Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à vous exprimer ma grande satisfaction de participer à cette journée nationale " justice et ville ".
Depuis le 27 avril, vous avez été plus d'un millier à participer à cette démarche des rencontres " justice/ville " Magistrats, élus, chefs de projets ville, acteurs de la prévention et de l'accès au droit, membres des réseaux associatifs, vous veniez de différents horizons, mais vous étiez réunis par une volonté commune : réfléchir aux nouveaux positionnements de la justice et du droit dans les villes.
De Montpellier à Paris, en passant par Le Mans, Evry et Les Mureaux, et maintenant à Lyon, vous avez échangé vos expériences, repéré nos succès comme nos difficultés et ainsi permis de jeter les bases d'un nouveau départ, à la fois pour la politique de la ville et pour la justice. La première rencontre de ce type s'était tenue en 1991, sous l'égide d'Henri NALLET, Garde des Sceaux et de Michel DEBELARRE, Ministre de la Ville.
Trois années après la création de la délégation interministérielle à la ville, le ministère de la justice avait éprouvé le besoin de faire le point des raisons qui justifiaient un travail en commun des acteurs de justice et des acteurs de la politique de la ville, et de commencer à réfléchir aux dispositifs qui pouvaient permettre cette action commune.
Le titre n'a pas changé (" justice et ville "), mais nous avons fait, grâce à ces pionniers, beaucoup de chemin, depuis ces dix ans. Si vous feuilletez le guide méthodologique que nous vous avons distribué, vous verrez le foisonnement des actions menées au plan local, et la consolidation de dispositifs nationaux qui témoignent de l'engagement de nombreux magistrats et fonctionnaires de justice dans la politique judiciaire de la ville.
Depuis 1991, notamment, sont nés deux réseaux nouveaux et importants :
D'une part, celui de la justice de proximité. En juin 1991 s'ouvrait à peine la MJD de Cergy. A présent, il existe 72 maisons de justice et du droit, et 59 antennes de justice. Plusieurs centaines d'intervenants, bénévoles et professionnels, agissent dans ce réseau, placé en plein cur de nos villes
D'autre part, celui de l'accès au droit. En juillet 1991 était adoptée la première loi instaurant, à côté de l'aide juridictionnelle, une aide à l'accès au droit. Il existe aujourd'hui une cinquantaine de conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD)
C'est-à-dire que nous avons désormais les moyens, grâce à des acteurs, à des dispositifs, à des lois, de dépasser les bonnes intentions, et les déclarations de principe, pour changer réellement le rapport des habitants des villes à leur droit et à leur justice.
*
* *
Agir en faveur du droit dans les villes, c'est agir en faveur d'une nouvelle qualité de vie, d'une nouvelle urbanité, où la fraternité l'emporterait sur la violence, et la négociation sur les rapports de force.
L'univers des villes est paradoxal et complexe : à la fois plus libre et plus dur.
Les villes multiplient certainement les occasions de rencontres, d'élargissement des horizons, d'émancipation, mais elles suscitent aussi de nouveaux malentendus, des conflits, parfois de la violence et de l'exclusion.
Il y a en ville de quoi se rapprocher d'autrui et de quoi s'en éloigner, de quoi comprendre et de quoi se méprendre, de quoi s'unir et de quoi se déchirer.
Toutes ces interactions, toutes ces rencontres entre des personnes et des groupes de plus en plus différents dans leurs histoires, leurs langues, leurs conduites, comment assurer qu'elles se produisent dans la sérénité plutôt que dans l'inquiétude, dans la paix civile plutôt que dans l'insécurité ?
Bien sûr il nous faut agir, et ce gouvernement s'y emploie, pour améliorer sans cesse les conditions de transport et d'habitat, rénover notre urbanisme, diminuer les inégalités sociales et territoriales, juguler le chômage, briser les ghettos
Ce sont les axes majeurs des contrats de ville et des grands projets de ville auxquels nous allons travailler jusqu'en 2006.
Mais il nous faut également trouver ce point d'appui solide, qui incarnerait l'existence d'un bien commun, d'une référence qui irait au delà des diversités.
Ce besoin de règle, qui ne doit pas être confondu avec la nostalgie de disciplines désuètes, car il s'articule avec un besoin d'autonomie, de liberté et de dignité est une attente forte de nos concitoyens.
