Déclaration de Mme Estelle Grellier, secrétaire d'Etat aux collectivités locales, sur les objectifs de la réforme territoriale concernant les communes rurales, au Sénat le 21 février 2017.

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Circonstance : Débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, sur le thème : "Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ?", au Sénat le 21 février 2017

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, sur le thème : « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? ».
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier le groupe communiste républicain et citoyen d'avoir pris l'initiative de l'organisation de ce débat aujourd'hui.
Il intervient en toute fin de session parlementaire, signe que, jusqu'au bout de la législature, la Chambre Haute aura pleinement joué son rôle constitutionnel de représentante des collectivités territoriales.
Je veux d'emblée, dès l'introduction de mon propos, saluer l'engagement de votre assemblée autour des sujets qui intéressent les territoires. Je fais partie de cette génération d'élus locaux qui n'a connu qu'un État décentralisé, et qui pense que les solutions pour nos concitoyens s'élaborent aussi, et peut-être d'abord, à l'échelle locale.
Puisque nous sommes appelés à nous revoir un peu moins souvent, permettez-moi de saluer l'implication du Sénat sur ces questions et la qualité de son travail législatif.
De plus, au moment où s'ouvre le temps de la campagne présidentielle, je ne peux malheureusement que constater, j'imagine, comme vous, que les enjeux territoriaux peinent à émerger dans les débats nationaux. Or je suis convaincue que ces questions ne doivent pas rester le parent pauvre des prochaines échéances électorales, car lorsque l'on parle de collectivités territoriales, on parle en réalité du cadre d'organisation des services publics locaux et donc de la vie quotidienne de nos concitoyens. Il nous revient, chacun à notre place et avec nos convictions, de plaider pour que ces sujets émergent.
Le débat qui nous réunit aujourd'hui permet de remettre en perspective l'ensemble de ces éléments et de redonner cette vision globale si chère au président Mézard.
La réforme territoriale menée sous ce quinquennat, qui a permis de clarifier le « qui fait quoi ? », était une nécessité largement admise, à droite comme à gauche, mais sa réalisation en avait sans cesse été repoussée. Le Gouvernement, quoi que l'on pense de cette réforme – j'ai bien écouté chacune de vos interventions –, s'y est attelé.
Les régions sont désormais d'une taille adaptée au concert européen et sont dotées de compétences stratégiques en matière d'aménagement du territoire et de développement économique.
M. Jean-Pierre Bosino. À quel prix !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Elles disposent d'outils puissants pour les assurer : le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, dont l'entrée en vigueur est prévue en 2017, et le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Ils doivent constituer de véritables stratégies globales et cohérentes.
Les départements, à la faveur d'un large débat parlementaire sur leur devenir, ont été quant à eux confortés dans leurs missions en matière de solidarités humaines et territoriales, et même renforcés sur la question de l'ingénierie territoriale et sur le cadre de l'élaboration du schéma d'accessibilité des services publics. En outre, ils interviendront toujours dans les domaines de compétences partagées comme le sport, la culture ou le tourisme, pour lesquels ils conservent une échelle d'intervention pertinente.
L'un des piliers de la réforme territoriale est la refonte de la carte intercommunale. J'en profite pour saluer à mon tour, à l'instar de MM. Labbé et Raynal, l'excellent rapport de M. Alain Bertrand sur l'hyper-ruralité. Simplement, je rappelle que l'une de ses quatre recommandations était la constitution d'intercommunalités fortes. Je crois que cette piste a été pleinement suivie dans le cadre de la loi NOTRe, avec un seuil remonté de 5 000 habitants à 15 000 habitants et adapté en fonction de la densité démographique des départements. Cette disposition est le fruit d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat trouvé en commission mixte paritaire.
Les intercommunalités étant les relais au niveau local des grandes orientations stratégiques portées par les régions, la priorité était donc de leur donner des périmètres adaptés aux bassins de vie des habitants, qui sont les territoires de la vie quotidienne des Français.
