Texte intégral
Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de rencontrer aujourd'hui, à l'Hôtel de Ville de Paris, les maires de l'outre-mer, réunis pour la journée organisée traditionnellement à leur intention par l'Association des Maires de France, à l'occasion de son congrès annuel. Je remercie de leur invitation conjointe notre hôte, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë et le président de l'Association des Maires de France, Jean-Paul Delevoye. C'est une heureuse tradition que de permettre aux maires de l'outre-mer, si éloignés les uns des autres, de se retrouver chaque année dans la première Mairie de France, pendant une journée, pour mieux se connaître, échanger des expériences et travailler ensemble sur des sujets d'intérêt commun. Elle manifeste un esprit de fraternité républicaine auquel je rends hommage.
Le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul, m'accompagne pour cette rencontre. Depuis 15 mois qu'il a succédé à M. Jean-Jack Queyranne, il beaucoup voyagé et reçu. Je suis sûr qu'il connaît maintenant un grand nombre des maires ici présents.
Dans vos visages, je vois toute la diversité humaine de l'outre-mer. Elle m'émeut toujours, depuis que j'ai appris à la connaître, dans mes déplacements outre-mer, comme simple citoyen, responsable politique, ministre de l'éducation nationale puis Premier ministre. J'ai déjà rencontré beaucoup d'entre-vous dans leurs communes. Je les remercie encore de leur accueil, qui fut toujours chaleureux et, bien sûr, républicain.
A vous tous, et notamment aux nouveaux maires élus en mars dernier, j'adresse mon salut cordial et mes vux de pleine réussite dans l'exercice de votre mandat.
Votre présence à l'Hôtel de Ville de Paris témoigne de la force du lien qui unit l'outre-mer à la Nation.
Vous appartenez pleinement au corps des élus municipaux de la République. Comme les autres maires de France, vous êtes, au premier rang des responsables publics, au contact quotidien de nos concitoyens, qui vous rendent témoins de leurs inquiétudes et de leurs espérances et attendent de vous une réponse à leurs difficultés. Votre engagement personnel est, je le sais, de tous les instants. Au-delà de la diversité de vos convictions, c'est le choix de servir qui vous réunit. Avec les maires de Métropole, vous participerez aux journées de travail organisées par votre association. J'aurai le plaisir de vous revoir, au milieu de tous les maires de France, jeudi, lors de la clôture de ce 84ème congrès.
Aujourd'hui, l'Hôtel de ville a les couleurs de l'outre-mer. Elles lui vont bien, Monsieur le Maire. Ce n'est pas seulement aujourd'hui d'ailleurs que Paris est un lieu de rencontre pour l'outre-mer. Beaucoup de Parisiens et d'habitants de l'Ile-de-France en sont originaires. C'est souvent à Paris, à l'Université, dans les mouvements associatifs ou politiques, dans des cercles intellectuels ou artistiques que les responsables de l'outre-mer d'aujourd'hui ont noué entre eux de précieuses relations, avant de revenir dans leur département.
Les originaires de l'outre-mer contribuent à la richesse humaine de Paris comme à celle de tout notre pays. Ils font preuve en Métropole d'un grand dynamisme, que Bertrand Delanoë a justement relevé pour ce qui concerne Paris, notamment au sein des nombreuses associations qui les regroupent, 600 pour toute la France. Et beaucoup d'artistes y jouent, en particulier dans la création musicale, un rôle important.
Notre pays ne serait pas ce qu'il est sans les femmes et les hommes de l'outre-mer, sans leur apport maintenant multiséculaire à notre histoire commune.
Cette histoire commune est pleine de lumières. Elle a aussi une part d'ombres. Vous le savez, la France a choisi de porter un regard lucide sur toute son histoire outre-mer.
En particulier, seule parmi tous les pays impliqués dans la traite et l'esclavage, elle a reconnu ceux-ci comme un crime contre l'humanité, par la loi du 21 mai 2001, votée sur la proposition de Mme Christiane Taubira-Delannon, députée de Guyane. La conférence des Nations Unies contre le racisme, réunie à Durban en septembre dernier, s'est inspirée de cet exemple.
