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Une rentrée sous le signe de l'Europe nécessaire.
Cette journée du 8 septembre est marquée par un évènement syndical de forte portée symbolique : l'action menée par les transporteurs routiers européens pour obtenir une harmonisation et une humanisation de leurs conditions de travail. C'est un excellent exemple de la nécessité de faire coïncider les régulations sociales et les régulations commerciales. Avec des temps de service en progression et supérieurs à 56 heures par semaine, les transporteurs routiers demandent :
- la prise en compte du temps de chargement et de déchargement ;
- la réglementation du cabotage (tonnage) ;
- des conditions d'hygiène et sécurité adaptées à leur profession ;
- une amélioration des calculs du repos et des congés.
C'est pourquoi les Unions départementales CFTC frontalières, et notamment le syndicat des douanes CFTC, appuient l'action des routiers CFTC.
Les routiers sont placés au coeur du système économique et du « juste à temps » qui le caractérise. Leur cas illustre la nécessité de construire l'Europe sociale, sans laquelle la course au profit prend une tournure de plus en plus dangereuse. Il montre aussi que les réalités se vivent au niveau des métiers et des branches et que les fédérations nationales et européennes sont de plus en plus appelées à travailler ensemble.
La crise financière et politique touche les différentes parties du monde et confirme l'intérêt de la construction européenne. La monnaie unique semble déjà jouer un rôle de stabilisateur et doit être utilisée pour soutenir la croissance qui pourrait s'avérer défaillante.
L'Union européenne est dans son rôle en préoccupant du redressement économique et social de la Russie. Elle doit maintenant aller plus loin et prendre des initiatives pour mettre en place une véritable régulation internationale des marchés financiers et éviter qu'un cloisonnement économique entre les régions du monde ne nuise à la croissance globale et finalement à la paix.
Les risques de tensions sont toujours là
Notre baromètre social de cette rentrée montre que le retour de la croissance est une condition nécessaire mais non suffisante au retour de la confiance.
Dans un contexte de croissance économique et de globalisation des questions sociales, au lieu de diminuer, les tensions au sein des entreprises peuvent s'exacerber. La confiance est nettement fragilisée chez les salariés. La pression de la productivité, les engagements non tenus après des années de mobilisation, le fait que les embauches soient le plus souvent précaires (CDD, intérim), le besoin de se situer dans un métier dans un contexte de restructurations ; tout cela explique cette perte de confiance, rendant le travail des organisations syndicales particulièrement difficile.
Un réformisme à « valeur humaine ajoutée »
Nous avons noté avec intérêt que le Premier ministre déclare vouloir s'inscrire dans une perspective réformiste. Encore faut-il savoir quelle vision globale sous-tend ce réformisme.
Cette vision doit porter selon deux axes pour un réformisme « à valeur humaine ajoutée ». Le premier est celui de la sécurité. Il concerne en particulier la protection du travail. La précarité croissante nécessite que l'on revoie les règles du droit du travail permettant aux travailleurs de retrouver le minimum de sécurité indispensable. C'est bien le statut du travail qui est à repenser. Cela concerne le droit du licenciement, les emplois précaires, les moyens de l'inspection du travail…, mais la qualité des services publics est également un moyen de consolider le lien social. Le second axe est celui de la subsidiarité. Nous voulons que le débat social se joue entre le Gouvernement et les citoyens, mais aussi par la mobilisation des corps intermédiaires.
Les propositions de la CFTC convergent donc dans la direction du renforcement du rôle des partenaires sociaux, et finalement de rendre les travailleurs davantage acteurs de leur vie professionnelle et de leur avenir personnel et familial.
La prospérité dépend de l'engagement personnel de chacun. Nous voulons des salariés « acteurs », qui prennent à bras le corps la vie de leur entreprise, par la négociation, garantie de la paix et du progrès social, et l'engagement social des comités d'entreprises.
La réforme de l'entreprise et la participation redeviennent d'actualité
Pour les petites entreprises, nous proposons un élargissement du rôle des conseillers du salarié, au-delà du seul cas des licenciements.
Pour les entreprises plus importantes, nous considérons qu'il est temps de remettre en chantier la réforme de l'entreprise. Nous préconisons un renforcement du rôle des salariés dans la participation à la gestion, en particulier avec la mise en place de structures en conseil de surveillance et directoire, le renforcement du rôle des institutions représentatives du personnel, ainsi qu'une revalorisation de la participation financière.
La négociation sur les 35 heures est une opportunité de renforcer cette participation des salariés à l'organisation de leur travail pour la création d'emploi et une meilleure harmonie entre travail et vie personnelle.
