Texte intégral
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, avant que Marylise Lebranchu ne conclue nos débats, je tiens à vous apporter quelques précisions.
Monsieur Patriat, vous avez évoqué le problème que pose la récente appréciation à la hausse du franc suisse liée à la décision des autorités monétaires helvétiques.
Vous l'avez rappelé, dans le cadre de la loi de finances pour 2014, le Gouvernement a mis en place un fonds de soutien doté de 1,5 milliard d'euros sur quinze ans. Le rôle de ce fonds est d'aider les collectivités territoriales les plus fortement affectées par les emprunts structurés, dits « emprunts toxiques », à en sortir ou à en alléger le coût.
Ce fonds est alimenté par les banques et par l'État. Il peut intervenir, pour chaque emprunt, jusqu'à hauteur de 45 % du coût de sortie.
La Banque nationale suisse, la BNS, ayant décidé le 15 janvier 2015 de modifier sa politique de change, le franc suisse s'est apprécié de près de 20 % par rapport à l'euro. L'annonce de la BNS a eu un impact direct sur les emprunts à risque indexés sur ce taux de change, emprunts que certaines collectivités territoriales ont souscrits.
Le taux de change entre l'euro et le franc suisse sert en effet de référence dans le calcul des intérêts et de l'indemnité exigible en cas de remboursement par anticipation d'une part des prêts structurés.
Le Gouvernement est bien conscient de l'impact que ces évolutions auront sur les finances des collectivités concernées dès les prochaines semaines. Néanmoins, ces conséquences dépendront de la parité franc suisseeuro, laquelle, à ce stade, ne peut encore être précisément déterminée : elle peut encore évoluer.
Le Gouvernement conduira sans tarder, avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les banques et les associations d'élus, un premier dialogue approfondi sur l'évolution des conditions d'accompagnement des collectivités territoriales affectées par ce problème. Conformément à vos souhaits, monsieur le sénateur, deux principes guideront ces travaux : l'équité et la soutenabilité du dispositif de solidarité que nous devrons instaurer.
J'en viens à la baisse des dotations.
La situation présente est très dure, mais, Dieu merci, il y a un avenir, et des solutions permettent de faire face aux difficultés financières. Marylise Lebranchu les exposera dans quelques instants.
Sans relativiser ou sous-estimer en quoi que ce soit les difficultés financières auxquelles les collectivités sont confrontées, il convient de situer la baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales dans son contexte et, d'abord, de rappeler que cette réduction des dotations s'inscrit dans le cadre de l'indispensable redressement des finances publiques. Chacun en convient dans cet hémicycle, cet effort de maîtrise des finances publiques est nécessaire, et François Baroin l'a d'emblée reconnu.
Qu'il me soit permis de souligner que le plan d'économies du Gouvernement s'élève à 50 milliards d'euros sur trois ans, alors que le principal parti d'opposition, l'UMP, représenté au sein de cette assemblée c'est d'ailleurs sur l'initiative du groupe UMP que le présent débat a été organisé , propose pour sa part un plan de 150 milliards d'euros d'économies. Je ne sais quel sort serait réservé aux collectivités avec un tel plan Pour notre part, nous nous « limitons » donc à 50 milliards d'euros.
Avec la majorité de l'Assemblée nationale, qui a voté la dernière loi de finances, nous avons décidé d'étaler sur trois ans la baisse de 11 milliards d'euros dont font l'objet ces dotations, à raison de 3,670 milliards d'euros par an.
Pour 2015, la baisse est répartie entre chaque niveau de collectivités selon son poids dans les recettes totales : on aboutit à des montants, arrondis, de 2 milliards d'euros pour le bloc communal, 1,1 milliard d'euros pour les départements et 450 millions d'euros pour les régions.
Cette répartition n'est pas figée pour 2016. Elle sera de nouveau en discussion lors de l'examen du projet de loi de finances, cet automne.
L'effort demandé aux collectivités territoriales représente en moyenne 1,6 % de leurs recettes totales, soit 3,670 milliards d'euros sur 229 milliards d'euros. C'est loin d'être neutre, mais ce n'est pas nécessairement l'étranglement que certains décrivent.
M. Michel Bouvard. C'est une moyenne
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cet effort, aussi important soit-il, est proportionné au poids de la dépense publique locale dans la dépense publique globale, à savoir 20 %. Ces 11 milliards d'euros représentent 21 % des 50 milliards d'euros d'économies. L'effort demandé est donc à l'image de la part des dépenses du bloc communal, des départements et des régions dans la dépense publique française.
Sur ces 50 milliards d'euros d'économies, étalés sur trois ans, l'État va supporter 18 milliards d'euros.
Certains orateurs ont affirmé que l'État ne s'imposait pas à lui-même ce qu'il exigeait des collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson. C'est vrai !
M. André Vallini, secrétaire d'État. C'est faux : l'État s'astreint à un effort bien plus sensible.
Quant au secteur social, il assumera 21 milliards d'euros d'économies.
Pour ce qui est, maintenant, de la péréquation, il est vrai que le dispositif actuel n'est pas parfait. Divers mécanismes de péréquation, au rang desquels le FPIC, se sont accumulés au fil du temps. M. Guené a parlé de sédimentation : l'architecture d'ensemble est devenue très compliquée, voire illisible (M. Michel Bouvard acquiesce.), même pour les élus locaux, même pour ces spécialistes des finances locales que vous êtes.