Au 1er janvier 2016, la France comptait 2 062 EPCI ; elle en compte désormais 1 266. Pour répondre à ceux qui ont évoqué les travaux en commission départementale de coopération intercommunale, je rappelle que 85 % des périmètres soumis à la discussion ont été validés par les élus dans le cadre de ces commissions, qui ont donné lieu à une grande mobilisation des élus. Cela représente une réduction de 39 % du nombre des structures.
Les intercommunalités pourront ainsi exercer au mieux les nouvelles compétences qui leur seront transférées : en 2017, la collecte et le traitement des déchets, même si, nous le savons, de nombreuses intercommunalités disposent déjà de cette compétence, ainsi que l'économie et l'accueil des gens du voyage ; en 2018, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ; en 2020, de manière obligatoire, l'eau et l'assainissement – j'ai d'ailleurs bien entendu les préoccupations du Sénat à ce sujet.
Ce renforcement des intercommunalités n'est pas un mouvement supracommunal. Je suis, comme vous le savez et comme vous me le reprochez parfois aussi, une fervente militante de l'intercommunalité. Pour autant, je n'ai jamais considéré que celle-ci s'opposait au fait communal.
Je n'ai d'ailleurs jamais bien compris cette opposition, puisque les assemblées communautaires sont formées d'élus municipaux. Au contraire, je crois profondément en leur complémentarité. En écho à ce que disait M. Delcros, je pense plus largement que la commune conserve toute sa place dans cette nouvelle organisation territoriale en tant qu'échelon de proximité et de solidarité. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.)
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu'elle conserve sa clause de compétence générale, contrairement aux autres niveaux de collectivité, car la commune, comme vous l'avez tous rappelé avec conviction, incarne cette proximité, non seulement symboliquement et affectivement, mais également de façon concrète. En effet, nous le savons, les administrés se tournent d'abord vers le maire dans la vie quotidienne pour quantité de démarches. La commune demeure l'épine dorsale de notre pays, même s'il ne faut pas sous-estimer les tendances lourdes qui la traversent, comme en témoigne d'ailleurs l'abstention grandissante, y compris lors des scrutins municipaux.
J'ajoute, car je ne veux pas cacher ce point sous le tapis, tout en espérant un soutien actif d'un certain nombre de sénateurs et sénatrices, que la modernité d'un échelon a aussi à voir avec sa capacité à s'ouvrir aux femmes. Or je ne peux, comme vous tous, j'imagine, me satisfaire que notre pays ne compte que 16 % de femmes maires (Mme Patricia Schillinger applaudit.), sans même parler des 8 % de femmes à la tête des intercommunalités,…
Mme Éliane Assassi. À qui la faute ? Il faut la proportionnelle intégrale !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … qui sont des lieux de décision importants, comme vous le savez.
Je sais que le renforcement de l'intercommunalité peut nourrir des craintes chez les élus municipaux. Au contraire, il me semble qu'elle permet une plus grande solidarité entre les territoires d'un bassin de vie, si variés soient-ils : territoires riches, pauvres, urbains, périurbains, ruraux.
L'intercommunalité n'a pas vocation à opposer ces territoires. À cet égard, je suis une fervente partisane des pactes financiers et fiscaux qu'il faut élaborer et approfondir partout (M. Daniel Chasseing s'exclame.), car il n'est plus acceptable d'avoir des communes pauvres dans des intercommunalités riches. À mon sens, il s'agit d'un enjeu majeur pour les intercommunalités. Dans les différentes lois de finances, nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs d'assouplissement, visant notamment les attributions de compensation, qui permettent d'établir des pactes financiers et fiscaux pour que la redistribution des richesses s'effectue aussi à l'intérieur des intercommunalités. C'est, je le répète, un enjeu important et une condition de leur réussite à venir, ainsi qu'une contrepartie du renforcement de leurs compétences.
