Texte intégral
*Seul de discours prononcé fait foi.
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout dabord de remercier Monsieur Jean-Claude MAIRAL, président du conseil général de lAllier, de mavoir invité à mexprimer sur un sujet qui me tient à coeur : la réforme de laction économique des collectivités locales. Cest un thème, je le sais, auquel vous êtes, Monsieur le Président, particulièrement attentif, car le développement de lemploi est pour vous une priorité à la tête de ce département.
Ce que je voudrais tout dabord vous montrer aujourdhui, cest combien cette réforme sinscrit profondément dans une problématique plus large qui est celle de lapprofondissement de la décentralisation
En ce début dannée, lordre du jour parlementaire est marqué par la discussion de deux projets de loi portant lun sur laménagement durable du territoire, lautre sur lintercommunalité : ils seront suivis dans quelques temps par le projet de réforme de laction économique des collectivités locales. Trois textes, donc, qui attestent bien de la volonté de ce gouvernement de poursuivre la décentralisation engagée en 1982 et de préserver léquilibre du territoire. Trois textes, qui se complètent et relèvent dune philosophie cohérente dans laquelle je me reconnais, tout comme lensemble des membres de ce gouvernement.
Un constat simpose : un nombre croissant de politiques publiques ne peuvent être aujourdhui conduites quà un niveau supracommunal, dans des champs territoriaux qui ne recouvrent pas nécessairement les découpages administratifs ou électifs traditionnels : lavenir est à la coopération intercommunale, à la mise en commun volontaire des moyens.
Les élus de lAllier, vous lavez rappelé, Monsieur le Président, sont engagés dans cette voie.
Aujourdhui, en effet, les élus locaux doivent savoir passer dune situation de concurrence, ce qui conduit parfois à la neutralisation des initiatives, à la définition de nouveaux périmètres, pays et agglomérations, qui nont dautre vocation que de favoriser lémergence de projets collectifs. Tel est lun des points forts de la LOADT. Favoriser la coopération et la solidarité entre collectivités :
cest aussi dans cette perspective que la modernisation des finances locales a été engagée, dès la préparation de la loi de finances pur 1999, avec, tout dabord, la sortie du « pacte de stabilité » et son remplacement par un contrat de croissance et de solidarité : en attribuant aux collectivités locales une part de laugmentation de la richesse nationale, il permettra de renforcer la péréquation entre collectivités. Quant à la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, elle bénéficiera, par priorité, aux PME qui sont, aujourdhui, les plus créatrices demplois.
Cette actualité suffit à marquer, alors même que la décentralisation approche de lâge de sa majorité, combien le grand mouvement lancé par Gaston Defferre en 1982 reste une dynamique qui est loin davoir épuisé tous ses effets.
La décentralisation nest pas un état mais un processus toujours inachevé, la recherche permanente dun compromis entre les trois termes de léquation territoriale : les libertés locales, lunité nationale et lefficacité administrative.
Nul ne discute plus le principe de la décentralisation en raison de son succès. Lheure est donc bien à lapprofondissement de la décentralisation et non à sa remise en cause. Mais il faut aussi corriger certains dysfonctionnements, prendre en compte les évolutions de notre société pour moderniser la vie publique.
Des réformes sont indispensables pour reconstruire le pacte républicain.
1.Réformer lÉtat pour recréer le pacte républicain
La décentralisation constitue bien une grande réforme de lÉtat, tant il va de soi que lÉtat nest pas à opposer aux collectivités territoriales : lÉtat est tout à la lois national et territorial. Les pouvoirs publics, globalement entendus, ont en charge à la fois lintérêt national et les intérêts locaux.
Je me définis souvent comme un « Jacobin décentralisateur ». Il ny a pas contradiction entre ces termes : le jacobinisme ne sidentifie pas au centralisme mais au combat pour légalité des chances.
La décentralisation nest pas un partage de souveraineté.
Ainsi, par exemple, la politique économique, la lutte pour lemploi, relèvent de la compétence du gouvernement, ce qui nexclue pas, dans le cadre défini par la loi, lintervention des collectivités locales.
Ce principe sous-tend le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés déconomie mixte locales que jai préparé.
