Texte intégral
À la veille des élections législatives. Pouvoirs locaux a convié les dirigeants des principales formations politiques à livrer la teneur de leurs projets de réformes en matière de décentralisation. MM. Alain Juppé (RPR), Jean-Pierre Raffarin (UDF), Bernard Bosson (CDS), Gérard Longuet (PR), Carl Lang (FN), Christian Pierret (PS), Philippe Herzog (PC) nous livrent ici leurs réflexions. Malheureusement, les deux formations écologistes – Verts et Génération Écologie n'ont pas souhaité faire figurer leurs réponses, ce que la rédaction regrette bien évidemment. Cette enquête a été effectuée du 15 février au 15 mars 1993.
Décentralisation : les projets de réformes des partis
1. Quel doit être l'agenda de la réforme de la fiscalité locale au cours de la prochaine législature ? Faut-il continuer d'aménager ponctuellement le système fiscal local, (par exemple avec une taxe départementale sur le revenu, déjà envisagée), engager une réforme globale, ou gérer le système actuel ? Dans la perspective de la réforme qu'envisagez-vous en fait concrètement (impôts nouveaux, transferts d'impôts existants, modification des bases de la taxe professionnelle, etc.)
2. Faut-il poursuivre, selon vous, le développement de l'intercommunalité – et avec quels outils ? Les dispositifs prévus par la loi du 6 février 1992 vous paraissent-ils suffisants ? Dans quel sens souhaiteriez-vous les modifier ?
3. Des transferts de compétences nouveaux de l'État aux collectivités locales doivent-ils être effectués ? Lesquels, et selon quel degré d'urgence, notamment en matière d'éducation, de formation professionnelle, mais aussi dans d'autres domaines ? Enfin, quelle clarification des compétences peut-on envisager ?
4. L'Aménagement du territoire en France est "en panne". Quels doivent être aujourd'hui les principes et les grands axes d'une relance de l'aménagement du territoire ? Comment l'articuler avec le niveau européen ? Enfin, quelles sont, concrètement, vos propositions pour un sauvetage du monde rural français ?
1. Alain Juppé : "Plafonner la part communale de la taxe foncière non-bâtie"
En matière de fiscalité locale, la politique des socialistes s'est aussi caractérisée par son incohérence. Après les grandes déclarations sans lendemain du premier septennat sur la nécessité d'une refonte de la fiscalité locale, le gouvernement, malgré la pression des seuls parlementaires socialistes, a renoncé à créer, avec la taxe départementale sur le revenu, un nouvel impôt idéologique et dangereux. Nouvel impôt car, à côté, la taxe d'habitation aurait persisté au profit des communes et des régions idéologiques, car il était censé être la contrepartie de l'allègement de la fiscalité de l'épargne. Dangereux enfin, car les simulations effectuées par la direction générale des impôts ont fait apparaître que l'instauration de la TDR se ferait au détriment, d'une part, de 870 000 nouveaux contribuables, la plupart ayant des faibles revenus, et, d'autre part, des contribuables déjà passibles de la taxe d'habitation.
Entre 1986 et 1988, je gouvernement de Jacques Chirac avait amorcé la révision des valeurs locatives et baissé le plafond de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée pour réduire les inégalités. Nous poursuivrons dans ce sens. Mais, pour l'instant, la priorité est de plafonner la part communale de la taxe foncière non-bâtie. Cela signifie que l'État devra accomplir un effort de compensation en direction des collectivités locales. En second lieu, dès que la situation des finances publiques le permettra, nous reprendrons la réflexion menée par la commission Ballayer en 1987 sur les éléments constitutifs de l'assiette de la taxe professionnelle ; cela me paraît indispensable si l'on veut alléger ses effets négatifs sur l'emploi.
Gérard Longuet (PR) : "Des impôts spécifiques à chaque niveau"
La décentralisation reste à faire. Ce constat doit guider la réforme des finances locales, dont la fiscalité n'est qu'un élément. Dans les quatre niveaux d'administration de la France – État, région, département, commune –, le partage de la décision publique se fait encore très largement au détriment des niveaux décentralisés. En témoigne le poids relatif des dépenses locales par rapport à l'ensemble des dépenses publiques (en France, 50 % du budget de l'État : en Allemagne, le double des dépenses fédérales), ainsi que la place de l'impôt parmi les sources de financement des collectivités locales (45 % dans le budget-type des communes). La relance de la décentralisation suppose l'inversion de cet état de fait.
La deuxième piste à suivre est celle de l'affectation de ressources propres et adaptées à des compétences clarifiées, La spécialisation des compétences par blocs, affirmée en 1985, mais niée dans les faits, nécessite sans doute une spécialisation de l'impôt pour chaque niveau territorial. Le contribuable ne peut plus se satisfaire d'un système où se superposent quatre impôts traditionnels et une vingtaine de perceptions annexes, répartis entre cinq échelons territoriaux, avec les structures intercommunales à fiscalité propre.
