Déclaration de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, sur les grands axes de la politique d'aménagement foncier dans le cadre de la politique du logement et de l'urbanisme, à Paris le 14 mars 2016.

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Circonstance : Remise du rapport de Dominique Figeat sur le thème "Renforcer la mobilisation du foncier privé en faveur du logement", à Paris le 14 mars 2016

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président du Comité de pilotage,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de vous accueillir aujourd'hui pour la remise du rapport de la mission confiée à Dominique FIGEAT sur la mobilisation du foncier privé en faveur du logement et la relance de l'aménagement opérationnel.
C'est un moment important parce qu'il marque l'aboutissement de la mobilisation d'un groupe de travail composé de toute la palette des acteurs concernés et de tous les territoires. La richesse et l'équilibre de leurs conclusions, j'y reviendrai, est aussi le fruit de cette diversité.
Je veux également saluer le travail de Daniel Goldberg, député de la Seine-Saint-Denis, qui a conclu il y a quelques semaines une mission parlementaire sur le même sujet.
Les recommandations des deux rapports se recoupent et se complètent, donnant ainsi à voir une feuille de route cohérente pour améliorer le fonctionnement des marchés fonciers dans notre pays.
La publication de ces rapports est un moment important parce qu'elle ouvre la voie à une action d'ampleur sur la question du foncier, qui constitue un levier essentiel de la politique que je veux mener au service du logement et de l'habitat durable.
En effet, le Gouvernement a mis depuis plus de 2 ans la relance de la construction au coeur de son action, et nous voyons aujourd'hui cette politique porter ses fruits, à travers une reprise sensible et durable des autorisations d'urbanisme délivrées comme des mises en chantier de logements.
C'est dans cette direction que j'inscris mon action, en soutien du logement social comme de la construction privé, pour répondre au besoin de logements abordables et de qualité de nos concitoyens, notamment dans les zones les plus tendues.
La mise en oeuvre de l'ensemble de ces orientations est une réponse nécessaire aux défis du logement et de l'aménagement durable dans notre pays. Mais elle ne serait pas complète si dans le même temps, nous ne prenions à bras le corps la problématique du foncier.
* D'abord parce que le foncier est au centre des politiques de logement et d'urbanisme. Il n'y a pas de politique d'urbanisme sans politique foncière … et réciproquement.
Et il n'y a pas de politique d'habitat durable sans une politique foncière qui favorise l'équilibre social et environnemental de nos villes et de nos territoires.
* Mais aussi parce que le constat est unanimement partagé : l'accès à un foncier constructible à prix abordable est un facteur de blocage de la construction dans notre pays, particulièrement dans les zones tendues.
Sur les dernières années, le prix du foncier a augmenté beaucoup plus vite que l'inflation. Il représente aujourd'hui une part importante du coût de l'immobilier – jusqu'à 45% dans certaines régions comme l'Île-de-France ou PACA.
* Ces prix sont élevés malgré un volume important de foncier potentiellement disponible, parce qu'en zone tendue le foncier constructible est plus difficilement identifiable et mobilisable.
Il faut repérer les « dents creuses » permettant la densification, ou s'engager dans des travaux de remembrement. Il s'agit aussi souvent de « foncier d'occasion » qui doit être requalifié. Ces coûts de démolition, de dépollution pèsent sur le prix du foncier.
Il en découle à mes yeux un objectif prioritaire : nous donner les moyens de libérer du foncier constructible en zone dense à prix accessible.
C'est un enjeu :
- Economique : c'est une condition sine qua non pour maîtriser les prix de l'immobilier et construire à coûts acceptables ;
- Social : non maîtrisé, le fonctionnement du marché foncier est générateur de phénomène de ségrégation, et il nous faut lutter contre ces phénomènes ;
- Environnemental : la lutte contre l'étalement et l'éparpillement urbain impose de mettre en place des politiques foncières qui facilitent le « renouvellement de la ville sur la ville » et limitent au maximum la consommation foncière supplémentaire.
Bref, c'est véritablement un enjeu-clé de « développement durable » pour le logement et l'urbanisme en France. Voilà pourquoi j'y suis particulièrement sensible.
Il est donc nécessaire d'agir pour améliorer le fonctionnement des marchés fonciers dans l'ensemble des territoires de notre pays.
* Cela passe par une meilleure identification du foncier disponible, et une connaissance partagée des caractéristiques et des prix des biens vendus.
* Cela implique également de doter les collectivités, à l'échelle de chaque agglomération, des outils pour bâtir une politique locale transparente et partenariale.
Il faut pour cela renforcer la capacité d'observation des marchés locaux, et favoriser la déclinaison des stratégies foncières dans les documents d'urbanisme, notamment les PLU.
L'expérience montre en effet que les marchés immobiliers qui résistent le mieux sont ceux qui reposent sur une politique foncière à la fois transparente et anticipée stratégiquement par les collectivités locales.