Mais je noublie pas que lun des fondements du pacte républicain est légalité daccès aux services publics.
Et jentends par services publics non seulement les services de lÉtat, mais, bien sûr, aussi ceux des collectivités territoriales et ceux qui sont gérés par des personnes morales diverses, de droit public ou de droit privé, et qui, pour nos concitoyens, font partie de la même offre dun service public. Or lévolution spontanée joue au détriment des territoires les plus fragiles.
Seul lÉtat peut mettre en oeuvre les nécessaires solidarités qui, loin de constituer une quelconque recentralisation rampante, réduisent des déséquilibres de plus en plus mal supportés par nos concitoyens en milieu rural comme en milieu urbain.
Déséquilibre dans les recettes, qui implique un renforcement de la péréquation entre collectivités ; déséquilibre dans la capacité des services territoriaux de lÉtat à traiter des questions de société comme le chômage, la lutte contre lexclusion, la sécurité...
Ces grands problèmes nécessitent une approche nouvelle de lintervention publique. Il importe de favoriser un traitement interministériel de ces dossiers tant par les administrations centrales que par les services territoriaux de lÉtat.
Dans cet esprit, le préfet doit pouvoir fédérer les multiples compétences administratives, recevoir les moyens de mieux faire travailler ensemble les services de lÉtat pour une meilleure gestion de proximité. Considérée à lorigine comme une simple conséquence logique de la décentralisation, la déconcentration constitue aujourdhui un outil de modernisation de lÉtat et lun des axes essentiels de la réforme de lÉtat à laquelle je travaille.
Le développement de la contractualisation des politiques publiques, formule souple apte à concilier lesprit de la décentralisation et la solidarité républicaine, appelle une intensification de la coopération entre administration locales et services de lÉtat. Les « maisons des services publics », thème que je vais aborder maintenant, en constituent un bon exemple.
Pour moi, un service public moderne et de qualité cest aussi un service public qui sait sadapter aux besoins des usagers.
Le gouvernement ne peut pas ignorer les difficultés particulières et les besoins croissants que rencontrent certains secteurs dont la population sest accrue rapidement.
Dans le même temps, il ne veut pas perdre de vue les légitimes demandes des habitants des zones moins peuplées ou moins dynamiques qui refusent de voir leur ville ou village perdre sa vitalité. Mais une politique daugmentation permanente des moyens est impossible, chacun dentre vous le sait. Il faut donc trouver des solutions qui permettent une utilisation optimum des moyens tout en conservant partout sur le territoire un égal accès aux services auquel ont droit tous les habitants de ce pays.
Ces dernières années, ont été menées diverses expériences de points publics, de services polyvalents etc... Elles ont permis de mettre au point une forme dorganisation polyvalente des services de proximité, qui est désormais connue sous le nom de « maison des services publics ».
Son encadrement juridique va être précisé dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui a été examiné en première lecture au Sénat durant la seconde semaine de mars.
Ce texte, soit dit en passant, contribuera également à simplifier les démarches administratives, complétant ainsi le dispositif préparé par ma collègue, Madame Marylise Lebranchu, en direction des PME.
Ces maisons des services publics seront des services publics à part entière. Jai même pour objectif darriver à ce que, grâce à lutilisation des outils les plus modernes de fonctionnement, notamment les nouvelles technologies de linformation et de la communication, elles constituent un exemple de services publics en pointe.
Toutes ces orientations sinspirent dun même principe : améliorer la coopération entre lensemble des décideurs publics locaux pour plus defficacité, pour favoriser les dynamiques créatrices demplois.
2.Approfondir la décentralisation : une démarche nécessairement pragmatique
Évitons, en effet, de nous laisser enfermer dans quelques débats récurrents convenus et, admettons-le, dépassés, dont notre pays a le secret, opposant les salariés du secteur privé aux fonctionnaires, le rural à lurbain, Paris à la province.
Pour cela, il nous faut prendre en compte la situation, certes imparfaite, que lhistoire nous a léguée : je songe, en particulier, à la répartition des compétences, au nombre des niveaux de collectivités locales et à la diversité communale.
