Texte intégral
1. Vous avez effectué un voyage en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Quel est le climat politique dans ces départements d'Outre-Mer ?
Les élus de ces trois départements français d'Amérique sont fortement préoccupés par la gravité de leur situation économique et sociale. Les taux de chômage avoisinent partout 30 % et ce fléau touche un jeune sur deux.
Ces départements sont aussi marqués par le poids considérable de l'emploi public et des transferts sociaux. Phénomène encore plus grave, l'insécurité ne cesse de progresser et prend des proportions inquiétantes.
Cette situation, très préoccupante, alimente une incontestable ébullition intellectuelle et une effervescence sur l'éventuelle évolution institutionnelle de ces trois départements. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure une éventuelle réforme de leur statut, qui ne constitue pas une fin en soi mais un moyen, permettrait de répondre à ces difficultés.
2. La discussion de la loi sur la Corse a ouvert la boîte de Pandore de l'évolution institutionnelle des DOM. Avez-vous constaté des revendications autonomistes accrues dans les DOM ?
En ce qui concerne les éventuelles évolutions institutionnelles, on trouve trois grandes catégories d'opinions qui traversent très largement les différents courants politiques. Il y a tout d'abord ceux que l'on pourrait appeler les " départementalistes ", qui souhaitent une assimilation institutionnelle la plus poussée avec le modèle métropolitain. Il y a ensuite ceux qui souhaitent l'institution d'une collectivité territoriale qui se substituerait à l'existant avec une assemblée unique, des compétences renforcées, voire un pouvoir législatif allant au-delà d'un pouvoir d'adaptation des lois et des règlements. Enfin, il existe une frange ultra-minoritaire d'indépendantistes dont les revendications vont bien au delà des simples questions d'évolution institutionnelle.
J'aurais tendance à penser que ces derniers sont plutôt affaiblis par la tenue des débats sur l'évolution institutionnelle dans le cadre des congrès qui, comme le veut la loi, réunissent les conseillers généraux et régionaux.
D'une manière générale, les élus de ces départements se retrouvent dans un double consensus. En premier lieu, ils souhaitent le maintien de l'unité de la République et de l'ancrage européen de ces collectivités ; en second lieu, ils s'accordent pour estimer que le statut actuel, caractérisé par la cohabitation de deux collectivités locales sur un même territoire, est à bout de souffle.
3. En Guadeloupe, vous avez évoqué la possibilité d'une réforme de la Constitution pour permettre d'accroître les pouvoirs des assemblées territoriales. Pouvez-vous préciser votre position ?
Je le répète, la décentralisation est au milieu du gué en métropole et davantage encore en outre-mer.
Depuis mon élection à la Présidence du Sénat, je me bats pour obtenir une relance de la décentralisation et aboutir à l'avènement d'une République territoriale. Il faut rompre avec notre culture jacobine et " l'effort multiséculaire de centralisation " dont le Général de Gaulle constatait, dès 1968, qu'il était grand temps de s'affranchir.
C'est pourquoi, j'ai préconisé une réforme globale du titre XII de la Constitution relatif aux collectivités locales. Cette révision devrait, à mon sens, consacrer le principe de l'autonomie locale, au sens de la Charte européenne de l'autonomie locale, avec toutes ses implications financières et fiscales. Il conviendrait également de reconnaître le droit à l'expérimentation et la faculté d'adapter la réglementation nationale aux spécificités locales. Il s'agirait d'une décentralisation à la carte mais pour tous.
Dans cet ensemble, il faut que les collectivités d'outre-mer, qui ont des spécificités propres liées notamment à leur éloignement géographique et à leur environnement international, se voient reconnaître un droit à la différence institutionnelle. Chacune d'entre elles pourrait choisir un statut allant du maintien de la départementalisation, au besoin toilettée, à un statut d'autonomie régionale renforcée.
4. La fusion des conseils régionaux et départementaux aux Antilles est-elle envisageable. Est-ce une revendication des élus locaux ?
Il existe incontestablement sur ce point un obstacle constitutionnel puisque, en 1982, le Conseil Constitutionnel a précisément censuré la création d'une telle institution. Avoir la possibilité de fusionner ces deux assemblées suppose donc une révision constitutionnelle. Les élus ne sont pas tous sur la même longueur d'onde.
