transports urbains, ce qui ne peut que favoriser larticulation entre les autorités responsables et la coopération entre les opérateurs des services de transports régionaux, départementaux et locaux. Une région y associe également des représentants des usagers.
Je nanticiperai pas sur vos travaux. Il appartiendra à chacun des acteurs concernés ici présents présidents de Conseil régional, direction de la SNCF et représentants du comité central dentreprise, constructeurs de matériel roulant mais aussi représentants des usagers , de sexprimer et desquisser un premier bilan. Soyez assurés que je serai attentive à vos divers points de vue.
Cette expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs préfigurait, par divers aspects, la politique daménagement du territoire mise en uvre par le gouvernement, notamment en matière de transport, que je résumerai en trois points :
- privilégier lapproche en termes de services rendus en fonction des besoins des populations et des caractéristiques des territoires, plutôt que la multiplication à linfini de projets de nouvelles infrastructures recopiant des modèles autoroutiers ou TGV coûteux et pas toujours adaptés ;
- encourager la coordination et la coopération à léchelle régionale entre les différentes autorités publiques responsables de lorganisation des transports collectifs, comme entre les différentes entreprises chargées de ces dessertes, dans le respect des compétences de chacun ;
- enfin, responsabiliser les entreprises publiques de transport, par létablissement de relations contractuelles claires, mesurant et récompensant la qualité du service offert et les efforts de productivité.
Le gouvernement a conforté et étendu lexpérimentation engagée par ses prédécesseurs. Mais il ne se contente pas de poursuivre les actions engagées. Il renouvelle aussi les politiques de transport et daménagement du territoire. Je vous invite donc à placer vos réflexions dans les perspectives tracées par le projet de loi dorientation pour laménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), et par les contrats de plan de la nouvelle génération, couvrant la période 2000-2006.
Le projet de LOADDT, adopté en première lecture par lAssemblée nationale le mois dernier, viendra en discussion dans lhémicycle de la Haute assemblée dans quelques semaines. Je me contenterai de mentionner quelques éléments de ce projet intéressant directement vos travaux.
1°) Dune part, ce texte ne modifie pas les dispositions législatives relatives à la démarche en cours. Il ne remet donc pas en cause lexpérimentation. Élaboré au premier semestre de lannée dernière, il ne définit pas non plus les conditions de sortie de cette phase expérimentale, qui sachève le 31 décembre prochain. Le gouvernement compte sur vos réflexions pour envisager la poursuite de cette démarche.
2°) Ensuite, ce projet de loi complète les premiers articles de la loi dorientation sur les transports intérieurs (LOTI). Il indique notamment comme objectif la coordination des autorités organisatrices et gestionnaires dinfrastructures dans les aires urbaines et au niveau régional.
3°) Enfin, il donne un nouveau fondement législatif aux schémas régionaux de transport, en cohérence avec une nouvelle définition des outils de planification, notamment les schémas nationaux.
Dans ce texte, le gouvernement propose un renouveau de la démarche de planification, de ses objets et de sa méthode. En effet, lexpérience a montré que les processus bâtis sur une logique descendante une loi, puis un schéma national et des schémas sectoriels élaborés par lÉtat, pour aboutir à des schémas régionaux nétaient ni adaptés, ni opérants.
La démarche que nous proposons repose sur lélaboration de huit schémas de services collectifs. Ces schémas constitueront le cadre principal de la politique nationale daménagement et de développement du territoire. Cest la raison pour laquelle ils seront élaborés simultanément. Ils seront approuvés par décret, et comprendront un texte introductif rappelant les principales orientations et options de la politique nationale daménagement et de développement du territoire.
La notion de schémas de services collectifs apporte trois innovations par rapport à lexercice précédent :
- Lélargissement à deux nouveaux domaines stratégiques, celui de lénergie et celui de la gestion des espaces naturels et ruraux.
- Lenrichissement du contenu des documents, qui ne doivent plus porter exclusivement sur des équipements ou infrastructures nouvelles, mais sattacher à une réponse formulée également en termes de services rendus, en appréciant la réalité des besoins et le rôle de loffre.
- La modification des conditions de mise en uvre de cet exercice de planification stratégique, en associant, dans une concertation élargie, les acteurs concernés.