L'outre-mer apporte bien sûr à notre pays une présence hors d'Europe, en Amérique, dans l'océan indien et dans le Pacifique, qui contribue à faire de la France une puissance mondiale.
Mais il apporte surtout à la Nation les talents et le travail de tous nos concitoyens de l'outre-mer. Parmi les grandes figures, aujourd'hui disparues, j'évoquerai celles de Gaston Monnerville et Félix Eboué qui occupèrent de hautes fonctions dans l'Etat. Parmi nos contemporains, je voudrais rendre en cette occasion un hommage particulier à celui qui fut, jusqu'en mars dernier, le plus illustre des maires de l'outre-mer, Aimé Césaire, maire de Fort-de-France pendant un demi-siècle. Il a su exprimer la réalité de la Martinique, à la fois par la création littéraire, par la réflexion politique et par l'administration municipale.
Je ne me risquerai pas à énumérer tous les écrivains, acteurs, musiciens et sportifs qui sont l'honneur de l'outre-mer et de la France. Mais je veux aussi adresser une pensée à tous ceux, plus anonymes, qui, dans les départements et territoires ou en Métropole, dans les services publics ou dans les entreprises, dans l'enseignement ou la santé, contribuent par leur travail à bâtir l'outre-mer et la France de demain.
L'apport de l'outre-mer à la France, c'est aussi celui de la diversité et de la tolérance.
Comment ne pas ainsi se réjouir de la manifestation organisée, le 7 octobre dernier, dans l'île de la Réunion - la bien nommée - au cours de laquelle 15.000 personnes de toutes origines et confessions ont tenu à affirmer publiquement leur volonté de vivre ensemble dans la paix et le respect mutuel, au moment où les attentats du 11 septembre semblaient annoncer un monde dominé par la peur de l'autre ?
Bien sûr, cet accueil des autres dans leur diversité doit être une réalité quotidienne et pas seulement un principe proclamé. C'est pourquoi soyez sûrs que le Gouvernement ne tolèrera pas les expressions et les actes inspirés par le racisme, ni outre-mer, ni en Métropole.
La diversité des origines, des histoires et des cultures de l'outre-mer contribue à renforcer le lien qui nous unit, héritage de l'histoire renouvelé par la libre adhésion.
Ce lien entre l'outre-mer et la Nation, le Gouvernement a agi, depuis quatre ans, pour l'affermir. Nous devons rechercher ensemble les moyens de le consolider pour l'avenir, en le renouvelant.
En juin 1997, dans ma déclaration de politique générale, j'avais pris devant la Nation l'engagement d'un nouveau pacte républicain pour l'outre-mer.
Le Gouvernement, et plus particulièrement, les secrétaires d'Etat à l'outre-mer, Jean-Jack Queyranne puis Christian Paul, ont, je le crois, fait progresser pendant ces quatre années l'outre-mer, de manière décisive, dans la voie de la responsabilité et de l'égalité.
Le Gouvernement a d'abord voulu donner à l'outre-mer les moyens de son développement économique et social.
L'outre-mer témoigne d'une grande vitalité économique. La croissance économique a ainsi été, pendant la décennie 1990, plus forte dans les DOM qu'en Métropole. Des travailleurs de mieux en mieux formés, des chefs d'entreprises courageux, des créateurs très présents dans les nouvelles technologies : les facteurs de réussite ne manquent pas. Mais des handicaps persistants freinent ce dynamisme. Il convenait d'aider l'outre-mer à les compenser. C'est ce que le Gouvernement fait, avec le concours de l'Union européenne.
Le Gouvernement a mis en uvre un ensemble de mesures économiques et sociales sans précédent en faveur de l'outre-mer.