La demande de droit est d'ailleurs en constante augmentation : dans notre société moderne mais complexe, Il faut pouvoir accéder à la connaissance des règles de jeu, il faut pouvoir accéder au droit et à la sécurité que son application peut apporter.
C'est par l'accès au droit, à un droit plus ouvert et plus disponible que les citoyens se retrouveront non seulement avec leur Justice, mais se sentiront aussi appartenir à part entière à la société qui est la nôtre en la comprenant mieux et en percevant mieux pour ce qu'est la loi : un outil de cohésion sociale et non une contrainte extérieure imposée par une autorité supérieure et dans laquelle ils ne se reconnaîtraient pas.
Ici est la clef qui permettra dans les années à venir de mieux unir les efforts des acteurs de justice et des acteurs de la ville, sur la base d'un souci partagé.
*
* *
En même temps, nous sentons bien que nous ne sommes qu'au début d'une " grande transformation ".
*
* *
Je souhaite que l'institution judiciaire, dont le rôle est trop souvent sous estimé dans l'amélioration des conditions de vie en ville, prenne toute sa part dans cet immense chantier du 21éme siècle qu'est la politique de la ville.
Je veillerai à ce qu'elle s'inscrive toujours mieux, dans le respect de ses missions spécifiques, dans tous les dispositifs partenariaux, des contrats locaux de sécurité aux contrats de ville, des conseils communaux de prévention de la délinquance aux grands projets de ville. La politique judiciaire de la ville n'est pas isolée : elle s'inscrit dans un cadre général, qui est celui de la politique de la ville, interministérielle par définition.
La ville est un espace où tous les services publics sont présents. Mais ils ne peuvent envoyer des messages contradictoires aux habitants. Il faut donc penser et organiser l'interaction de tous les services de l'Etat en ville. C'est la fonction de la politique de la ville. La justice ne peut se tenir à l'écart de cette interministérialité : elle aussi est un service public.
Service spécifique compte tenu de ses missions, et du statut particulier des magistrats, tels qu'ils sont déterminés dans l'ordre constitutionnel, il est important que cette spécificité soit reconnue par tous les acteurs de la ville : cela conditionne tant le succès du partenariat que la pérennité des actions engagées.
Il est bien clair que nous ne demandons pas aux magistrats du siége et du parquet de cesser d'être eux-mêmes en s'engageant dans les dispositifs partenariaux, nous leur demandons d'y être des porteurs de droit.
Les moyens dédiés à l'administration centrale pour mettre en uvre la politique judiciaire de la ville ont été améliorés, avec le renforcement du secrétariat général pour la coordination de la politique de la ville du Ministère de la justice.
Un guide méthodologique, je l'ai dit, vient d'être édité, fruit d'un travail qui avait été lancé il y a un an et demi et d'une coopération que je trouve exemplaire entre les acteurs locaux et l'administration centrale. Il a permis une indispensable clarification doctrinale, et, en même temps, de faire le point sur les innombrables actions locales qui, depuis des années, concrétisent l'action judiciaire dans la ville.
Si les moyens de l'administration centrale ont été améliorés, il est aujourd'hui nécessaire de soutenir aussi l'action engagée par de nombreux magistrats dans les tribunaux pour la mise en uvre de la politique de la ville ou de l'accès au droit.
Action de proximité avec les citoyens ;
Action quotidienne ;
Action parfois peu reconnue.
Et pourtant, comme le soulignait une juge lors de la rencontre de Montpellier sur l'accès au droit : un travail en amont avec les différents acteurs sociaux permet à moyen terme de limiter les contentieux, en matière d'expulsion de logement par exemple.
Et pourtant, c'est aussi par l'implication des magistrats dans la ville que l'action de la justice devient plus visible, plus lisible pour tous, et que la loi peut être mieux comprise.
Je crois beaucoup au rôle de messager de la loi que peut avoir le juge dans la cité.
C'est pourquoi j'ai décidé de donner des moyens nouveaux aux tribunaux qui s'inscriront dans cette dynamique.
Ainsi, dans le cadre des départements prioritaires de la Politique de la Ville, les projets de juridiction comportant l'identification d'un magistrat affecté à mi temps pour la coordination de la politique de la ville et de l'accès au droit bénéficieront d'une création de poste en 2002 et de l'affectation prioritaire au sein du mouvement qui s'en suivra.