Le gouvernement a engagé, au début de cette année, une phase délaboration déconcentrée des propositions ayant vocation à entrer dans les schémas de services collectifs.
Cette phase déconcentrée, qui durera jusquen juin prochain, a trois objectifs :
- assurer un meilleur ancrage territorial des propositions ;
- favoriser, à travers le pilotage unique du préfet, la transversalité et le décloisonnement de lexercice, et par-là une meilleure articulation entre les différents thèmes ;
- enfin, permettre une large participation des acteurs territoriaux (élus, usagers, socioprofessionnels, associations) aux propositions et aux choix qui seront faits.
La qualité de la négociation constituera un élément déterminant du succès de cette démarche. Cette phase déconcentrée comportera deux temps :
- dabord une discussion sur les enjeux, les orientations et les principaux objectifs ;
- dans un second temps seulement, lanalyse des projets et le choix des priorités.
Toutes les questions ne peuvent pas être abordées à léchelle régionale, notamment en matière de transports. Sur un certain nombre de thèmes nationaux, cette phase délaboration déconcentrée sera prolongée par des approches et des débats nationaux. Jean-Claude Gayssot et moi-même avons demandé au comité stratégique des schémas de transport de les organiser.
À lissue de ces travaux et débats, et après synthèse et arbitrages des propositions des préfets coordonnateurs, les comités stratégiques proposeront au gouvernement darrêter les projets de schémas de services collectifs.
Sagissant des schémas multimodaux de services de transport, le gouvernement a arrêté les orientations suivantes, pour encadrer provisoirement leur élaboration, dans lattente de ladoption définitive du projet de loi :
Répondre à la demande de transport dans des conditions économiques, sociales et environnementales propres à contribuer au développement durable du territoire. En rupture volontaire avec une politique de loffre, il sagit de sinterroger dabord sur les objectifs de services à lusager, avant denvisager les moyens dy parvenir.
Quatre scénarios de politiques de transports ont ainsi été modélisés. Ils montrent tous que seule une politique combinant une internalisation plus grande des coûts externes de la route, le renforcement de la réglementation de ce secteur et laccroissement des efforts du mode ferroviaire (offre commerciale, qualité, prix) permettrait une croissance substantielle du fer et un maintien, voire un regain de ses parts de marché ;
Tirer le meilleur parti des réseaux existants avant que denvisager une infrastructure nouvelle ;
Favoriser les complémentarités entre modes de transport. Lintermodalité est déjà vécue, par exemple, par les usagers des parcs-relais qui y abandonnent leur voiture pour emprunter les transports en commun locaux ou régionaux, ou par les voyageurs en correspondance à la gare TGV et RER de laéroport de Roissy entre les modes aérien et ferroviaire. Lintermodalité doit être promue et généralisée. Le transport combiné, qui a connu une forte croissance ces dernières années, doit lui aussi être favorisé pour le transport des marchandises à moyenne ou longue distance.
Limiter les nuisances des transports et contribuer, notamment, à la lutte contre leffet de serre.
Lors du sommet de Kyoto, en décembre 1997, lUnion européenne sest engagée sur des objectifs chiffrés de limitation des gaz à effet de serre. Le projet de loi prévoit donc que la croissance des déplacements doit se réaliser " dans le respect des objectifs de limitation ou de réduction des risques, accidents, nuisances, notamment sonores, émissions de polluants et de gaz à effet de serre ".
Les nuisances dues au transport sont surtout sensibles dans les zones urbaines denses ou dans les espaces confinés comme les vallées. Cest pour cela que " la priorité sera donnée au transport ferroviaire pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées ".
Le gouvernement a souligné que les propositions devraient tenir compte de deux priorités :
- les transports collectifs pour les agglomérations et les régions urbaines, car cest en ville que se concentrent les principaux problèmes de préservation du cadre de vie et de cohésion sociale dus à la croissance de la demande de déplacements ;
- pour les marchandises, les actions permettant de développer le trafic ferroviaire fret, et notamment les conditions de constitution et de fonctionnement dun réseau à priorité fret, en synergie avec les ports nationaux.