Il n'empêche que la péréquation signifie la solidarité. À système constant, nous avons veillé à la renforcer. Je songe à la péréquation verticale, renforcée de 407 millions d'euros pour le bloc communal et de 20 millions d'euros pour les départements. Je songe également à la péréquation horizontale, avec 210 millions d'euros supplémentaires pour le FPIC, qui atteindra ainsi 780 millions d'euros en 2015.
Par ailleurs, les recettes des collectivités territoriales vont, en dépit des contraintes, continuer à croître en 2015.
Ce mouvement est dû, d'abord, à la revalorisation des bases fiscales. Ces dernières seront rehaussées de 0,9 %,
M. Jean-François Husson. C'est énorme ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. André Vallini, secrétaire d'État. ce qui représente une augmentation de recettes d'environ 1 milliard d'euros.
En outre, le produit de la CVAE va augmenter.
De surcroît, le Gouvernement a pris, au titre de la TVA, deux mesures que vous connaissez déjà.
D'une part, le taux de remboursement du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, est accru, avec la suppression de la réfaction de 0,9 point du taux de remboursement ; cela représentera 26 millions d'euros en 2015, compte tenu du décalage de remboursement, mais à partir de 2016, en année pleine, 300 millions d'euros.
D'autre part, l'évolution spontanée du FCTVA sera prise en compte hors enveloppe normée en 2015, ce qui représentera 166 millions d'euros au cours de cette année.
Parallèlement, les départements vont pouvoir continuer à majorer le taux des DMTO : le Gouvernement avait ouvert cette possibilité l'année dernière et elle est reconduite cette année. Elle représente environ 130 millions d'euros de recettes supplémentaires pour les conseils généraux.
Enfin, la revalorisation de la taxe de séjour pourra représenter jusqu'à 150 millions d'euros de plus.
Je conclurai en évoquant l'investissement public.
De nombreux orateurs l'ont rappelé avec raison, l'investissement local est assumé à hauteur de 65 % à 70 % par le bloc communal communes et intercommunalités confondues.
Il se trouve que, en vertu d'une forme de « jurisprudence » liée au cycle électoral, l'investissement baisse systématiquement l'année suivant les élections municipales.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tout à fait !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Il y a à cela deux raisons.
En premier lieu, les équipes sortantes réélues ont souvent beaucoup investi juste avant les élections on se demande pourquoi (Sourires.)
En second lieu, les équipes nouvelles n'ayant pu mettre tout à fait au point leur projet, leurs investissements subissent nécessairement un certain décalage.
On observe ce phénomène depuis une trentaine d'années : le cycle électoral conduit toujours à une baisse de 5 % à 6 % de l'investissement communal au cours de l'année qui suit les élections.
Le Gouvernement et le Parlement ont pris plusieurs mesures en faveur de l'investissement local. Ces dispositions ont fait suite aux rencontres que le Premier ministre a multipliées avec les associations d'élus, à l'occasion de différents congrès : l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, bien sûr, mais aussi de l'Association nationale des élus de montagne et de l'Assemblée des communautés de France.
Le Premier ministre et le Gouvernement ont entendu les légitimes inquiétudes exprimées par les élus. Au-delà des mesures que j'ai indiquées au sujet du remboursement de la TVA, le Premier ministre a annoncé, lors du congrès des maires, en novembre dernier, que la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DTER, augmenterait d'un tiers, soit de 200 millions d'euros, pour atteindre 800 millions d'euros en 2015. Dieu sait si ce dispositif est important pour soutenir des territoires parfois en difficulté !
Je mentionne enfin une mesure de soutien au logement, avec 100 millions d'euros accordés au titre du fonds dit « des maires bâtisseurs ».
Je le répète, il ne s'agit en aucun cas de relativiser ou de sous-estimer les craintes, les inquiétudes, les difficultés des élus locaux. Il convient simplement de replacer l'effort demandé aux collectivités, que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs, au sein de l'effort général que doit consentir la nation pour redresser ses comptes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ajouterai quelques éléments aux nombreuses précisions qu'André Vallini vient de vous apporter.
Avant tout, je vous remercie de la qualité et de la densité de vos interventions, que nous relirons en détail d'ici à la réunion du 10 février prochain.
M. Baroin il n'est plus présent, mais j'imagine qu'il n'en suit pas moins nos débats a souligné, avec raison, l'ampleur de la baisse des dotations des collectivités territoriales. On ne peut nier cette réalité ou refuser d'admettre la difficulté de la situation. Toutefois, M. Baroin oublie un certain nombre d'éléments, alors même qu'il a été ministre du budget (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), concernant la « règle d'or » des collectivités.
Compte tenu de la situation des finances publiques, pour verser ces dotations aux collectivités territoriales, l'État est contraint de s'endetter. Ainsi, pour permettre aux collectivités de respecter cette fameuse règle d'or, à savoir de ne pas emprunter, l'État emprunte lui-même, et cet emprunt est celui de tous les citoyens français !
Il convient donc de rappeler que le budget est un tout, qu'une partie de l'endettement de l'État s'explique par ces dotations de l'État aux collectivités et que la dette de la France s'entend dotations aux collectivités territoriales comprises !
Celles-ci ont été gelées par l'ancien gouvernement j'assume entièrement mes propos de l'époque à ce sujet , puis baissées de 2013 à aujourd'hui, comme l'a expliqué André Vallini. Il est vrai que, auparavant, elles augmentaient régulièrement en fonction de la progression de la dépense des collectivités territoriales, qui n'était le fruit de la seule volonté des élus locaux, mais aussi du coût des compétences transférées.
