Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai l'honneur de présenter à votre Assemblée un projet de loi organique modifiant la loi du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et portant dispositions diverses relatives aux territoires l'outre-mer qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 décembre 1994, ainsi qu'un projet de loi étendant dans les territoires d'outre-mer certaines dispositions du code de la route et portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.
En préambule, je tiens à remercier votre commission des lois et tout particulièrement son Rapporteur, M. Girault, pour l'analyse approfondie qu'il a faite de ce texte.
Je parlerai dans quelques instants de la situation de la Nouvelle-Calédonie et j'aurai l'occasion d'évoquer la Polynésie française puisque plusieurs amendements relatifs au fonctionnement des institutions de ce territoire ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
Je souhaite souligner l'intérêt particulier que le Gouvernement porte à ces territoires non seulement au regard de leur développement économique et social, mais aussi au plan des règles de droit qui les régissent.
Les règles juridiques qui y sont applicables doivent être les mieux adaptées et les plus claires possible. Le droit ne doit être ni source d'incertitude ni source de litiges inutiles, sinon il risque de rendre plus difficile ou de paralyser l'action des autorités de ces territoires.
Les lois statutaires des territoires d'outre-mer ne sont pas gravées dans le marbre. Elles sont susceptibles de mises à jour ou de modifications afin de tirer les leçons de leur application.
Cela est vrai de la loi référendaire de la Nouvelle-Calédonie. Cela l'est tout autant de la loi du 29 juillet 1961 qui constitue le statut du territoire des îles Wallis et Futuna ou de la loi du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française.
Toutefois, une loi statutaire n'est assurément pas une loi comme une autre. Elle doit traduire un équilibre entre les intérêts propres d'un territoire et ceux de la République, conformément au premier alinéa de l'article 74.
Au-delà des distinctions juridiques, il faut savoir dissocier au sein de ces lois statutaires ce qui relève de la définition et de l'équilibre des institutions et ce qui ressortit à la répartition des compétences entre l'État et les différents éléments du pouvoir local.
Pour ce qui est des institutions, la stabilité doit être la première règle de conduite. Bien évidemment stabilité ne veut pas dire immobilisme, mais le mouvement doit être pesé, mûri, réfléchi et cohérent.
S'agissant des compétences, le pragmatisme doit s'imposer. L'application d'un statut fait apparaître dans ce domaine des contradictions, des incohérences ou tout simplement des situations pratiques qui se révèlent peu adaptées et qu'il faut savoir corriger. Ce mouvement n'est d'ailleurs pas, je le souligne, unilatéral. Il n'emporte pas systématiquement une diminution des compétences de l'État, même si l'outre-mer n'échappe pas à cette règle générale des sociétés modernes qui tend à accroître le champ de responsabilité des gestionnaires locaux. Je rappelle que l'an dernier, dans le cadre d'un autre texte, vous aviez décidé, en plein accord avec les autorités locales, de réintroduire dans les compétences de l'État la gestion de l'administration pénitentiaire en Polynésie française que le statut de 1984 avait attribuée au territoire.
L'exercice que le gouvernement vous propose à travers ces textes vous donne ainsi l'occasion de rappeler les intentions qui furent celles du législateur lorsqu'il a défini ces pactes particuliers avec la Nation que constituent les statuts des territoires d'outre-mer.
Ce n'est pas une critique adressée à l'appareil administratif ou à la juridiction administrative que de mentionner que ces institutions n'échappent pas toujours à la tentation centralisatrice qui imprègne encore tant les mentalités françaises. L'apparition d'incertitudes juridiques dans l'application des statuts, conduit le plus souvent à arbitrer en faveur de la collectivité supérieure même lorsque celle-ci n'est pas, dans la logique institutionnelle voulue par le législateur, attributrice de la compétence de droit commun.
L'exercice par les institutions territoriales de l'autonomie qui leur est reconnue par la République est trop souvent jugé à l'aune du droit existant en métropole ; il conduit à une dérive fort préoccupante, en particulier dans le domaine de la réglementation économique et sociale où la nécessité de l'adaptation réfléchie du droit national est particulièrement importante.
Il vous faut, à mon avis, rappeler aujourd'hui que les compétences dévolues aux institutions territoriales d'intervenir dans la définition du droit et des règles qui les régissent, font partie du contrat passé avec la Nation et ne trouvent leur limite que dans le respect de la Constitution, des principes généraux du droit, des lois que vous avez expressément décidées de rendre applicables dans ces territoires et des textes statutaires.