C'est donc une réforme globale de la fiscalité locale qui doit être mise en œuvre, à la suite d'un débat de fond sur la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales d'une part, entre les collectivités locales elles-mêmes d'autre part. Sans attendre, doit être aménagée la taxe professionnelle, dont l'assiette est particulièrement pénalisante pour l'emploi et l'investissement, afin que soient pris en compte la valeur ajoutée et le bénéfice net dans la définition de l'impôt.
Bernard Bosson : "Pour une réforme globale de la fiscalité locale"
Il est clair que le système d'imposition locale est dépassé : valeurs locatives sans rapport avec le tissu économique déséquilibre entre une fiscalité étatique fondée sur des impôts modernes et une fiscalité locale archaïque. Par ailleurs, l'instauration par l'État d'exonérations plus on moins compensées (taxe d'habitation, taxe professionnelle) maintient la dépendance des collectivités locales. La logique de la décentralisation impose une réforme globale de la fiscalité locale. Elle devrait s'organiser autour de trois principes :
1) La réforme de la fiscalité directe locale : tout d'abord en fixant les bases d'imposition sur des valeurs économiques objectives (revenu, TVA…), ce qui permettrait d'éviter les mécanismes actuels d'actualisation et de révision périodiques ; ensuite, par la mise en place d'une structure fiscale spécifique à chaque niveau de compétence territoriale, afin d'éviter les impositions en cascade prélevées sur la même assiette. On pourrait envisager, dans ce cadre, de réserver toutes les taxes sur le foncier aux communes.
2) Une fiscalité reflétant la réelle capacité contributive des contribuables, ce qui implique d'asseoir la taxe foncière sur la valeur vénale des propriétés, mais aussi de modifier l'assiette de la taxe professionnelle en créant une taxe locale sur la valeur ajoutée.
3) Enfin, maintenir une politique de péréquation entre les collectivités locales. Cependant, toute réforme, pour ne pas désorganiser la structure financière de nombreuses collectivités, devra être extrêmement bien étudiée et simulée.
Jean-Pierre Raffarin : Des "adaptations" en attendant une "mise à plat"
Notre fiscalité locale est devenue à la fois obsolète et inefficace. Obsolète puisque la dernière révision de la valeur des bases remonte à 1979, alors qu'elle devrait, en principe, s'opérer tous les cinq ans. Mais également inefficace : coûts de gestion trois fois plus élevés que pour les impôts d'État, manque de clarté dû à la superposition des niveaux de collectivités, etc. Ce système doit donc être réformé. Mais il s'agit là d'un débat de fond – pour ne pas dire d'un serpent de mer –, et l'on ne trouvera de solution que par la mise à plat complète du système, et peut-être même par une réforme globale du système fiscal français, ce qui ne peut se faire que par une large consultation, et donc sans précipitation. D'ici là, des adaptations à la marge peuvent néanmoins être opérées. À titre d'exemple, la taxe sur le foncier non bâti pourrait peut-être disparaître sans dommage, car c'est un impôt peu productif pour les finances de l'État, qui non seulement pénalise les agriculteurs français par rapport à leurs concurrents étrangers mais, de plus, pèse sur l'environnement comme obstacle à l'extensification de l'agriculture.
Carl Lang : "L'État doit assurer la solidarité fiscale" La réforme du système fiscal local n'est pas seulement souhaitable, elle est nécessaire et même inévitable. Aujourd'hui, en effet, le contribuable ne sait ni combien il paye, ni à qui, ni pourquoi. Les impôts locaux se superposent les uns aux autres et la richesse fiscale est mal répartie, notamment entre les communes. La clarification des compétences doit donc s'accompagner d'une clarification fiscale. Ainsi, on pourrait imaginer que les communes qui rendent des services aux habitants reçoivent les impôts prélevés sur ces derniers (taxe d'habitation, taxe foncière bâtie, taxe foncière non bâtie). Quant aux régions qui réalisent les grandes infrastructures, elles pourraient bénéficier, en sus de leurs recettes de poche (cartes grises, taxe sur les permis de conduire, taxe additionnelle aux droits d'enregistrement), d'une large part de la taxe professionnelle à partager avec les départements, si ceux-ci devaient subsister. Il conviendrait également de réformer la dotation globale de fonctionnement versée par l'État de telle sorte qu'elle assure l'équilibre d'ensemble du système, au profit, par priorité, des communes fiscalement les moins favorisées, notamment les communes rurales.
Philippe Herzog : "Pour un impôt incitatif au développement de l'emploi"
Les collectivités territoriales ont besoin d'avoir dans leurs ressources une part de recettes fiscales propres. C'est une garantie de leur autonomie, un facteur de responsabilisation. La réforme du système fiscal actuel à bout de course est indispensable. Notre priorité, outre les mesures élémentaires de justice sociale (plafonnement de la taxe d'habitation à 2 % du revenu, prise en compte du caractère social des logements dans les bases d'imposition…) est la réforme de la taxe professionnelle. Il s'agit de créer un impôt incitatif au développement de l'emploi, de la qualification, à la production de richesses et l'entretien des ressources naturelles, et pénalisant les gâchis des capitaux matériels et financiers. Simultanément nous sommes partisans d'une décentralisation des financements publics pour l'emploi, avec la création de fonds régionaux publics et d'un contrôle de leur utilisation et du crédit par les acteurs sociaux, les élus et les pouvoirs publics.