Mon rôle de ministre consiste donc à mettre en place les moyens d'observation permettant de bâtir des marchés fonciers et immobiliers transparents, d'asseoir les politiques locales des collectivités et de fournir les outils d'urbanisme opérationnel les plus adaptés.
Le rapport de la mission confiée à Dominique FIGEAT contient de nombreuses préconisations en ce sens. Je m'engagerai donc pleinement pour leur mise en oeuvre.
Avant de revenir sur ces actions, je tiens à remercier chaleureusement l'ensemble des membres du comité de pilotage – parlementaires, élus locaux, services des collectivités et de l'Etat, professionnels de l'immobilier et chercheurs - pour leur mobilisation depuis le mois d'octobre.
Et je salue plus particulièrement le travail de leur président, Dominique Figeat, et des administrations de mon ministère et du ministère des Finances qui l'ont accompagné ces dernières semaines.
Je retiens de votre réflexion trois axes structurants pour la mise en oeuvre d'un programme d'actions en faveur de la mobilisation du foncier et de la relance de l'aménagement opérationnel.
1er axe : améliorer la transparence des marchés fonciers et immobiliers
L'objectif, c'est ouvrir et simplifier l'accès à l'information sur les biens vendus et leurs prix.
L'expérience de Dominique Figeat et du groupe de travail qu'il a présidé ont permis de poser les bases d'une cadre de référence pour une la mise en oeuvre d'une véritable observation foncière, afin de remédier à cette situation.
Plusieurs actions seront menées dans ce cadre.
* Je vous annonce ainsi que nous introduirons dans les vecteurs législatifs à venir, comme le PJL pour une République Numérique, les propositions du groupe pour faciliter l'accès des particuliers à la base PATRIM de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).
Cette meilleure information leur permettra de mieux évaluer la valeur vénale d'un bien immobilier lorsqu'ils sont candidats à la vente ou à l'achat.
* De même, le ministère des Finances et des Comptes publics, en association avec le mien, simplifiera l'accès à la base fiscale Données Valeurs Foncières (DVF) et tendra vers la diffusion la plus large possible de ses données en direction des professionnels
* Enfin, dans le cadre d'une mission conjointe confiée par le Ministre de la Justice et moi-même, une enquête sera conduite sur les jugements d'expropriation, dont l'effet sur la dynamique des prix du foncier et de l'immobilier est aujourd'hui mal apprécié.
Nous pourrons ainsi consolider une information claire sur les évaluations des biens expropriés et évaluer leur impact sur le marché foncier.
Le 2ème axe concerne l'amélioration de la stratégie foncière des collectivités
Il est indispensable à mes yeux d'inciter les collectivités territoriales à renforcer leur stratégie foncière en faveur de la production de logements, notamment sociaux. C'est une condition du développement de l'offre foncière.
* A ce titre, les mesures préconisées dans le rapport de la mission Figeat pour renforcer le volet foncier du Programme local de l'habitat (PLH) des collectivités seront introduites dans le volet Logement du PJL Egalité et Citoyenneté qui sera soumis au Parlement avant l'été.
La mise en place d'observatoires du foncier et l'inclusion dans le PLH des modalités de la stratégie foncière locale permettront aux collectivités d'adopter des politiques adaptées à leurs ambitions en matière de logement.
* Nous allons également promouvoir l'action des Etablissements Publics Fonciers (EPF) sur l'ensemble du territoire, afin de doter l'ensemble des collectivités de l'ingénierie performante indispensable à la production de foncier à prix maîtrisé.
Pour cela, le PJL Egalité et Citoyenneté prévoit de renforcer le rôle d'appui des EPF d'Etat et locaux aux collectivités territoriales pour la réalisation de leurs observatoires locaux et la mise en oeuvre de leur stratégie foncière.
En parallèle, les Préfets ont été missionnés pour établir un diagnostic fin des besoins en ingénierie foncière des nouvelles régions fusionnées, car certaines parties du territoire national, en particulier les zones à enjeux, n'en sont pas pourvues.
Sur la base de ce diagnostic, et au regard l'offre d'ingénierie sur chaque territoire (en particulier de la présence ou non d'un EPF local), il pourra être envisagé, en concertation avec les collectivités locales concernées, d'étendre le périmètre d'intervention des EPF nationaux.
Il s'agit d'apporter l'appui de l'Etat là où il peut être utile.
Le 3ème axe d'action vise à renforcer l'usage des outils contractuels entre les acteurs publics et privés dans le montage des opérations d'aménagement
Le développement équilibré de nos territoires exige d'optimiser nos ressources foncières et de produire un habitat de qualité accessible à tous nos concitoyens.
Il nous faut donc encourager les montages juridiques et financiers qui favorisent cet aménagement durable.
* Je souhaite en premier lieu développer la culture du partenariat entre les propriétaires fonciers et la collectivité, pour dessiner des projets d'aménagement partagés.