En analysant la situation à travers ce prisme-là, on peut commencer par se réjouir que le plan Juncker prenne en compte les demandes des collectivités territoriales concernant leurs investissements. Un certain nombre d'entre elles se sont déjà organisées, en particulier les régions François Patriat le sait bien afin que cet effet levier soit important. Les associations d'élus ont ainsi déjà désigné certains projets prioritaires. Nous y reviendrons le 10 février.
Par ailleurs, choisir d'accroître la compétitivité des entreprises grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, qui représente 12 milliards d'euros d'allégements en 2014 et 20 milliards d'euros en 2015, c'est mobiliser une part de l'emprunt national pour aider directement les entreprises, car il faut bien compenser la baisse des cotisations.
Ce choix de la compétitivité a été largement approuvé par les entrepreneurs, qui en bénéficient. Dès lors, sont-ils fondés à nous reprocher aujourd'hui que ce choix se traduise aussi par une baisse des dotations aux collectivités et, par conséquent, par un certain ralentissement de leurs investissements, donc de leurs commandes aux entreprises ?
Chacun sait que ce choix est contesté. M. Éric Bocquet a rappelé tout à l'heure qu'il y était fermement opposé et qu'il aurait préféré que l'on reversât ces sommes aux collectivités territoriales.
Nous, nous faisons le choix de la compétitivité de la France, et c'est un choix que porte, avec difficulté, le budget de l'État. Cela devra également faire partie de la discussion.
M. Baroin, ancien ministre du budget et actuel président de l'AMF, nous rappelait tout à l'heure que j'avais qualifié le gel des dotations de récessif. Oui, la baisse de la dépense publique a toujours un effet récessif, quelle que soit la catégorie de dépense publique concernée, qu'elle vise à redistribuer de l'argent ou qu'elle contribue à l'investissement. Personne n'a pu démontrer le contraire ! Mais nous avons assumé ce choix dans le cadre du pacte de responsabilité et à travers l'aide directe à nos entrepreneurs.
François Hollande évoquait le risque de défaut de la France dans son discours de Dijon. Nous n'avons peut-être pas suffisamment expliqué nos choix difficiles de juillet 2012 : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, c'est-à-dire une aide aux entrepreneurs, d'une part, et des économies, d'autre part. Il s'agissait d'éviter le défaut. Quand on voit ce qu'implique une véritable austérité, notamment pour les collectivités territoriales et pour les services publics, pour un pays en général, il semble bien que nous ayons eu raison !
Sans revenir sur le partage des responsabilités quant à la situation, je rappelle tout de même que l'accroissement de la dette, à la fin 2012, était considérable. Aux 30 milliards d'euros hérités de l'ancien gouvernement se sont ajoutés nos propres engagements, d'un coût équivalent. C'est alors que nous avons décidé d'arrêter, car nous nous dirigions vers le défaut.
Il est vrai que nous avons imposé un certain nombre de normes aux collectivités, en particulier s'agissant de la fonction publique territoriale. Ces décisions ont cependant été prises en commun : les employeurs territoriaux siègent avec nous au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Son président, pourtant membre de l'opposition, a d'ailleurs déclaré à l'occasion de ses vux qu'il assumait ces décisions, car les fonctionnaires territoriaux de catégorie C étaient trop mal payés. Il va même jusqu'à admettre que le gel du point d'indice de la fonction publique lui pose problème !
Ces mesures ne sont donc pas le fait du seul Gouvernement, mais bien de l'ensemble des employeurs, réunis avec les organisations syndicales.
Fallait-il renoncer à augmenter nos fonctionnaires territoriaux les moins avantagés ? Pensons à ceux qui travaillent de nuit dans les EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes : ils avaient besoin de ce coup de pouce. Par ailleurs, pour la vie de nos collectivités territoriales, il était important que le pouvoir d'achat de ces personnels leur permette de consommer un peu plus.
Entendons-nous donc sur ce que sont les choix du Gouvernement : on peut les critiquer, mais nous devons assumer ensemble la responsabilité des décisions que nous avons prises ensemble !
M. Charles Guené a évoqué certains points sur lesquels nous reviendrons le 10 février, en particulier les valeurs locatives ou cadastrales.
Jacques Mézard a, lui, rappelé la différence entre la taxe d'habitation à Paris et la taxe d'habitation dans les petites villes. C'est en effet terrifiant !
Il existe, entre nos collectivités, des différences majeures, qui nous interdisent de les traiter par strate, en considérant comme égales toutes les régions, comme égaux tous les départements. Entre nos régions, entre nos départements, entre nos intercommunalités, entre nos communes, les inégalités sont parfois énormes.
Nous avons commencé à remonter la pente par la péréquation. François Patriat peut témoigner que la nouvelle carte des régions va nous permettre de retrouver une répartition plus homogène du PIB par habitant entre les régions.
À l'époque, avec Gilles Carrez, nous avions soutenu l'utilité de cette péréquation pour essayer de corriger quelques grandes différences entre les uns et les autres. Aujourd'hui, à bien y regarder, malgré ce dispositif, des inégalités considérables persistent, dans les situations comme dans les moyens. J'entends bien m'y atteler.
Il ne s'agit pas non plus d'opposer les communes urbaines aux communes rurales.
Nous connaissons tous des communes rurales qui n'empruntent pas un euro. Mais elles n'ont pas beaucoup de services à prendre en charge, sachant que ce sont les communes voisines qui les assurent.
Pour analyser vraiment les situations, il faut donc tout se dire !
Lorsqu'une station de sports d'hiver supprime le chauffage des trottoirs par mesure d'économie, elle ne se prive que d'une forme de luxe.