Il vous faut rappeler que ces textes statutaires traduisent un pacte politique et institutionnel dont l'équilibre et la logique interne de répartition des pouvoirs ne sont pas le fruit du hasard, mais l'expression d'une volonté consciente du peuple français, exprimée par la représentation nationale ou, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, par la voie du référendum.
J'en viens maintenant à la présentation du projet de loi lui-même.
Le titre 1er du projet de loi qui modifie la lui du 9 novembre 1988, illustre tout particulièrement la volonté de maintenir les équilibres institutionnels résultant des accords de Matignon ou de les rétablir lorsqu'ils ont connu des difficultés d'application ou d'interprétation. C'est pourquoi la recherche d'un consensus a été la composante essentielle des modifications de la loi référendaire qui vous sont soumises. L'ampleur même de ce consensus a donné au Gouvernement la mesure exacte des ajustements qu'il convenait de réaliser.
D'un point de vue politique, l'accord obtenu sur ces aménagements techniques de la loi référendaire participe de l'évolution très positive des relations entre les uns et les autres dans ce territoire.
Comme vous l'avez relevé, le Congrès a rendu un avis favorable. Il a également formulé des vœux auxquels ont répondu plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale.
Le consensus sur ces modifications est le résultat d'une réflexion et d'une concertation entreprises au lendemain du comité de suivi du mois de décembre 1993 sur les accords de Matignon. J'avais alors ressenti l'utilité d'une clarification de certaines dispositions statutaires difficiles à interpréter.
Plusieurs réunions du comité de suivi des Accords de Matignon ont permis aux partenaires de se mettre d'accord sur certains ajustements techniques de la loi référendaire afin de régler, conformément à l'esprit de ces accords, quelques problèmes bien identifiés de répartition des compétences entre l'État, les provinces, le territoire et les communes de Nouvelle-Calédonie.
Les modifications contenues dans le titre 1er du projet de loi résultent ainsi de l'expérience de plus de cinq ans d'application de la loi statutaire de la Nouvelle-Calédonie. Elles visent en particulier à renforcer la compétence de droit commun attribuée aux provinces par l'article 7 de cette loi.
L'article 1er du projet de loi organique modifie l'article 8 de la loi de 1988 relatif aux compétences de l'État dans le sens d'un accroissement de la compétence de droit commun des provinces pour ce qui concerne la réglementation du commerce intérieur et des professions commerciales ainsi que le domaine de la protection de l'environnement, et dans celui d'une clarification de compétences déjà exercées, de fait, par l'État, pour ce qui est de la circulation maritime intérieure et de la collation des titres et diplômes en matière sportive et socio-éducative.
L'attribution aux provinces de la compétence en matière de commerce intérieur et de réglementation des professions commerciales consacre une solution qui constitue un retour à la situation juridique d'avant 1988.
Certes, je conçois la crainte d'une complication possible liée à la coexistence de plusieurs réglementations provinciales au lieu d'une seule émanant de l'État ou du territoire. Néanmoins, le Gouvernement a souhaité respecter à cet égard l'esprit des accords de Matignon. Je fais confiance aux autorités provinciales pour engager les concertations indispensables et mettre au point des réglementations concordantes.
D'autre part, les habitants de la Nouvelle-Calédonie sont légitimement désireux d'obtenir des diplômes dont la valeur nationale soit reconnue sans équivoque, s'agissant de disciplines pour lesquelles il est souhaitable d'enrichir sa pratique et son expérience hors du territoire.
Enfin il est opportun de permettre aux provinces de poursuivre les efforts entrepris pour protéger l'environnement sur le domaine public maritime et plus précisément dans les lagons. En l'état du texte le Conseil d'État a en effet jugé que les réglementations adoptées par les provinces en matière de réserves marines portaient atteinte aux droits de propriété et de souveraineté reconnus à l'État sur le domaine public maritime. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale restitue aux provinces cette compétence afin de ne pas annuler les efforts entrepris.
L'article 2, qui modifie l'article 9 de la loi référendaire, restreint, au profit des provinces, la compétence du territoire à la « police zoosanitaire et phytosanitaire » alors que les termes « police intéressant les animaux et les végétaux » étaient trop généraux et difficiles à interpréter.