Si vous me le permettez, jillustrerai mon propos de quelques exemples tirés du projet de loi sur la réforme de laction économique des collectivités locales. Ce sera loccasion de clarifier quelques points, de lever quelques malentendus à propos dun texte préparé en étroite concertation avec un groupe de parlementaires, dont plusieurs membres de lopposition.
Lun des reproches les plus fréquemment formulés à lencontre de lorganisation territoriale actuelle est lenchevêtrement des compétences qui nuit à la cohérence de laction publique. A ce problème, je crois quil nexiste pas de réponse simple.
Dans le domaine de laction économique des collectivités locales, par exemple, la volonté initiale de constituer un bloc de compétence na pas résisté au choc de la réalité.
Ainsi, alors que lintervention économique au niveau local constitue une prérogative évidente de la région, on constate dans les faits que tous les niveaux de collectivités, bien souvent en sappuyant sur des bases juridiques fragiles, ont été appelés à sengager dans laction économique. A lorigine de cette situation, on trouve plusieurs raisons.
En premier lieu, la notion dintervention économique des collectivités est difficile à cerner. Les statistiques les plus récentes (1995-1996) évaluent à 14 milliards le montant des interventions des trois niveaux de collectivités qui se répartissent à hauteur de 11 milliards pour les aides directes et 3 milliards pour les aides indirectes hors garanties demprunt.
Cette distinction entre aides directes et indirectes, source dinnombrables complications, sera dailleurs supprimée. Cette simplification répond à la demande de nombreux élus et de la Commission Européenne.
Au demeurant, 14 milliards, cest peu au regard du total du budget des collectivités locales qui sélève à près de 800 milliards.
De plus, dans un contexte dinternationalisation de léconomie où les entreprises privilégient, pour le choix de leur implantation, les critères denvironnement (niveau de formation du personnel local, facilités daccès aux nouvelles technologies, importance du parc de logement, présence déquipements socio-culturels, etc...), il est de plus en plus difficile de distinguer, au sein de laction des collectivités locales, ce qui relève dune intervention classique de service public de ce qui constitue une politique spécifique dintervention économique.
Enfin, la crise économique a conduit les acteurs sociaux à soumettre les communes à une double contrainte :
dabord la pression des électeurs qui, confrontés à la montée du chômage, se sont spontanément tournés vers les maires pour obtenir une réponse en terme de création demplois, alors même que les maires nont juridiquement aucune compétence particulière en ce domaine ;
en second lieu, car les communes ont institutionnellement la maîtrise du foncier, ce qui les a nécessairement placées en première ligne face à des entreprises souvent désireuses dexternaliser le coût de limmobilier.
Il en résulte que sur un total de 14 milliards daides, les communes occupent le premier rang (5,7 milliards), les régions le second (4,7 milliards) devant les départements (3,3 milliards). Telle est la réalité.
Faut-il pour autant, dans le souci louable de simplifier et rationnaliser notre système institutionnel, rouvrir le débat sur le nombre de niveaux de collectivités locales ? Personnellement, je ne le crois pas.
Tout dabord, il me paraît imprudent douvrir un débat que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir refermer. En effet, en France, la question des collectivités territoriales se pose depuis plus de deux cents ans, à la recherche dun compromis entre le nombre, la taille et les compétences.
Lissue dun tel débat serait dautant plus incertaine que, contrairement à certains de nos voisins, notre pays na pas fait le choix dune réduction drastique du nombre des communes.
Le maintien de plus de 36 000 communes crée un réseau dense de citoyens activement engagés dans la vie de leur collectivité : on ne peut que sen réjouir pour la vitalité de la démocratie de proximité.
Pour autant, on ne peut nier que beaucoup de communes ne disposent pas des moyens dassumer pleinement leurs responsabilités.
Il est sain que ces débats aient lieu, mais il ny a pas urgence à les trancher et surtout, ils ne doivent pas servir dalibi à linaction.
En matière de répartition des compétences, de nouveaux équilibres sont certes à définir dans le sens dune plus grande lisibilité mais la démarche doit rester empreinte de pragmatisme si lon veut réussir.