Avec les dispositions en faveur de l'emploi prévues dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, celles de soutien fiscal à l'investissement, les contrats de plan - auxquels s'ajoutent les programmes européens -, c'est un dispositif complet et cohérent qui est en place pour soutenir la croissance économique et favoriser l'emploi. Cette démarche tend non pas à assister l'outre-mer mais à soutenir ses forces de développement - dont je redis le dynamisme potentiel.
Pour mettre en uvre cette politique, l'État a engagé des moyens financiers considérables. Je ne citerai que deux chiffres : le montant des crédits consacrés par l'État à l'outre-mer, est passé de 45 Mds F en 1997 à 67 Mds F pour 2002, soit une progression de près de 50 % en cinq ans alors que l'ensemble du budget de l'État progressait seulement de 9 % durant la même période.
Je voudrais aussi souligner l'effort en matière d'éducation : dès 1998, le ministère de l'éducation nationale a mis en uvre un plan pour l'éducation outre-mer. Au total, ce sont près de 7000 emplois nouveaux qui auront été créés pour l'outre-mer depuis 1997.
Cette politique a commencé à porter ses fruits. Le chômage dans les DOM a diminué de 10 % depuis 1998 et même de 20 % chez les jeunes, alors que la progression semblait jusque là inexorable.
D'autres chantiers devront être entrepris en matière économique. Vous avez réfléchi aujourd'hui sur le développement du tourisme, potentiellement créateur d'emplois outre-mer. Un des grands enjeux des années à venir sera pour l'État de garantir à l'outre-mer, en liaison avec les collectivités territoriales, une desserte aérienne dont la régularité, la capacité et les tarifs soient adaptés aux besoins des habitants et du tourisme, afin de mieux assurer la continuité entre l'outre-mer et la Métropole.
Par ailleurs, le Gouvernement a mené à bien ou engagé de profondes réformes institutionnelles pour l'outre-mer.
Il ne s'agit pas de réaliser des changements statutaires pour eux-mêmes. Plus d'un demi-siècle après la refondation des statuts de l'outre-mer, l'objectif est celui d'une meilleure adaptation de l'organisation institutionnelle de l'outre-mer, dans sa diversité, pour tenir compte des aspirations à plus de responsabilités et de la nécessité de favoriser un développement économique plus autonome.
Une solution a été trouvée en 1998 pour la Nouvelle-Calédonie, alors que lorsque le Gouvernement s'est installé, en 1997, à la veille de l'échéance des dix ans de l'accord de Matignon, on semblait être dans l'impasse. L'accord de Nouméa, fruit de la lucidité des responsables politiques calédoniens, de la confiance des habitants et de la volonté du Gouvernement, a tracé, pour 20 ans, un avenir de paix et des perspectives prometteuses de développement.
Mayotte, qui affirmait depuis 25 ans, sans être entendue, sa volonté de rester française tout en préservant son identité et ses traditions, a vu sa place clairement définie au sein de la République, dans un statut évolutif, élaboré en concertation avec ses élus et massivement approuvé par la population.
Pour les départements d'outre-mer, le Gouvernement a voulu fixer, dans la loi d'orientation, une procédure démocratique pour franchir, si les populations concernées le souhaitent, une nouvelle étape institutionnelle, respectant les attentes propres de chaque département.
Des élus des Antilles et de Guyane ont exprimé le souhait d'une évolution de leur organisation institutionnelle qui permette de leur assurer, au sein de la République et dans l'Union européenne, une meilleure reconnaissance de leurs spécificités. Les Réunionnais, au contraire, préfèrent conserver leur organisation administrative actuelle.
Conformément à la loi d'orientation, les congrès des trois départements d'Amérique ont engagé des discussions. En Guyane, elles ont abouti à un ensemble de propositions, auxquelles M. Christian Paul vient d'apporter une première réponse.
Pour que la démarche engagée se poursuive dans la clarté, je souhaite rappeler quatre principes, qui me semblent essentiels.
