Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur les grandes orientations du projet de loi relatif aux droits des étrangers en France, à l'Assemblée nationale le 20 juillet 2015.

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Circonstance : Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, à l'Assemblée nationale le 20 juillet 2015

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (nos 2183, 2923, 2916, 2919).
(Présentation)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons pour traiter d'un texte depuis longtemps attendu et dont il a été très largement question, à l'Assemblée nationale, à la faveur des récents débats relatifs au projet de loi portant réforme de l'asile.
Beaucoup d'entre vous, notamment dans l'opposition, aviez lors de l'examen de ce texte, insisté sur la nécessité de reconduire à la frontière les personnes qui relèvent de l'asile et ont été déboutées au terme de la procédure engagée, cela afin de garantir un bon équilibre à notre politique de l'asile. Certains étaient allés jusqu'à considérer, faisant mine d'oublier qu'il y avait deux textes, que le premier d'entre eux, qui avait été présenté à la représentation nationale, était déséquilibré puisqu'il ne comportait aucun élément concernant le droit au séjour.
J'avais alors indiqué devant l'Assemblée nationale et le Sénat que le Gouvernement en avait fait le choix et que le fait de présenter deux textes présentait une grande cohérence puisque l'un traitait de la question spécifique et particulière de l'asile, l'autre du droit au séjour. J'avais ajouté que les sujets qu'un certain nombre de parlementaires souhaitaient voir traiter dans le cadre du texte relatif à l'asile seraient abordés dans le cadre du second texte que le Gouvernement allait déposer sur le bureau du Parlement.
Nous y voilà. Au moment où nous abordons l'examen de ce second texte, après que le premier a été adopté au terme d'un débat dont je salue la qualité, j'indique à la représentation nationale le souhait du Gouvernement de faire en sorte qu'en matière de politique migratoire et d'immigration la raison l'emporte sur toute autre considération.
Que quelle que soit la sensibilité qui préside à nos prises de position, nous réussissions à éviter les outrances, les amalgames, les contre-vérités, pour nous en tenir à la réalité de la situation internationale et de ce qu'elle nous dicte, de ce qu'est la politique de notre pays et de ce qu'est l'immigration, au regard des chiffres qu'enregistre notre pays depuis de nombreuses années, pour ne pas dire de nombreuses décennies.
Que sur la base de cette réalité, avec la plus grande rigueur et une parfaite honnêteté intellectuelle, si possible par le biais d'un consensus, que nous puissions définir pour notre pays, dans le respect de sa tradition et de ses valeurs, une politique migratoire qui corresponde au discours que les peuples du monde, de façon presque séculaire, ont appris à aimer de notre pays.
Je vais donc reprendre un certain nombre d'éléments extrêmement précis et, convoquant les faits, les chiffres, la réalité, répondre à un certain nombre d'interrogations légitimes qui se posent dans le débat public, même si je ne peux ignorer, car nous ne devons pas faire preuve de naïveté en la matière, que certaines de ces interrogations perdent un peu de leur légitimité lorsque, pour s'exprimer, elles convoquent beaucoup de mauvaise foi...
Commençons par regarder le contexte. Quel est-il ? Il est celui d'une situation internationale extrêmement difficile. Un certain nombre de pays ont connu des évolutions mettant profondément en cause en leur sein le respect des droits de l'homme et suscitant des troubles, des antagonismes, des violences, et ce dans un espace géopolitique relativement large. Cela conduit depuis quelques mois à un renforcement de la pression migratoire, à une échelle et selon des modalités que notre pays n'avait pas connues depuis longtemps, qu'il n'avait même peut-être jamais connues au cours des dernières décennies et des derniers siècles.
Quelques chiffres : depuis le début de l'année 2015, ce sont plus de cent soixante mille migrants qui ont franchi les frontières extérieures de l'Union européenne - un peu plus de soixante dix mille en Italie et un peu plus de soixante dix mille en Grèce. Ils l'ont fait pour des raisons qui tiennent à la situation très difficile, que nous avons tous à l'esprit, dans un certain nombre de pays - je pense à l'Irak ou à la Syrie, pays dans lesquels des minorités sont persécutées, emprisonnées, torturées, décapitées, crucifiées. Ces minorités prennent le chemin de l'exode non parce qu'elles ont découvert sur les plages de Libye le code Schengen et sont tombées amoureuses de son texte et de son esprit, mais pour des raisons qui tiennent au fait que, dans le temps long de l'histoire de l'humanité, à chaque fois que des persécutions se sont exercées sur des minorités et des peuples, certains n'ont eu d'autre choix que celui de prendre le chemin de l'exode, simplement pour pouvoir continuer à vivre.
Cela vaut pour l'Irak, pour la Syrie, pour certaines minorités érythréennes, soudanaises, somaliennes. Ces nationalités, dont on sait dans quel trouble quotidien elles vivent et quelles souffrances elles ont accumulées pendant tant d'années, viennent sur le territoire de l'Union européenne, non pour y trouver un eldorado mais simplement pour essayer d'échapper à la mort et continuer à vivre, ce qui souvent s'apparente à survivre.
Cette réalité politique, notre pays en a conscience, ce qui conduit sa diplomatie à agir afin de régler une partie de la difficulté. Si nous sommes présents dans la coalition pour contenir, juguler et combattre les actes terroristes, c'est précisément parce que nous avons parfaitement à l'esprit les conséquences qu'ils peuvent avoir sur les minorités qui quittent les pays où elles ont été persécutées pour rejoindre l'Union européenne.
Si nous sommes très engagés sur le plan diplomatique derrière Bernardino Leon, c'est que nous avons conscience de la nécessité, en Libye, où la déréliction de l'État joue son rôle de déstabilisation, de trouver une solution politique pour éviter que cette absence d'État n'engendre d'importants flux migratoires.
Si nous sommes mobilisés, dans un certain nombre de pays comme le Mali ou la République Centrafricaine, c'est pour des raisons identiques qui tiennent à notre conscience des risques de déstabilisation d'une région et aux valeurs que nous portons au plan mondial, valeurs qui conduisent souvent la France à agir seule, au sein de l'Union européenne, lorsque l'essentiel est en jeu.
Face à cette situation, notre action est à la fois diplomatique, en ayant conscience des difficultés, pédagogique, face à la dimension géopolitique des défis auxquels nous sommes confrontés, et politique.
J'ai entendu il y a quelques semaines un responsable d'une grande organisation politique qui, regardant ce que fait la France au plan européen, estimait qu'elle ne faisait rien sur la politique migratoire. Il faut abonner ce grand responsable politique aux journaux qui disent ce que nous faisons, sans, du reste, se montrer toujours complaisants à l'égard de notre action - certains qui lui servent à l'occasion de bible n'ont jamais considéré que nous étions inertes sur ce sujet. Les comptes rendus de l'Assemblée nationale permettent d'ailleurs d'assurer l'information de tous sur la totalité des actions que nous conduisons, dès lors qu'il en est rendu compte.
Permettez-moi donc de rappeler un certain nombre d'éléments. C'est au mois d'août dernier, alors que la crise migratoire n'avait pas encore atteint le paroxysme qu'on lui connaît aujourd'hui, que j'ai pris l'initiative le 30 août, avec l'autorisation du Président de la République et du Premier ministre, pressentant quelle dimension revêtirait cette crise compte tenu du contexte géopolitique, d'une tournée des capitales européennes, en faisant à destination de mes homologues de l'Union européenne des propositions extrêmement concrètes.