Il me paraît préférable de réglementer la pratique existante plutôt que de vouloir contraindre la réalité à entrer dans un cadre non applicable.
Aussi, le projet de loi sur laction économique établit-il une série de ratios prudentiels protégeant les collectivités contre les pressions et les incitant à la mutualisation des risques : le montant total des subventions accordées aux entreprises ne pourra excéder 5 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes ou les départements, 20 % pour les régions.
Par contre, lorsque la compétence en matière dintervention économique sera déléguée à un groupement, ce pourcentage pourra être plus élevé et représenter 50 % du budget du groupement.
Dans le même esprit, il est proposé détendre aux départements la faculté, actuellement ouverte aux seules régions, de participer au capital de sociétés de capital-investissement, mais dans la limite de 20 % du capital. Les régions, elles, conserveront leur capacité actuelle dintervenir à hauteur de 50 %.
Ainsi, tout en respectant la prééminence des régions en matière dintervention économique, ce système souple offre à lensemble des collectivités, tout en les incitant à se regrouper, la possibilité dintervenir en faveur des PME et des très petites entreprises.
Encourager linitiative des élus, mieux répondre aux besoins des entreprises, tel est lobjet de mon projet de loi.
Jai déjà mentionné la suppression de certaines rigidités comme la distinction entre aides directes et aides indirectes. Mais lessentiel réside dans la mise en place dun système daides différenciées selon la taille des entreprises.
Pour les très petites entreprises, les subventions par des associations accordant des prêts dhonneur à taux préférentiels (types plates-formes dinitiative locale) seront autorisées. Le régime des très grandes entreprises sinscrira, lui, dans le cadre de conventions État/collectivités locales avec notification à la Commission Européenne.
Sagissant de lassiette des dépenses éligibles, elle ne pourra comprendre, à lexception de quelques secteurs particuliers (innovation-recherche, environnement et cinéma), que les dépenses dinvestissement, matériel et immatériel.
Quant à lintensité des aides, elle pourrait séchelonner de 7,5 % à 25 % du montant de linvestissement selon la taille de lentreprise et selon quelle se situe ou non en zone PAT.
Au-delà de la sécurisation juridique, il convient de prévoir une sécurisation financière. Jai déjà évoqué ce point et je nen rappellerai, ici, que les grandes lignes :
un plafonnement des aides par entreprise selon les règles européennes (pour les PME/PMI : 100 000 euros sur 3 ans) ;
un plafonnement pour les collectivités locales par une série de ratios prudentiels variables selon le type de collectivités et selon quelles interviennent en groupement ou isolées. Le dispositif vise aussi à favoriser lintermédiation (sociétés de capital-risque ou sociétés de garantie). Les collectivités pourront, nous lavons vu, loger des fonds dans les structures de ce type sans en être actionnaires.
Enfin, et ce point nest pas le moindre en matière de sécurisation juridique, un toilettage de la loi de 1983 sur les sociétés déconomie mixte locales est prévu.
Le projet vise deux objectifs. Le premier est de conserver la place des SEM dans le développement local en renforçant le rôle des collectivités actionnaires. Le second est de déterminer, dans un souci de protection des finances locales, un régime de relations clarifiées et mieux maîtrisées entre les collectivités et ces sociétés.
Concrètement, les conséquences en seront les suivantes :
les collectivités territoriales deviendront des actionnaires à part entière en obtenant lautorisation deffectuer des avances en compte courant dassociés,
les relations contractuelles et financières entre les collectivités et leurs SEM seront clarifiées, notamment avec lalignement des SEM de logement social sur le régime des HLM pour les subventions dinvestissement, lamélioration de linformation des assemblées élues sur la gestion des SEM et une meilleure définition des fonctions susceptibles dêtre exercées par les « élus-mandataires ».
Approfondissement de la décentralisation et réforme de lÉtat, lenjeu est clair : permettre aux collectivités territoriales de prendre toute leur part à la nécessaire modernisation de laction publique, pour devenir, ainsi, encore plus performantes au service de lintérêt général et de nos concitoyens. Telles sont les conditions, alors que le XXIè siècle approche et verra se poursuivre la construction de lEurope, dun enracinement de la démocratie locale dans la République.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 6 avril 1999)
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout dabord de remercier Monsieur Jean-Claude MAIRAL, président du conseil général de lAllier, de mavoir invité à mexprimer sur un sujet qui me tient à coeur : la réforme de laction économique des collectivités locales. Cest un thème, je le sais, auquel vous êtes, Monsieur le Président, particulièrement attentif, car le développement de lemploi est pour vous une priorité à la tête de ce département.