Lorsque le maire d'une commune située à une heure de Paris affirme disposer de 80 millions d'euros de provisions sans avoir d'emprunt à rembourser, c'est tout de même le signe d'une criante injustice !
M. Alain Milon. Pourquoi donc ?
M. Éric Doligé. Peut-être a-t-il simplement mieux géré sa commune
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est donc temps de remettre tout cela à plat. Notre idée, justement, consiste à repartir de la DGF. De strate en strate, nous n'avons pas suffisamment pris la mesure de l'effet de rente et des inégalités.
Nous voulons travailler, à partir du 10 février, avec tous les parlementaires qui le souhaitent. J'ai déjà dit que je regrettais le refus de la majorité sénatoriale de participer à la mission parlementaire sur le sujet. Soyez pourtant assurés que le rapport des deux parlementaires missionnés sera totalement indépendant du Gouvernement.
Nous voulons disposer d'une analyse « à froid » de la situation, en vue de rebâtir ensemble une DGF plus juste, pour que la péréquation soit verticale et qu'on limite le besoin de péréquation horizontale. En effet, ce qui est difficile pour une collectivité, quelle qu'elle soit, c'est de recevoir pour devoir aussitôt redonner. À l'intérieur d'une intercommunalité, des communes pauvres se trouvent assujetties alors qu'elles-mêmes sont en difficulté.
M. Alain Marc. Exactement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela n'est pas juste. Nous voulons retrouver de la péréquation verticale. Ce sera difficile parce que certaines collectivités qui bénéficiaient de dotations importantes vont les voir un peu diminuer. Mais d'autres, en revanche, qui rencontrent aujourd'hui des difficultés, seront mieux dotées et pourront relancer l'investissement.
Il est tout de même troublant qu'un pays comme le nôtre connaisse une fracture territoriale si violente, et qui traverse toutes les strates.
On nous dit que nous n'aurions pas dû supprimer telle ou telle taxe. C'était peut-être le moment de le faire : ces taxes ne concernaient plus que quelques communes et ne rentraient donc pas dans le panier global.
Ensemble, nous devons trouver des solutions, redéfinir des critères. Oui, monsieur Dantec, nous avons tous à l'esprit la nécessité de critères justes. Nous devrons prêter attention à la CVAE, réaliser de véritables simulations, prévoir le lissage nécessaire L'objectif est bien de bâtir des dotations plus justes. Naturellement, je ne vous dirai pas qu'elles augmenteront ensuite de façon exponentielle, mais elles doivent être plus justes.
François Patriat dit aujourd'hui avoir réussi à réduire son budget tout en augmentant l'investissement. Il a raison lorsqu'il dit que la loi NOTRe obligera de toute façon les régions à se recentrer sur leurs compétences strictes.
Selon le rapport de l'OCDE, les deux métropoles Aix-Marseille-Provence et Paris organisées par la loi MAPTAM et la loi NOTRe vont nous permettre de gagner 0,8 % de PIB sur dix ans. Je lis que j'aurais été éprouvée par le dossier de la métropole parisienne. C'est faux. J'ai été très agréablement surprise par ce rapport de l'OCDE, à qui nous n'avions rien demandé.
Nous savons que la mise en place des métropoles va créer de la richesse parce qu'elles porteront assistance à des communes qui, aujourd'hui, souffrent tellement qu'elles n'investissent plus du tout. La solidarité, c'est, par exemple, la construction de logements. Or ce dossier est justement l'une des épines que nous avons dans le pied, à Paris comme ailleurs.
Les ressources des collectivités locales, leur engagement, la mise en commun des moyens, mais aussi du foncier, pourraient permettre de régler ce problème.
L'OCDE prédit, je le répète, une croissance de 0,8 % due aux métropoles et de 0,3 % pour l'ensemble de la loi NOTRe. C'est donc un rapport qui nous encourage.
Vous avez tous repris les chiffres de l'Observatoire des finances locales. Sans doute avez-vous raison de vous y référer. Ils indiquent bien que l'épargne brute de certaines collectivités locales peut être touchée, mais montrent aussi que cela ne les concerne pas toutes.
Je résume mon propos en redisant que les dotations de l'État représentent aussi de la dette publique, que, lorsque l'on décide de réaliser 50 milliards d'euros d'économies, cela concerne tout le monde et que, lorsque l'on décide au surplus d'aider nos entreprises, la marge de manuvre de l'État est encore plus réduite.
Tous ces sujets doivent être au menu des discussions politiques pour que nous prenions acte, in fine, de notre volonté commune d'établir une plus grande justice grâce à la DGF. C'est cela qui, simplement, nous permettra d'absorber plus facilement la baisse des dotations.
Certains se plaignent de ne plus pouvoir construire de routes. Ce matin, en Limousin, une élue du conseil général me disait son inquiétude de retrouver cette compétence. Dans son département, dont le nombre d'habitants baisse, la pression fiscale est à son maximum alors que le nombre de kilomètres de routes ne diminue pas.
C'est ce que je vous expliquais il y a quelques jours : ces élus de départements très ruraux espéraient bénéficier d'une péréquation au niveau de la région pour leurs routes départementales.
Rien n'est simple, et nous devons nous garder de tout manichéisme dans ce débat. Le sens de la dépense publique fait l'objet d'un grand débat politique, comme l'égalité entre les territoires. Nous engageons un autre grand débat, technique, sur les moyens de rendre juste la DGF, car, aujourd'hui, elle ne l'est pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur l'évolution des finances locales.