Quelles étaient ces propositions ? Il s'agissait d'abord de substituer à l'opération Mare nostrum, opération utile engagée par les seuls Italiens, à vocation exclusivement humanitaire, une opération conduite par l'Union européenne sous l'égide de Frontex, qui soit à la fois une opération de contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne et une opération de secours à ceux qui seraient victimes d'avaries en mer et pourraient voir leurs vies mises en danger. Pourquoi demander cette substitution ? Parce que l'opération Mare nostrum, exclusivement humanitaire, avait certes sauvé plus de vies, mais elle avait aussi conduit à déplorer plus de morts. En effet, les passeurs en faisaient un argument pour inciter les migrants à prendre la mer à destination de l'Union européenne sur des embarcations de plus en plus nombreuses, de plus en plus frêles et de plus en plus dangereuses. Or si nous n'avons pas, en même temps que la capacité de sauver des vies en Méditerranée, ce qui est un devoir moral et une exigence absolue, à laquelle la France souscrit totalement, un contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, pour envoyer aux passeurs et aux organisations criminelles internationales le signal qu'il y a une fermeté européenne à l'égard de ceux qui exploitent la misère humaine en se livrant à la traite des êtres humains, quelle peut être la portée de ce que nous faisons sur le plan humanitaire ? Cette idée-là, que nous avons portée au mois d'août, est devenue la politique de l'Union européenne : en octobre-novembre, l'opération Frontex s'est substituée à l'opération Mare nostrum.
Nous avons également souhaité que ceux qui franchissent les frontières extérieures de l'Union européenne et arrivent en Europe puissent être - conformément aux règles de l'Union européenne - identifiés. En effet, 60 % de ceux qui arrivent en Italie comme en Grèce relèvent de l'immigration économique irrégulière, et n'ont aucune chance de bénéficier du statut de réfugié en Europe. En l'absence d'un tel dispositif, les 40 % qui, eux, relèvent du statut de réfugié, errent sur les routes de l'Europe et attendent longtemps, dans une absolue vulnérabilité, de se voir reconnaître ce statut alors que leur répartition entre les différents pays de l'Union européenne et la mise en place d'une politique européenne de l'asile permettraient de traiter leurs cas beaucoup plus rapidement, et surtout beaucoup plus humainement. Cette proposition a elle aussi été retenue par l'Union européenne : c'est la mise en place des hotspots en Italie et en Grèce. Même s'il faudra veiller à ce que l'Union européenne y mette les moyens, à ce qu'elle s'engage à la hauteur de l'enjeu, cette idée figure bien dans la proposition de l'Union européenne.
Nous avons souhaité qu'il y ait une répartition des demandeurs d'asile entre les pays de l'Union européenne, car il n'est pas normal que cinq pays de l'Union accueillent à eux seuls 85 % des demandes d'asile en Europe. Un mauvais concept a été utilisé au moment de la présentation de ce plan, donnant à penser que cette proposition de répartition revenait à mettre en place au sein de l'Union européenne des quotas de migrants. Nous avons rejeté cette expression, non que nous ne soyons pas favorables à une répartition de ceux qui relèvent de l'asile en Europe, mais tout simplement parce que ceux-ci se voient attribuer le statut de réfugié en fonction de critères, et non au titre de quotas, et que l'utilisation du terme de quotas n'a aucun sens pour des demandeurs d'asile. Il n'en a pas davantage pour les migrants économiques irréguliers, puisqu'ils ont vocation à être reconduits à la frontière, sans quoi ce que nous faisons en matière d'accueil des réfugiés n'est pas soutenable.
Lorsque sur 60 000 migrants, l'Europe propose d'en accueillir 20 000 au titre du processus de réinstallation, 40 000 au titre du processus de relocalisation, une répartition de ceux qui relèvent de l'asile parce qu'ils sont persécutés dans leur pays entre les différents pays de l'Union européenne, parce que les valeurs des pères fondateurs de l'Union nous conduisent à porter ce discours, parce qu'il n'y a pas de raison que cinq pays de l'Union accueillent 85 % de la demande d'asile en Europe, parce que nous souhaitons que les règles de Schengen soient appliquées, nous faisons preuve de responsabilité politique. En proposant cela, l'Union européenne reprend à son compte un certain nombre des propositions formulées par la France ; nous acceptons d'entrer dans ce processus à hauteur de 8000 demandeurs d'asile accueillis, parce que c'est notre devoir de le faire, notre devoir moral d'apporter cette réponse, et parce qu'on ne peut être résolument européen sans être exemplaire sur la question migratoire. Nous avons pensé qu'il était raisonnable de le faire dès lors qu'il y avait les hotspots et le processus de reconduite à la frontière.
Le processus de reconduite à la frontière suppose un dialogue étroit avec les pays de la bande sahélo-saharienne. C'est la raison pour laquelle je me suis rendu au Niger il y a un mois et demi, afin d'engager avec les autorités nigériennes une discussion pour savoir s'il était possible de mettre en place au Niger un centre de maintien et de retour qui permette d'organiser à partir des côtes de l'Union européenne ce retour des migrants économiques irréguliers vers les pays de provenance. Là encore, cela figure dans la proposition de l'Union européenne ; et si nous reprenons l'agenda européen, nous ne pouvons pas ne pas constater qu'il est grandement inspiré de ce que nous avons nous-mêmes initié à partir du mois d'août dernier. Lorsque j'entends que la France ne fait rien sur les questions migratoires au sein de l'Union européenne, je me demande donc si ceux qui s'expriment sont bien informés et attentifs à ce qui se passe, à moins que le ressentiment et la volonté de s'opposer à tout prix ne les conduisent à ne plus convoquer que la mauvaise foi !
M. Guillaume Larrivé. Jamais !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà ce que je voulais dire sur ce premier sujet.
Il y a un deuxième sujet sur lequel il convient d'être extrêmement précis et extrêmement clair : c'est la politique de l'asile.
Quelle était donc la situation dans ce domaine ? À entendre les uns et les autres, il semble parfois qu'il y aurait longtemps eu une politique de l'asile parfaitement maîtrisée, et que depuis quelques années, on assisterait à une augmentation considérable des demandes d'asile, face à laquelle le Gouvernement ne ferait rien. Là aussi, apportons des réponses extrêmement précises : les chiffres sont publics, connus, ils peuvent être consultés par tous. La vérité existe dans le débat public, et on peut la convoquer de temps en temps lorsqu'il s'agit de sujets aussi importants sur le plan humain. Le nombre de demandes d'asile en France a doublé entre 2006 et 2012.
M. Olivier Marleix. Celui des titres délivrés aussi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Depuis 2014, il a diminué de 2,34 %. Par conséquent, lorsque j'entends dire que par une sorte de laxisme volontaire, idéologique et congénital de cette majorité, le Gouvernement aurait ouvert toutes les portes de l'asile et de l'immigration, en contradiction totale avec les chiffres que je viens de rappeler...