Christian Pierret : "Modifier le système progressivement"
Les critiques de notre système fiscal local sont bien connues : injustice, inefficacité économique, déresponsabilisation des citoyens et des élus. Malgré les difficultés, des avancées ont été réalisées depuis douze ans, pour atténuer la charge qui pèse sur les contribuables en matière de taxe d'habitation et de taxe professionnelle. Il faut aujourd'hui aller plus loin et modifier progressivement ce système archaïque. La spécialisation des impôts locaux mis en place dans les communautés de villes (taxe professionnelle au groupement, impôts ménages aux communes) constitue un élément de clarification des responsabilités. Mais ce premier pas doit être poursuivi. La révision des valeurs locatives cadastrales, qui devrait entrer en vigueur en 1994, permettra de mettre fin aux injustices créées progressivement par l'obsolescence des bases d'imposition. Mais, au-delà de cette révision, il sera nécessaire de rechercher de nouvelles bases (valeur ajoutée pour la taxe professionnelle, revenu pour la taxe d'habitation, valeurs vénales pour les taxes foncières). Cette réforme devrait être nécessairement progressive afin d'atténuer tous les transferts entre contribuables et entre collectivités.
2. Alain Juppé : "Tous les outils existent…"
L'intercommunalité doit se bâtir autour du volontariat. Une logique technocratique qui chercherait à faire disparaître les communautés de base si chères aux Françaises et aux Français, au profit d'entités plus grandes, sans âme et échappant au suffrage universel direct, serait vouée à l'échec. Les quelques 18 000 organismes de coopération existants témoignent par ailleurs de la nécessité de soutenir la coopération intercommunale qui permet aux communes, particulièrement en zone rurale, de pallier leur manque de moyens humains et financiers. Les incitations fiscales qui existent déjà constituent un outil pour soutenir le développement de l'intercommunalité. La loi de février 1992 produira progressivement ses effets dans ce domaine. Il appartiendra alors à la nouvelle majorité de tirer les conséquences des résultats du système actuel.
Gérard Longuet : "Simplifier l'éventail des structures de coopération"
En ce qui concerne l'intercommunalité, la loi de 1992 est passée à côté des deux objectifs assignés par nos parlementaires : coopération volontaire, incitation forte. Le premier principe suppose le respect de l'autonomie communale, battu en brèches par les "commissions départementales de coopération intercommunale". Est-ce un hasard si la publication des "schémas" est repoussée de six mois ? Qui gérera la rancœur des maires ? Le second principe suppose que les dotations affectées aux groupements intercommunaux, réparties par le Comité des finances locales, ne soient pas réduites chaque année comme une peau de chagrin. Or les nouvelles "communautés" ne disposeront sans doute pas de la moitié de ce qui leur avait été promis pendant les débats parlementaires !
Je suis aujourd'hui tenté d'ajouter une troisième voie pour la relance de l'intercommunalité : la simplification de l'éventail des structures. Les sept formules actuelles de coopération dépassent l'entendement des élus, si ce n'est celui des services de l'État. Doivent être promues deux formulés transparentes, l'une, adaptée au monde rural, avec des périmètres et des compétences souples ; l'autre, adaptée au milieu urbain ou à l'agglomération, dont les contours seront sans doute plus contraignants.
Bernard Bosson : "D'abord évaluer le système actuel"
L'intercommunalité, qui tout à la fois respecte l'identité des communes et permet de mettre en commun les moyens pour faire face aux perspectives d'avenir et à des réalisations d'intérêt intercommunal, est indispensable et son développement doit être assuré. Il ne faut agir dans ce domaine ni par de très fortes incitations fiscales ou financières, ni par des contraintes imposées. Le dispositif mis en place par la nouvelle loi semble vouloir porter ses fruits. Il est globalement positif. Un secteur sera cependant à surveiller de près : le problème du partage des taxes professionnelles dans le cadre de la communauté de ville. L'idée est tout à fait séduisante mais sa réalisation peut, dans les faits, conduire à des situations financières difficiles dans telle ou telle commune. Il faut donc, avant de prendre de nouvelles initiatives, faire le bilan de la traduction complète sur le terrain de l'application de la loi nouvelle.
Carl Lang : "Vers une disparition inacceptable de nos communes…"
Le Front National n'est pas opposé au principe de l'intercommunalité librement consenti par les conseils municipaux, dont la mise en application concourt à rationaliser la gestion locale. Mais avec la loi du 6 février 1992, un pas supplémentaire a été franchi par la mise en place d'une planification intercommunale à l'échelon départemental. Par ailleurs, l'instauration de structures intercommunales à compétences très générales aboutit à une intégration organique, matérielle et financière des communes, premier pas vers une disparition inacceptable de nos villages et de nos bourgs. Cette loi restreint le contrôle démocratique direct en confiant l'essentiel de la gestion locale à des élus de second degré, en renforçant encore le pouvoir déjà étouffant des grands notables locaux, et notamment des maires de grandes villes.