Ce que je voudrais tout dabord vous montrer aujourdhui, cest combien cette réforme sinscrit profondément dans une problématique plus large qui est celle de lapprofondissement de la décentralisation
En ce début dannée, lordre du jour parlementaire est marqué par la discussion de deux projets de loi portant lun sur laménagement durable du territoire, lautre sur lintercommunalité : ils seront suivis dans quelques temps par le projet de réforme de laction économique des collectivités locales. Trois textes, donc, qui attestent bien de la volonté de ce gouvernement de poursuivre la décentralisation engagée en 1982 et de préserver léquilibre du territoire. Trois textes, qui se complètent et relèvent dune philosophie cohérente dans laquelle je me reconnais, tout comme lensemble des membres de ce gouvernement.
Un constat simpose : un nombre croissant de politiques publiques ne peuvent être aujourdhui conduites quà un niveau supracommunal, dans des champs territoriaux qui ne recouvrent pas nécessairement les découpages administratifs ou électifs traditionnels : lavenir est à la coopération intercommunale, à la mise en commun volontaire des moyens.
Les élus de lAllier, vous lavez rappelé, Monsieur le Président, sont engagés dans cette voie.
Aujourdhui, en effet, les élus locaux doivent savoir passer dune situation de concurrence, ce qui conduit parfois à la neutralisation des initiatives, à la définition de nouveaux périmètres, pays et agglomérations, qui nont dautre vocation que de favoriser lémergence de projets collectifs. Tel est lun des points forts de la LOADT. Favoriser la coopération et la solidarité entre collectivités :
cest aussi dans cette perspective que la modernisation des finances locales a été engagée, dès la préparation de la loi de finances pur 1999, avec, tout dabord, la sortie du « pacte de stabilité » et son remplacement par un contrat de croissance et de solidarité : en attribuant aux collectivités locales une part de laugmentation de la richesse nationale, il permettra de renforcer la péréquation entre collectivités. Quant à la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, elle bénéficiera, par priorité, aux PME qui sont, aujourdhui, les plus créatrices demplois.
Cette actualité suffit à marquer, alors même que la décentralisation approche de lâge de sa majorité, combien le grand mouvement lancé par Gaston Defferre en 1982 reste une dynamique qui est loin davoir épuisé tous ses effets.
La décentralisation nest pas un état mais un processus toujours inachevé, la recherche permanente dun compromis entre les trois termes de léquation territoriale : les libertés locales, lunité nationale et lefficacité administrative.
Nul ne discute plus le principe de la décentralisation en raison de son succès. Lheure est donc bien à lapprofondissement de la décentralisation et non à sa remise en cause. Mais il faut aussi corriger certains dysfonctionnements, prendre en compte les évolutions de notre société pour moderniser la vie publique.
Des réformes sont indispensables pour reconstruire le pacte républicain.
1.Réformer lÉtat pour recréer le pacte républicain
La décentralisation constitue bien une grande réforme de lÉtat, tant il va de soi que lÉtat nest pas à opposer aux collectivités territoriales : lÉtat est tout à la lois national et territorial. Les pouvoirs publics, globalement entendus, ont en charge à la fois lintérêt national et les intérêts locaux.
Je me définis souvent comme un « Jacobin décentralisateur ». Il ny a pas contradiction entre ces termes : le jacobinisme ne sidentifie pas au centralisme mais au combat pour légalité des chances.
La décentralisation nest pas un partage de souveraineté.
Ainsi, par exemple, la politique économique, la lutte pour lemploi, relèvent de la compétence du gouvernement, ce qui nexclue pas, dans le cadre défini par la loi, lintervention des collectivités locales.
Ce principe sous-tend le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés déconomie mixte locales que jai préparé.