L'article 3 remplace l'article 10 de la loi référendaire, lequel a produit son effet par suite de la promulgation de la loi du 29 décembre 1990 portant suppression de la tutelle administrative et financière sur les communes de la Nouvelle-Calédonie et dispositions diverses relatives à ce territoire. Il substitue à cet article 10 des dispositions permettant au congrès du territoire de déléguer à un assemblée de province la possibilité d'adapter en fonction des particularités locales et d'appliquer tant la réglementation en matière de santé et d'hygiène publiques et de protection sociale que la réglementation en matière de circulation et de transports routiers.
Le Congrès pourra également déléguer aux provinces, après accord de leur assemblée, la gestion des cours d'eau et du réseau routier d'intérêt territorial.
Dans tous ces domaines les provinces disposent des moyens adéquats et bénéficient déjà dans les faits de délégations auxquelles il convient de donner une base juridique solide.
L'article 4 insère trois nouveaux articles dans le chapitre 1er du titre II de la loi référendaire relatif aux assemblées de province. Les articles 24-1 et 24-2 concernent le droit de l'urbanisme et le rôle des assemblées de province et des maires en cette matière.
L'article 24-1 dispose que l'assemblée de province approuve les documents d'urbanisme de la commune, sur proposition du conseil municipal. L'article 24-2 prévoit que l'assemblée de province délègue au maire d'une commune dotée d'un plan d'urbanisme, sur demande de celle-ci, le pouvoir de délivrer certains actes individuels en matière d'occupation du sol.
Enfin l'article 24-3 permet à l'assemblée de province de déléguer à une commune ou à un syndicat de communes la capacité de concéder la distribution d'énergie électrique.
Ces délégations au profit des communes, qui répondent à de véritables besoins, étaient impossibles en l'absence de base légale, comme l'avait rappelé le tribunal administratif de Nouméa. Or, traditionnellement, une délégation était conférée aux communes pour élaborer des plans d'urbanisme et d'aménagement et délivrer les permis de construire. Les communes avaient également été autorisées par le décret du 5 novembre 1909 à procéder à des concessions d'énergie électrique. Ce décret a été abrogé par l'ordonnance du 23 décembre 1982 sur l'énergie en Nouvelle-Calédonie. Mais ces concessions ne sauraient être délivrées autrement que commune par commune en fonction des besoins de chacune d'entre elles. Il est donc cohérent en cette matière tout autant qu'en matière d'urbanisme, de répondre à la demande exprimée par les maires des communes de la Nouvelle-Calédonie.
L'article 5 améliore la rédaction du 4°) de l'article 32 de la loi référendaire relatif aux ressources des provinces. Il précise que celles-ci comprennent les centimes additionnels aux impôts, droits et taxes territoriaux, à l'exclusion des taxes sur le chiffre d'affaires, des impôts sur le revenu des personnes physiques ou sur le bénéfice des personnes morales ainsi que des droits et taxes à l'importation. Cette rédaction mettra fin à la difficulté d'interprétation des termes « impôts locaux ». Le choix de ce mode de rédaction permettra aux provinces de conforter dans le temps leur autonomie financière puisque des impositions nouvelles pourront donner lieu à la perception de nouveaux centimes additionnels.
Les articles 5 bis et 5 ter répondent à des vœux exprimés par le Congrès lors de l'examen de ce projet de loi.
L'article 5 bis a pour objet, conformément à l'accord intervenu entre les partenaires des accords de Matignon, de corriger les bases de calcul de la dotation versée par l'État aux provinces de la Nouvelle-Calédonie en matière de financement des collèges, la base de calcul actuelle utilisant trois années de référence (1987 à 1989) au cours desquelles il n'y avait pas eu de construction de collèges en Nouvelle-Calédonie.
L'article 5 ter ouvre aux agents contractuels des services administratifs des établissements publics de l'État, du territoire, des provinces et des communes, la possibilité de bénéficier du dispositif exceptionnel d'intégration dans la fonction publique territoriale prévu par l'article 83 de la loi référendaire.
L'article 6 crée, dans la loi référendaire, un article 95-1 autorisant le président du congrès du territoire ou le président d'une assemblée de province à saisir pour avis le tribunal administratif de Nouméa. Cette faculté était jusqu'à présent réservée exclusivement au haut-commissaire de la République qui la tient directement de l'article R. 242 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.
Cette disposition est très proche de celles prévues par le statut de la Polynésie française.