Philippe Herzog : "Pour une coopération fondée sur le développement économique"
En France, l'existence de 56 000 communes est une donnée institutionnelle fortement ancrée dans un long processus d'identification locale et nationale. C'est aussi un atout pour l'intervention et la participation des populations. Mais l'émiettement du pouvoir local et sa faiblesse face au marché et à l'État sont une autre face de cette même réalité. Une collectivité, qu'elle soit petite ou grande, doit pouvoir accéder à des choix qui dépassent son cadre territorial et institutionnel, pour pouvoir maîtriser son devenir et son développement. L'autonomie ne peut donc se concevoir sans coopération, en définissant les communautés d'intérêt, les solidarités qui lient différentes collectivités entre elles et les conditions d'exercice d'un pouvoir partagé. Malheureusement, la "loi Joxe" n'organise pas l'intercommunalité sur ces bases.
Au lieu d'élaborer les schémas départementaux de l'intercommunalité dans les préfectures, il faut organiser le débat public pour expliciter les buts des collectivités qui coopèrent. Puisque l'aménagement et le développement économique sont de la compétence des instances de coopération intercommunale, il faut leur assigner pour objectifs la création d'emplois et la mise en œuvre d'une politique d'insertion dans l'emploi. Cela nécessite de définir les responsabilités sociales des entreprises, d'organiser la mutualisation des coûts et les coopérations entre celles-ci.
Enfin, la coopération intercommunale devrait aussi se fixer des objectifs de développement des services collectifs locaux, et définir les règles de mise en commun des ressources pour leur financement.
Christian Pierret : "Le dispositif mis en place est satisfaisant"
La loi relative à l'administration territoriale de la République a créé une nouvelle dynamique en faveur de la coopération intercommunale : 190 communautés de communes et 3 communautés de villes se sont déjà constituées, et on peut penser d'après les travaux des commissions départementales, que 500 communautés de communes seront créées en 1995. Nous sommes favorables à toute mesure qui favorise une intercommunalité basée sur le volontariat, mais le dispositif prévu par la loi du 6 février 1992 nous semble aujourd'hui suffisant.
3. Alain Juppé : "Clarifier les rôles"
En matière de répartition des compétences, il est urgent de préciser le rôle de chaque collectivité locale. Je prendrai trois exemples :
Premier exemple : l'aménagement du territoire. Il n'y a pas de contradiction entre la décentralisation et le maintien d'une politique active d'aménagement du territoire, il faut seulement que la seconde intègre la première pour être efficace. Il faut désigner clairement les responsabilités respectives de la région et du département. Alors que la loi du 2 mars 1982 ne prévoyait que l'intervention de la région, la loi de répartition des compétences du 17 janvier 1983 prévoit que les trois échelons décentralisés "concourent avec l'État à l'administration et à l'aménagement du territoire". D'où des conflits d'intérêts et des co-financements multiples entraînant des pertes de temps et des surcoûts. La région doit être l'interlocuteur de l'État pour les actions qu'il mène (réalisation d'infrastructures, investissements de recherche et de formation). Elle est en effet le seul échelon local assez vaste pour promouvoir une croissance économique équilibrée. Les autres collectivités seraient pilotées dans les opérations de nature différente dont l'insertion n'est pas indispensable dans les contrats de plan (opérations d'aménagement rural pour le département).
Second exemple : l'éducation et la formation professionnelle. La région a un rôle clé à jouer : elle doit être le pivot de la réorganisation de notre système de formation. Elle doit devenir le lieu privilégié de dialogue, d'échanges et de coordination entre tous ceux qui ont vocation à concourir au bon fonctionnement du système de formation : établissements scolaires, entreprises, collectivités locales. Aujourd'hui, les lycées sont déjà confiés aux régions, ainsi que l'élaboration des schémas prévisionnels de formation ; les régions ont aussi conclu des contrats de plan avec l'État concernant l'université. Mais il faut aller plus loin. D'abord en intégrant d'avantage le développement universitaire dans les schémas prévisionnels de formation, notamment en étendant le champ des financements régionaux aux actions de formation. Ensuite, en établissant entre l'État et chacune des régions un contrat de plan éducatif portant sur les lycées, ce qui permettra de définir des objectifs nationaux de l'éducation, tout particulièrement pour les établissements d'enseignement professionnel.
Troisième exemple, la dépendance.
Le département aura, à faire face directement à ce problème croissant. Une gestion systématique et coordonnée de la dépendance doit être rapidement mise en œuvre à l'échelon départemental. Déjà chargés du maintien à domicile et de l'hébergement collectif des personnes âgées, les départements sont mieux à même de définir et de mettre en œuvre, au plus près des besoins, les instruments, variés permettant de faire face à la dépendance.