Le premier est celui de l'unité de la République. Les populations des départements d'outre-mer y sont profondément attachées. Il implique que le respect des grands principes de notre droit y demeure pleinement garanti.
Le second est celui du lien avec l'Europe. Pour le maintenir, ce que me semblent souhaiter très généralement les responsables des départements d'outre-mer, il est nécessaire que les règles européennes continuent de s'y appliquer, dans les conditions prévues par les traités.
Le troisième est celui de l'égalité des droits, qui est à mes yeux au cur du pacte républicain avec l'outre-mer. Au moment où l'égalité sociale, cette grande exigence de la gauche, va atteindre pratiquement sa dernière étape dans les DOM avec l'alignement du RMI au 1er janvier prochain, je ne pourrais approuver une évolution institutionnelle qui conduirait à une régression des droits sociaux.
Le quatrième principe est celui de la consultation préalable des populations. L'approbation des populations doit intervenir, à mon sens, avant toute éventuelle révision constitutionnelle, car on ne saurait préjuger la volonté des populations d'outre-mer à cet égard. Le Gouvernement a veillé à ce que cette consultation, que la Constitution autorise outre-mer, soit prévue dans la procédure définie par la loi d'orientation.
Dans ces conditions, une évolution institutionnelle différenciée, pour les trois départements d'outre-mer qui ont engagé cette réflexion, évolution qui ne porterait atteinte pas à l'unité de la République et aurait obtenu l'approbation de la population concernée, pourrait recueillir le soutien du Gouvernement.
Certaines des évolutions proposées pourraient nécessiter une révision de la Constitution. Dès lors que l'accord des populations sur une évolution institutionnelle impliquant une telle révision aurait été exprimé, celle-ci pourrait être engagée au début de la prochaine législature, si les pouvoirs publics en fonction à ce moment le décidaient. Une fois cette révision réalisée, le Parlement pourrait être saisi de projets de lois comportant des dispositions statutaires distinctes pour chacune des collectivités d'outre-mer concernées.
Mesdames et Messieurs les Maires, j'ai voulu, par ma présence parmi vous aujourd'hui, vous assurer de ma volonté de rendre toujours plus solide et plus riche la relation profonde qui unit les collectivités d'outre-mer à la République. J'ai voulu le manifester publiquement, car il est bon de rappeler à nos compatriotes de Métropole toute l'importance de l'outre-mer pour notre pays.
A cet égard, je voudrais faire écho au Maire de Paris qui a évoqué dans son intervention le projet de création d'une Cité des Outre-Mers à Paris. Le Gouvernement a décidé de soutenir pleinement ce projet. Cet établissement aura pour vocation de mettre en valeur les cultures et les savoir-faire de tous les outre-mers français. Il offrira aux associations animées par des originaires de l'outre-mer un centre de ressources. Je remercie Bertrand Delanoë d'avoir accepté de s'engager aux côtés de l'État pour la réalisation de cette cité. J'ai demandé à la ministre de la culture et de la communication, Mme Catherine Tasca et au Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul, de désigner rapidement une mission de préfiguration.
Je relève aussi que, dans le même esprit, de nombreux élus et personnalités culturelles de grand renom de l'outre-mer ont manifesté leur désir que soit créée une radio publique sur la bande FM, pour Paris et l'Ile-de-France. Elle fera mieux connaître la richesse des cultures de l'outre-mer.
Mesdames et Messieurs,
Des femmes et des hommes de l'outre-mer que j'ai eu la chance de rencontrer, j'ai beaucoup appris et notamment ceci : pour comprendre l'outre-mer, il faut l'aimer et l'aimer c'est d'abord le respecter. C'était le sens de l'interpellation inscrite, en créole, sur une banderole lors de mon dernier voyage à la Réunion : " Nous ne voulons pas plus, nous ne voulons pas moins : respectez-nous ! ".