Cette ambition de solidarité, même si le Sénat en fait un constat contrasté, est également portée par les territoires métropolitains, qui n'ont pas qu'une vocation de moteur économique, mais qui doivent également relever le défi de l'inclusion avec les territoires auprès desquels ils rayonnent spontanément. D'ailleurs, vous le savez, dans le cadre du pacte État-métropoles, le premier contrat de réciprocité ville-campagne a été signé entre la métropole de Brest et le Pays du Centre-Ouest-Bretagne. (M. Daniel Chasseing s'exclame.)
M. Jean-Marie Morisset. Les zones rurales !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. M. Canevet ne peut que souscrire à l'intérêt de cette démarche.
Je voudrais également vous dire quelques mots sur les communes nouvelles, qui représentent une manière, pour certains élus municipaux, d'envisager l'avenir du fait communal dans notre pays. Il y avait jusqu'à une date récente 36 700 communes en France. Pour un certain nombre de maires et d'équipes municipales, il existe des voies d'évolution, dans le respect des identités communales, avec les communes nouvelles. Certains estiment que le processus de fusion permet d'avoir des communes renforcées, plus efficientes, c'est-à-dire mieux à même de jouer le rôle essentiel d'échelon de proximité et de répondre à tous les besoins du quotidien des citoyens. Selon moi, ce dispositif a vocation à se développer. Il s'appuie sur des bases volontaires et la souveraineté de la décision continue d'appartenir aux conseils municipaux. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre électif que nous connaissons, les propositions visant à supprimer 30 000 communes ne me semblent ni souhaitables ni nécessaires.
La loi du 16 mars 2015, ou loi Pélissard-Pires Beaune, et, plus récemment, la loi Sido du 8 novembre 2016 ont permis de moderniser le dispositif des communes nouvelles pour le rendre plus attractif. Je vous rappelle qu'il s'agissait d'une initiative parlementaire transpartisane.
Des incitations financières, visant plus à faciliter qu'à déclencher les démarches, ont également été prévues. Notre pays a ainsi connu un essor sans précédent du nombre de création de communes nouvelles : 517 communes nouvelles ont vu le jour grâce à la fusion de plus de 1 700 communes historiques regroupant une population totale de 1,8 million d'habitants. Comme le relevait le rapport du Sénat sur le sujet, il s'agit là d'une véritable « révolution silencieuse ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des questions institutionnelles, cette réforme territoriale vise un objectif concret : maintenir partout et pour tous des services publics accessibles et de qualité et porter des politiques publiques qui encouragent le développement de nos territoires. Les communes, de par leur vocation de proximité, sont bien évidemment en première ligne pour relever ce défi.
S'agissant de l'accès à la santé, thématique peu abordée dans vos interventions, à l'exception de celles de MM. Laménie et Alain Marc, même si je sais qu'elle vous préoccupe tous, le Gouvernement a mené un politique pragmatique pour tenter de lutter contre les déserts médicaux, grâce aux 1 500 contrats d'engagement de service public à destination des étudiants, au contrat de praticien territorial de médecine générale, à la modulation régionale du numerus clausus, mais surtout grâce à la création des maisons de santé pluriprofessionnelles. Elles étaient 174 en 2012, 600 en 2014, et nous atteindrons l'objectif de 1 000 maisons en service en 2017. Le dernier comité interministériel aux ruralités a en outre prévu la création de 400 maisons supplémentaires en 2018.
Cela représente un effort considérable, même s'il ne répond pas  toutes les situations. Je sais combien les élus et les administrés sont attentifs à cette question, et je mesure tout ce qu'il reste à faire dans certains territoires.
Sur ce sujet essentiel pour l'attractivité du monde rural – qui est hétérogène et, à cet égard, je souscris aux propos de MM. Mézard et Raynal – et des villes moyennes, je nous engage à continuer à explorer toutes les pistes d'amélioration, qu'elles concernent les dispositifs nationaux ou locaux. Je crois utile que ces dernières réflexions soient conduites à l'échelle des intercommunalités pour éviter les concurrences parfois très féroces que se livrent les communes pour attirer de nouveaux professionnels de santé.