Source http://www.senat.fr, le 9 février 2015
Monsieur Patriat, vous avez évoqué le problème que pose la récente appréciation à la hausse du franc suisse liée à la décision des autorités monétaires helvétiques.
Vous l'avez rappelé, dans le cadre de la loi de finances pour 2014, le Gouvernement a mis en place un fonds de soutien doté de 1,5 milliard d'euros sur quinze ans. Le rôle de ce fonds est d'aider les collectivités territoriales les plus fortement affectées par les emprunts structurés, dits « emprunts toxiques », à en sortir ou à en alléger le coût.
Ce fonds est alimenté par les banques et par l'État. Il peut intervenir, pour chaque emprunt, jusqu'à hauteur de 45 % du coût de sortie.
La Banque nationale suisse, la BNS, ayant décidé le 15 janvier 2015 de modifier sa politique de change, le franc suisse s'est apprécié de près de 20 % par rapport à l'euro. L'annonce de la BNS a eu un impact direct sur les emprunts à risque indexés sur ce taux de change, emprunts que certaines collectivités territoriales ont souscrits.
Le taux de change entre l'euro et le franc suisse sert en effet de référence dans le calcul des intérêts et de l'indemnité exigible en cas de remboursement par anticipation d'une part des prêts structurés.
Le Gouvernement est bien conscient de l'impact que ces évolutions auront sur les finances des collectivités concernées dès les prochaines semaines. Néanmoins, ces conséquences dépendront de la parité franc suisseeuro, laquelle, à ce stade, ne peut encore être précisément déterminée : elle peut encore évoluer.
Le Gouvernement conduira sans tarder, avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les banques et les associations d'élus, un premier dialogue approfondi sur l'évolution des conditions d'accompagnement des collectivités territoriales affectées par ce problème. Conformément à vos souhaits, monsieur le sénateur, deux principes guideront ces travaux : l'équité et la soutenabilité du dispositif de solidarité que nous devrons instaurer.
J'en viens à la baisse des dotations.
La situation présente est très dure, mais, Dieu merci, il y a un avenir, et des solutions permettent de faire face aux difficultés financières. Marylise Lebranchu les exposera dans quelques instants.
Sans relativiser ou sous-estimer en quoi que ce soit les difficultés financières auxquelles les collectivités sont confrontées, il convient de situer la baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales dans son contexte et, d'abord, de rappeler que cette réduction des dotations s'inscrit dans le cadre de l'indispensable redressement des finances publiques. Chacun en convient dans cet hémicycle, cet effort de maîtrise des finances publiques est nécessaire, et François Baroin l'a d'emblée reconnu.
Qu'il me soit permis de souligner que le plan d'économies du Gouvernement s'élève à 50 milliards d'euros sur trois ans, alors que le principal parti d'opposition, l'UMP, représenté au sein de cette assemblée c'est d'ailleurs sur l'initiative du groupe UMP que le présent débat a été organisé , propose pour sa part un plan de 150 milliards d'euros d'économies. Je ne sais quel sort serait réservé aux collectivités avec un tel plan Pour notre part, nous nous « limitons » donc à 50 milliards d'euros.
Avec la majorité de l'Assemblée nationale, qui a voté la dernière loi de finances, nous avons décidé d'étaler sur trois ans la baisse de 11 milliards d'euros dont font l'objet ces dotations, à raison de 3,670 milliards d'euros par an.
Pour 2015, la baisse est répartie entre chaque niveau de collectivités selon son poids dans les recettes totales : on aboutit à des montants, arrondis, de 2 milliards d'euros pour le bloc communal, 1,1 milliard d'euros pour les départements et 450 millions d'euros pour les régions.
Cette répartition n'est pas figée pour 2016. Elle sera de nouveau en discussion lors de l'examen du projet de loi de finances, cet automne.
L'effort demandé aux collectivités territoriales représente en moyenne 1,6 % de leurs recettes totales, soit 3,670 milliards d'euros sur 229 milliards d'euros. C'est loin d'être neutre, mais ce n'est pas nécessairement l'étranglement que certains décrivent.
M. Michel Bouvard. C'est une moyenne
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cet effort, aussi important soit-il, est proportionné au poids de la dépense publique locale dans la dépense publique globale, à savoir 20 %. Ces 11 milliards d'euros représentent 21 % des 50 milliards d'euros d'économies. L'effort demandé est donc à l'image de la part des dépenses du bloc communal, des départements et des régions dans la dépense publique française.
Sur ces 50 milliards d'euros d'économies, étalés sur trois ans, l'État va supporter 18 milliards d'euros.
Certains orateurs ont affirmé que l'État ne s'imposait pas à lui-même ce qu'il exigeait des collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson. C'est vrai !
M. André Vallini, secrétaire d'État. C'est faux : l'État s'astreint à un effort bien plus sensible.
Quant au secteur social, il assumera 21 milliards d'euros d'économies.
Pour ce qui est, maintenant, de la péréquation, il est vrai que le dispositif actuel n'est pas parfait. Divers mécanismes de péréquation, au rang desquels le FPIC, se sont accumulés au fil du temps. M. Guené a parlé de sédimentation : l'architecture d'ensemble est devenue très compliquée, voire illisible (M. Michel Bouvard acquiesce.), même pour les élus locaux, même pour ces spécialistes des finances locales que vous êtes.