Des crédits ville seront alloués aux cellules départementales Justice/Ville que ces magistrats animeront à hauteur de 100.000 Frs par site. Ces moyens seront également offerts à même hauteur pour soutenir les correspondants ville des Cours d'Appel correspondantes.
J'attends donc des projets pour l'automne.
Des magistrats plus présents dans la cité mais aussi comme je l'ai rappelé un droit plus accessible : 100 points d'accès au droit seront crées dans les sites prioritaires de la politique de la ville :
Parce que la demande de droit est encore plus importante dans les quartiers défavorisés ;
Parce que l'accès au droit y est encore plus difficile ;
Parce que la distance entre la loi et les citoyens paraît là plus grande encore
Dans la création de ces points d'accès au droit, je souhaite en particulier que l'accès aux dossiers des juges des enfants concernant le placement ou le suivi éducatif des enfants soit facilité pour les familles et accompagné, dans l'esprit de la réforme de l'assistance éducative que j'ai engagée suite à la remise du Rapport du Président DESCHAMPS.
Sur ces 100 points d'accès au droit, 10 seront installés dans les prisons, à destination des familles des détenus.
Parce que, pour elles aussi, le déficit en droit est énorme, et creusé par l'incarcération d'un des leurs.
Nous savons tous que les problèmes de logement et de prestations sociales deviennent souvent cruciaux dans une telle situation.
Le maintien des liens familiaux est un gage de réinsertion : celui-ci doit, s'exercer avec une famille qui doit pouvoir rester digne.
Pour cette mesure également, des crédits ville seront alloués : 100.000 Frs par point d'accès au droit.
Les projets seront financés prioritairement dans le cadre des Conseils Départementaux d'Accès au Droit.
Mais la politique d'accès au droit doit aussi dans un démocratie s'accompagner d'une politique de développement de la culture du droit pour tous.
C'est dans cet esprit qu'avec l'aide du Fonds d'Innovation du Ministère de la Ville, qui représente pour 2002 une enveloppe de 3 MF nous nous attacherons à :
Promouvoir tous les outils pédagogiques qui peuvent être mis en place dans cet esprit, que ce soit à l'école ou dans la ville, par des institutions comme la Direction de la Protection de la Jeunesse et son exposition 13-18 par exemple, ou par des associations dont la richesse et le pouvoir d'initiative nous ont été une fois de plus révélés lors de ces rencontres Justice/Ville.
Et à :
Développer le volet citoyen contenu dans les sanctions prononcées à l'encontre des jeunes, que ce soit dans le cadre de la réparation ou dans celui de l'obligation de formation civique énoncée lors du dernier Conseil de Sécurité Intérieure du 30 janvier 2001.
Enfin,
Parce que la Justice ne peut seule répondre à la délinquance ;
Parce que la Justice ne peut seule prévenir de la récidive,
je favoriserai la mise en uvre de toutes les actions visant à impliquer, à mobiliser la société civile dans le soutien qu'elle peut apporter à l'exécution des sanctions alternatives à l'incarcération et à la réinsertion.
Claude BARTOLONE s'inscrira également, je le sais, dans cette volonté de travail conjoint pour satisfaire le besoin de plus grande proximité de nos concitoyens.
C'est ainsi un vaste champ d'opérations qui s'ouvre à nous.
Nous pouvons susciter la mobilisation d'adultes dans le parrainage de jeunes en difficulté ou en situation de délinquance.
Nous pouvons impliquer des personnes ressources en matière d'emploi et de formation au soutien de l'action des services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Nous devons rester vigilants et attentifs pour promouvoir de manière concrète ce qui rapproche la Justice de la Ville, c'est à dire ce qui permet aux habitants de la ville de bénéficier dans les meilleurs conditions du service public de la justice.Car la Justice n'est pas que l'institution qui règle les situations au cas par cas au travers des décisions individuelles qu'elle rend. Elle est aussi, dans sa globalité, un instrument fondamental de régulation qui doit permettre de faire vivre le droit dans nos villes afin de les rendre meilleures à vivre.
On parle quelquefois du droit de la jungle pour désigner l'absence de droit. A l'opposé, nous devons promouvoir le droit dans la ville, le droit dans la vie.