La rédaction en a cependant été adaptée. En Polynésie française, la saisine appartient au président du gouvernement du territoire et à celui de l'assemblée territoriale. En Nouvelle-Calédonie, il s'agira du président du Congrès et des présidents de chacune des provinces. Le champ d'application de cette procédure y sera limité à la question de la répartition des compétences qui est celle qui motive la demande des autorités provinciales et territoriales. Il est également prévu que le haut-commissaire doit être avisé et que l'avis lui est ensuite communiqué par le tribunal administratif.
Tel est donc le contenu de cette réforme de la loi référendaire relative à la Nouvelle-Calédonie. La ligne directrice en est de réaffirmer la compétence de droit commun des Provinces, et elle comporte plusieurs dispositions très significatives qui vont répondre à des difficultés pratiques clairement identifiées par les responsables locaux.
Présenter cette réforme sous un jour purement technique ne correspondrait cependant pas à l'entière réalité. Au cours des discussions préalables, l'ensemble des partenaires a été pleinement conscient que la modification d'un texte aussi important que cette loi référendaire avait inévitablement une signification politique transcendant le contenu même de la réforme. Avec prudence, mais avec lucidité, l'ensemble des partenaires des Accords a accepté de distinguer entre l'équilibre institutionnel né de la loi de 1988, qu'il faut respecter et consolider jusqu'au référendum de 1998 et une attitude de sacralisation du texte référendaire qui aurait interdit, pour des raisons de principe, toute modification jusqu'à la fin de la période de dix ans ouverte en 1988.
Le choix qui a été fait est, à mon sens, le bon ; il est significatif. Il éclaire en quelque sorte le travail politique qui devra être conduit en Nouvelle-Calédonie entre 1995 et 1998 pour la préparation du référendum et la recherche d'une solution que chacun, dans le respect de ses convictions, ne peut espérer que consensuelle ; il répond à ceux qui ont voulu dénoncer l'immobilisme des Accords de Matignon en révélant que le processus ouvert en Nouvelle-Calédonie est un processus évolutif et non une simple suspension du temps.
Le titre Il du projet de loi organique, que complètent les articles 12 à 16 du projet de loi ordinaire que vous examinerez également aujourd'hui, définit de nouvelles dispositions budgétaires et comptables relatives au territoire et aux circonscriptions des îles Wallis et Futuna et à leurs établissements publics.
Après les réformes intervenues dans ce domaine en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon le décret du 30 décembre 1912 relatif au régime financier des territoires l'outre-mer ne s'applique plus aujourd'hui qu'aux îles Wallis et Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises.
Les articles 7 à 12 réalisent ainsi la modernisation du régime budgétaire et comptable des îles Wallis et Futuna qui s'effectue par une insertion des nouvelles dispositions dans la loi du 29 juillet 1961 qui a conféré aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.
Le troisième et dernier titre du projet de loi organique est constitué de trois dispositions véritablement diverses qui intéressent la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, et de dix articles qui modifient la loi 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française.
L'article 13 a pour objet la validation des impositions perçues par le territoire de la Nouvelle-Calédonie entre 1982 et 1994 au titre de la contribution foncière des propriétés bâties et non bâties.
Les règles d'évaluation des valeurs servant de base à la contribution foncière ont été fixées en Nouvelle-Calédonie par un arrêté du conseil de gouvernement du territoire en date du 28 juillet 1982. Par deux décisions des 5 juin 1991 et 17 mars 1993, le Conseil d'État a déclaré illégal cet arrêté, au motif que seule l'assemblée territoriale avait compétence pour prendre de telles dispositions qui affectent directement l'assiette et le taux de l'imposition. Une délibération du Congrès prise en décembre 1993 mais publiée en janvier 1994 permet, à compter de 1995, de mettre en place des règles d'imposition respectant la répartition des compétences rappelée par le Conseil d'État. Mais les décisions du Conseil d'État ont eu pour effet de rendre irrégulières les impositions perçues entre 1982 et 1994.
Il est donc nécessaire de régulariser ces impositions, l'arrêté lui-même ne pouvant plus être validé en raison de son illégalité. Une telle régularisation ne peut, en raison de son caractère rétroactif, émaner que d'une disposition législative. La matière fiscale ressortant, en vertu de l'article 9 de la loi du 9 novembre 1988, de la compétence du territoire, la validation législative intervient sous forme de loi organique.