Ces orientations mettent en exergue une question qui devra être abordée à loccasion de lélaboration des schémas multimodaux de services de transports, de même que pour la préparation des contrats de plan : face à la volonté commune de lÉtat et de nombreuses régions de développer à la fois le transport ferroviaire de marchandises et le transport de voyageurs régionaux, quelle place faut-il accorder à chacun deux, notamment dans les sections et les sites les plus saturés, et quelles améliorations des infrastructures faut-il
prévoir ?
Les contraintes de calendrier ont imposé de coupler la réflexion stratégique à lhorizon 2020, qui passe par lélaboration des schémas de services collectifs, avec la négociation des prochains contrats de plan Etat-régions, qui est un exercice de programmation à lhorizon 2006. Ce qui peut être vécu comme une contrainte est aussi une opportunité à saisir : la négociation des contrats de plan peut ainsi être mise en perspective par la réflexion à plus long terme des schémas de services.
Le 4 février 1998, le gouvernement a clairement confirmé les nouvelles orientations de la politique des transports, et a affirmé sa volonté de moderniser le réseau ferroviaire classique, rompant ainsi avec une orientation trop focalisée sur les seules lignes nouvelles à grande vitesse.
À cette occasion, le gouvernement sest engagé à un rééquilibrage progressif en faveur des investissements ferroviaires, conduisant à un effort supplémentaire, par rapport à 1998, dun milliard de francs à la fin des prochains contrats de plan, somme répartie entre la réalisation de lignes nouvelles et la modernisation des lignes existantes.
La modernisation du réseau classique constitue un véritable sujet dintérêt, partagé entre lEtat et les régions, que celles-ci soient déjà engagées dans lexpérimentation des services régionaux de voyageurs ou quelles envisagent seulement de le faire. Le gouvernement a donc proposé de porter sa participation au financement des investissements ferroviaires à inscrire aux prochains contrats de plan État-régions, à hauteur dau moins 500 millions de francs par an. Ces moyens traduisent la volonté commune de lEtat et des égions de financer :
- dabord, les opérations de modernisation des infrastructures, indispensables soit pour améliorer les services existants : horaires mieux adaptés à la demande, ponctualité des circulations, soit pour optimiser les performances des nouveaux matériels roulants, en particulier par la technologie pendulaire ;
- ensuite, la résorption des goulots détranglements. Autour de quelques agglomérations et sur quelques axes, cest un préalable indispensable à lamélioration de la qualité des circulations existantes et à la création de services nouveaux, tant pour les voyageurs que pour le fret ;
- enfin, le développement de lintermodalité.
Il vous revient donc, à vous tous, dans la phase actuelle de réflexion et de concertation que le gouvernement a engagée, de faire émerger les besoins à satisfaire et de proposer les actions pertinentes à inscrire dans les schémas de services, dans les schémas régionaux et dans les prochains contrats de plan, pour améliorer et développer les services ferroviaires, notamment les services régionaux de voyageurs.
Ces perspectives étant tracées, revenons brièvement à lobjet même de vos travaux : le bilan et les perspectives de la régionalisation du transport ferroviaire.
La diversité des conventions retenues et des organisations mises en place permettra au gouvernement et au Parlement, à lissue des trois ans dexpérimentation, dapprécier les moyens qui ont été les plus efficaces pour mieux répondre aux attentes des clients régionaux, et pour favoriser une meilleure articulation entre les services de transports nationaux, régionaux, départementaux et locaux.
Je ne doute pas que les débats de cette journée permettront de clarifier des points encore en suspens, et je conclurai mon intervention par deux questions :
- faut-il généraliser la décentralisation des compétences en matière de transports collectifs de voyageurs au profit des Conseils régionaux dès le 1er janvier 2000, ou plutôt prolonger lexpérimentation en cours pour aboutir à un bilan partagé et à un accord sur les modalités de sortie de la phase expérimentale ?
- faut-il généraliser cette décentralisation simultanément à tous les Conseils régionaux, ou ne vaut-il pas mieux poursuivre une extension progressive sur la base du volontariat, à lintérieur dun délai fixé à lavance, pour que chaque région accède à cette nouvelle responsabilité quand elle y sera prête ?
Je vous laisse débattre de ces questions et des autres points à traiter aujourdhui. Soyez assurés de lintérêt que jattache à cette démarche dexpérimentation, et de lattention que jaccorderai aux résultats de vos travaux.