Cette exigence de dignité est essentielle. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs les Maires, du respect que devant vous, j'exprime aujourd'hui pour les élus et pour tous nos compatriotes de l'outre-mer.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 novembre 2001)
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de rencontrer aujourd'hui, à l'Hôtel de Ville de Paris, les maires de l'outre-mer, réunis pour la journée organisée traditionnellement à leur intention par l'Association des Maires de France, à l'occasion de son congrès annuel. Je remercie de leur invitation conjointe notre hôte, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë et le président de l'Association des Maires de France, Jean-Paul Delevoye. C'est une heureuse tradition que de permettre aux maires de l'outre-mer, si éloignés les uns des autres, de se retrouver chaque année dans la première Mairie de France, pendant une journée, pour mieux se connaître, échanger des expériences et travailler ensemble sur des sujets d'intérêt commun. Elle manifeste un esprit de fraternité républicaine auquel je rends hommage.
Le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul, m'accompagne pour cette rencontre. Depuis 15 mois qu'il a succédé à M. Jean-Jack Queyranne, il beaucoup voyagé et reçu. Je suis sûr qu'il connaît maintenant un grand nombre des maires ici présents.
Dans vos visages, je vois toute la diversité humaine de l'outre-mer. Elle m'émeut toujours, depuis que j'ai appris à la connaître, dans mes déplacements outre-mer, comme simple citoyen, responsable politique, ministre de l'éducation nationale puis Premier ministre. J'ai déjà rencontré beaucoup d'entre-vous dans leurs communes. Je les remercie encore de leur accueil, qui fut toujours chaleureux et, bien sûr, républicain.
A vous tous, et notamment aux nouveaux maires élus en mars dernier, j'adresse mon salut cordial et mes vux de pleine réussite dans l'exercice de votre mandat.
Votre présence à l'Hôtel de Ville de Paris témoigne de la force du lien qui unit l'outre-mer à la Nation.
Vous appartenez pleinement au corps des élus municipaux de la République. Comme les autres maires de France, vous êtes, au premier rang des responsables publics, au contact quotidien de nos concitoyens, qui vous rendent témoins de leurs inquiétudes et de leurs espérances et attendent de vous une réponse à leurs difficultés. Votre engagement personnel est, je le sais, de tous les instants. Au-delà de la diversité de vos convictions, c'est le choix de servir qui vous réunit. Avec les maires de Métropole, vous participerez aux journées de travail organisées par votre association. J'aurai le plaisir de vous revoir, au milieu de tous les maires de France, jeudi, lors de la clôture de ce 84ème congrès.
Aujourd'hui, l'Hôtel de ville a les couleurs de l'outre-mer. Elles lui vont bien, Monsieur le Maire. Ce n'est pas seulement aujourd'hui d'ailleurs que Paris est un lieu de rencontre pour l'outre-mer. Beaucoup de Parisiens et d'habitants de l'Ile-de-France en sont originaires. C'est souvent à Paris, à l'Université, dans les mouvements associatifs ou politiques, dans des cercles intellectuels ou artistiques que les responsables de l'outre-mer d'aujourd'hui ont noué entre eux de précieuses relations, avant de revenir dans leur département.
Les originaires de l'outre-mer contribuent à la richesse humaine de Paris comme à celle de tout notre pays. Ils font preuve en Métropole d'un grand dynamisme, que Bertrand Delanoë a justement relevé pour ce qui concerne Paris, notamment au sein des nombreuses associations qui les regroupent, 600 pour toute la France. Et beaucoup d'artistes y jouent, en particulier dans la création musicale, un rôle important.
Notre pays ne serait pas ce qu'il est sans les femmes et les hommes de l'outre-mer, sans leur apport maintenant multiséculaire à notre histoire commune.
Cette histoire commune est pleine de lumières. Elle a aussi une part d'ombres. Vous le savez, la France a choisi de porter un regard lucide sur toute son histoire outre-mer.
En particulier, seule parmi tous les pays impliqués dans la traite et l'esclavage, elle a reconnu ceux-ci comme un crime contre l'humanité, par la loi du 21 mai 2001, votée sur la proposition de Mme Christiane Taubira-Delannon, députée de Guyane. La conférence des Nations Unies contre le racisme, réunie à Durban en septembre dernier, s'est inspirée de cet exemple.