L'article 14 apporte un aménagement aux lois du 6 septembre 1984 et du 9 novembre 1988 portant statuts de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
Il s'agit de modifications analogues qui consistent à donner compétence à t'État pour fixer les règles applicables aux personnels habilités des établissements d'enseignement privés liés par contrat à des collectivités publiques pour l'accomplissement de missions d'enseignement en ce qu'elles procèdent à l'extension à ces personnels des dispositions relatives aux conditions de service et de cessation d'activité, aux mesures sociales, aux possibilités de formation et aux mesures de promotion et d'avancement concernant les enseignants titulaires de l'enseignement public.
Ainsi sont créées les conditions juridiques permettant de rendre effective dans ces deux territoires la parité public-privé au profit des personnels des établissements d'enseignement privés, actuellement réalisée en métropole et dans les départements d'outre-mer et réclamée tant par le territoire de la Polynésie française que par celui de la Nouvelle-Calédonie par la voix du sénateur Loueckhote.
L'article 15 complète la loi du 11 juillet 1966 relative à la création de corps de fonctionnaires d'État pour l'administration de la Polynésie française. Il a pour objet de reconnaître aux autorités du territoire, qui en avaient déjà la charge en réalité, un pouvoir de gestion sur certains actes concernant ces agents dès lors qu'ils sont affectés dans des services ou établissements publics du territoire. Les décisions les plus importantes, notamment en matière de pouvoir disciplinaire, demeurent assumées par les autorités de l'État auxquelles il appartient d'affecter les agents dans les services du territoire.
Les dix derniers articles du projet de loi organique soumis à votre examen concernent le statut de la Polynésie française et résultent d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale.
Je rappellerai en premier lieu que ce territoire bénéficie d'un degré d'autonomie interne sans équivalent dans la République.
Cela, bien sûr, ne peut servir d'argument pour écarter toute demande de réexamen de la loi statutaire·. Je ne cachetai pas, qu'à mon sens, celle-ci comporte bien des imperfections.
Le Gouvernement est-il prêt à ce réexamen ?
Bien sûr et je démentirais mes propos précédents en témoignant sur ce sujet d'une intransigeance quelconque.
Est-il prêt à le conduire rapidement ? Certainement. À condition, cependant, que l'on accepte de ne pas confondre vitesse et précipitation. Le gouvernement est prêt à aller vite dès lors qu'il aura l'assurance qu'il sait, et ses partenaires avec lui, où nos pas nous mènent.
Une réforme statutaire d'une certaine ambition doit être précédée d'une réflexion approfondie sur l'équilibre institutionnel qui en résultera et sur la signification des changements apportés d'une part, au sein du territoire, et d'autre part, dans son lien à l'ensemble national.
Cette réflexion, je suis prêt à la conduire. Je n'accepterai pas de m'en dispenser.
Je dois me rendre en Polynésie Française dans le courant du premier trimestre pour tirer le bilan de la première année d'application de la loi d'orientation du 5 février 1994 sur le développement économique et social de la Polynésie française.
Je profiterai de ce déplacement pour engager le dialogue avec les institutions territoriales et les représentants des forces politiques et des forces vives de la Polynésie sur la conception qu'ils se font de l'opportunité, de la portée et du contenu d'une évolution statutaire pour laquelle la concertation et le débat sont, à mes yeux, des préalables incontournables.
Dans le cadre de ce dialogue, j'exposerai aussi ce que sont les insatisfactions ou les frustrations de l'État par rapport au statut actuel et ce que pourraient être ses ambitions ou ses objectifs dans le cadre d'une réforme qui en aucun cas ne saurait être, je le disais tout à l'heure dans mon propos général, l'expression d'un mouvement unilatéral de transfert de compétences.
Dans l'immédiat, cependant, le Gouvernement a estimé de son devoir d'apporter quelques modifications ponctuelles à la loi statutaire de Polynésie française. Les amendements ainsi adoptés par l'Assemblée nationale visent deux objectifs :
Le premier, dans le respect de l'équilibre institutionnel entre le Gouvernement et l'Assemblée Territoriale défini par le statut de 1984, vise à limiter les risques de blocage institutionnel qui par deux fois au cours des trois dernières années, ont entravé de manière durable le bon fonctionnement des institutions.
Le second vise à renforcer le statut et la capacité d'action du Conseil économique et social territorial à l'heure où dans le cadre du Pacte de Progrès la Polynésie Française s'engage dans un processus de réformes économiques et sociales qui suppose la meilleure association possible des forces vives du Territoire.