M. Guillaume Larrivé. Plus 35 % !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. je me demande s'il est bien raisonnable d'engager le débat ainsi dans un pays où il existe une organisation politique dont le seul et unique objectif est de prendre la question de l'immigration en otage pour susciter des peurs, des divisions, et parfois aussi, il faut bien le dire, des haines.
Je dis donc très clairement qu'il est faux de dire que depuis 2012, les demandes d'asile ont explosé dans notre pays : c'est le contraire qui s'est produit ... je vous renvoie aux chiffres de 2014.
En ce qui concerne les délais, je veux rappeler que lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, la directive asile n'avait pas été intégrée en droit français et les délais étaient de vingt-quatre mois. Nous avons fait voter un texte extrêmement précis dans son contenu. Il prévoit de ramener la durée de traitement des dossiers des demandeurs d'asile à neuf mois à la fin du quinquennat. Nous le ferons en créant des places supplémentaires en centres d'accueil pour demandeurs d'asile - CADA - afin que ceux qui relèvent de l'asile soient accueillis conformément aux valeurs universelles que porte depuis des décennies notre pays. Ayant fait le constat d'un déficit de 20 000 places en CADA, nous avions d'ores et déjà décidé la création de 8000 places, auxquelles nous avons ajouté 4200 places dans le cadre du plan que j'ai présenté avec Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, en Conseil des ministres il y a trois semaines. Nous avons décidé de créer cinquante postes supplémentaires à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA - pour réduire la durée de traitement des dossiers des demandeurs d'asile.
Quel est le résultat de cette politique ? En 2014, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d'asile ont diminué - pour la première fois depuis des années - de 8 %. Une démarche de progrès inédite jusqu'alors est donc amorcée. Dans le même objectif, nous avons décidé de créer des postes à la Cour nationale du droit d'asile - CNDA. Nous avons davantage reconnu les droits des demandeurs d'asile devant les juridictions. Et nous avons indiqué clairement, sans quoi il n'y aurait pas de soutenabilité de la politique de l'asile en France, que ceux qui ont été déboutés du droit d'asile et qui n'ont pas vocation à séjourner dans notre pays à un autre titre, doivent pouvoir être reconduits à la frontière dans des délais plus courts. La réduction du délai de traitement des dossiers des demandeurs d'asile nous paraît d'ailleurs constituer un élément de facilitation de la reconduite à la frontière des déboutés ayant épuisé tous les recours. Je veux le dire clairement devant la représentation nationale, il n'y a pas de soutenabilité de ce que nous avons décidé de faire au titre de la loi asile sans une grande clarté sur les conditions dans lesquelles nous entendons, de façon humaine mais ferme, traiter la situation de ceux qui sont déboutés du droit d'asile.
Pour témoigner de la sincérité de notre propos, je veux là aussi donner des chiffres incontestables. Il y aurait eu un âge d'or où la reconduite à la frontière de ceux qui étaient en situation irrégulière aurait été la règle, et nous serions aujourd'hui dans un âge de plomb où cette règle ne serait plus jamais respectée. Mais quels sont les chiffres et les pratiques, étant entendu que les chiffres doivent aussi s'analyser à l'aune des pratiques ?
Les pratiques d'abord. Il est vrai qu'il y a eu un temps, pour un certain nombre de ressortissants de l'Union européenne, des reconduites à la frontière aidées par des dispositifs subventionnés, qui conduisaient notamment des ressortissants roumains et bulgares - autour de 15 000 - à toucher une prime à Noël, à partir dans leur pays, à revenir après le jour de l'an et à repartir à Pâques pour toucher une nouvelle fois la prime. Ce dispositif permettait d'afficher des statistiques avantageuses. Cette politique était coûteuse ; elle ne correspondait à rien de cohérent et de sérieux, et elle avait pour conséquence de masquer l'incapacité dans laquelle on se trouvait de procéder à la reconduite à la frontière de ceux qui sont les plus difficiles à reconduire, à savoir les ressortissants hors Union européenne. Nous y avons mis fin. En même temps, nous avons augmenté le nombre des ressortissants de pays non membres de l'Union européenne reconduits à la frontière.
M. Guillaume Larrivé. Grâce à la loi de 2011.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est plus 13 % depuis 2012. Je vous donne des chiffres précis : nous procédons aujourd'hui à plus de 16 000 reconduites à la frontière d'étrangers hors Union européenne en situation irrégulière ; il y a deux ans, nous étions autour de 13 000.
Il m'arrive d'entendre dire qu'il y aurait non seulement une difficulté à procéder à la reconduite à la frontière, mais aussi une certaine pusillanimité à lutter contre les filières de l'immigration irrégulière. C'est tout aussi faux que ce que je viens de rappeler et, je l'espère, de contrer avec des arguments précis. Quelle a été notre politique à l'égard des filières de l'immigration irrégulière ? Nous avons engagé une stratégie - qui inspire les consignes données à mes services, de manière très ferme, par circulaire - de démantèlement des filières de l'immigration irrégulière. À Calais, l'an dernier, c'est 25 % de plus d'acteurs et de filières de l'immigration irrégulière que nous avons démantelés.
Pour la seule année 2014, au plan national, ce sont 256 filières supplémentaires d'immigration irrégulière que nous avons démantelées. Depuis le début de l'année 2015, sur la seule ville de Calais, 115 filières de ce type ont été démantelées. Bref, depuis 2012, le nombre de filières d'immigration irrégulière démantelées a augmenté de 25 %.
Voilà encore des chiffres qui montrent la politique du Gouvernement, sa détermination et sa fermeté. Mais la fermeté n'est pas la forfanterie, ni la fermeture, pas plus que l'outrance verbale : c'est une action méthodique, des politiques publiques cohérentes et une volonté de chaque instant de faire, sur ces sujets, la démonstration par l'action plutôt que le discours non suivi d'effets.
Voilà quelle est la politique du Gouvernement, et cette politique nous la poursuivrons résolument, car elle est la condition de notre action en faveur de ceux qui ont vocation à être accueillis en France parce qu'ils se trouvent en situation de vulnérabilité.
J'en viens au projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui...
M. Guy Geoffroy. Ah !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. ainsi qu'aux équilibres qui ont présidé à son élaboration. Il s'inscrit dans la continuité de celui relatif à la réforme du droit d'asile, et se propose d'atteindre trois objectifs simples. Je les rappelle, en indiquant aussi quels outils et quels instruments nous entendons mobiliser pour les atteindre.
Le premier objectif consiste à mieux accueillir et à mieux intégrer ceux qui y ont vocation. Le deuxième est de pouvoir accueillir, pour des raisons liées à la compétitivité et au développement économique, un certain nombre de talents désireux de venir dans notre pays, notamment des chercheurs et des intellectuels qui avaient été un peu refroidis par la circulaire de 2012.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Merci Guéant.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Comme toutes les grandes nations qui ont une ambition de développement économique et de croissance, la France doit en effet être capable de les accueillir en son sein.
Le troisième objectif est de lutter davantage contre l'immigration irrégulière, avec la fermeté qui s'impose.
Premier objectif donc : mieux accueillir et mieux intégrer ceux qui ont vocation à l'être. Comment le remplir ? D'abord en simplifiant les procédures, et en donnant davantage de chances à ceux qui sont accueillis d'être intégrés dans de bonnes conditions.