Gérard Longuet : "Donner aux collectivités les compétences qu'elles financent déjà…"
La revendication, par les élus locaux eux-mêmes, de nouvelles compétences est fondée. Ni entièrement responsables de leurs actions, ni titulaires des moyens requis, les collectivités locales sont pourtant devenues les premiers bailleurs de fonds de l'État, qui fait cofinancer les missions qu'il ne peut plus exercer seul. Il est donc légitime de donner légalement aux collectivités locales les compétences qu'elles financent et qu'elles sont mieux à même d'exercer.
La commune est le lieu de la vie quotidienne : à elle les services de proximité. Le département est un cadre approprié à l'exercice de la solidarité et à la réalisation d'équipements qui excèdent les besoins communaux. La région est le niveau du développement et de l'aménagement du territoire régional.
Le seul énoncé de ces principes contient les transferts nécessaires de compétences à intervenir entre l'État et les collectivités locales, parmi lesquelles évidemment la formation professionnelle. Le calendrier du transfert doit être corrélé à celui des ressources.
Bernard Bosson : "Appliquer le principe de subsidiarité"
L'État véritable "Gulliver empêtré", est encore trop pesant, trop coûteux et trop inefficace. De nouvelles étapes dans la répartition des compétences entre pouvoir d'État et pouvoir local doivent être franchies, selon, me semble-t-il, les quatre orientations suivantes :
Une redéfinition des rôles entre l'État et les collectivités locales, fondée sur le principe de subsidiarité. L'État doit se recentrer sur ses fonctions régaliennes et sa mission de régulateur des équilibres économiques et sociaux. Pour le reste, la gestion des affaires publiques doit être organisée selon le principe de subsidiarité, les problèmes devant être traités le plus près possible des citoyens.
Une clarification et un renforcement des compétences déjà transférées. Le département doit recevoir pleine et entière compétence pour ce qui est de l'aide sociale, y compris du RMI, et pour tout ce qui gravite autour de cette matière, comme la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, l'insertion sociale et professionnelle des adultes handicapés, les interventions du service de santé scolaire qui constituent une suite logique des actions de protection maternelle et infantile. La région doit se voir reconnaître une compétence d'ensemble pour tout ce qui concerne la formation professionnelle et l'apprentissage et plus généralement la liaison formation-emploi. Cela suppose que ces responsabilités se développent, d'une part, en amont de la formation continue vers la formation professionnelle initiale – pour ce qui est au moins de la mise en pièce d'un dispositif d'alternance dans chaque cycle de formation – et, d'autre part, en aval de la formation vers l'insertion professionnelle. En ce sens, le CDS estime que les régions doivent recevoir la maîtrise de tout le dispositif d'insertion professionnelle des jeunes qui, paradoxalement, reste exclusivement piloté par l'État, ce qui suppose une certaine décentralisation tant de l'AFPA que de l'ANPE.
Dans ces matières (aide sociale et insertion professionnelle notamment), régions et départements ne pourront se contenter de mettre en œuvre une politique définie sur le plan réglementaire, exclusivement, comme c'est le cas aujourd'hui. Il est indispensable de prévoir un dispositif donnant à ces collectivités, dans le respect de la loi, une certaine prise sur les normes réglementaires (régime de l'apprentissage, régime des stages d'insertion, etc.) qu'elles reçoivent compétence d'appliquer.
L'ouverture de nouveaux territoires à la décentralisation. Dans deux domaines en particulier, l'enseignement supérieur et l'environnement.
La reconnaissance aux collectivités d'un véritable droit à l'expérimentation est souhaitable que, dans quelques domaines précis comme la politique du logement, les collectivités puissent être autorisées, dans des limites fixées par une loi, à expérimenter des solutions nouvelles qui leur soient propres, sans se voir opposer une réglementation nationale intouchable.
Nous devons aller vers plus de décentralisation pour rapprocher l'étude des problèmes et des décisions des citoyens. Mais cette décentralisation accrue doit être menée dans le respect de l'État et jamais contre lui. On a en effet besoin d'un dialogue, d'un système d'alerte, de contrôle décentralisé de l'État de telle sorte que puissent à la fois se développer la décentralisation et la nécessaire présence de l'État pour assurer l'unicité de la République et la primauté de l'intérêt général sur les intérêts locaux.
Jean-Pierre Raffarin : "Le citoyen doit savoir qui fait quoi…"
De nouvelles avancées de la décentralisation sont certes souhaitables, notamment en ce qui concerne la gestion des crédits européens, la formation ou l'Éducation. Elles passent par une première étape incontournable qui consiste à clarifier l'actuelle répartition des compétences et des ressources. Le citoyen doit savoir qui est compétent, et donc responsable ; le contribuable ne peut ignorer qui a pris la décision et quel en est le coût. La région doit ainsi devenir le chef de file de l'action économique, des grandes infrastructures et de la formation professionnelle, tandis que le département sera confirmé dans sa vocation à conduire des actions de proximité dans le domaine de l'environnement, du cadre de vie et du logement. En matière de formation, où la diversification des filières et la prise en compte du rôle de l'entreprise s'imposent, les collectivités territoriales devraient pouvoir créer un secteur pilote de droit privé, et ceci de leur propre initiative. Cette opération associerait des établissements publics ou privés, ainsi que des entreprises. La prise directe sur les besoins et ressources, qui caractérise plus particulièrement les régions, les destine, quant à elles, à la prise en charge de la formation professionnelle.