Mais je noublie pas que lun des fondements du pacte républicain est légalité daccès aux services publics.
Et jentends par services publics non seulement les services de lÉtat, mais, bien sûr, aussi ceux des collectivités territoriales et ceux qui sont gérés par des personnes morales diverses, de droit public ou de droit privé, et qui, pour nos concitoyens, font partie de la même offre dun service public. Or lévolution spontanée joue au détriment des territoires les plus fragiles.
Seul lÉtat peut mettre en oeuvre les nécessaires solidarités qui, loin de constituer une quelconque recentralisation rampante, réduisent des déséquilibres de plus en plus mal supportés par nos concitoyens en milieu rural comme en milieu urbain.
Déséquilibre dans les recettes, qui implique un renforcement de la péréquation entre collectivités ; déséquilibre dans la capacité des services territoriaux de lÉtat à traiter des questions de société comme le chômage, la lutte contre lexclusion, la sécurité...
Ces grands problèmes nécessitent une approche nouvelle de lintervention publique. Il importe de favoriser un traitement interministériel de ces dossiers tant par les administrations centrales que par les services territoriaux de lÉtat.
Dans cet esprit, le préfet doit pouvoir fédérer les multiples compétences administratives, recevoir les moyens de mieux faire travailler ensemble les services de lÉtat pour une meilleure gestion de proximité. Considérée à lorigine comme une simple conséquence logique de la décentralisation, la déconcentration constitue aujourdhui un outil de modernisation de lÉtat et lun des axes essentiels de la réforme de lÉtat à laquelle je travaille.
Le développement de la contractualisation des politiques publiques, formule souple apte à concilier lesprit de la décentralisation et la solidarité républicaine, appelle une intensification de la coopération entre administration locales et services de lÉtat. Les « maisons des services publics », thème que je vais aborder maintenant, en constituent un bon exemple.
Pour moi, un service public moderne et de qualité cest aussi un service public qui sait sadapter aux besoins des usagers.
Le gouvernement ne peut pas ignorer les difficultés particulières et les besoins croissants que rencontrent certains secteurs dont la population sest accrue rapidement.
Dans le même temps, il ne veut pas perdre de vue les légitimes demandes des habitants des zones moins peuplées ou moins dynamiques qui refusent de voir leur ville ou village perdre sa vitalité. Mais une politique daugmentation permanente des moyens est impossible, chacun dentre vous le sait. Il faut donc trouver des solutions qui permettent une utilisation optimum des moyens tout en conservant partout sur le territoire un égal accès aux services auquel ont droit tous les habitants de ce pays.
Ces dernières années, ont été menées diverses expériences de points publics, de services polyvalents etc... Elles ont permis de mettre au point une forme dorganisation polyvalente des services de proximité, qui est désormais connue sous le nom de « maison des services publics ».
Son encadrement juridique va être précisé dans le cadre du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui a été examiné en première lecture au Sénat durant la seconde semaine de mars.
Ce texte, soit dit en passant, contribuera également à simplifier les démarches administratives, complétant ainsi le dispositif préparé par ma collègue, Madame Marylise Lebranchu, en direction des PME.
Ces maisons des services publics seront des services publics à part entière. Jai même pour objectif darriver à ce que, grâce à lutilisation des outils les plus modernes de fonctionnement, notamment les nouvelles technologies de linformation et de la communication, elles constituent un exemple de services publics en pointe.
Toutes ces orientations sinspirent dun même principe : améliorer la coopération entre lensemble des décideurs publics locaux pour plus defficacité, pour favoriser les dynamiques créatrices demplois.
2.Approfondir la décentralisation : une démarche nécessairement pragmatique
Évitons, en effet, de nous laisser enfermer dans quelques débats récurrents convenus et, admettons-le, dépassés, dont notre pays a le secret, opposant les salariés du secteur privé aux fonctionnaires, le rural à lurbain, Paris à la province.
Pour cela, il nous faut prendre en compte la situation, certes imparfaite, que lhistoire nous a léguée : je songe, en particulier, à la répartition des compétences, au nombre des niveaux de collectivités locales et à la diversité communale.