Les deux aspects sont, d'ailleurs, très étroitement liés. Pour atteindre cet objectif de simplification et de meilleur accueil, nous mettons en place le titre pluriannuel de séjour. De quoi s'agit-il ? D'un titre de séjour destiné aux étrangers qui séjournent dans notre pays depuis un an et qui leur évitera de devoir se rendre en préfecture plusieurs fois par an, pendant cinq ans, afin précisément de se voir reconnaître le droit à un titre de séjour.
Ce titre pluriannuel de séjour sera mis en place pour une durée allant de deux à quatre ans : il leur permettra d'avoir la visibilité nécessaire à leur intégration, à leur accès à l'emploi, à la langue ainsi qu'à la connaissance de notre pays. Ce titre est non seulement un progrès pour ceux que nous accueillons, mais il en est également un ... considérable ... pour l'administration préfectorale car il simplifiera considérablement ses tâches d'accueil des étrangers.
Je rappelle qu'alors que 2,5 millions d'étrangers sont concernés chaque année par ces procédures, 6 millions de passages en préfectures sont enregistrés. Il est donc absolument indispensable de procéder à cette simplification, car elle garantit une meilleure intégration de ces étrangers ainsi qu'un meilleur fonctionnement des services préfectoraux. Elle est donc aussi un acte de simplification et de rationalisation.
Par le contrat d'intégration - qui n'est pas une innovation de ce Gouvernement, puisque cette bonne idée avait déjà été proposée en 2003 par François Fillon - nous souhaitons adopter des exigences renforcées en matière de pratique de la langue française et d'accès aux valeurs de la République.
En effet, dans le contrat « Fillon » de 2003, le niveau de langue exigé était A1 : nous souhaitons passer au niveau A2, plus élevé et plus significatif. Ce niveau d'apprentissage de la langue française doit donner à l'étranger toutes les chances d'intégration.
Il en va de même de la connaissance des valeurs et des principes de la République à laquelle l'étranger doit accéder. Il est très important pour nous de créer, à travers l'ensemble de ces dispositifs, les conditions d'une intégration réussie.
Bien entendu, nous devons être responsables : la contrepartie de ces dispositifs de facilitation et d'accompagnement de l'intégration est la lutte résolue contre toutes les fraudes, et notamment contre la fraude documentaire.
Pour cette raison, ce projet de loi met en place un dispositif de communication aux préfets d'un certain nombre d'informations : cela garantit que le parcours d'intégration se déroule dans de bonnes conditions et que la fraude n'est jamais la modalité de la relation entre l'étranger et la République française.
Un certain nombre d'acteurs, notamment associatifs, ont estimé que ce processus de communication était disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi et qu'il constituait une forme d'intrusion sans justification. Ce n'est pas le cas.
Ce processus n'est en effet, en aucun cas, dicté par une suspicion ou une volonté intrusive. Il illustre la détermination suivante : les mécanismes d'intégration que nous construisons doivent être effectifs, la fraude documentaire exclue et la relation entre l'étranger et la République doit demeurer une relation de confiance forte et stable.
Deuxième objectif : accueillir les talents. Notre pays a besoin d'accueillir des intellectuels, des chercheurs, des scientifiques et aux étudiants. Toutes les grandes nations qui ont une ambition de croissance font de même.
Par sa circulaire de 2012, M. Guéant avait procédé à une fermeture, avec une baisse de 6 000 titres de séjour accordés aux étudiants. Nous avons décidé de revenir non seulement à ce qui était la tradition de notre pays, mais également à ce que sont ses intérêts de puissance économique.
Nous n'avons en effet pas intérêt à voir les chercheurs, les intellectuels et les scientifiques s'installer dans toutes les grandes nations développées à l'exception de la France, au motif qu'elle aurait décidé de se fermer, de se nécroser et de refuser la relation à autrui.
Nous prenons, dans ce domaine également, des dispositions nouvelles, par exemple pour les chercheurs et les talents : auparavant, six types de titre de séjour leur étaient réservés, dont un - j'ai regardé ce point de près - ne concernait que dix cas par an.
Pour eux, nous mettons en place le « passeport talents » qui bénéficiera, pendant quatre années, à ces ressortissants étrangers afin qu'ils fassent leurs études en France, qu'ils y apprennent dans les universités et qu'ils soient en contact avec les plates-formes technologiques ainsi qu'avec les centres de recherche. Il y va de l'intérêt de la France.
De la même manière, s'agissant des étudiants les plus brillants qui sont titulaires d'un master et qui souhaitent, pendant un an, accéder au marché du travail, nous facilitons cette transition. Là aussi, l'intérêt de la France est de laisser de jeunes entrepreneurs créer sur son territoire des entreprises, des start-up et des clusters qui permettront de développer notre économie.
Troisième objectif : lutter contre la fraude et contre l'immigration irrégulière. Concernant cette dernière, ce projet de loi pose des principes extrêmement fermes et clairs, qui sont des outils utiles au Gouvernement. Celui-ci traite de ces sujets sans angélisme, en visant à la fois l'accueil et la responsabilité.
Le premier point concerne l'obligation de quitter le territoire français, l'OQTF. Dès lors qu'il s'agit, notamment, de ressortissants de l'Union européenne pouvant présenter des risques de troubles graves à l'ordre public, il est possible, pour une durée allant de un à trois ans, d'interdire leur retour sur le territoire national, à moins qu'ils n'aient exécuté d'eux-mêmes l'OQTF qui leur a été adressée. Dans ce cas, il est possible de ne pas les soumettre à cette obligation.
Cette mesure n'existait pas et n'avait jamais été mise en place : elle témoigne de notre grande fermeté s'agissant de l'exécution de ces OQTF comme celle dont nous faisons preuve à l'égard du comportement de ceux que nous accueillons. Nous mettrons en oeuvre ces dispositifs avec la plus grande fermeté.
M. Olivier Marleix. Que de belles paroles !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Concernant l'assignation à résidence, j'ai entendu des choses extrêmement intéressantes : or en France, à peu près 1 600 sont en vigueur, contre 20 000 rétentions. On constate, avec les centres de rétention, la grande difficulté des reconduites à la frontière. Quelle est la nature du dispositif de l'assignation à résidence, qui a d'ailleurs été longtemps réclamée par l'opposition, précisément en raison de son efficacité, et qui a même été envisagée en 2011 ?
M. Guillaume Larrivé. C'est faux.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si, si, monsieur Larrivé : je dispose de déclarations que je vous relirai tout à l'heure. Vous prendrez avec moi un plaisir illimité à cet exercice. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Thierry Mariani. Il s'agissait de ministres d'ouverture.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous verrez, il est agréable de constater comment on peut parfois, pour des raisons tenant aux contingences et non au fond du sujet, changer d'avis.
De quoi s'agit-il ? L'assignation à résidence permet, effectivement, de traiter avec plus d'humanité les personnes assignées ou mises en situation de devoir partir lorsqu'il le faut.
Mais l'assignation à résidence a d'autres caractéristiques : elle permet également aux forces de l'ordre, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de procéder à des intrusions domiciliaires lorsqu'il est nécessaire de contraindre au retour à la frontière de ceux qui s'y refusent. De ce point de vue-là, refuser le dispositif de l'assignation à résidence, qui a des caractéristiques humanitaires, revient à refuser l'efficacité des procédures de reconduites à la frontière.