Très rapidement je présenterai les dix articles issus de cette volonté du Gouvernement ainsi que de certains amendements parlementaires adoptés par l'Assemblée nationale.
L'article 16 précise dans l'article 26 de la loi statutaire que le conseil des ministres est compétent pour décider d'intenter les actions contentieuses, y compris celles relatives aux délibérations de l'assemblée territoriale. Il s'agit de clarifier la situation, sans remettre en cause les compétences dévolues au Président de l'assemblée territoriale.
L'article 17 permettra au conseil des ministres d'autoriser la concession du domaine public maritime des lagons, des rades et de la partie des cours d'eau, étangs et canaux où les eaux sont salées, dans les limites fixées par l'assemblée territoriale. Il s'agit de fonder juridiquement une pratique qui existe depuis plusieurs années.
L'article 18 donne compétence au conseil des ministres pour délivrer des permis de travail et les cartes professionnelles d'étrangers. Il s'agit là encore de donner une base juridique à une pratique suivie depuis 1987 en vertu d'une délibération adoptée par l'assemblée territoriale.
L'article 19 modifie les conditions d'ouverture des sessions ordinaires de l'assemblée territoriale afin de prévenir tout risque de blocage des institutions. C'est ainsi que les dates d'ouverture des deux sessions ordinaires sont plus précisément fixées, et qu'un pouvoir de mise en demeure du président de l'assemblée territoriale, et, à défaut, de convocation, est reconnu au haut-commissaire.
L'article 20 complète la réforme du régime des sessions de l'assemblée territoriale en fixant également plus précisément le régime des sessions extraordinaires. Il appartiendra désormais à l'autorité à l'origine de la demande de réunion d'une session extraordinaire d'en déterminer la date et l'ordre du jour. Un pouvoir de mise en demeure semblable à celui prévu dans le cadre des sessions ordinaires est conféré par ailleurs au haut-commissaire de la République.
L'article 21 précise que le pouvoir d'intenter des actions en justice conféré au président de l'assemblée territoriale ne fait pas obstacle aux pouvoirs conférés en ce domaine au conseil des ministres. Cet article complète donc le dispositif prévu par l'article 16 du présent projet.
Les articles 22 et 23 donnent à l'assemblée territoriale le pouvoir d'assortir les infractions aux règlements qu'elle édicte de peines d'amendes contraventionnelles ou correctionnelles ou de peines complémentaires.
Jusqu'à présent en effet, l'assemblée territoriale ne pouvait, en l'absence d'homologation, que prévoir des amendes au taux contraventionnel maximum de 12 000 francs, ce qui pouvait apparaître dérisoire pour certaines infractions. Les peines d'emprisonnement sont en revanche, au terme de l'article 23, soumises à la nécessité d'une homologation législative préalable.
L'article 24 permet le versement d'une indemnité de vacation au profit des membres du conseil économique, social et culturel. Cette possibilité répond à une demande du président du gouvernement du territoire et du président du conseil économique, social et culturel.
L'article 25 assouplit le fonctionnement du conseil économique, social et culturel en allongeant la durée possible des sessions ordinaires et en augmentant le nombre éventuel des sessions extraordinaires.
Voici, monsieur le Président, monsieur le Rapporteur, mesdames et messieurs les Sénateurs, les réformes statutaires que le Gouvernement estime indispensable d'envisager dès aujourd'hui.
J'en viens maintenant au texte de loi simple qui complète le projet de loi organique que je viens d'évoquer.
La présentation simultanée de deux textes à votre Assemblée, dont l'un de nature organique, est conforme au deuxième alinéa de l'article 74 de la Constitution. C'est la troisième fois depuis moins d'un an que le Gouvernement procède de cette manière.
Le lien entre les deux textes est étroit : certaines dispositions se partagent entre les deux textes. Je fais référence à l'enseignement privé dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie frar1çaise, et à la matière budgétaire et comptable relative aux îles Wallis et Futuna.
Il convient en effet désormais, dès lors qu'il s'agit des territoires d'outre-mer, d'effectuer le partage entre ce qui ressort ou non de la loi organique, conformément à l'article 74 de la Constitution.
La tâche est d'autant plus délicate qu'il n'est pas permis de raisonner « par bloc » et qu'au contraire chaque disposition d'un texte doit être analysée de manière distincte afin d'être insérée selon le cas dans un projet de loi organique ou un projet de loi ordinaire.