L'outre-mer apporte bien sûr à notre pays une présence hors d'Europe, en Amérique, dans l'océan indien et dans le Pacifique, qui contribue à faire de la France une puissance mondiale.
Mais il apporte surtout à la Nation les talents et le travail de tous nos concitoyens de l'outre-mer. Parmi les grandes figures, aujourd'hui disparues, j'évoquerai celles de Gaston Monnerville et Félix Eboué qui occupèrent de hautes fonctions dans l'Etat. Parmi nos contemporains, je voudrais rendre en cette occasion un hommage particulier à celui qui fut, jusqu'en mars dernier, le plus illustre des maires de l'outre-mer, Aimé Césaire, maire de Fort-de-France pendant un demi-siècle. Il a su exprimer la réalité de la Martinique, à la fois par la création littéraire, par la réflexion politique et par l'administration municipale.
Je ne me risquerai pas à énumérer tous les écrivains, acteurs, musiciens et sportifs qui sont l'honneur de l'outre-mer et de la France. Mais je veux aussi adresser une pensée à tous ceux, plus anonymes, qui, dans les départements et territoires ou en Métropole, dans les services publics ou dans les entreprises, dans l'enseignement ou la santé, contribuent par leur travail à bâtir l'outre-mer et la France de demain.
L'apport de l'outre-mer à la France, c'est aussi celui de la diversité et de la tolérance.
Comment ne pas ainsi se réjouir de la manifestation organisée, le 7 octobre dernier, dans l'île de la Réunion - la bien nommée - au cours de laquelle 15.000 personnes de toutes origines et confessions ont tenu à affirmer publiquement leur volonté de vivre ensemble dans la paix et le respect mutuel, au moment où les attentats du 11 septembre semblaient annoncer un monde dominé par la peur de l'autre ?
Bien sûr, cet accueil des autres dans leur diversité doit être une réalité quotidienne et pas seulement un principe proclamé. C'est pourquoi soyez sûrs que le Gouvernement ne tolèrera pas les expressions et les actes inspirés par le racisme, ni outre-mer, ni en Métropole.
La diversité des origines, des histoires et des cultures de l'outre-mer contribue à renforcer le lien qui nous unit, héritage de l'histoire renouvelé par la libre adhésion.
Ce lien entre l'outre-mer et la Nation, le Gouvernement a agi, depuis quatre ans, pour l'affermir. Nous devons rechercher ensemble les moyens de le consolider pour l'avenir, en le renouvelant.
En juin 1997, dans ma déclaration de politique générale, j'avais pris devant la Nation l'engagement d'un nouveau pacte républicain pour l'outre-mer.
Le Gouvernement, et plus particulièrement, les secrétaires d'Etat à l'outre-mer, Jean-Jack Queyranne puis Christian Paul, ont, je le crois, fait progresser pendant ces quatre années l'outre-mer, de manière décisive, dans la voie de la responsabilité et de l'égalité.
Le Gouvernement a d'abord voulu donner à l'outre-mer les moyens de son développement économique et social.
L'outre-mer témoigne d'une grande vitalité économique. La croissance économique a ainsi été, pendant la décennie 1990, plus forte dans les DOM qu'en Métropole. Des travailleurs de mieux en mieux formés, des chefs d'entreprises courageux, des créateurs très présents dans les nouvelles technologies : les facteurs de réussite ne manquent pas. Mais des handicaps persistants freinent ce dynamisme. Il convenait d'aider l'outre-mer à les compenser. C'est ce que le Gouvernement fait, avec le concours de l'Union européenne.
Le Gouvernement a mis en uvre un ensemble de mesures économiques et sociales sans précédent en faveur de l'outre-mer.