Je vous remercie.
(Source http://www.environnement.gouv.fr le 9 mars 1999)
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat était le lieu tout indiqué pour tenir ce colloque consacré à la régionalisation du transport ferroviaire. En effet, la démarche dexpérimentation en cours est issue des travaux dune commission denquête sénatoriale présidée par le sénateur Hubert Haenel. Lidée, émise en juin 1993, de confier aux régions la responsabilité des services régionaux de voyageurs afin de mieux adapter le service public de transport aux attentes des populations concernées, sest rapidement imposée.
Etudiée plus précisément à partir de novembre 1993 à la demande du ministre de lÉquipement M. Bernard Bosson, cette idée a été retenue par le gouvernement dès 1994. Cest pourquoi, lors du Comité interministériel daménagement du territoire qui sest tenu à Troyes en septembre 1994, le gouvernement avait invité les régions à élaborer des schémas régionaux de transport, en concertation avec les départements, les autorités organisatrices chargées des transports urbains et les services déconcentrés de lÉtat.
Le cadre législatif de cette expérimentation a été fixé par la loi du 4 février 1995 dorientation pour laménagement et le développement du territoire, en particulier dans son article 67, qui autorise lÉtat à déléguer cette compétence. En 1997, le gouvernement a souhaité que ces dispositions soient complétées et précisées. Cela a été fait par larticle 15 de la loi du 13 février 1997, portant création de RFF " Réseau ferré de France ", en vue du renouveau du transport ferroviaire. Cet article dispose que les régions concernées par lexpérimentation sont " autorité organisatrice des services régionaux de voyageurs ".
Lexpérimentation a débuté le 1er janvier 1997 dans six régions volontaires : Alsace, Centre, NordPas-de-Calais, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte dAzur et Rhône-Alpes.
En 1998, le ministre chargé des Transports a proposé au Limousin de sassocier à cette expérimentation. Cela présente lavantage de létendre à une région où la population est moins dense, et daugmenter ainsi la variété des situations rencontrées : dessertes interurbaines, dessertes périurbaines des grandes villes et des villes moyennes, dessertes de zones rurales isolées
Cette diversité était déjà apparue lors des discussions qui ont permis délaborer les conventions nécessaires entre la SNCF et les 6 premières régions. Elle sest encore accrue fin 1998, lorsquil a fallu prendre en compte les spécificités de la région Limousin. Je me réjouis quun accord ait pu être trouvé, et que, depuis le début de cette année, le Limousin ait rejoint les six régions expérimentales.
Chaque région expérimentale a passé deux types de conventions :
- une convention avec lÉtat, qui précise les conditions du transfert à chaque région de sa quote-part de la contribution versée jusqualors à la SNCF pour lexploitation de ces services. Le montant de ces transferts sappuie sur les résultats de laudit des comptes de la SNCF, conduit en 1996 à la demande conjointe de lÉtat, des régions et de la SNCF.
Pour 1997, cette contribution a fait lobjet dun abondement complémentaire de lÉtat, qui sest élevé à 800 millions de francs pour les 6 régions, du fait notamment dune meilleure prise en compte de lamortissement du matériel roulant.
- une convention avec la SNCF, qui détermine la nature des services offerts à la clientèle régionale. Parmi les innovations que comportent ces nouvelles conventions, figurent des engagements de la SNCF en matière de qualité, avec des indemnités prévues dans les cas où les objectifs de qualité ne sont pas atteints. Profitant de labondement des dotations initiales, plusieurs régions ont passé des conventions complémentaires pour moderniser le matériel roulant.
Il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette expérimentation, qui ne sera close que le 31 décembre 1999. Cependant, on peut souligner quelle a déjà permis, en 1997 et 1998 (du moins jusquau mois doctobre, car nous navons pas encore les chiffres des deux derniers mois de 1998), à la fois une augmentation de loffre et de la fréquentation des services, et un renforcement des relations existantes entre la SNCF et les régions. Ces dernières ont mis en place des instances de suivi des services, qui prennent des formes diverses selon les régions.
Certaines associent dautres collectivités : départements et autorités organisatrices de transports urbains, ce qui ne peut que favoriser larticulation entre les autorités responsables et la coopération entre les opérateurs des services de transports régionaux, départementaux et locaux. Une région y associe également des représentants des usagers.