Il y a ceux qui analysent cette cohabitation de deux assemblées sur un même territoire comme une source de lourdeur, de complexité et parfois même de paralysie et de coût, et ceux qui considèrent qu'elle permet une séparation fonctionnelle des pouvoirs. Les élus locaux de Guyane qui sont, à l'heure actuelle, les seuls à s'être prononcés dans le cadre du congrès, ont proposé la création d'une nouvelle collectivité avec une assemblée unique et un conseil exécutif.
5. Après la censure, par le Conseil constitutionnel, de l'article 1er de la loi sur la Corse qui prévoyait le transfert des pouvoirs législatifs à la Corse d'ici 2004, que vont devenir les revendications des élus d'outre-mer ?
Ce sont deux sujets très différents ! L'annulation de l'article 1er de la loi sur la Corse est moins une censure sur le fond que sur la forme. Je m'explique : l'organisation du pouvoir législatif et la désignation de ceux qui l'exercent sont définies et régies par la Constitution elle-même. Une loi ordinaire ne peut donc en aucune façon procéder à un tel transfert de pouvoir, sous quelque forme que ce soit. Une telle réforme exigeait, à l'évidence, une révision préalable de la Constitution.
Le Gouvernement ne pouvait pas l'ignorer !
6. A quelle échéance une éventuelle réforme du statut des DOM est-elle envisageable ?
En tout état de cause, le calendrier électoral ne permet pas d'envisager une réforme avant l'élection présidentielle.
7. Etiez-vous aux Antilles et en Guyane comme messager du Président Jacques Chirac ou comme président du Sénat au titre de la future campagne présidentielle ?
Il ne vous pas échappé que je n'étais qu'un candidat très improbable à l'élection présidentielle ...
Ce déplacement est simplement le prolongement des Etats généraux des élus locaux que j'ai organisés depuis 1998 en métropole pour écouter les élus locaux, toutes tendances confondues, recueillir leurs opinions et formuler des propositions en vue d'une relance de la décentralisation.
Si j'avais dérogé à cette règle en outre-mer, je ne suis pas certain que les élus d'outre-mer m'auraient réservé un accueil aussi chaleureux.
(Source http://www.senat.fr, le 25 janvier 2002)
Les élus de ces trois départements français d'Amérique sont fortement préoccupés par la gravité de leur situation économique et sociale. Les taux de chômage avoisinent partout 30 % et ce fléau touche un jeune sur deux.
Ces départements sont aussi marqués par le poids considérable de l'emploi public et des transferts sociaux. Phénomène encore plus grave, l'insécurité ne cesse de progresser et prend des proportions inquiétantes.
Cette situation, très préoccupante, alimente une incontestable ébullition intellectuelle et une effervescence sur l'éventuelle évolution institutionnelle de ces trois départements. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure une éventuelle réforme de leur statut, qui ne constitue pas une fin en soi mais un moyen, permettrait de répondre à ces difficultés.
2. La discussion de la loi sur la Corse a ouvert la boîte de Pandore de l'évolution institutionnelle des DOM. Avez-vous constaté des revendications autonomistes accrues dans les DOM ?
En ce qui concerne les éventuelles évolutions institutionnelles, on trouve trois grandes catégories d'opinions qui traversent très largement les différents courants politiques. Il y a tout d'abord ceux que l'on pourrait appeler les " départementalistes ", qui souhaitent une assimilation institutionnelle la plus poussée avec le modèle métropolitain. Il y a ensuite ceux qui souhaitent l'institution d'une collectivité territoriale qui se substituerait à l'existant avec une assemblée unique, des compétences renforcées, voire un pouvoir législatif allant au-delà d'un pouvoir d'adaptation des lois et des règlements. Enfin, il existe une frange ultra-minoritaire d'indépendantistes dont les revendications vont bien au delà des simples questions d'évolution institutionnelle.
J'aurais tendance à penser que ces derniers sont plutôt affaiblis par la tenue des débats sur l'évolution institutionnelle dans le cadre des congrès qui, comme le veut la loi, réunissent les conseillers généraux et régionaux.
D'une manière générale, les élus de ces départements se retrouvent dans un double consensus. En premier lieu, ils souhaitent le maintien de l'unité de la République et de l'ancrage européen de ces collectivités ; en second lieu, ils s'accordent pour estimer que le statut actuel, caractérisé par la cohabitation de deux collectivités locales sur un même territoire, est à bout de souffle.