Avec les dispositions en faveur de l'emploi prévues dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, celles de soutien fiscal à l'investissement, les contrats de plan - auxquels s'ajoutent les programmes européens -, c'est un dispositif complet et cohérent qui est en place pour soutenir la croissance économique et favoriser l'emploi. Cette démarche tend non pas à assister l'outre-mer mais à soutenir ses forces de développement - dont je redis le dynamisme potentiel.
Pour mettre en uvre cette politique, l'État a engagé des moyens financiers considérables. Je ne citerai que deux chiffres : le montant des crédits consacrés par l'État à l'outre-mer, est passé de 45 Mds F en 1997 à 67 Mds F pour 2002, soit une progression de près de 50 % en cinq ans alors que l'ensemble du budget de l'État progressait seulement de 9 % durant la même période.
Je voudrais aussi souligner l'effort en matière d'éducation : dès 1998, le ministère de l'éducation nationale a mis en uvre un plan pour l'éducation outre-mer. Au total, ce sont près de 7000 emplois nouveaux qui auront été créés pour l'outre-mer depuis 1997.
Cette politique a commencé à porter ses fruits. Le chômage dans les DOM a diminué de 10 % depuis 1998 et même de 20 % chez les jeunes, alors que la progression semblait jusque là inexorable.
D'autres chantiers devront être entrepris en matière économique. Vous avez réfléchi aujourd'hui sur le développement du tourisme, potentiellement créateur d'emplois outre-mer. Un des grands enjeux des années à venir sera pour l'État de garantir à l'outre-mer, en liaison avec les collectivités territoriales, une desserte aérienne dont la régularité, la capacité et les tarifs soient adaptés aux besoins des habitants et du tourisme, afin de mieux assurer la continuité entre l'outre-mer et la Métropole.
Par ailleurs, le Gouvernement a mené à bien ou engagé de profondes réformes institutionnelles pour l'outre-mer.
Il ne s'agit pas de réaliser des changements statutaires pour eux-mêmes. Plus d'un demi-siècle après la refondation des statuts de l'outre-mer, l'objectif est celui d'une meilleure adaptation de l'organisation institutionnelle de l'outre-mer, dans sa diversité, pour tenir compte des aspirations à plus de responsabilités et de la nécessité de favoriser un développement économique plus autonome.
Une solution a été trouvée en 1998 pour la Nouvelle-Calédonie, alors que lorsque le Gouvernement s'est installé, en 1997, à la veille de l'échéance des dix ans de l'accord de Matignon, on semblait être dans l'impasse. L'accord de Nouméa, fruit de la lucidité des responsables politiques calédoniens, de la confiance des habitants et de la volonté du Gouvernement, a tracé, pour 20 ans, un avenir de paix et des perspectives prometteuses de développement.
Mayotte, qui affirmait depuis 25 ans, sans être entendue, sa volonté de rester française tout en préservant son identité et ses traditions, a vu sa place clairement définie au sein de la République, dans un statut évolutif, élaboré en concertation avec ses élus et massivement approuvé par la population.
Pour les départements d'outre-mer, le Gouvernement a voulu fixer, dans la loi d'orientation, une procédure démocratique pour franchir, si les populations concernées le souhaitent, une nouvelle étape institutionnelle, respectant les attentes propres de chaque département.
Des élus des Antilles et de Guyane ont exprimé le souhait d'une évolution de leur organisation institutionnelle qui permette de leur assurer, au sein de la République et dans l'Union européenne, une meilleure reconnaissance de leurs spécificités. Les Réunionnais, au contraire, préfèrent conserver leur organisation administrative actuelle.
Conformément à la loi d'orientation, les congrès des trois départements d'Amérique ont engagé des discussions. En Guyane, elles ont abouti à un ensemble de propositions, auxquelles M. Christian Paul vient d'apporter une première réponse.
Pour que la démarche engagée se poursuive dans la clarté, je souhaite rappeler quatre principes, qui me semblent essentiels.
Le premier est celui de l'unité de la République. Les populations des départements d'outre-mer y sont profondément attachées. Il implique que le respect des grands principes de notre droit y demeure pleinement garanti.