On ne peut pas tout avoir à la fois, c'est-à-dire souhaiter à la fois plus de reconduites à la frontière et refuser un dispositif qui permet d'en faciliter l'avènement alors que l'on constate que tous les autres dispositifs ont une efficacité moindre, sauf à considérer que n'est efficace que ce qui est systématiquement brutal... (Dénégations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Larrivé. Votre mauvaise foi est évidente.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et que fermeté doit rimer avec brutalité : tel n'est pas mon objectif.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je pense que la fermeté n'exclut pas l'humanité, et que le rôle d'un Gouvernement jouant la carte de la fermeté et de la recherche de l'efficacité est aussi de se préoccuper de l'humanité pour obtenir un minimum de résultats. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place ce dispositif : je propose que le débat ne soit pas l'occasion d'adopter des postures mais d'aller, entre nous, au fond de ces questions.
Toutes les organisations et tous les groupes politiques ont, au cours des dernières années, eu l'occasion d'en débattre fortement, en songeant parfois à mettre en oeuvre certains dispositifs.
Pour conclure, quelques mots sur certains amendements qui ont été déposés : je remercie d'abord très chaleureusement le président de la commission des lois, le rapporteur Erwann Binet, Marie-Anne Chapdelaine ainsi que tous les parlementaires de la majorité - et aussi de l'opposition, car ceux-ci ont parfois déposé des amendements intéressants, au moins du point de vue du débat et de l'échange intellectuel - qui ont contribué à amender et à modifier ce projet de loi.
Un travail considérable, et sur des points fondamentaux, a été effectué, et j'en remercie sincèrement le rapporteur. Un mot sur quelques-uns d'entre eux qui me tiennent à coeur, et d'abord sur les étrangers malades.
En 2011, le dispositif mis en place revenait à pouvoir reconduire dans son pays un étranger malade en France si les thérapies permettant de le soigner existaient dans ce même pays. Cette même année, le ministre de la santé avait demandé qu'on appliquât ce type de reconduite avec beaucoup de discernement, et même qu'on évite de l'appliquer.
En effet, dans certains pays, lesdites thérapies, si elles existent, n'en sont pas pour autant accessibles - en raison de leur coût et de leur faible diffusion dans les secteurs hospitaliers - à ceux qui sont susceptibles d'en bénéficier. Par conséquent, la France avait très peu appliqué ce dispositif, pour les raisons que je viens d'indiquer.
Au terme d'une inspection commune à plusieurs ministères, il est proposé de confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, sur la base d'un cahier des charges établi par le ministère de la santé, le soin de conduire, de façon à la fois ferme et humaine, le nouveau dispositif. Il faut que ceux qui doivent être soignés en France puissent l'être, et ne renvoyer chez eux que ceux qui ont la garantie d'être soignés, dans leur pays, dans des conditions équivalentes.
M. Alain Marleix. Nous ne sommes même pas capables de soigner les Français à moins de 150 kilomètres de chez eux.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ensuite, je voudrais aborder un second point : les conditions de mise en oeuvre de l'OQTF et de la rétention. Le rapporteur Erwann Binet a fait, sur ce sujet, des remarques extrêmement fortes : elles m'ont convaincu. Elles reprenaient, d'ailleurs, en grande partie, les réflexions de Matthias Fekl à l'époque où, avant d'entrer au Gouvernement, il réfléchissait au contenu de ce projet de loi.
Nous avions d'ailleurs eu l'occasion de débattre de ces sujets lors de la discussion du projet de loi relatif au renseignement, et je n'avais alors pas toujours été bien compris - sans doute m'étais-je mal exprimé. J'avais à cette occasion rappelé la compétence presque exclusive du juge judiciaire en matière de liberté et de rétention, en vertu de l'article 66 de la Constitution. C'est la raison pour laquelle l'argumentation très forte du rapporteur m'a convaincu de la nécessité de le faire intervenir plus tôt et de façon exclusive, et non pas longtemps après le début de la rétention. Je pense que cela est plus conforme à l'esprit de la Constitution, plus lisible et plus cohérent. Ainsi, le juge judiciaire sera juge de la rétention et le juge administratif juge de l'OQTF.
Mme Sandrine Mazetier. Très bien ! Excellent retour !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sera plus clair et plus simple ; il n'y aura plus d'angle mort et ce sera un progrès considérable de l'état du droit compte tenu de l'objectif d'efficacité qui est le nôtre.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Bravo !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je veux dire un mot également au sujet de la durée de traitement des OQTF notifiées à ceux qui ont été déboutés du droit d'asile. Sur ce point, ma position est extrêmement claire : au vu de toutes les dispositions que nous prenons en matière d'asile et de la démarche équilibrée dans laquelle nous nous sommes engagés et que je viens de rappeler, je ne peux pas accepter, sauf à compromettre les chances de réussite de cette réforme de l'asile, que l'on ne puisse statuer sur les OQTF des déboutés du droit d'asile ayant épuisé tous les recours qu'un an après qu'elles ont été notifiées. Si nous agissons ainsi, cela ne marchera pas.
M. Thierry Mariani. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur la nécessité absolue, sur ce sujet, d'être clair dans les intentions et dans les modalités. Il me paraissait important de vous préciser ma position sur un sujet dont je sais qu'il sera abordé au cours du débat, car l'équilibre que je viens d'évoquer à cette tribune est un équilibre sans lequel rien n'est possible.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais dire sur la totalité des sujets dont le Parlement va avoir à débattre. Ce sont des sujets importants et qui ont souvent été préemptés, instrumentalisés au bénéfice de postures politiques. Il est vrai que ce sont des sujets passionnels, qui engagent parfois des années et des années de militantisme. Mais dans la situation où notre pays se trouve pour mille raisons, notamment un contexte de tension extrême liée au terrorisme, la question des étrangers suscite des amalgames, des approximations, des mots qui blessent, des images vulgaires, sans même parler des messages de haine qui circulent sur internet ou les réseaux sociaux. Sur cette question qui est mondiale, qui concerne notre pays comme tant d'autres, la République et ses valeurs sont convoquées à chaque instant.
Je forme le voeu qu'au cours de ce débat très important pour la République et fondamental pour l'humanité, nous restions le plus possible dans la rigueur des chiffres et des concepts...
M. Guillaume Larrivé. Nous le serons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. ..., dans la justesse des mots et que nous nous gardions à chaque instant de la polémique, de la posture ou de l'affichage de tel ou tel message pour des raisons liées au contexte politique.
Ce sera en tous les cas la démarche du Gouvernement pendant ce débat, à l'écoute de tous les parlementaires, avec la volonté d'apporter, sur les sujets les plus essentiels, les réponses les plus précises en espérant qu'elles suffiront à convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
(...)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Mesdames et messieurs les députés, il est d'usage qu'à la fin de la discussion générale, le ministre qui porte le texte réponde aux différents orateurs.
M. Jean-Luc Laurent. Et porte une voix républicaine !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même si j'ai entendu des propos inégalement sympathiques à l'égard de ce texte, je veux remercier l'ensemble des orateurs qui ont apporté leur contribution au débat. Et comme, dans ces propos inégalement sympathiques, j'ai entendu aussi un certain nombre de contrevérités, je voudrais essayer d'apporter des réponses précises qui seront de nature, je l'espère, à rassurer tous ceux qui, de bonne foi, ont exprimé des réserves sur ce texte.