Nous ne réglerons pas cette question du jour au lendemain, et nous n'infléchirons pas des trajectoires démographiques lourdes en un claquement de doigts, mais la mobilisation des moyens et des énergies va dans le bon sens. Il faut poursuivre nos efforts.
L'école, sujet soulevé par M. Bosino, est également un objet de préoccupation fort dans les communes rurales, d'autant plus que la compétence scolaire primaire relève du bloc communal. Afin de garantir une école de qualité pour tous, partout sur le territoire, le Gouvernement a souhaité concentrer d'importants efforts sur les zones rurales.
M. Jean-Marie Morisset. On ne l'a pas ressenti !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Les territoires ruraux, quel que soit votre ressenti, bénéficient ainsi de taux d'encadrement plus favorables que ceux que l'on observe dans les territoires urbains,…
M. Jean-Marie Morisset. C'est faux !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … afin de mieux tenir compte de leurs besoins. Ils sont par ailleurs accompagnés dans leurs projets éducatifs de territoire, et les regroupements pédagogiques intercommunaux ont été favorisés, comme certains d'entre vous l'ont rappelé. Enfin les « conventions ruralité », apparues en 2014 et fortement amplifiées pour la rentrée 2016, donnent une meilleure visibilité pluriannuelle aux territoires ruraux en matière scolaire, dans un contexte de baisse des effectifs du premier degré dans certains territoires ruraux éloignés des pôles urbains, ceux dont vous avez évoqué la situation voilà quelques instants.
Je le rappelle, c'est aussi le résultat des efforts en matière de créations de postes dans l'éducation, conformément à l'engagement du Président de la République de créer 60 000 postes sur le quinquennat. (M. Jean-Marie Morisset s'exclame.) J'entends aussi sur mon territoire qu'il faut maintenir les écoles rurales. Je souscris à cet objectif, encore faut-il qu'il s'accompagne d'une politique de recrutement dans l'éducation nationale qui soit aussi à la hauteur des besoins en zone rurale.
Cet effort de proximité est également porté par les maisons de service public, qui sont adaptées aux besoins de chaque territoire. Je connais leur importance pour les territoires ruraux, qui tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs décennies sur la disparition des services publics, ce qui nourrit un véritable sentiment d'abandon dont nous mesurons bien les conséquences, y compris en termes politiques. Mille maisons de service au public sont aujourd'hui opérationnelles. C'est une belle réussite,…
M. Jean-Marie Morisset. Elles ne fonctionnent pas !
M. François Bonhomme. C'est du chiffre !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … même si, en la matière, nous ne devons jamais relâcher notre vigilance.
Comme vous le savez, il y a aussi, et j'y insiste, car c'est un sujet sur lequel les départements sont très actifs, les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public, en cours d'élaboration conjointe par les départements et l'État. Leur objectif sera de préciser les « zones blanches » sur lesquelles des maisons de services au public seraient utiles, pour, à terme, couvrir ces zones afin de garantir, sur tout le territoire, un accès aisé à une maison de service au public.
J'en viens aux questions liées à la téléphonie et au numérique, qui sont également au cœur des discussions. Mme Cukierman a fait une bonne analyse de la situation.
La résorption des zones blanches est une priorité pour le Gouvernement. On peut discuter de l'opportunité d'un soutien public, mais force est de constater que les opérateurs privés avaient fait connaître – même si on peut le regretter – leur intention de ne pas investir dans des infrastructures lourdes sur des territoires moins densément peuplés,…
M. Jean-Pierre Bosino. Eh oui, c'est moins rentable !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … et ce pour des questions de rentabilité.
Nous en avons pris acte, et une enveloppe financière de 30 millions d'euros a donc été débloquée pour prendre en charge la totalité des coûts de construction des pylônes dans les 300 centres-bourgs encore en zone blanche.
Par ailleurs, 1 400 communes seulement couvertes en 2G le seront en 3G d'ici à mi-2017, et ce par les quatre opérateurs. Enfin, en dehors des bourgs, 1 300 sites seront équipés en 3G puis en 4G d'ici à 2020, avec une participation de l'État à hauteur de 42,5 millions d'euros.