Mais ce qui nous parait être un préalable, c'est l'esprit dans lequel s'opèrent ces avancées. Il ne s'agit plus, en effet, de transférer des compétences aux collectivités sans leur donner les moyens de les exercer. Ceci paraît simple – et c'est d'ailleurs ce que prévoyait la loi du 2 mars 1982, dans son article 102. Vu le bilan que nous pouvons tirer de l'application de ce principe, il nous paraît néanmoins nécessaire de le préciser à nouveau. Il ne servirait à rien, en effet, de faire "monter en puissance" sans l'ajuster un système qui ne donne pas aujourd'hui pleinement satisfaction. La décentralisation ne doit pas légitimer un système de délégation des déficits !
Philippe Herzog : "Désétatiser et clarifier les responsabilités"
La question qui se pose aujourd'hui est moins celle d'un nouveau transfert de compétences que de clarification dans le partage des responsabilités en dépassant la notion de bloc de compétences.
Prenons l'exemple de l'éducation. Le rapprochement formation-emploi, la lutte contre l'échec scolaire, l'élévation générale du niveau d'efficacité de notre système de formation me paraissent des objectifs difficiles à atteindre si l'Éducation nationale ne s'ouvre pas à des partenaires extérieurs dans un cadre décentralisé. De la même manière on conçoit aisément que les régions qui réalisent et financent les lycées et de plus en plus les Universités ne soient pas tenues à l'écart de la définition des structures pédagogiques prévisionnelles. Cela vaut autant pour les départements et les communes.
Pour autant, l'Éducation nationale doit-elle être éclatée et transférée aux collectivités locales ? Non, c'est le système éducatif lui-même qui doit être organisé d'une manière décentralisée et mettre en place des structures de concertation et d'évaluation efficaces qui associent les personnels et les usagers (élèves et parents d'élèves), mais aussi les élus locaux et les partenaires sociaux et économiques. Et ce besoin de décentralisation-désétatisation vaut pour l'ensemble des services publics.
Quant à la répartition des compétences en matière d'action sociale entre départements et communes, ce n'est pas un problème de transfert qui est posé. La solidarité ne peut s'organiser dans un cadre strictement local. Les villes doivent être étroitement associées à la définition des objectifs et à la mise en œuvre des politiques d'action sociale. On confond trop décentralisation et transfert des compétences aux collectivités territoriales.
Christian Pierret : "Pas d'effacement du rôle de l'État"
Nous sommes prêts à réfléchir sereinement à une clarification de la répartition des compétences qui ont été transférées aux collectivités locales. Le programme de la droite, qui préconise que la formation professionnelle, l'apprentissage, la politique du logement, du tourisme, de la culture, une partie importante de la gestion du système éducatif et de la santé soient placés sous la responsabilité des collectivités locales, nous parait dangereux. Il porte en lui le risque d'une atomisation. La décentralisation ne doit pas aboutir à l'effacement du rôle de l'État. L'organisation de la vie collective ne peut pas dépendre exclusivement de l'auto-administration locale. L'État doit avoir capacité d'arbitrer au nom de l'intérêt général, d'assurer la solidarité nationale et de garantir l'égalité des chances entre les citoyens, les groupes sociaux et les territoires.
En matière sociale, qui d'autre que l'État peut garantir aux plus démunis une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire national et supporter la charge que représente le RMI ? Que deviendraient les logements sociaux si la politique du logement échappait totalement à L'État ? Quelle politique d'aménagement du territoire ? En matière d'action sociale, il faut inciter les communes à associer leurs moyens. La passation de conventions entre plusieurs communes et un centre communal d'action sociale (CCAS) "lien structuré" ou la création d'un centre intercommunal d'action sociale (CIAS) permettraient certainement de faciliter la définition de politiques d'action sociale concertée avec le département.
4. Alain Juppé : "Priorité à la lutte contre la désertification"
Notre pays a besoin aujourd'hui que l'on mette fin à douze années de non aménagement et de mort lente de l'aménagement du territoire. La désertification d'une partie de la France comme la croissance anarchique et contre-productive de certaines régions ne sont plus acceptables. Notre politique d'aménagement du territoire s'assignera trois priorités.