Le second est celui du lien avec l'Europe. Pour le maintenir, ce que me semblent souhaiter très généralement les responsables des départements d'outre-mer, il est nécessaire que les règles européennes continuent de s'y appliquer, dans les conditions prévues par les traités.
Le troisième est celui de l'égalité des droits, qui est à mes yeux au cur du pacte républicain avec l'outre-mer. Au moment où l'égalité sociale, cette grande exigence de la gauche, va atteindre pratiquement sa dernière étape dans les DOM avec l'alignement du RMI au 1er janvier prochain, je ne pourrais approuver une évolution institutionnelle qui conduirait à une régression des droits sociaux.
Le quatrième principe est celui de la consultation préalable des populations. L'approbation des populations doit intervenir, à mon sens, avant toute éventuelle révision constitutionnelle, car on ne saurait préjuger la volonté des populations d'outre-mer à cet égard. Le Gouvernement a veillé à ce que cette consultation, que la Constitution autorise outre-mer, soit prévue dans la procédure définie par la loi d'orientation.
Dans ces conditions, une évolution institutionnelle différenciée, pour les trois départements d'outre-mer qui ont engagé cette réflexion, évolution qui ne porterait atteinte pas à l'unité de la République et aurait obtenu l'approbation de la population concernée, pourrait recueillir le soutien du Gouvernement.
Certaines des évolutions proposées pourraient nécessiter une révision de la Constitution. Dès lors que l'accord des populations sur une évolution institutionnelle impliquant une telle révision aurait été exprimé, celle-ci pourrait être engagée au début de la prochaine législature, si les pouvoirs publics en fonction à ce moment le décidaient. Une fois cette révision réalisée, le Parlement pourrait être saisi de projets de lois comportant des dispositions statutaires distinctes pour chacune des collectivités d'outre-mer concernées.
Mesdames et Messieurs les Maires, j'ai voulu, par ma présence parmi vous aujourd'hui, vous assurer de ma volonté de rendre toujours plus solide et plus riche la relation profonde qui unit les collectivités d'outre-mer à la République. J'ai voulu le manifester publiquement, car il est bon de rappeler à nos compatriotes de Métropole toute l'importance de l'outre-mer pour notre pays.
A cet égard, je voudrais faire écho au Maire de Paris qui a évoqué dans son intervention le projet de création d'une Cité des Outre-Mers à Paris. Le Gouvernement a décidé de soutenir pleinement ce projet. Cet établissement aura pour vocation de mettre en valeur les cultures et les savoir-faire de tous les outre-mers français. Il offrira aux associations animées par des originaires de l'outre-mer un centre de ressources. Je remercie Bertrand Delanoë d'avoir accepté de s'engager aux côtés de l'État pour la réalisation de cette cité. J'ai demandé à la ministre de la culture et de la communication, Mme Catherine Tasca et au Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul, de désigner rapidement une mission de préfiguration.
Je relève aussi que, dans le même esprit, de nombreux élus et personnalités culturelles de grand renom de l'outre-mer ont manifesté leur désir que soit créée une radio publique sur la bande FM, pour Paris et l'Ile-de-France. Elle fera mieux connaître la richesse des cultures de l'outre-mer.
Mesdames et Messieurs,
Des femmes et des hommes de l'outre-mer que j'ai eu la chance de rencontrer, j'ai beaucoup appris et notamment ceci : pour comprendre l'outre-mer, il faut l'aimer et l'aimer c'est d'abord le respecter. C'était le sens de l'interpellation inscrite, en créole, sur une banderole lors de mon dernier voyage à la Réunion : " Nous ne voulons pas plus, nous ne voulons pas moins : respectez-nous ! ".
Cette exigence de dignité est essentielle. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs les Maires, du respect que devant vous, j'exprime aujourd'hui pour les élus et pour tous nos compatriotes de l'outre-mer.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 novembre 2001)