Je nanticiperai pas sur vos travaux. Il appartiendra à chacun des acteurs concernés ici présents présidents de Conseil régional, direction de la SNCF et représentants du comité central dentreprise, constructeurs de matériel roulant mais aussi représentants des usagers , de sexprimer et desquisser un premier bilan. Soyez assurés que je serai attentive à vos divers points de vue.
Cette expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs préfigurait, par divers aspects, la politique daménagement du territoire mise en uvre par le gouvernement, notamment en matière de transport, que je résumerai en trois points :
- privilégier lapproche en termes de services rendus en fonction des besoins des populations et des caractéristiques des territoires, plutôt que la multiplication à linfini de projets de nouvelles infrastructures recopiant des modèles autoroutiers ou TGV coûteux et pas toujours adaptés ;
- encourager la coordination et la coopération à léchelle régionale entre les différentes autorités publiques responsables de lorganisation des transports collectifs, comme entre les différentes entreprises chargées de ces dessertes, dans le respect des compétences de chacun ;
- enfin, responsabiliser les entreprises publiques de transport, par létablissement de relations contractuelles claires, mesurant et récompensant la qualité du service offert et les efforts de productivité.
Le gouvernement a conforté et étendu lexpérimentation engagée par ses prédécesseurs. Mais il ne se contente pas de poursuivre les actions engagées. Il renouvelle aussi les politiques de transport et daménagement du territoire. Je vous invite donc à placer vos réflexions dans les perspectives tracées par le projet de loi dorientation pour laménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), et par les contrats de plan de la nouvelle génération, couvrant la période 2000-2006.
Le projet de LOADDT, adopté en première lecture par lAssemblée nationale le mois dernier, viendra en discussion dans lhémicycle de la Haute assemblée dans quelques semaines. Je me contenterai de mentionner quelques éléments de ce projet intéressant directement vos travaux.
1°) Dune part, ce texte ne modifie pas les dispositions législatives relatives à la démarche en cours. Il ne remet donc pas en cause lexpérimentation. Élaboré au premier semestre de lannée dernière, il ne définit pas non plus les conditions de sortie de cette phase expérimentale, qui sachève le 31 décembre prochain. Le gouvernement compte sur vos réflexions pour envisager la poursuite de cette démarche.
2°) Ensuite, ce projet de loi complète les premiers articles de la loi dorientation sur les transports intérieurs (LOTI). Il indique notamment comme objectif la coordination des autorités organisatrices et gestionnaires dinfrastructures dans les aires urbaines et au niveau régional.
3°) Enfin, il donne un nouveau fondement législatif aux schémas régionaux de transport, en cohérence avec une nouvelle définition des outils de planification, notamment les schémas nationaux.
Dans ce texte, le gouvernement propose un renouveau de la démarche de planification, de ses objets et de sa méthode. En effet, lexpérience a montré que les processus bâtis sur une logique descendante une loi, puis un schéma national et des schémas sectoriels élaborés par lÉtat, pour aboutir à des schémas régionaux nétaient ni adaptés, ni opérants.
La démarche que nous proposons repose sur lélaboration de huit schémas de services collectifs. Ces schémas constitueront le cadre principal de la politique nationale daménagement et de développement du territoire. Cest la raison pour laquelle ils seront élaborés simultanément. Ils seront approuvés par décret, et comprendront un texte introductif rappelant les principales orientations et options de la politique nationale daménagement et de développement du territoire.
La notion de schémas de services collectifs apporte trois innovations par rapport à lexercice précédent :
- Lélargissement à deux nouveaux domaines stratégiques, celui de lénergie et celui de la gestion des espaces naturels et ruraux.
- Lenrichissement du contenu des documents, qui ne doivent plus porter exclusivement sur des équipements ou infrastructures nouvelles, mais sattacher à une réponse formulée également en termes de services rendus, en appréciant la réalité des besoins et le rôle de loffre.
- La modification des conditions de mise en uvre de cet exercice de planification stratégique, en associant, dans une concertation élargie, les acteurs concernés.
Le gouvernement a engagé, au début de cette année, une phase délaboration déconcentrée des propositions ayant vocation à entrer dans les schémas de services collectifs.