En premier lieu, lutter contre la désertification qui touche 40 % du territoire national. En deuxième lieu, assurer la réalisation d''infrastructures susceptibles d'entraîner l'économie locale. Enfin, il est nécessaire de donner à l'Île-de-France les moyens d'affirmer sa vocation de "locomotive européenne", notamment en revoyant son schéma d'aménagement et d'urbanisme, tout en aidant certaines métropoles régionales à acquérir une dimension européenne indispensable. La mise en place d'un réseau de communication favorisant les "itinéraires tangentiels" entre métropoles d'équilibre, sans passer par Paris, tel que l'avait prévu le gouvernement de Jacques Chirac en 1987, doit désormais être prioritaire. Parmi ces priorités, l'urgence sera de mettre fin à la mort lente de nos campagnes.
Premièrement, en redonnant toutes ses chances à notre agriculture. Il faut à l'évidence revenir sur la réforme de la politique agricole commune et restaurer les principes fondateurs de la PAC : défendre la préférence communautaire et, à nouveau, faire des prix la base du revenu agricole pour une majorité de produits. Il faut, aussi, réduire les coûts et les charges des agriculteurs et favoriser la transmission aux jeunes des exploitations. Il faut, enfin, rompre avec la politique de mise en jachère, en favorisant les biocarburants et en mobilisant les énergies pour une politique ambitieuse d'aide alimentaire.
Deuxièmement, en partant à la reconquête de notre territoire. Il faut engager une ambitieuse politique d'aménagement du territoire et de développement rural qui rétablisse les équilibres et compense les handicaps. Nous proposons, par exemple, de mettre en place des "zones de revitalisation rurale". Elles permettraient de garantir le maintien des services publics en milieu rural, à commencer par l'école. Par ailleurs, allant au-delà des zones d'entreprises créées en 1986, elles prévoiraient des avantages fiscaux exceptionnels et offriraient une gamme complète de mesures favorisant, en concertation avec les collectivités locales et les organismes socio-professionnels, l'implantation d'entreprises artisanales, le soutien au logement, le désenclavement économique.
Toutes nos décisions en matière d'aménagement du territoire doivent bien entendu tenir compte de l'espace européen et de son extension vers l'Est. Pour la France, cela signifie deux choses. Premièrement, l'effort en matière d'infrastructures de transport doit être intensifié en direction de nos voisins de l'Est et en liaison avec eux. Je pense notamment au TGV Est. Deuxièmement, il faut donner à l'Arc Atlantique d'une part, au pourtour méditerranéen d'autre part, les moyens de se développer. À cet égard, il est nécessaire de mener une politique active d'aménagement du littoral.
Gérard Longuet : "L'aménagement du territoire doit devenir une priorité de l'État"
Décentralisation et aménagement du territoire sont intrinsèquement liés, car l'inégalité des ressources et des potentiels des collectivités locales doit être compensée par une action régulatrice de l'État, seul garant, par définition, de l'équilibre des territoires. On a trop confondu aménagement du territoire et déménagement des entreprises ; on a trop cru que la somme des aménagements locaux tiendrait lieu de politique nationale. Aujourd'hui, il s'agit autant de préserver et de rééquilibrer les territoires que de les équiper.
À ce titre, la politique d'aménagement du territoire doit à nouveau être érigée en priorité nationale et promue comme telle par l'État. Celui-ci doit donner un coup d'arrêt au démantèlement des outils de sa politique : création opportuniste de fonds spécialisés, mais diminution de leurs ressources, L'aménagement du territoire est une mission clairement interministérielle, exigeant des moyens accrus et une action concertée avec les acteurs locaux. Le désenclavement, la préservation de services publics et marchands locaux, l'entretien des espaces naturels, nécessitent en effet la collaboration, sur des bases financières claires, de tous les acteurs, y compris européens.
La concurrence des territoires, quelle qu'en soit l'échelle, ne vaut en définitive que si elle est génératrice de richesses nouvelles. Le choix d'une localisation d'entreprise entre Paris et l'Auvergne, la Rhénanie ou la Calabre, doit être analysé par les pouvoirs publics compétents à l'aune de la valeur ajoutée nouvellement créée. C'est le partage de la valeur ajoutée qui permet ensuite la régulation et la mise à niveau des espaces concernés. Ce principe peut être mis en œuvre au niveau local par l'intercommunalité (péréquation de la taxe professionnelle), au niveau national par la politique d'aménagement du territoire, au niveau européen par les outils structurels (FEDER notamment).
Bernard Bosson : "Diffuser la matière grise"
L'aménagement du territoire est effectivement en panne. Essentiellement parce que l'État a oublié sa mission majeure en la matière, se bornant à agir à la traîne des régions les plus offrantes alors que l'aménagement du territoire suppose, prioritairement, la détermination d'objectifs à moyen et long termes dans une perspective nationale et européenne. L'aménagement du territoire, défini comme une politique visant à donner à chaque portion du territoire, comme à l'ensemble du pays, les meilleures chances d'un développement équilibré, à renforcer les solidarités et à mettre en valeur les richesses naturelles et les paysages, doit redevenir un objectif essentiel des pouvoirs publics.
Trois priorités doivent être assignées à cette politique.