Concernant le très haut débit, dont beaucoup ont rappelé l'importance, le Gouvernement a lancé le plan très haut débit en 2013. Même si l'on peut toujours dire que c'est insuffisant, il s'agit, j'y insiste, d'un investissement massif de 20 milliards d'euros engagés par l'État et les collectivités territoriales afin d'assurer une couverture de tout le territoire d'ici à 2022. Il s'agit d'un élément d'attractivité important pour les communes, notamment rurales. Le développement de ce plan se poursuit, et 50 % de la population sera couverte par une connexion très haut débit à la fin de cette année.
M. Jean-Marie Morisset. C'est faux !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Ces mesures constituent des engagements forts envers le bloc communal, notamment en milieu rural. Elles sont pour la plupart issues des travaux des comités interministériels aux ruralités, les fameux CIR, au nombre de trois en 14 mois, et à l'origine de 104 mesures.
Pour veiller à la bonne déclinaison locale de ces différentes mesures, le Gouvernement a mis en place les contrats de ruralité, dont j'ai cru comprendre qu'ils étaient salués à peu près unanimement sur les travées de cette assemblée.
M. Jean-Marie Morisset. Il n'y a pas d'argent !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Ils mobiliseront les dispositifs de droit commun, mais bénéficieront également d'une enveloppe dédiée de 216 millions d'euros au sein du FSIL.
Plus largement, la loi de finances pour 2017 témoigne de l'importance que nous accordons au bloc communal, et plus particulièrement rural. D'une certaine façon, les chiffres illustrent tout autant, et certainement plus concrètement que les principes, l'importance que nous accordons à nos communes rurales.
Les collectivités ont pris toute leur part au redressement des comptes publics.
M. Jean-Marie Morisset. Là, on est d'accord !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. S'agissant du bloc communal, le Président de la République s'est montré à l'écoute des difficultés des maires et de leurs associations, et s'est engagé à diviser par deux leur contribution, qui passera ainsi de 2 milliards d'euros initialement prévus en 2017 à 1 milliard d'euros. (M. François Bonhomme s'exclame.)
Un mot rapide sur ce sujet,…
M. François Bonhomme. Oui, rapide !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … autour duquel tournent un certain nombre de discours orientés.
Il n'est pas vrai de dire que, dans le cadre d'un plan d'économies qui serait de 100 milliards d'euros à partir de 2017, les collectivités ne verraient pas leurs dotations baisser. La vérité, c'est qu'elles pèsent 20 % de la dépense publique locale, à côté des trois autres grands budgets de l'État que sont l'éducation nationale, la sécurité sociale et la sécurité.
Si je sais bien compter, 20 % de 100 milliards d'euros, c'est 20 milliards d'euros d'économies. Puisque ceux qui revendiquent ces mesures drastiques d'économies expliquent dans le même temps ne pas vouloir toucher au financement de la sécurité du pays, pas plus qu'ils n'entendent remettre en cause les équilibres de la sécurité sociale, ce qui est une chimère, comment font-ils ? Je vais vous le dire : économiser 20 milliards d'euros, sur une dotation globale de fonctionnement qui s'élève aujourd'hui à 30 milliards d'euros, c'est renoncer à l'allocation d'une DGF forfaitaire pour toutes les communes, c'est limiter l'expression des moyens de l'État aux collectivités à la seule péréquation. Sur ce sujet, je nous invite, les uns et les autres, à une certaine réserve.