Si vous me le permettez, jillustrerai mon propos de quelques exemples tirés du projet de loi sur la réforme de laction économique des collectivités locales. Ce sera loccasion de clarifier quelques points, de lever quelques malentendus à propos dun texte préparé en étroite concertation avec un groupe de parlementaires, dont plusieurs membres de lopposition.
Lun des reproches les plus fréquemment formulés à lencontre de lorganisation territoriale actuelle est lenchevêtrement des compétences qui nuit à la cohérence de laction publique. A ce problème, je crois quil nexiste pas de réponse simple.
Dans le domaine de laction économique des collectivités locales, par exemple, la volonté initiale de constituer un bloc de compétence na pas résisté au choc de la réalité.
Ainsi, alors que lintervention économique au niveau local constitue une prérogative évidente de la région, on constate dans les faits que tous les niveaux de collectivités, bien souvent en sappuyant sur des bases juridiques fragiles, ont été appelés à sengager dans laction économique. A lorigine de cette situation, on trouve plusieurs raisons.
En premier lieu, la notion dintervention économique des collectivités est difficile à cerner. Les statistiques les plus récentes (1995-1996) évaluent à 14 milliards le montant des interventions des trois niveaux de collectivités qui se répartissent à hauteur de 11 milliards pour les aides directes et 3 milliards pour les aides indirectes hors garanties demprunt.
Cette distinction entre aides directes et indirectes, source dinnombrables complications, sera dailleurs supprimée. Cette simplification répond à la demande de nombreux élus et de la Commission Européenne.
Au demeurant, 14 milliards, cest peu au regard du total du budget des collectivités locales qui sélève à près de 800 milliards.
De plus, dans un contexte dinternationalisation de léconomie où les entreprises privilégient, pour le choix de leur implantation, les critères denvironnement (niveau de formation du personnel local, facilités daccès aux nouvelles technologies, importance du parc de logement, présence déquipements socio-culturels, etc...), il est de plus en plus difficile de distinguer, au sein de laction des collectivités locales, ce qui relève dune intervention classique de service public de ce qui constitue une politique spécifique dintervention économique.
Enfin, la crise économique a conduit les acteurs sociaux à soumettre les communes à une double contrainte :
dabord la pression des électeurs qui, confrontés à la montée du chômage, se sont spontanément tournés vers les maires pour obtenir une réponse en terme de création demplois, alors même que les maires nont juridiquement aucune compétence particulière en ce domaine ;
en second lieu, car les communes ont institutionnellement la maîtrise du foncier, ce qui les a nécessairement placées en première ligne face à des entreprises souvent désireuses dexternaliser le coût de limmobilier.
Il en résulte que sur un total de 14 milliards daides, les communes occupent le premier rang (5,7 milliards), les régions le second (4,7 milliards) devant les départements (3,3 milliards). Telle est la réalité.
Faut-il pour autant, dans le souci louable de simplifier et rationnaliser notre système institutionnel, rouvrir le débat sur le nombre de niveaux de collectivités locales ? Personnellement, je ne le crois pas.
Tout dabord, il me paraît imprudent douvrir un débat que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir refermer. En effet, en France, la question des collectivités territoriales se pose depuis plus de deux cents ans, à la recherche dun compromis entre le nombre, la taille et les compétences.
Lissue dun tel débat serait dautant plus incertaine que, contrairement à certains de nos voisins, notre pays na pas fait le choix dune réduction drastique du nombre des communes.
Le maintien de plus de 36 000 communes crée un réseau dense de citoyens activement engagés dans la vie de leur collectivité : on ne peut que sen réjouir pour la vitalité de la démocratie de proximité.
Pour autant, on ne peut nier que beaucoup de communes ne disposent pas des moyens dassumer pleinement leurs responsabilités.
Il est sain que ces débats aient lieu, mais il ny a pas urgence à les trancher et surtout, ils ne doivent pas servir dalibi à linaction.
En matière de répartition des compétences, de nouveaux équilibres sont certes à définir dans le sens dune plus grande lisibilité mais la démarche doit rester empreinte de pragmatisme si lon veut réussir.
Il me paraît préférable de réglementer la pratique existante plutôt que de vouloir contraindre la réalité à entrer dans un cadre non applicable.