3. En Guadeloupe, vous avez évoqué la possibilité d'une réforme de la Constitution pour permettre d'accroître les pouvoirs des assemblées territoriales. Pouvez-vous préciser votre position ?
Je le répète, la décentralisation est au milieu du gué en métropole et davantage encore en outre-mer.
Depuis mon élection à la Présidence du Sénat, je me bats pour obtenir une relance de la décentralisation et aboutir à l'avènement d'une République territoriale. Il faut rompre avec notre culture jacobine et " l'effort multiséculaire de centralisation " dont le Général de Gaulle constatait, dès 1968, qu'il était grand temps de s'affranchir.
C'est pourquoi, j'ai préconisé une réforme globale du titre XII de la Constitution relatif aux collectivités locales. Cette révision devrait, à mon sens, consacrer le principe de l'autonomie locale, au sens de la Charte européenne de l'autonomie locale, avec toutes ses implications financières et fiscales. Il conviendrait également de reconnaître le droit à l'expérimentation et la faculté d'adapter la réglementation nationale aux spécificités locales. Il s'agirait d'une décentralisation à la carte mais pour tous.
Dans cet ensemble, il faut que les collectivités d'outre-mer, qui ont des spécificités propres liées notamment à leur éloignement géographique et à leur environnement international, se voient reconnaître un droit à la différence institutionnelle. Chacune d'entre elles pourrait choisir un statut allant du maintien de la départementalisation, au besoin toilettée, à un statut d'autonomie régionale renforcée.
4. La fusion des conseils régionaux et départementaux aux Antilles est-elle envisageable. Est-ce une revendication des élus locaux ?
Il existe incontestablement sur ce point un obstacle constitutionnel puisque, en 1982, le Conseil Constitutionnel a précisément censuré la création d'une telle institution. Avoir la possibilité de fusionner ces deux assemblées suppose donc une révision constitutionnelle. Les élus ne sont pas tous sur la même longueur d'onde.
Il y a ceux qui analysent cette cohabitation de deux assemblées sur un même territoire comme une source de lourdeur, de complexité et parfois même de paralysie et de coût, et ceux qui considèrent qu'elle permet une séparation fonctionnelle des pouvoirs. Les élus locaux de Guyane qui sont, à l'heure actuelle, les seuls à s'être prononcés dans le cadre du congrès, ont proposé la création d'une nouvelle collectivité avec une assemblée unique et un conseil exécutif.
5. Après la censure, par le Conseil constitutionnel, de l'article 1er de la loi sur la Corse qui prévoyait le transfert des pouvoirs législatifs à la Corse d'ici 2004, que vont devenir les revendications des élus d'outre-mer ?
Ce sont deux sujets très différents ! L'annulation de l'article 1er de la loi sur la Corse est moins une censure sur le fond que sur la forme. Je m'explique : l'organisation du pouvoir législatif et la désignation de ceux qui l'exercent sont définies et régies par la Constitution elle-même. Une loi ordinaire ne peut donc en aucune façon procéder à un tel transfert de pouvoir, sous quelque forme que ce soit. Une telle réforme exigeait, à l'évidence, une révision préalable de la Constitution.
Le Gouvernement ne pouvait pas l'ignorer !
6. A quelle échéance une éventuelle réforme du statut des DOM est-elle envisageable ?
En tout état de cause, le calendrier électoral ne permet pas d'envisager une réforme avant l'élection présidentielle.
7. Etiez-vous aux Antilles et en Guyane comme messager du Président Jacques Chirac ou comme président du Sénat au titre de la future campagne présidentielle ?
Il ne vous pas échappé que je n'étais qu'un candidat très improbable à l'élection présidentielle ...
Ce déplacement est simplement le prolongement des Etats généraux des élus locaux que j'ai organisés depuis 1998 en métropole pour écouter les élus locaux, toutes tendances confondues, recueillir leurs opinions et formuler des propositions en vue d'une relance de la décentralisation.
Si j'avais dérogé à cette règle en outre-mer, je ne suis pas certain que les élus d'outre-mer m'auraient réservé un accueil aussi chaleureux.
(Source http://www.senat.fr, le 25 janvier 2002)