M. François Bonhomme. Parlez-nous de l'engagement n° 54 du candidat Hollande !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Parallèlement à la baisse des dotations, les mécanismes de péréquation ont été renforcés et le seront encore en 2017, pour préserver les collectivités les plus fragiles. Les dotations de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement progresseront ainsi de 380 millions d'euros, soit un montant inédit : 180 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine, la DSU, qui sera d'ailleurs rénovée et 180 millions d'euros – un certain nombre d'entre vous ont signalé l'importance de cet effort – pour la dotation de solidarité rurale, la DSR. Entre 2012 et 2017, la DSU et la DSR auront progressé respectivement de 53 % et de 60 %, ce qui représente 900 millions d'euros de renforcement de la péréquation verticale. C'est un effort considérable à destination des territoires les plus fragiles.
Enfin, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le fameux FPIC, sera maintenu à son niveau de 1 milliard d'euros en 2017, alors qu'il était de 150 millions d'euros en 2012. Nous avons repoussé sa progression à 2018 pour prendre en compte la refonte de la carte intercommunale.
J'en profite pour préciser à M. Alain Marc que nous avons maintenu le milliard d'euros en 2017 pour éviter les ressauts en attendant la stabilisation de la carte des intercommunalités. Mais, pour nous, le principe du FPIC est bon – je le dis d'autant plus tranquillement qu'il a été mis en place sous la précédente législature –, puisqu'il visait à obtenir une péréquation horizontale entre intercommunalités, les intercommunalités les plus riches contribuant au financement d'une péréquation à destination des intercommunalités les plus pauvres.
Pour autant, nous devons poser, grâce à des simulations, le montant qui doit être affecté au FPIC, car, si la réforme territoriale a contribué, comme je le crois, à lisser un certain nombre d'inégalités entre les territoires par l'augmentation de la taille des intercommunalités, nous devrons repositionner le curseur.
Monsieur le sénateur, vous avez indiqué que l'absence de prévisibilité du FPIC était problématique. Sachez que ce point sera corrigé grâce à la refonte de la carte intercommunale, dont nous sommes unanimes pour dire qu'elle a aujourd'hui vocation à s'installer dans le temps dans les périmètres actuels, sauf à ce que les territoires, d'eux-mêmes, décident d'évoluer dans le cadre du droit commun.
Au-delà de cette progression de la péréquation, la loi de finances pour 2017 prolonge et accentue les efforts menés en 2015 et 2016 pour soutenir l'investissement local à travers le fonds de soutien à l'investissement local, le FSIL. M. Raynal a développé abondamment ce point, de même que M. le président Mézard.
Une somme de 1,2 milliard d'euros de crédits supplémentaires est mobilisée, répartie en deux enveloppes de 600 millions d'euros chacune. La première sera consacrée à de grandes priorités d'investissement définies entre l'État et les communes et intercommunalités. La seconde sera dédiée aux territoires ruraux et aux villes petites et moyennes, qui ont leurs propres difficultés et thématiques, et financera également la progression de la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, dotation très connue des élus, qui a augmenté de 62 % en trois ans pour atteindre 1 milliard d'euros en 2016, ainsi que les contrats de ruralité, que nous venons d'évoquer.
M. Chasseing m'a demandé quelle était la répartition exacte de cette somme. À question précise, réponse précise : sur 1,2 milliard d'euros, 216 millions d'euros sont consacrés aux contrats de ruralité ; 150 millions d'euros visent à alimenter le financement des actions dans le cadre des contrats État-métropoles ; 450 millions d'euros iront sur les grands projets que vous avez précédemment cités ; 384 millions d'euros viendront alimenter la DETR, pour qu'elle soit portée à 1 milliard d'euros.
Compte tenu de la division par deux de la baisse des dotations et de la stabilisation des nouvelles intercommunalités à un moment où les élus entament leurs projets de mandature, ces très importantes mesures de soutien doivent permettre de dynamiser encore la reprise de l'investissement local, qui a été amorcée.
Avant de conclure, j'aurai un mot sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui a été abondamment citée. Mme Cukierman et M. Canevet, entre autres orateurs, ont indiqué qu'ils regrettaient l'abandon de cette réforme. Il est vrai que les analyses faites par les groupes parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale ont toutes conclu que l'allocation des moyens de l'État aux collectivités n'était ni juste ni solidaire.