Aussi, le projet de loi sur laction économique établit-il une série de ratios prudentiels protégeant les collectivités contre les pressions et les incitant à la mutualisation des risques : le montant total des subventions accordées aux entreprises ne pourra excéder 5 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes ou les départements, 20 % pour les régions.
Par contre, lorsque la compétence en matière dintervention économique sera déléguée à un groupement, ce pourcentage pourra être plus élevé et représenter 50 % du budget du groupement.
Dans le même esprit, il est proposé détendre aux départements la faculté, actuellement ouverte aux seules régions, de participer au capital de sociétés de capital-investissement, mais dans la limite de 20 % du capital. Les régions, elles, conserveront leur capacité actuelle dintervenir à hauteur de 50 %.
Ainsi, tout en respectant la prééminence des régions en matière dintervention économique, ce système souple offre à lensemble des collectivités, tout en les incitant à se regrouper, la possibilité dintervenir en faveur des PME et des très petites entreprises.
Encourager linitiative des élus, mieux répondre aux besoins des entreprises, tel est lobjet de mon projet de loi.
Jai déjà mentionné la suppression de certaines rigidités comme la distinction entre aides directes et aides indirectes. Mais lessentiel réside dans la mise en place dun système daides différenciées selon la taille des entreprises.
Pour les très petites entreprises, les subventions par des associations accordant des prêts dhonneur à taux préférentiels (types plates-formes dinitiative locale) seront autorisées. Le régime des très grandes entreprises sinscrira, lui, dans le cadre de conventions État/collectivités locales avec notification à la Commission Européenne.
Sagissant de lassiette des dépenses éligibles, elle ne pourra comprendre, à lexception de quelques secteurs particuliers (innovation-recherche, environnement et cinéma), que les dépenses dinvestissement, matériel et immatériel.
Quant à lintensité des aides, elle pourrait séchelonner de 7,5 % à 25 % du montant de linvestissement selon la taille de lentreprise et selon quelle se situe ou non en zone PAT.
Au-delà de la sécurisation juridique, il convient de prévoir une sécurisation financière. Jai déjà évoqué ce point et je nen rappellerai, ici, que les grandes lignes :
un plafonnement des aides par entreprise selon les règles européennes (pour les PME/PMI : 100 000 euros sur 3 ans) ;
un plafonnement pour les collectivités locales par une série de ratios prudentiels variables selon le type de collectivités et selon quelles interviennent en groupement ou isolées. Le dispositif vise aussi à favoriser lintermédiation (sociétés de capital-risque ou sociétés de garantie). Les collectivités pourront, nous lavons vu, loger des fonds dans les structures de ce type sans en être actionnaires.
Enfin, et ce point nest pas le moindre en matière de sécurisation juridique, un toilettage de la loi de 1983 sur les sociétés déconomie mixte locales est prévu.
Le projet vise deux objectifs. Le premier est de conserver la place des SEM dans le développement local en renforçant le rôle des collectivités actionnaires. Le second est de déterminer, dans un souci de protection des finances locales, un régime de relations clarifiées et mieux maîtrisées entre les collectivités et ces sociétés.
Concrètement, les conséquences en seront les suivantes :
les collectivités territoriales deviendront des actionnaires à part entière en obtenant lautorisation deffectuer des avances en compte courant dassociés,
les relations contractuelles et financières entre les collectivités et leurs SEM seront clarifiées, notamment avec lalignement des SEM de logement social sur le régime des HLM pour les subventions dinvestissement, lamélioration de linformation des assemblées élues sur la gestion des SEM et une meilleure définition des fonctions susceptibles dêtre exercées par les « élus-mandataires ».
Approfondissement de la décentralisation et réforme de lÉtat, lenjeu est clair : permettre aux collectivités territoriales de prendre toute leur part à la nécessaire modernisation de laction publique, pour devenir, ainsi, encore plus performantes au service de lintérêt général et de nos concitoyens. Telles sont les conditions, alors que le XXIè siècle approche et verra se poursuivre la construction de lEurope, dun enracinement de la démocratie locale dans la République.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 6 avril 1999)