Cette phase déconcentrée, qui durera jusquen juin prochain, a trois objectifs :
- assurer un meilleur ancrage territorial des propositions ;
- favoriser, à travers le pilotage unique du préfet, la transversalité et le décloisonnement de lexercice, et par-là une meilleure articulation entre les différents thèmes ;
- enfin, permettre une large participation des acteurs territoriaux (élus, usagers, socioprofessionnels, associations) aux propositions et aux choix qui seront faits.
La qualité de la négociation constituera un élément déterminant du succès de cette démarche. Cette phase déconcentrée comportera deux temps :
- dabord une discussion sur les enjeux, les orientations et les principaux objectifs ;
- dans un second temps seulement, lanalyse des projets et le choix des priorités.
Toutes les questions ne peuvent pas être abordées à léchelle régionale, notamment en matière de transports. Sur un certain nombre de thèmes nationaux, cette phase délaboration déconcentrée sera prolongée par des approches et des débats nationaux. Jean-Claude Gayssot et moi-même avons demandé au comité stratégique des schémas de transport de les organiser.
À lissue de ces travaux et débats, et après synthèse et arbitrages des propositions des préfets coordonnateurs, les comités stratégiques proposeront au gouvernement darrêter les projets de schémas de services collectifs.
Sagissant des schémas multimodaux de services de transport, le gouvernement a arrêté les orientations suivantes, pour encadrer provisoirement leur élaboration, dans lattente de ladoption définitive du projet de loi :
Répondre à la demande de transport dans des conditions économiques, sociales et environnementales propres à contribuer au développement durable du territoire. En rupture volontaire avec une politique de loffre, il sagit de sinterroger dabord sur les objectifs de services à lusager, avant denvisager les moyens dy parvenir.
Quatre scénarios de politiques de transports ont ainsi été modélisés. Ils montrent tous que seule une politique combinant une internalisation plus grande des coûts externes de la route, le renforcement de la réglementation de ce secteur et laccroissement des efforts du mode ferroviaire (offre commerciale, qualité, prix) permettrait une croissance substantielle du fer et un maintien, voire un regain de ses parts de marché ;
Tirer le meilleur parti des réseaux existants avant que denvisager une infrastructure nouvelle ;
Favoriser les complémentarités entre modes de transport. Lintermodalité est déjà vécue, par exemple, par les usagers des parcs-relais qui y abandonnent leur voiture pour emprunter les transports en commun locaux ou régionaux, ou par les voyageurs en correspondance à la gare TGV et RER de laéroport de Roissy entre les modes aérien et ferroviaire. Lintermodalité doit être promue et généralisée. Le transport combiné, qui a connu une forte croissance ces dernières années, doit lui aussi être favorisé pour le transport des marchandises à moyenne ou longue distance.
Limiter les nuisances des transports et contribuer, notamment, à la lutte contre leffet de serre.
Lors du sommet de Kyoto, en décembre 1997, lUnion européenne sest engagée sur des objectifs chiffrés de limitation des gaz à effet de serre. Le projet de loi prévoit donc que la croissance des déplacements doit se réaliser " dans le respect des objectifs de limitation ou de réduction des risques, accidents, nuisances, notamment sonores, émissions de polluants et de gaz à effet de serre ".
Les nuisances dues au transport sont surtout sensibles dans les zones urbaines denses ou dans les espaces confinés comme les vallées. Cest pour cela que " la priorité sera donnée au transport ferroviaire pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées ".
Le gouvernement a souligné que les propositions devraient tenir compte de deux priorités :
- les transports collectifs pour les agglomérations et les régions urbaines, car cest en ville que se concentrent les principaux problèmes de préservation du cadre de vie et de cohésion sociale dus à la croissance de la demande de déplacements ;
- pour les marchandises, les actions permettant de développer le trafic ferroviaire fret, et notamment les conditions de constitution et de fonctionnement dun réseau à priorité fret, en synergie avec les ports nationaux.
Ces orientations mettent en exergue une question qui devra être abordée à loccasion de lélaboration des schémas multimodaux de services de transports, de même que pour la préparation des contrats de plan : face à la volonté commune de lÉtat et de nombreuses régions de développer à la fois le transport ferroviaire de marchandises et le transport de voyageurs régionaux, quelle place faut-il accorder à chacun deux, notamment dans les sections et les sites les plus saturés, et quelles améliorations des infrastructures faut-il
prévoir ?