Je vous remercie.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 19 juin 2001)
Je tiens à vous exprimer ma grande satisfaction de participer à cette journée nationale " justice et ville ".
Depuis le 27 avril, vous avez été plus d'un millier à participer à cette démarche des rencontres " justice/ville " Magistrats, élus, chefs de projets ville, acteurs de la prévention et de l'accès au droit, membres des réseaux associatifs, vous veniez de différents horizons, mais vous étiez réunis par une volonté commune : réfléchir aux nouveaux positionnements de la justice et du droit dans les villes.
De Montpellier à Paris, en passant par Le Mans, Evry et Les Mureaux, et maintenant à Lyon, vous avez échangé vos expériences, repéré nos succès comme nos difficultés et ainsi permis de jeter les bases d'un nouveau départ, à la fois pour la politique de la ville et pour la justice. La première rencontre de ce type s'était tenue en 1991, sous l'égide d'Henri NALLET, Garde des Sceaux et de Michel DEBELARRE, Ministre de la Ville.
Trois années après la création de la délégation interministérielle à la ville, le ministère de la justice avait éprouvé le besoin de faire le point des raisons qui justifiaient un travail en commun des acteurs de justice et des acteurs de la politique de la ville, et de commencer à réfléchir aux dispositifs qui pouvaient permettre cette action commune.
Le titre n'a pas changé (" justice et ville "), mais nous avons fait, grâce à ces pionniers, beaucoup de chemin, depuis ces dix ans. Si vous feuilletez le guide méthodologique que nous vous avons distribué, vous verrez le foisonnement des actions menées au plan local, et la consolidation de dispositifs nationaux qui témoignent de l'engagement de nombreux magistrats et fonctionnaires de justice dans la politique judiciaire de la ville.
Depuis 1991, notamment, sont nés deux réseaux nouveaux et importants :
D'une part, celui de la justice de proximité. En juin 1991 s'ouvrait à peine la MJD de Cergy. A présent, il existe 72 maisons de justice et du droit, et 59 antennes de justice. Plusieurs centaines d'intervenants, bénévoles et professionnels, agissent dans ce réseau, placé en plein cur de nos villes
D'autre part, celui de l'accès au droit. En juillet 1991 était adoptée la première loi instaurant, à côté de l'aide juridictionnelle, une aide à l'accès au droit. Il existe aujourd'hui une cinquantaine de conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD)
C'est-à-dire que nous avons désormais les moyens, grâce à des acteurs, à des dispositifs, à des lois, de dépasser les bonnes intentions, et les déclarations de principe, pour changer réellement le rapport des habitants des villes à leur droit et à leur justice.
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Agir en faveur du droit dans les villes, c'est agir en faveur d'une nouvelle qualité de vie, d'une nouvelle urbanité, où la fraternité l'emporterait sur la violence, et la négociation sur les rapports de force.
L'univers des villes est paradoxal et complexe : à la fois plus libre et plus dur.
Les villes multiplient certainement les occasions de rencontres, d'élargissement des horizons, d'émancipation, mais elles suscitent aussi de nouveaux malentendus, des conflits, parfois de la violence et de l'exclusion.
Il y a en ville de quoi se rapprocher d'autrui et de quoi s'en éloigner, de quoi comprendre et de quoi se méprendre, de quoi s'unir et de quoi se déchirer.
Toutes ces interactions, toutes ces rencontres entre des personnes et des groupes de plus en plus différents dans leurs histoires, leurs langues, leurs conduites, comment assurer qu'elles se produisent dans la sérénité plutôt que dans l'inquiétude, dans la paix civile plutôt que dans l'insécurité ?
Bien sûr il nous faut agir, et ce gouvernement s'y emploie, pour améliorer sans cesse les conditions de transport et d'habitat, rénover notre urbanisme, diminuer les inégalités sociales et territoriales, juguler le chômage, briser les ghettos
Ce sont les axes majeurs des contrats de ville et des grands projets de ville auxquels nous allons travailler jusqu'en 2006.
Mais il nous faut également trouver ce point d'appui solide, qui incarnerait l'existence d'un bien commun, d'une référence qui irait au delà des diversités.
Ce besoin de règle, qui ne doit pas être confondu avec la nostalgie de disciplines désuètes, car il s'articule avec un besoin d'autonomie, de liberté et de dignité est une attente forte de nos concitoyens.