Il n'empêche que la péréquation signifie la solidarité. À système constant, nous avons veillé à la renforcer. Je songe à la péréquation verticale, renforcée de 407 millions d'euros pour le bloc communal et de 20 millions d'euros pour les départements. Je songe également à la péréquation horizontale, avec 210 millions d'euros supplémentaires pour le FPIC, qui atteindra ainsi 780 millions d'euros en 2015.
Par ailleurs, les recettes des collectivités territoriales vont, en dépit des contraintes, continuer à croître en 2015.
Ce mouvement est dû, d'abord, à la revalorisation des bases fiscales. Ces dernières seront rehaussées de 0,9 %,
M. Jean-François Husson. C'est énorme ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. André Vallini, secrétaire d'État. ce qui représente une augmentation de recettes d'environ 1 milliard d'euros.
En outre, le produit de la CVAE va augmenter.
De surcroît, le Gouvernement a pris, au titre de la TVA, deux mesures que vous connaissez déjà.
D'une part, le taux de remboursement du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, est accru, avec la suppression de la réfaction de 0,9 point du taux de remboursement ; cela représentera 26 millions d'euros en 2015, compte tenu du décalage de remboursement, mais à partir de 2016, en année pleine, 300 millions d'euros.
D'autre part, l'évolution spontanée du FCTVA sera prise en compte hors enveloppe normée en 2015, ce qui représentera 166 millions d'euros au cours de cette année.
Parallèlement, les départements vont pouvoir continuer à majorer le taux des DMTO : le Gouvernement avait ouvert cette possibilité l'année dernière et elle est reconduite cette année. Elle représente environ 130 millions d'euros de recettes supplémentaires pour les conseils généraux.
Enfin, la revalorisation de la taxe de séjour pourra représenter jusqu'à 150 millions d'euros de plus.
Je conclurai en évoquant l'investissement public.
De nombreux orateurs l'ont rappelé avec raison, l'investissement local est assumé à hauteur de 65 % à 70 % par le bloc communal communes et intercommunalités confondues.
Il se trouve que, en vertu d'une forme de « jurisprudence » liée au cycle électoral, l'investissement baisse systématiquement l'année suivant les élections municipales.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tout à fait !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Il y a à cela deux raisons.
En premier lieu, les équipes sortantes réélues ont souvent beaucoup investi juste avant les élections on se demande pourquoi (Sourires.)
En second lieu, les équipes nouvelles n'ayant pu mettre tout à fait au point leur projet, leurs investissements subissent nécessairement un certain décalage.
On observe ce phénomène depuis une trentaine d'années : le cycle électoral conduit toujours à une baisse de 5 % à 6 % de l'investissement communal au cours de l'année qui suit les élections.
Le Gouvernement et le Parlement ont pris plusieurs mesures en faveur de l'investissement local. Ces dispositions ont fait suite aux rencontres que le Premier ministre a multipliées avec les associations d'élus, à l'occasion de différents congrès : l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, bien sûr, mais aussi de l'Association nationale des élus de montagne et de l'Assemblée des communautés de France.
Le Premier ministre et le Gouvernement ont entendu les légitimes inquiétudes exprimées par les élus. Au-delà des mesures que j'ai indiquées au sujet du remboursement de la TVA, le Premier ministre a annoncé, lors du congrès des maires, en novembre dernier, que la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DTER, augmenterait d'un tiers, soit de 200 millions d'euros, pour atteindre 800 millions d'euros en 2015. Dieu sait si ce dispositif est important pour soutenir des territoires parfois en difficulté !
Je mentionne enfin une mesure de soutien au logement, avec 100 millions d'euros accordés au titre du fonds dit « des maires bâtisseurs ».
Je le répète, il ne s'agit en aucun cas de relativiser ou de sous-estimer les craintes, les inquiétudes, les difficultés des élus locaux. Il convient simplement de replacer l'effort demandé aux collectivités, que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs, au sein de l'effort général que doit consentir la nation pour redresser ses comptes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ajouterai quelques éléments aux nombreuses précisions qu'André Vallini vient de vous apporter.
Avant tout, je vous remercie de la qualité et de la densité de vos interventions, que nous relirons en détail d'ici à la réunion du 10 février prochain.
M. Baroin il n'est plus présent, mais j'imagine qu'il n'en suit pas moins nos débats a souligné, avec raison, l'ampleur de la baisse des dotations des collectivités territoriales. On ne peut nier cette réalité ou refuser d'admettre la difficulté de la situation. Toutefois, M. Baroin oublie un certain nombre d'éléments, alors même qu'il a été ministre du budget (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), concernant la « règle d'or » des collectivités.
Compte tenu de la situation des finances publiques, pour verser ces dotations aux collectivités territoriales, l'État est contraint de s'endetter. Ainsi, pour permettre aux collectivités de respecter cette fameuse règle d'or, à savoir de ne pas emprunter, l'État emprunte lui-même, et cet emprunt est celui de tous les citoyens français !
Il convient donc de rappeler que le budget est un tout, qu'une partie de l'endettement de l'État s'explique par ces dotations de l'État aux collectivités et que la dette de la France s'entend dotations aux collectivités territoriales comprises !
Celles-ci ont été gelées par l'ancien gouvernement j'assume entièrement mes propos de l'époque à ce sujet , puis baissées de 2013 à aujourd'hui, comme l'a expliqué André Vallini. Il est vrai que, auparavant, elles augmentaient régulièrement en fonction de la progression de la dépense des collectivités territoriales, qui n'était le fruit de la seule volonté des élus locaux, mais aussi du coût des compétences transférées.