Première priorité : une reprise en main par l'État de ses responsabilités pour ce qui est des grands équipements qui fondent l'aménagement du territoire. L'État doit afficher clairement ses objectifs et les moyens qu'il compte mettre en œuvre.
Deuxième priorité : assurer une meilleure répartition de tout ce qui concourt, comme l'a écrit René Monory, "à l'intelligence, à la formation des hommes, aux technologies nouvelles". Il n'y a pas, en effet, d'aménagement du territoire sans diffusion de la matière grise.
Troisième priorité : l'aménagement rural. Il est impératif d'enrayer le mouvement de désertification et de valoriser cet atout majeur de la France qu'est son espace. Le premier moyen pour y parvenir, c'est de sauvegarder en zone rurale, des activités productives et d'abord une agriculture. Le deuxième moyen, c'est de définir zone par zone concernée, des plans pluriannuels de développement conjuguant formation, activités agricoles, tourisme, services. La responsabilité majeure en la matière relève des collectivités locales, mais l'État devra y contribuer par des engagements directement souscrits par les préfets, dotés pour ce faire des moyens financiers et juridiques nécessaires.
Carl Lang : "Stopper la désertification du monde rural"
Le Front national préconise l'abandon des mesures de désertification des campagnes : révision du projet de schéma directeur du TGV qui sacrifie à une politique de prestige des dessertes ferroviaires locales, abandon du projet de construction de nouvelles universités en Île-de-France qui vont irrémédiablement attirer vers Paris les étudiants de province, adoption d'un moratoire relatif à la fermeture des services publics en zone rurale… Mais cette action doit s'accompagner d'une relance énergique des activités économiques en zone rurale : sauvetage de l'agriculture française, diversification des activités économiques par la création de zones de reconversion rurale, encouragement de la pluriactivité agricole et rurale par un statut juridique, social et financier simplifié…
Enfin, il faut arrêter la désertification institutionnelle engagée par certains modes de regroupement intercommunal et aggravée par la loi du 6 février 1992.
Philippe Herzog : "Ne pas laisser les grands groupes redessiner seuls les territoires…"
Nous entrons dans l'ère du marché unique et l'actualité nous rappelle brutalement à travers les exemples de Hoover, Grundig et bien d'autres, que si l'on s'en tient là, sans maîtrise sociale, sans règle de partage et de participation démocratique, cela signifie très concrètement la mise en concurrence acharnée des hommes et des territoires pour la capture des marchés et des financements. Il serait illusoire de penser relancer une politique d'aménagement du territoire sans l'associer à l'initiative politique pour construire l'Europe autrement.
L'urgence des urgences, c'est de donner aux salariés, aux populations et à leurs élus des pouvoirs réels pour intervenir sur la stratégie et les décisions des groupes qui redessinent les territoires à l'échelle de l'Europe. En même temps, la France doit aborder ces enjeux de manière offensive, en se dotant d'une maîtrise de ses atouts grâce à une redéfinition de son économie mixte et à une décentralisation véritable. La France peut saisir les opportunités de la situation de "carrefour" que nous occupons au sein de l'Europe. Mais cela n'est possible que si la politique d'aménagement du territoire s'attache à promouvoir les institutions et les objectifs d'une coopération interrégionale pour la valorisation de nos activités et services, et ceci dans une optique de rééquilibrage de nos échanges avec nos partenaires européens et de développement sur une base de réciprocité des apports.
Il faut engager un débat national sur la manière dont les Français veulent vivre ensemble leurs territoires, dans quelles coopérations et avec quelles solidarités entre villes et campagnes. Il est en effet urgent d'inverser la tendance actuelle à la concentration urbaine et à la désertification des zones rurales, qui entraîne des coûts sociaux et pour l'environnement tout à fait exorbitants.
Les services et les entreprises, publics et privés, doivent prendre leur part de responsabilité et de partage des coûts dans un maillage efficace des réseaux de communication et des activités. Cela exige de prendre appui sur la mise en synergies des grandes agglomérations et des villes petites et moyennes, synergies sans lesquelles il n'y a pas d'avenir de progrès pour le monde rural.
Christian Pierret : "L'État doit assurer l'équilibre des territoires"
Une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom doit poursuivre trois objectifs : une meilleure répartition des activités économiques sur le territoire national, un appui au redéveloppement des zones rurales, et la solidarité territoriale pour un meilleur développement local et régional dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'aide économique. La décentralisation a permis de rapprocher les décisions du citoyen. L'État doit, dans ce cadre, assurer les complémentarités indispensables à l'équilibre géographique et économique du pays, en renforçant les mécanismes de solidarité financière entre collectivités que nous avons créés (DSU, DDR…). Les politiques de développement local et le partenariat sur des projets de développement à l'échelle des territoires doivent être encouragés.
Une perspective d'avenir pour le milieu rural, au-delà de la réforme de la politique agricole commune et de ses mesures d'accompagnement, doit être tracée, grâce notamment au maintien des services publics et à leur polyvalence, au développement des activités économiques et non marchandes ayant une utilité sociale, comme les pratiques environnementales.