Le premier point sur lequel je voudrais insister, pour répondre notamment à Guy Geoffroy, est le raisonnement qui a conduit le Gouvernement à présenter deux textes et l'articulation qui existe entre le texte sur l'asile et le texte sur le droit au séjour. La position du Gouvernement a une cohérence : en aucun cas ce qui est dit aujourd'hui n'est différent de ce qui l'a été hier.
J'ai eu l'occasion de développer abondamment le raisonnement du Gouvernement au Sénat, puisque les représentants du même groupe y ont défendu un amendement proposant que le fait d'être débouté du droit d'asile vaille immédiatement OQTF.
M. Philippe Goujon. Bonne proposition !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je me suis alors engagé à prendre un certain nombre de mesures dans le cadre du présent texte.
L'asile est un dispositif très spécifique, qui s'inscrit dans une tradition de notre pays. Depuis la Révolution française, il veut que tous ceux qui sont persécutés en raison de leur idéologie ou de leur appartenance politique ou religieuse puissent trouver en France, pays des droits de l'homme, pays à la pensée universelle, une protection. Nous avons donc souhaité qu'il y ait un texte spécifique sur ce sujet.
Pourquoi, mesdames et messieurs les députés de l'opposition ? Parce que lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il y avait une réalité, que vous vous êtes méticuleusement employés à occulter dans vos démonstrations. En premier lieu, notre droit n'était conforme à aucune des directives de l'Union européenne. La durée de traitement des dossiers de demandeurs d'asile était de vingt-quatre mois en France, contre neuf mois en moyenne dans la plupart des pays de l'Union européenne. Et, entre 2006 et 2012, les demandes d'asile dans notre pays avaient littéralement explosé. Vous parliez tout à l'heure de fermeté dans les propos et dans les faits, monsieur Marleix : j'ai entendu dans ces années-là nombre d'acteurs s'agiter aux tribunes et faire des déclarations définitives, et il n'empêche que sur la période, nous avons vu doubler le nombre des demandes d'asile ! Je vous rappelle qu'en 2014, il a diminué de 2,34 %... Je comprends donc que dans votre raisonnement, lorsque les demandes d'asile diminuent, c'est signe de laxisme et lorsqu'elles font plus que doubler, c'est signe de fermeté ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Vous me permettrez par conséquent de continuer à demeurer laxiste : je préfère les résultats que je viens de rappeler, sans forfanterie, sans agitation d'aucune sorte et sans outrance verbale, plutôt que l'outrance verbale sans les résultats. Ce qui s'est passé entre 2006 et 2012, c'est une explosion des demandes d'asile. Quelles dispositions ont été prises à l'époque par votre majorité pour réformer le système de l'asile en France ? Aucune.
M. Guillaume Larrivé. Nous avons créé, puis renforcé la CNDA !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est la raison pour laquelle nous avons dû en prendre nous-mêmes.
Les dispositions que nous avons prises sont très simples. D'abord, nous avons augmenté les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - OFPRA - pour diminuer la durée de traitement des demandes d'asile. Cela donne des résultats : alors que les conditions de traitement s'étaient constamment dégradées les années précédentes, nous avons enregistré pour la première fois en 2014 une diminution significative du nombre de dossiers traités, parce que nous sommes beaucoup plus efficaces. Ensuite, nous avons créé des places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile, où la situation n'avait cessé de se dégrader pendant des années. Nous avons aussi décidé que dès lors qu'un demandeur d'asile avait été débouté et avait épuisé toutes les autres possibilités d'accès au séjour, il était un migrant en situation irrégulière et devait donc pouvoir être reconduit à la frontière.
Ces mesures, monsieur Goujon, figuraient dans le précédent texte, qui a été adopté à une assez large majorité. Le bilan de l'action que vous avez conduite était en effet assez simple : augmentation considérable du nombre de demandes d'asile, allongement des délais de traitement des dossiers des demandeurs d'asile et diminution significative des reconduites à la frontière.
Permettez-moi de répondre à M. Goujon, à M. Marleix et à M. Geoffroy sur ce point. Vous dites que le nombre des reconduites à la frontière a fortement baissé. Je vais répondre précisément à cette affirmation, car c'est faux, et je vais vous en faire la démonstration. Vous dites avoir reconduit à la frontière, c'est ainsi que vous comptez et il n'y a pas là une habileté, mais bien une hypocrisie, pour ne pas dire une malhonnêteté intellectuelle, environ 32 000 personnes par an. Or plus de la moitié d'entre elles étaient des Roumains et des Bulgares qui bénéficiaient d'une prime pour partir. Une fois que celle-ci avait été perçue et qu'ils étaient partis, ils revenaient.
Généralement, le mouvement était le suivant - je dispose de documents extrêmement précis qui montrent la nature des déplacements opérés - : avant Noël, les ressortissants bulgares et roumains touchaient la prime et repartaient dans leur pays. Puis, après l'avoir perçue, ils revenaient en France pour repartir à Pâques et toucher, une seconde fois dans l'année, ladite prime : ce dispositif était donc extrêmement coûteux en termes d'argent public.
Voilà ce que vous appeliez des reconduites courageuses : il s'agissait en réalité d'une gabegie absolue. C'est ainsi, avec ces méthodes auxquelles nous avons mis fin, que vous avez obtenu les chiffres que vous indiquez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Olivier Marleix. Ce sont des faits.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Marleix, je vous transmettrai les documents statistiques extrêmement précis dont je viens de parler. En vous exprimant comme vous le faites actuellement, vous faites preuve soit d'ignorance des faits, soit d'une parfaite mauvaise foi, soit, plus grave encore, d'une totale malhonnêteté intellectuelle. Si c'est avec ces méthodes, ce type d'outrances, de contre-vérités et de procédés que vous comptez avancer dans ce débat, ne vous imaginez pas une minute que je laisserai faire : je vous donnerai des statistiques précises.
M. Olivier Marleix. Toujours autant de démagogie ! Nous aussi, nous avons des statistiques précises.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le dispositif que vous avez mis en place a conduit à dépenser énormément d'argent public, pour des résultats quasi-nuls. S'agissant des reconduites à la frontière de ressortissants hors Union européenne, c'est-à-dire des reconduites les plus difficiles à opérer, elles étaient en 2012 de l'ordre de 12 000, alors que leur nombre est passé à plus de 15 000 en 2014. Cela signifie que c'est nous qui reconduisons davantage ceux qui sont les plus difficiles à reconduire dans leur pays. (Dénégations sur les bancs du groupe Les Républicains.). La fermeté, ce n'est pas des déclarations approximatives faites à la tribune de l'Assemblée nationale à partir de chiffres frelatés, mais plus d'actes et moins de paroles. Les chiffres que je vous donne sont absolument incontestables. Je comprends que ces chiffres vous gênent car ils vont à l'encontre du message que l'on vous a demandé de délivrer dans cet hémicycle mais qui ne correspond absolument pas à la réalité. Voilà pour ce qui concerne l'asile et les reconduites à la frontière.