En analysant la situation à travers ce prisme-là, on peut commencer par se réjouir que le plan Juncker prenne en compte les demandes des collectivités territoriales concernant leurs investissements. Un certain nombre d'entre elles se sont déjà organisées, en particulier les régions François Patriat le sait bien afin que cet effet levier soit important. Les associations d'élus ont ainsi déjà désigné certains projets prioritaires. Nous y reviendrons le 10 février.
Par ailleurs, choisir d'accroître la compétitivité des entreprises grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, qui représente 12 milliards d'euros d'allégements en 2014 et 20 milliards d'euros en 2015, c'est mobiliser une part de l'emprunt national pour aider directement les entreprises, car il faut bien compenser la baisse des cotisations.
Ce choix de la compétitivité a été largement approuvé par les entrepreneurs, qui en bénéficient. Dès lors, sont-ils fondés à nous reprocher aujourd'hui que ce choix se traduise aussi par une baisse des dotations aux collectivités et, par conséquent, par un certain ralentissement de leurs investissements, donc de leurs commandes aux entreprises ?
Chacun sait que ce choix est contesté. M. Éric Bocquet a rappelé tout à l'heure qu'il y était fermement opposé et qu'il aurait préféré que l'on reversât ces sommes aux collectivités territoriales.
Nous, nous faisons le choix de la compétitivité de la France, et c'est un choix que porte, avec difficulté, le budget de l'État. Cela devra également faire partie de la discussion.
M. Baroin, ancien ministre du budget et actuel président de l'AMF, nous rappelait tout à l'heure que j'avais qualifié le gel des dotations de récessif. Oui, la baisse de la dépense publique a toujours un effet récessif, quelle que soit la catégorie de dépense publique concernée, qu'elle vise à redistribuer de l'argent ou qu'elle contribue à l'investissement. Personne n'a pu démontrer le contraire ! Mais nous avons assumé ce choix dans le cadre du pacte de responsabilité et à travers l'aide directe à nos entrepreneurs.
François Hollande évoquait le risque de défaut de la France dans son discours de Dijon. Nous n'avons peut-être pas suffisamment expliqué nos choix difficiles de juillet 2012 : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, c'est-à-dire une aide aux entrepreneurs, d'une part, et des économies, d'autre part. Il s'agissait d'éviter le défaut. Quand on voit ce qu'implique une véritable austérité, notamment pour les collectivités territoriales et pour les services publics, pour un pays en général, il semble bien que nous ayons eu raison !
Sans revenir sur le partage des responsabilités quant à la situation, je rappelle tout de même que l'accroissement de la dette, à la fin 2012, était considérable. Aux 30 milliards d'euros hérités de l'ancien gouvernement se sont ajoutés nos propres engagements, d'un coût équivalent. C'est alors que nous avons décidé d'arrêter, car nous nous dirigions vers le défaut.
Il est vrai que nous avons imposé un certain nombre de normes aux collectivités, en particulier s'agissant de la fonction publique territoriale. Ces décisions ont cependant été prises en commun : les employeurs territoriaux siègent avec nous au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Son président, pourtant membre de l'opposition, a d'ailleurs déclaré à l'occasion de ses vux qu'il assumait ces décisions, car les fonctionnaires territoriaux de catégorie C étaient trop mal payés. Il va même jusqu'à admettre que le gel du point d'indice de la fonction publique lui pose problème !
Ces mesures ne sont donc pas le fait du seul Gouvernement, mais bien de l'ensemble des employeurs, réunis avec les organisations syndicales.
Fallait-il renoncer à augmenter nos fonctionnaires territoriaux les moins avantagés ? Pensons à ceux qui travaillent de nuit dans les EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes : ils avaient besoin de ce coup de pouce. Par ailleurs, pour la vie de nos collectivités territoriales, il était important que le pouvoir d'achat de ces personnels leur permette de consommer un peu plus.
Entendons-nous donc sur ce que sont les choix du Gouvernement : on peut les critiquer, mais nous devons assumer ensemble la responsabilité des décisions que nous avons prises ensemble !
M. Charles Guené a évoqué certains points sur lesquels nous reviendrons le 10 février, en particulier les valeurs locatives ou cadastrales.
Jacques Mézard a, lui, rappelé la différence entre la taxe d'habitation à Paris et la taxe d'habitation dans les petites villes. C'est en effet terrifiant !
Il existe, entre nos collectivités, des différences majeures, qui nous interdisent de les traiter par strate, en considérant comme égales toutes les régions, comme égaux tous les départements. Entre nos régions, entre nos départements, entre nos intercommunalités, entre nos communes, les inégalités sont parfois énormes.
Nous avons commencé à remonter la pente par la péréquation. François Patriat peut témoigner que la nouvelle carte des régions va nous permettre de retrouver une répartition plus homogène du PIB par habitant entre les régions.
À l'époque, avec Gilles Carrez, nous avions soutenu l'utilité de cette péréquation pour essayer de corriger quelques grandes différences entre les uns et les autres. Aujourd'hui, à bien y regarder, malgré ce dispositif, des inégalités considérables persistent, dans les situations comme dans les moyens. J'entends bien m'y atteler.
Il ne s'agit pas non plus d'opposer les communes urbaines aux communes rurales.
Nous connaissons tous des communes rurales qui n'empruntent pas un euro. Mais elles n'ont pas beaucoup de services à prendre en charge, sachant que ce sont les communes voisines qui les assurent.
Pour analyser vraiment les situations, il faut donc tout se dire !
Lorsqu'une station de sports d'hiver supprime le chauffage des trottoirs par mesure d'économie, elle ne se prive que d'une forme de luxe.