Fort de ce constat, et en tenant compte du fait que nous disposons d'une enveloppe normée et donc fermée, un certain nombre de scenarii ont été proposés. Celui qui a été retenu dans le cadre de l'article 150 de la loi de finances pour 2016 était une proposition de réforme qui, en effet, visait à simplifier la DGF en la faisant reposer sur trois bases : une dotation forfaitaire, une dotation de centralité, une dotation de ruralité.
Cette réforme était réputée favorable au monde rural, et je vous rappelle – les actes, les communiqués de presse et les positions des associations d'élus ont un sens ! – que l'AMF, rejointe par quasiment toutes les grandes associations d'élus pluralistes que compte notre pays, a demandé au Président de la République d'abandonner cette réforme et de conférer à cette question un statut particulier au travers d'un texte spécifique qui devra être soumis au Parlement.
C'est ainsi que les choses se sont passées. (M. Jean-Pierre Bosino s'exclame.) La réforme était plutôt favorable au monde rural. Je suis d'ailleurs toujours troublée lorsque je rencontre des élus locaux sur le territoire : ils me demandent tous la mise en œuvre de la réforme de la DGF telle qu'elle avait été inscrite. Je leur rappelle donc bien que c'est faute d'accord avec les associations d'élus, et entre les associations elles-mêmes, que nous n'avons pu porter jusqu'au bout cette réforme, qui est essentielle. Mais il faut bien être conscient qu'avec une enveloppe fermée il y a des perdants et des gagnants dans des mécanismes de solidarité qui doivent impérativement être renforcés. (M. François Bonhomme s'exclame.) Le travail mérite d'être conduit et nécessite une large concertation, appuyée sur les simulations déjà produites. Je profite de l'occasion pour saluer le grand travail qui avait été fait, notamment par le groupe parlementaire au Sénat.
En conclusion, je dirai que l'ambitieuse réforme territoriale menée par le Gouvernement depuis 2012 constitue une nouvelle étape dans le mouvement de décentralisation engagée depuis le début des années quatre-vingt. Notre organisation territoriale est désormais plus lisible, ce qui était l'objet de la clarification des compétences,…
M. François Bonhomme. Dites-le à Mme Lebranchu !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. … mais elle est également plus coopérative et plus solidaire. C'est ce qui caractérise, à mes yeux, l'« âge de la maturité » de la décentralisation. Dans cette volonté d'alliance, de coopération et de solidarité entre les territoires, les communes, et particulièrement les communes rurales, ont toute leur place, j'y insiste. Leur proximité avec les administrés fait leur force, mais elles sont également, et de plus en plus, placées dans une relation de complémentarité avec leurs intercommunalités, car c'est en partie à cette échelle, qui recouvre les bassins de vie de nos concitoyens, que peuvent se construire de réelles solidarités, qu'elles soient financières ou fiscales.
M. Jean-Pierre Bosino. Ben voyons !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Je veux vous le dire, je suis optimiste en ce qui concerne la relation entre les communes et les intercommunalités. Je la crois apaisée sur le terrain (Marques d'ironie sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), et j'ai confiance en la volonté des élus de porter leurs projets communautaires, au service de nos territoires et de nos concitoyens, dans le respect des identités communales auxquelles nous sommes tous attachés.
M. François Bonhomme. C'est un mariage forcé !
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Mon propos a été un peu long, et je vous prie de m'en excuser, mais c'est révélateur de l'intérêt que je porte à ce débat passionnant.
Pour finir, je souhaite bonne chance à celles et ceux qui se présenteront aux élections sénatoriales, et j'ai une pensée particulière pour celles et ceux qui ont décidé de ne pas solliciter de nouveau les suffrages des grands électeurs : comme l'on dit sur mon territoire lorsque l'on s'aime bien et que l'on se souhaite le meilleur : que les vents, chaque jour, vous soient favorables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Bernard Delcros applaudissent également.)
Mme la présidente. Sur ces mots très beaux, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? ».
source http://www.senat.fr, le 27 février 2017