Vous dites ensuite, s'agissant de l'immigration irrégulière, que les résultats ne sont pas bons : il s'agit - pardonnez-moi de vous le dire - d'un autre bobard. Les chiffres sont les suivants : depuis 2012, le nombre de filières d'immigration irrégulière démantelées en France a augmenté de 25 %. Pour la seule année 2014, 256 filières de plus que l'année précédente, ont été démantelées.
Il est donc faux de dire, comme vous le faites, premièrement, que le Gouvernement n'agit pas sur la question de l'asile, et que les demandes d'asile explosent en France. Lorsque vous affirmez que vous avez opéré plus de reconduites à la frontière et que nous en opérons moins, il s'agit d'un deuxième mensonge. Lorsqu'enfin, vous affirmez que nous ne faisons pas ce qui devrait être fait en matière d'immigration irrégulière, il s'agit d'un troisième mensonge.
M. Guy Geoffroy. Nous jugeons d'après les résultats !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tous les chiffres qui sont produits par l'INSEE, et qui alimentent les documents du ministère de l'intérieur, témoignent de ce que je viens de dire.
M. Olivier Marleix. Ma source est le ministère de l'intérieur lui-même !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous faisiez référence aux articles de presse : ils en font état, à l'exception de quelques-uns qui sont - c'est possible - nourris de la même mauvaise foi que celle qui a présidé à vos interventions. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) D'ailleurs, c'est vous-mêmes qui alimentez ces articles. Voilà donc la réalité de notre position et de notre action sur ces sujets.
Je souhaite dire un mot d'un quatrième point, la question européenne, car j'ai également entendu à ce sujet des propos assez étonnants. Monsieur Goujon, quand avez-vous vu la France fermer ses frontières ? Quand avez-vous vu notre pays décider de sortir de l'espace Schengen et fermer totalement ses frontières afin d'éviter que les flux migratoires n'augmentent sur le territoire ? Quand ? Cela ne s'est jamais produit !
Certes, à une certaine époque, certains acteurs politiques ont proposé de substituer un Schengen 2 à Schengen 1 : ils continuent d'ailleurs de le faire. Mais ces mêmes acteurs ne sont jamais parvenus à appliquer totalement Schengen 1 et ne nous ont jamais expliqué de quoi pourrait être fait Schengen 2. Pour ma part, je peux vous dire comment nous appliquons Schengen 1, et même quelles modifications nous souhaitons y apporter. Lorsqu'il y a trois semaines sont apparues des difficultés avec l'un de nos partenaires européens, lequel, à nos yeux, ne prenait pas toutes les dispositions pour procéder à l'enregistrement des migrants et n'acceptait pas la réadmission, conformément pourtant aux règles de Schengen, de ceux qui avaient franchi la frontière après qu'on avait oublié de les enregistrer, j'ai pris des dispositions, et si cela m'a été fortement reproché dans une certaine presse, un certain nombre d'entre vous avaient reconnu qu'il était judicieux de prendre ces dispositions.
Un certain nombre d'acteurs européens se sont émus de la situation. Non, nous ne procédons pas à des contrôles systématiques mais nous demandons qu'à la frontière franco-italienne, les règles de Schengen soient respectées et que le dispositif de réadmission fonctionne. Car si les règles de l'Union européenne ne sont pas respectées, alors il est absolument impossible de mener une politique migratoire qui fonctionne.
Vous ne pouvez pas prétendre que nous n'avons rien fait, car cela s'est bien vu à ce moment-là, notre démarche ayant fait l'objet d'articles de presse et nous ayant été reprochée. Oui, en effet, nous avons pris nos responsabilités.
Mais, monsieur Goujon - si vous êtes en possession de cette information, elle m'intéresse - quand le gouvernement précédent a-t-il fermé des frontières ?
Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Pour deux raisons, d'abord parce qu'il aurait eu tort de le faire. En effet, sortir unilatéralement des règles de l'Union européenne nous empêcherait d'en bénéficier lorsqu'elles sont utiles, et elles le sont s'agissant d'un grand nombre des sujets que nous avons à traiter, je pense notamment à la lutte contre le terrorisme. Et je le dis également à Mme Maréchal-Le Pen, proposer de sortir de l'espace Schengen, c'est accepter de renoncer à l'espace d'information de Schengen qui permet une traçabilité du retour ou du parcours des terroristes, et donc rendre la France aveugle et sourde face au risque terroriste.
Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il ne s'agit pas de cela.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par conséquent, la solution que vous proposez n'en est pas une : elle constituerait un problème supplémentaire. S'agissant de l'espace Schengen et des règles de l'Union européenne, lorsque l'on veut traiter les sujets en apportant vraiment des solutions, on a intérêt à se montrer pleinement responsable, de façon à ne pas ajouter de problèmes à ceux qui existent déjà. Rien ne sert d'enchaîner de nouvelles déclarations péremptoires à celles qui ont déjà été faites sachant que, derrière ces mots, rien n'est possible dans la mesure où nous sommes liés par la solidarité européenne. Ce qui doit être demandé est sans doute moins spectaculaire que ce que vous proposez, mais infiniment plus utile.
Je prends deux exemples. Le premier, je l'ai déjà évoqué, est celui de la nécessité de faire respecter, aux frontières de notre pays, les règles de l'Union européenne. Le second est celui de la mise en place de contrôles systématiques et coordonnés lors du franchissement des frontières extérieures de l'Union, en vue de protéger notre pays notamment du risque terroriste.
Voilà ce que je souhaitais dire afin de rétablir les faits et les chiffres, car il faut dire la vérité dans un débat qui mérite mieux que de faux chiffres, des amalgames et des outrances. Il mérite surtout mieux que cette idée selon laquelle il y aurait d'un côté certains qui auraient tout réussi - alors que nous avons vu quels étaient les chiffres et les tendances - et de l'autre ceux qui feraient preuve de laxisme, ce qui n'est pas vrai.
Et à quoi cette idée aboutit-elle dans notre pays ? À des tensions, à des divisions, et à ce que certains discours soient suivis purement électoralistes, le tout sur le dos de la République, de ses valeurs et de ses principes.
M. Yannick Moreau. L'hôpital se moque de la charité !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand on s'appelle Les Républicains, on pourrait franchement adopter d'autres comportements, poursuivre d'autres objectifs et avoir d'autres manières de faire sur un sujet aussi grave, qui renvoie à des questions aussi complexes et aussi lourdes que celles dont nous avons à traiter à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
Je voudrais également évoquer un autre sujet, car j'ai entendu, sur le contenu même du projet de loi, des propos étonnants. Je remercie le rapporteur, mais aussi Marie-Anne Chapdelaine, Marie-Françoise Bechtel, Sergio Coronado ainsi que l'orateur qui s'est exprimé au nom du groupe de la Gauche démocratique et républicaine...
M. André Chassaigne. C'est moi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. ...oui, cher André Chassaigne. Je remercie, disais-je, l'ensemble de ces orateurs d'avoir rétabli la vérité.
Tout d'abord, est-il juste de dire que la mise en place d'un titre pluriannuel de séjour, qui permet d'éviter des formalités administratives, constitue un facteur d'attraction pour notre pays ? Vous avez dit, monsieur Marleix, c'est intéressant, que nous ne le mettrions en place qu'en vue de diminuer les effectifs des préfectures. Pour le cas où cela vous aurait échappé, je vous rappelle que vous les avez diminués de manière considérable : vous avez supprimé près de 3 200 de ces emplois, soit 800 par an. Or les deux budgets que j'ai présentés ont complètement inversé cette tendance.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait.