Lorsque le maire d'une commune située à une heure de Paris affirme disposer de 80 millions d'euros de provisions sans avoir d'emprunt à rembourser, c'est tout de même le signe d'une criante injustice !
M. Alain Milon. Pourquoi donc ?
M. Éric Doligé. Peut-être a-t-il simplement mieux géré sa commune
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est donc temps de remettre tout cela à plat. Notre idée, justement, consiste à repartir de la DGF. De strate en strate, nous n'avons pas suffisamment pris la mesure de l'effet de rente et des inégalités.
Nous voulons travailler, à partir du 10 février, avec tous les parlementaires qui le souhaitent. J'ai déjà dit que je regrettais le refus de la majorité sénatoriale de participer à la mission parlementaire sur le sujet. Soyez pourtant assurés que le rapport des deux parlementaires missionnés sera totalement indépendant du Gouvernement.
Nous voulons disposer d'une analyse « à froid » de la situation, en vue de rebâtir ensemble une DGF plus juste, pour que la péréquation soit verticale et qu'on limite le besoin de péréquation horizontale. En effet, ce qui est difficile pour une collectivité, quelle qu'elle soit, c'est de recevoir pour devoir aussitôt redonner. À l'intérieur d'une intercommunalité, des communes pauvres se trouvent assujetties alors qu'elles-mêmes sont en difficulté.
M. Alain Marc. Exactement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela n'est pas juste. Nous voulons retrouver de la péréquation verticale. Ce sera difficile parce que certaines collectivités qui bénéficiaient de dotations importantes vont les voir un peu diminuer. Mais d'autres, en revanche, qui rencontrent aujourd'hui des difficultés, seront mieux dotées et pourront relancer l'investissement.
Il est tout de même troublant qu'un pays comme le nôtre connaisse une fracture territoriale si violente, et qui traverse toutes les strates.
On nous dit que nous n'aurions pas dû supprimer telle ou telle taxe. C'était peut-être le moment de le faire : ces taxes ne concernaient plus que quelques communes et ne rentraient donc pas dans le panier global.
Ensemble, nous devons trouver des solutions, redéfinir des critères. Oui, monsieur Dantec, nous avons tous à l'esprit la nécessité de critères justes. Nous devrons prêter attention à la CVAE, réaliser de véritables simulations, prévoir le lissage nécessaire L'objectif est bien de bâtir des dotations plus justes. Naturellement, je ne vous dirai pas qu'elles augmenteront ensuite de façon exponentielle, mais elles doivent être plus justes.
François Patriat dit aujourd'hui avoir réussi à réduire son budget tout en augmentant l'investissement. Il a raison lorsqu'il dit que la loi NOTRe obligera de toute façon les régions à se recentrer sur leurs compétences strictes.
Selon le rapport de l'OCDE, les deux métropoles Aix-Marseille-Provence et Paris organisées par la loi MAPTAM et la loi NOTRe vont nous permettre de gagner 0,8 % de PIB sur dix ans. Je lis que j'aurais été éprouvée par le dossier de la métropole parisienne. C'est faux. J'ai été très agréablement surprise par ce rapport de l'OCDE, à qui nous n'avions rien demandé.
Nous savons que la mise en place des métropoles va créer de la richesse parce qu'elles porteront assistance à des communes qui, aujourd'hui, souffrent tellement qu'elles n'investissent plus du tout. La solidarité, c'est, par exemple, la construction de logements. Or ce dossier est justement l'une des épines que nous avons dans le pied, à Paris comme ailleurs.
Les ressources des collectivités locales, leur engagement, la mise en commun des moyens, mais aussi du foncier, pourraient permettre de régler ce problème.
L'OCDE prédit, je le répète, une croissance de 0,8 % due aux métropoles et de 0,3 % pour l'ensemble de la loi NOTRe. C'est donc un rapport qui nous encourage.
Vous avez tous repris les chiffres de l'Observatoire des finances locales. Sans doute avez-vous raison de vous y référer. Ils indiquent bien que l'épargne brute de certaines collectivités locales peut être touchée, mais montrent aussi que cela ne les concerne pas toutes.
Je résume mon propos en redisant que les dotations de l'État représentent aussi de la dette publique, que, lorsque l'on décide de réaliser 50 milliards d'euros d'économies, cela concerne tout le monde et que, lorsque l'on décide au surplus d'aider nos entreprises, la marge de manuvre de l'État est encore plus réduite.
Tous ces sujets doivent être au menu des discussions politiques pour que nous prenions acte, in fine, de notre volonté commune d'établir une plus grande justice grâce à la DGF. C'est cela qui, simplement, nous permettra d'absorber plus facilement la baisse des dotations.
Certains se plaignent de ne plus pouvoir construire de routes. Ce matin, en Limousin, une élue du conseil général me disait son inquiétude de retrouver cette compétence. Dans son département, dont le nombre d'habitants baisse, la pression fiscale est à son maximum alors que le nombre de kilomètres de routes ne diminue pas.
C'est ce que je vous expliquais il y a quelques jours : ces élus de départements très ruraux espéraient bénéficier d'une péréquation au niveau de la région pour leurs routes départementales.
Rien n'est simple, et nous devons nous garder de tout manichéisme dans ce débat. Le sens de la dépense publique fait l'objet d'un grand débat politique, comme l'égalité entre les territoires. Nous engageons un autre grand débat, technique, sur les moyens de rendre juste la DGF, car, aujourd'hui, elle ne l'est pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur l'évolution des finances locales.
Source http://www.senat.fr, le 9 février 2015