La demande de droit est d'ailleurs en constante augmentation : dans notre société moderne mais complexe, Il faut pouvoir accéder à la connaissance des règles de jeu, il faut pouvoir accéder au droit et à la sécurité que son application peut apporter.
C'est par l'accès au droit, à un droit plus ouvert et plus disponible que les citoyens se retrouveront non seulement avec leur Justice, mais se sentiront aussi appartenir à part entière à la société qui est la nôtre en la comprenant mieux et en percevant mieux pour ce qu'est la loi : un outil de cohésion sociale et non une contrainte extérieure imposée par une autorité supérieure et dans laquelle ils ne se reconnaîtraient pas.
Ici est la clef qui permettra dans les années à venir de mieux unir les efforts des acteurs de justice et des acteurs de la ville, sur la base d'un souci partagé.
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En même temps, nous sentons bien que nous ne sommes qu'au début d'une " grande transformation ".
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Je souhaite que l'institution judiciaire, dont le rôle est trop souvent sous estimé dans l'amélioration des conditions de vie en ville, prenne toute sa part dans cet immense chantier du 21éme siècle qu'est la politique de la ville.
Je veillerai à ce qu'elle s'inscrive toujours mieux, dans le respect de ses missions spécifiques, dans tous les dispositifs partenariaux, des contrats locaux de sécurité aux contrats de ville, des conseils communaux de prévention de la délinquance aux grands projets de ville. La politique judiciaire de la ville n'est pas isolée : elle s'inscrit dans un cadre général, qui est celui de la politique de la ville, interministérielle par définition.
La ville est un espace où tous les services publics sont présents. Mais ils ne peuvent envoyer des messages contradictoires aux habitants. Il faut donc penser et organiser l'interaction de tous les services de l'Etat en ville. C'est la fonction de la politique de la ville. La justice ne peut se tenir à l'écart de cette interministérialité : elle aussi est un service public.
Service spécifique compte tenu de ses missions, et du statut particulier des magistrats, tels qu'ils sont déterminés dans l'ordre constitutionnel, il est important que cette spécificité soit reconnue par tous les acteurs de la ville : cela conditionne tant le succès du partenariat que la pérennité des actions engagées.
Il est bien clair que nous ne demandons pas aux magistrats du siége et du parquet de cesser d'être eux-mêmes en s'engageant dans les dispositifs partenariaux, nous leur demandons d'y être des porteurs de droit.
Les moyens dédiés à l'administration centrale pour mettre en uvre la politique judiciaire de la ville ont été améliorés, avec le renforcement du secrétariat général pour la coordination de la politique de la ville du Ministère de la justice.
Un guide méthodologique, je l'ai dit, vient d'être édité, fruit d'un travail qui avait été lancé il y a un an et demi et d'une coopération que je trouve exemplaire entre les acteurs locaux et l'administration centrale. Il a permis une indispensable clarification doctrinale, et, en même temps, de faire le point sur les innombrables actions locales qui, depuis des années, concrétisent l'action judiciaire dans la ville.
Si les moyens de l'administration centrale ont été améliorés, il est aujourd'hui nécessaire de soutenir aussi l'action engagée par de nombreux magistrats dans les tribunaux pour la mise en uvre de la politique de la ville ou de l'accès au droit.
Action de proximité avec les citoyens ;
Action quotidienne ;
Action parfois peu reconnue.
Et pourtant, comme le soulignait une juge lors de la rencontre de Montpellier sur l'accès au droit : un travail en amont avec les différents acteurs sociaux permet à moyen terme de limiter les contentieux, en matière d'expulsion de logement par exemple.
Et pourtant, c'est aussi par l'implication des magistrats dans la ville que l'action de la justice devient plus visible, plus lisible pour tous, et que la loi peut être mieux comprise.
Je crois beaucoup au rôle de messager de la loi que peut avoir le juge dans la cité.
C'est pourquoi j'ai décidé de donner des moyens nouveaux aux tribunaux qui s'inscriront dans cette dynamique.
Ainsi, dans le cadre des départements prioritaires de la Politique de la Ville, les projets de juridiction comportant l'identification d'un magistrat affecté à mi temps pour la coordination de la politique de la ville et de l'accès au droit bénéficieront d'une création de poste en 2002 et de l'affectation prioritaire au sein du mouvement qui s'en suivra.