Il ne faut pas sous-estimer les inquiétudes suscitées dans les entreprises par la loi sur les 35 heures. Les situations sont très diverses, les craintes sont fortes d'être perdant sur le terrain du salaire, des rythmes et conditions de travail ou de vie. Mais la CFTC veut affronter ces difficultés plutôt que de les fuir. Il est frappant de voir qu'à côté de ces craintes, les 35 heures suscitent aussi beaucoup d'intérêt et d'espoir. Des salariés sont prêts à se mobiliser sur un projet. C'est pourquoi la CFTC s'implique pleinement dans ces négociations, comme en ont témoigné les 250 responsables fédéraux, régionaux et départementaux réunis à Dourdan la semaine dernière dans la première université d'été de la CFTC.
Acteur de la protection sociale
Une autre réforme fondamentale est à poursuivre, celle du financement de la protection sociale par les entreprises. Nous continuons de penser qu'il serait bon de donner la parole aux assurés sociaux sur l'avenir de la sécurité sociale, par l'organisation de l'élection des administrateurs. Sans négliger les observations du rapport Malinvaud, la CFTC reste attachée à une révision de l'assiette des cotisations patronales des différentes branches de la sécurité sociale, sans réduction de l'effort global, vers une forme plus favorable à l'emploi. La réflexion doit certainement être conduite en prenant en compte la dimension européenne.
Nous sommes inquiets concernant les effets pervers des primes aux bas salaires qui ne donnent que de faibles résultats en termes d'emploi : effets de seuil, dissuasion des revalorisations. Le vrai problème est plutôt celui de l'amélioration de la feuille de paye des bas salaires.
Nous sommes fidèles à notre préférence pour les dispositifs paritaires et les aides publiques qui ont des effets directs sur l'emploi (ARPE dès 56 ans et 40 annuités, aide aux 35 heures, par exemple).
La CFTC demande l'ouverture rapide de la négociation sur l'ARPE.
Nous ne voyons pas comment la formule envisagée par M. Malinvaud pourrait s'appliquer sans surcharge importante sur l'encadrement.
De nombreuses autres questions concernent la sécurité sociale. Nous retiendrons la nécessité de renforcer le rôle des partenaires gestionnaires, notamment dans la préparation d'une nouvelle convention médicale. Les personnes âgées attendent toujours que la prestation autonomie prenne toute sa dimension et que le taux de réversion soit revalorisé. Le risque devrait lui aussi être géré par l'assurance maladie. Les régimes paritaires de retraites doivent préparer les années 2000 et le renversement démographique qu'elles annoncent. Les régimes ARRCO et AGRIC ont par exemple déjà pris des mesures pour équilibrer leurs comptes. La capitalisation n'est d'ailleurs pas la solution miracle que l'on nous promet.
Dans notre pays vieillissant, il est temps d'approfondir les enjeux de la politique familiale. La croissance et le redressement de l'emploi auront besoin de la vitalité et de la consommation des familles. Le maintien de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire est une réponse à une demande CFTC, mais dans ces domaines il faut une politique continue et ambitieuse sur le long terme.
Dans le même esprit, on peut regretter que l'amélioration des recettes fiscales prévues pour l'année 1999 ne soit pas l'occasion de diminuer certains prélèvements obligatoires pesants sur les ménages, tandis que certaines économies budgétaires pèseront lourd sur certains secteurs d'activité (défense, équipement…). Nous sommes demandeurs d'une baisse du taux de 20,6 % de la TVA mais aussi d'une lutte plus efficace contre la fraude.
Les jeunes : notre priorité
L'amélioration de l'emploi profite actuellement aux jeunes, mais il ne faut pas relâcher l'effort car rien ne serait pire que de laisser s'installer une rupture de génération, qui pourrait à long terme s'avérer dramatique. La rentrée scolaire est l'occasion de rappeler la responsabilité éducative première des familles. L'enjeu de l'école est celui de préparer à la vie, y compris en s'ouvrant à la vie professionnelle. Tout collégien doit pouvoir bénéficier de séquences de découverte en entreprises. Toute formation post-baccalauréat doit inclure des périodes de stage en entreprise, ce qui suppose de développer considérablement l'offre et la capacité de tutorat. Cela suppose aussi la valeur formatrice des stages et leur validation.
Nous sommes engagés dans la réflexion sur la validation des acquis et la gestion des compétences. Cela doit déboucher sur des négociations pour que l'intérêt des salariés soit vraiment pris en compte.
Forte de ses 80 ans d'expérience contractuelle, la CFTC veut saisir l'opportunité de la croissance en Europe et en France pour relance la négociation et restaurer la confiance. Elle s'efforce d'être proche des gens dans un syndicalisme de construction sociale, au service du développement des personnes et des communautés. A court terme le temps de travail est le terrain d'action prioritaire, mais la mobilisation de la CFTC ira de la protection du travail et la participation à la régulation macro-économique.
En lançant ses équipes militantes dans la préparation du rapport programme de son prochain congrès confédéral de novembre 1999, la CFTC veut dynamiser le syndicalisme d'inspiration chrétienne des années 2000.