Les contraintes de calendrier ont imposé de coupler la réflexion stratégique à lhorizon 2020, qui passe par lélaboration des schémas de services collectifs, avec la négociation des prochains contrats de plan Etat-régions, qui est un exercice de programmation à lhorizon 2006. Ce qui peut être vécu comme une contrainte est aussi une opportunité à saisir : la négociation des contrats de plan peut ainsi être mise en perspective par la réflexion à plus long terme des schémas de services.
Le 4 février 1998, le gouvernement a clairement confirmé les nouvelles orientations de la politique des transports, et a affirmé sa volonté de moderniser le réseau ferroviaire classique, rompant ainsi avec une orientation trop focalisée sur les seules lignes nouvelles à grande vitesse.
À cette occasion, le gouvernement sest engagé à un rééquilibrage progressif en faveur des investissements ferroviaires, conduisant à un effort supplémentaire, par rapport à 1998, dun milliard de francs à la fin des prochains contrats de plan, somme répartie entre la réalisation de lignes nouvelles et la modernisation des lignes existantes.
La modernisation du réseau classique constitue un véritable sujet dintérêt, partagé entre lEtat et les régions, que celles-ci soient déjà engagées dans lexpérimentation des services régionaux de voyageurs ou quelles envisagent seulement de le faire. Le gouvernement a donc proposé de porter sa participation au financement des investissements ferroviaires à inscrire aux prochains contrats de plan État-régions, à hauteur dau moins 500 millions de francs par an. Ces moyens traduisent la volonté commune de lEtat et des égions de financer :
- dabord, les opérations de modernisation des infrastructures, indispensables soit pour améliorer les services existants : horaires mieux adaptés à la demande, ponctualité des circulations, soit pour optimiser les performances des nouveaux matériels roulants, en particulier par la technologie pendulaire ;
- ensuite, la résorption des goulots détranglements. Autour de quelques agglomérations et sur quelques axes, cest un préalable indispensable à lamélioration de la qualité des circulations existantes et à la création de services nouveaux, tant pour les voyageurs que pour le fret ;
- enfin, le développement de lintermodalité.
Il vous revient donc, à vous tous, dans la phase actuelle de réflexion et de concertation que le gouvernement a engagée, de faire émerger les besoins à satisfaire et de proposer les actions pertinentes à inscrire dans les schémas de services, dans les schémas régionaux et dans les prochains contrats de plan, pour améliorer et développer les services ferroviaires, notamment les services régionaux de voyageurs.
Ces perspectives étant tracées, revenons brièvement à lobjet même de vos travaux : le bilan et les perspectives de la régionalisation du transport ferroviaire.
La diversité des conventions retenues et des organisations mises en place permettra au gouvernement et au Parlement, à lissue des trois ans dexpérimentation, dapprécier les moyens qui ont été les plus efficaces pour mieux répondre aux attentes des clients régionaux, et pour favoriser une meilleure articulation entre les services de transports nationaux, régionaux, départementaux et locaux.
Je ne doute pas que les débats de cette journée permettront de clarifier des points encore en suspens, et je conclurai mon intervention par deux questions :
- faut-il généraliser la décentralisation des compétences en matière de transports collectifs de voyageurs au profit des Conseils régionaux dès le 1er janvier 2000, ou plutôt prolonger lexpérimentation en cours pour aboutir à un bilan partagé et à un accord sur les modalités de sortie de la phase expérimentale ?
- faut-il généraliser cette décentralisation simultanément à tous les Conseils régionaux, ou ne vaut-il pas mieux poursuivre une extension progressive sur la base du volontariat, à lintérieur dun délai fixé à lavance, pour que chaque région accède à cette nouvelle responsabilité quand elle y sera prête ?
Je vous laisse débattre de ces questions et des autres points à traiter aujourdhui. Soyez assurés de lintérêt que jattache à cette démarche dexpérimentation, et de lattention que jaccorderai aux résultats de vos travaux.
Je vous remercie.
(Source http://www.environnement.gouv.fr le 9 mars 1999)