Des crédits ville seront alloués aux cellules départementales Justice/Ville que ces magistrats animeront à hauteur de 100.000 Frs par site. Ces moyens seront également offerts à même hauteur pour soutenir les correspondants ville des Cours d'Appel correspondantes.
J'attends donc des projets pour l'automne.
Des magistrats plus présents dans la cité mais aussi comme je l'ai rappelé un droit plus accessible : 100 points d'accès au droit seront crées dans les sites prioritaires de la politique de la ville :
Parce que la demande de droit est encore plus importante dans les quartiers défavorisés ;
Parce que l'accès au droit y est encore plus difficile ;
Parce que la distance entre la loi et les citoyens paraît là plus grande encore
Dans la création de ces points d'accès au droit, je souhaite en particulier que l'accès aux dossiers des juges des enfants concernant le placement ou le suivi éducatif des enfants soit facilité pour les familles et accompagné, dans l'esprit de la réforme de l'assistance éducative que j'ai engagée suite à la remise du Rapport du Président DESCHAMPS.
Sur ces 100 points d'accès au droit, 10 seront installés dans les prisons, à destination des familles des détenus.
Parce que, pour elles aussi, le déficit en droit est énorme, et creusé par l'incarcération d'un des leurs.
Nous savons tous que les problèmes de logement et de prestations sociales deviennent souvent cruciaux dans une telle situation.
Le maintien des liens familiaux est un gage de réinsertion : celui-ci doit, s'exercer avec une famille qui doit pouvoir rester digne.
Pour cette mesure également, des crédits ville seront alloués : 100.000 Frs par point d'accès au droit.
Les projets seront financés prioritairement dans le cadre des Conseils Départementaux d'Accès au Droit.
Mais la politique d'accès au droit doit aussi dans un démocratie s'accompagner d'une politique de développement de la culture du droit pour tous.
C'est dans cet esprit qu'avec l'aide du Fonds d'Innovation du Ministère de la Ville, qui représente pour 2002 une enveloppe de 3 MF nous nous attacherons à :
Promouvoir tous les outils pédagogiques qui peuvent être mis en place dans cet esprit, que ce soit à l'école ou dans la ville, par des institutions comme la Direction de la Protection de la Jeunesse et son exposition 13-18 par exemple, ou par des associations dont la richesse et le pouvoir d'initiative nous ont été une fois de plus révélés lors de ces rencontres Justice/Ville.
Et à :
Développer le volet citoyen contenu dans les sanctions prononcées à l'encontre des jeunes, que ce soit dans le cadre de la réparation ou dans celui de l'obligation de formation civique énoncée lors du dernier Conseil de Sécurité Intérieure du 30 janvier 2001.
Enfin,
Parce que la Justice ne peut seule répondre à la délinquance ;
Parce que la Justice ne peut seule prévenir de la récidive,
je favoriserai la mise en uvre de toutes les actions visant à impliquer, à mobiliser la société civile dans le soutien qu'elle peut apporter à l'exécution des sanctions alternatives à l'incarcération et à la réinsertion.
Claude BARTOLONE s'inscrira également, je le sais, dans cette volonté de travail conjoint pour satisfaire le besoin de plus grande proximité de nos concitoyens.
C'est ainsi un vaste champ d'opérations qui s'ouvre à nous.
Nous pouvons susciter la mobilisation d'adultes dans le parrainage de jeunes en difficulté ou en situation de délinquance.
Nous pouvons impliquer des personnes ressources en matière d'emploi et de formation au soutien de l'action des services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Nous devons rester vigilants et attentifs pour promouvoir de manière concrète ce qui rapproche la Justice de la Ville, c'est à dire ce qui permet aux habitants de la ville de bénéficier dans les meilleurs conditions du service public de la justice.Car la Justice n'est pas que l'institution qui règle les situations au cas par cas au travers des décisions individuelles qu'elle rend. Elle est aussi, dans sa globalité, un instrument fondamental de régulation qui doit permettre de faire vivre le droit dans nos villes afin de les rendre meilleures à vivre.
On parle quelquefois du droit de la jungle pour désigner l'absence de droit. A l'opposé, nous devons promouvoir le droit dans la ville, le droit dans la vie.
Je vous remercie.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 19 juin 2001)