Des outils existent, comme le Projet Urbain Partenarial, mais il s'agit d'en préciser l'utilisation afin de mieux associer les propriétaires privés fonciers à la conception des opérations d'aménagement.
Il nous faut travailler à développer un véritable « urbanisme négocié ».
* Les réflexions de la mission pilotée par Dominique Figeat rejoignent en cela pleinement les conclusions du Réseau National des Aménageurs, que j'ai rencontré mardi dernier.
Nous nous appuierons sur ce consensus pour renforcer les partenariats public-privé dans le secteur de l'aménagement, et en diffuser largement les outils, en particulier dans les territoires ruraux faiblement dotés en ingénierie.
* Je veillerai aussi à promouvoir les outils innovants qui permettent de réduire le coût du foncier dans la production de logements, en dissociant le foncier et le bâti.
Je suis heureuse de vous annoncer que seront publiés dans les toutes prochaines semaines les décrets sur le bail réel immobilier, et que l'ordonnance sur la création d'un bail réel solidaire sera transmise au Conseil d'Etat au début du mois d'avril.
Ces types de baux, encore trop peu utilisés dans notre pays, doivent permettre de maîtriser, sur le très long terme, l'usage et la valeur des fonciers. Ils permettront de lutter contre l'inflation foncière, et construire des projets de logements à prix accessibles.
* Et je serai également attentive aux recommandations du rapport de Daniel Goldberg en matière d'aménagement, y compris sur la poursuite de nos efforts pour lutter contre les recours abusifs et dilatoires.
Enfin, sur le volet « évolution de la fiscalité », les conclusions du rapport convergent avec celles du député Daniel Goldberg dans son récent rapport, sur la double nécessité :
- de réformer profondément la fiscalité foncière
- et d'être très attentif aux difficultés de mise en oeuvre.
Une réforme d'une telle ampleur requiert en effet une élaboration approfondie pour être pleinement opérationnelle en termes de stabilité et de visibilité pour les acteurs ; elle doit aussi, en bonne politique fiscale, être bien articulée au cycle économique, aujourd'hui en phase de reprise.
Avant de conclure, quelques mots sur des initiatives territoriales, qui sont en lien avec cette mobilisation du foncier. Ce matin, le Premier ministre a annoncé aujourd'hui le lancement d'un concours international sur les Hubs du Grand Paris.
Le projet d'organiser un grand concours international autour des futurs quartiers de gare du Grand Paris Express et des grands pôles de développement de l'Ile de France est une étape importante : celle de l'engagement de l'Etat, qui met ainsi son ingénierie au service des acteurs de la métropole et de la région.
C'est en faisant se rencontrer les initiatives et en encourageant le foisonnement que nous fabriquerons des lieux de vie durables, attractifs et agréables, qui s'adaptent à la fois aux changements des modes de vie et aux grands défis environnementaux.
Ce concours s'inscrit effectivement dans le cadre de la mise en oeuvre de la COP21 dont le PR a fait sa priorité.
En tant que ministre du logement ayant la tutelle sur les opérateurs de l'Etat chargés de l'aménagement de nombreux sites concernés par le concours, je prendrai toute ma part pour assurer la réussite de ce projet.
Cela passe notamment par l'inscription dans les cahiers des charges du concours du respect des objectifs de construction de logements abordables.
Pour réussir, ce projet doit être au service des habitants et des salariés, en améliorant le cadre de vie avec un habitat de qualité, écologique et abordable et des conditions de mobilité et d'accès facilité à l'emploi.
Vous le voyez, c'est un riche programme d'actions en faveur de la mobilisation du foncier et de l'aménagement durable que je retire du remarquable rapport remis par Dominique Figeat et l'ensemble de son groupe de travail.
Transparence et fluidité des marchés, capacité stratégique accrue des collectivités, renforcement de l'aménagement concerté : autant d'évolutions visant à faire du foncier non plus un frein, mais un socle pour la relance du logement et le développement de l'habitat durable dans notre pays.
Ces orientations pour la mobilisation du foncier privé viendront compléter l'effort engagé depuis plusieurs mois par le Gouvernement pour mieux valoriser le patrimoine foncier de l'Etat et de ses établissements publics afin de produire du logement, notamment social.
A ce titre, je ne saurai conclure sans rendre un hommage appuyé à Thierry Repentin, dont l'engagement pour la mobilisation du foncier public a permis de dépasser les objectifs fixés début 2015 par le Président de la République, en vendant 70 terrains publics l'année dernière et en permettant de débloquer plusieurs opérations.
Je me réjouis par avance de voir cette dynamique perdurer en 2016, en partie grâce aux améliorations apportés au dispositif de cession avec décote dans la loi Croissance et dans la loi de Finances, notamment en étendant le bénéfice de la décote aux biens immobiliers à réhabiliter.
Les enjeux sont majeurs pour le logement et l'aménagement durables dans notre pays.
Je suis heureuse de constater que les idées sont au rendez-vous et que les énergies sont rassemblées pour y faire face.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 16 mars 2016