M. Olivier Marleix. Permettez-moi d'en douter.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Absolument : vous supprimiez 800 emplois par an, alors que je n'en supprime que 200, qui sont le résultat, à l'unité près, des mutualisations rendues possibles dans les services préfectoraux. Une fois de plus, vous proférez donc une contre-vérité.
Vous qui voulez réaliser 100 milliards d'euros d'économies et expliquez que c'est facile, vous devriez être favorables à ce qu'on opère un minimum de simplification administrative qui améliore l'efficacité de nos services et permette une meilleure allocation des moyens budgétaires et humains alloués à nos administrations afin de leur permettre de remplir leurs missions.
Car si vous êtes toujours favorables à ce que l'on fasse toujours plus d'économies, lorsque, dans le cadre d'une simplification administrative, des dispositifs rationnels sont mis en place qui permettent à l'usager d'avoir une meilleure relation avec l'administration, là, vous êtes contre.
M. Yannick Moreau. Parlant d'économies, que dites-vous de l'aide médicale d'État ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Oui, nous mettons en place ce titre de séjour pluriannuel pour des raisons de simplification, de bonne gestion et aussi d'économies.
M. Guy Geoffroy. Tu parles !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si vous n'êtes plus favorables à ce que l'État soit géré de façon moderne, afin de dégager des marges de manoeuvre, dites-le. Ce n'est pas la position du Gouvernement.
En second lieu, ce n'est pas parce qu'un dispositif permettant de réduire les formalités administratives sera mis en place que les flux s'en trouveront considérablement renforcés. Pensez-vous vraiment que ceux qui partent de Libye ou de la bande sahélo-saharienne viennent en Europe parce qu'ils ont lu le code frontières Schengen, un extrait du Journal officiel ou un compte rendu intégral des débats à l'Assemblée nationale indiquant que nous allons simplifier les procédures administratives ?
M. Guy Geoffroy et M. Philippe Goujon. Les passeurs, eux, le savent !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non, ce n'est absolument pas pour cette raison qu'ils viennent, mais pour des raisons plus structurelles, plus importantes et plus graves. Alors, oui, nous allons, à flux constants, simplifier des procédures : l'usager y trouvera son compte et l'administration en sera modernisée.
Expliquer que le titre pluriannuel de séjour - auquel vous étiez favorables, vous vous étiez prononcés en ce sens - crée un problème dans la mesure où il constitue un élément d'attractivité de la France pour les étrangers est un raisonnement dont je ne comprends ni la cohérence, ni le fondement, ni la dynamique.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n'en a pas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Sans doute aurez-vous l'occasion d'y revenir au cours du débat.
Il est un autre point sur lequel je souhaiterais insister, l'assignation à résidence. L'assignation à résidence, monsieur Goujon, c'est l'ancienne majorité qui l'avait mise en place dans le cadre de la loi du 16 juin 2011.
M. Guy Geoffroy. Oui, mais dans le bon ordre : vous, vous inversez !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais vous l'avez fait alors qu'il était impossible d'assurer l'efficacité du dispositif puisque vous n'aviez pas prévu les moyens juridiques qui auraient permis aux forces de sécurité de s'introduire dans les résidences en question, en vue d'organiser le retour des personnes refusant d'obtempérer à une OQTF.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Alors que c'est vous qui avez pris cette mesure, vous êtes maintenant contre ! Nous mettons en place des dispositifs permettant qu'elle soit appliquée : vous êtes contre ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Erwann Binet, rapporteur. C'est exactement cela.
M. Olivier Marleix. Quelle mauvaise foi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Expliquez-moi donc ce qu'il faudrait faire pour vous faire plaisir.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Mission impossible !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De toute façon, on n'est pas là pour ça !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Car je veux vous faire plaisir.
M. Philippe Goujon. Vous êtes trop bon !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais lorsque nous reprenons des mesures que vous aviez vous-mêmes proposées dans des textes, vous êtes contre. Lorsque nous prenons des mesures juridiques pour rendre efficaces ces mesures qui ne l'étaient pas, vous êtes contre. Moi, je souhaite que les mesures que nous prenons soient efficaces.
Et je n'hésite pas, lorsque vous avez pris de bonnes mesures quoique incomplètes, à les compléter par des dispositifs juridiques efficaces parce que, contrairement à vous, lorsqu'il s'agit d'être efficace, je ne fais pas preuve de sectarisme. Votre volonté à vous de vous opposer au Gouvernement est tellement forte que vous finissez par oublier ce que vous avez vous-mêmes proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Guy Geoffroy. Vous êtes extraordinaire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et lorsque le Gouvernement se propose de compléter vos propositions, vous êtes contre, car, avant même de savoir ce que contient le projet de loi, vous avez reçu, de la part du président de votre parti, des consignes d'opposition radicale. (Vives dénégations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Alexis Bachelay. C'est le centralisme démocratique !
M. Guillaume Larrivé. Si vous arrivez à vous en convaincre vous-même, vous êtes très fort.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà la vérité ! Elle est très simple : avant même d'avoir lu le projet de loi, vous avez reçu un coup de fil vous enjoignant de dire non. Et je sais même lequel d'entre vous a reçu ce coup de fil !
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ah bon ! Qui ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais je ne veux pas le compromettre.
M. Philippe Goujon. C'est de la police politique.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne donnerai pas son nom, car il ne serait pas convenable de ma part de le compromettre de la sorte. Mais je sais qui a reçu ce coup de fil. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.).
Je vous propose à présent, si vous en êtes d'accord, sur la base d'une approche équilibrée qui ne soit pas outrancière, qui ne se résume pas à une opposition systématique et qui n'abaisse pas par moments le débat politique, d'essayer d'avancer ensemble, sur ce sujet grave, qui n'est pas un problème français.
M. Philippe Folliot. Il est européen.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. ...mais en effet international et européen. Essayons non pas de créer des divisions - gardons-nous de susciter des peurs et de faire naître des fantasmes - mais d'adopter ici, dans cet hémicycle, une approche éminemment républicaine, conforme à nos valeurs, nous permettant de mettre en place des dispositifs, fondés non pas sur une quelconque idéologie mais sur un souci d'efficacité, afin qu'ils marchent, dans l'intérêt de ceux qui souffrent ou sont vulnérables, et dans l'intérêt d'une politique migratoire dont je vous redis qu'elle doit être équilibrée.
M. Guy Geoffroy. Elle ne l'est pas.
M. Jean-Luc Laurent. Mais si, c'est le cas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Notre politique migratoire doit à la fois permettre d'accueillir ceux qui doivent l'être, et être extrêmement ferme à l'égard de ceux qui doivent être reconduits : telle est la position de la France. Les chiffres qui viennent à l'appui de cette politique en témoignent.
Si nous parvenons à un peu moins d'opposition et un peu plus de bonne foi dans notre débat, je suis convaincu que nous parviendrons à élaborer un bon texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)source http://www.assemblee-nationale.fr, le 24 juillet 2015