La présentation de ce projet de loi s'inscrit – j'insiste sur ce point – dans un mouvement plus général de modernisation du droit applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. C'est dans ce contexte plus large qu'il convient de replacer ce texte pour dépasser son caractère quelque peu hétérogène.
Cette modernisation est préconisée par le Premier ministre, qui entend soumettre au Parlement à intervalles réguliers des projets de loi regroupant un ensemble de dispositions d'extension ou d'adaptation aux territoires d'outre-mer ou à la collectivité territoriale de Mayotte.
L'évolution juridique dans les territoires d'outre-mer comme dans la collectivité territoriale de Mayotte, est pour le Gouvernement une préoccupation constante. Le rattrapage juridique au profit de ces collectivités éloignées n'est jamais tout à fait acquis puisque les modifications d'une loi rendue applicable dans un territoire d'outre-mer ou à Mayotte n'y sont pas de plein droit applicables.
Le texte que j'ai l'honneur de vous soumettre aujourd'hui, illustre à la fois le souci de tirer les conséquences du principe de spécialité législative, tel que le Conseil d'État l'a défini, et celui d'aller plus avant dans le sens de la modernisation de l'outre-mer et du droit en vigueur dans les territoires d'outre-mer.
Ce projet comporte six titres d'inégale importance.
Le titre I rassemble les dispositions communes concernant les territoires d'outre-mer et, pour deux d'entre elles, les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
Le premier chapitre, il s'agit des articles 1 à 5, comporte une réécriture plus actualisée des textes de répression de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique applicables dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna. Monsieur le Sénateur Loueckhote était intervenu auprès de moi il y a quelques mois pour demander cette actualisation.
Il convient, en effet, d'accroître la sécurité routière en abaissant à 0,8 gramme pour 1000 (ou 0,40 milligramme par litre d'air expiré) le taux d'alcoolémie susceptible de constituer un délit pour le conducteur, d'étendre dans ces territoires les mêmes règles qu'en métropole et dans les départements d'outremer en matière de contrôle de l'alcoolémie, et enfin de regrouper en un seul texte toutes les dispositions législatives applicables en la matière.
Le second chapitre c'est-à-dire les articles 6 à 8, contient des dispositions diverses concernant les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
L'article 6 permet l'extension aux territoires d'outre-mer des dispositions de l'article 3 de la loi du 25 novembre 1977 et de celles de l'article 21-I de la loi du 20 juillet 1992, modifiant la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés. Cette extension complète un article du projet de loi organique transférant à l'État, dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, compétence en matière de règles applicables aux personnels des établissements privés.
Le résultat de cette disposition sera d'aligner le montant des retraites des maîtres et documentalistes du privé sur celui de leurs homologues du public, ce qui est d'ores et déjà réalisé en métropole et dans les départements d'outremer et très attendu en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Les articles 7 et 8 avaient pour objet de reporter au 1er mars 1996 la date d'entrée en vigueur dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte tant du nouveau code pénal, que des réformes de procédure pénale intervenues au cours de l'année 1993.
Depuis le dépôt du projet de loi, des articles au contenu identique ont été adoptés par voie d'amendement au projet de loi pluriannuel sur la justice qui a été adopté définitivement par le parlement. Je suis donc favorable aux amendements de suppression de votre rapporteur.
Le titre II du projet ne contient qu'un article applicable au territoire de la Nouvelle-Calédonie qui prévoit la création d'une caisse des écoles sous forme d'établissement public par délibération du conseil municipal et pallie ainsi un vide juridique.
Le titre III réunit les dispositions applicables dans le territoire de la Polynésie française.
L'article 10, qui valide les impositions perçues par les communes de la Polynésie française entre 1972 et 1994 au titre des centimes additionnels à la contribution des patentes, à l'impôt foncier sur les propriétés bâties et à la contribution des licences, est essentiel aux finances communales dans ce territoire. Une telle validation ne peut procéder, à raison de son caractère rétroactif, que d'une loi. En l'occurrence, la loi ordinaire suffit puisqu'il s'agit des impositions communales et que « l'organisation communale » relève de la compétence de l'État aux termes de la loi du 6 septembre 1984.
L'article 11 remédie à une lacune dans la rédaction de l'article 11 de la loi du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française. En effet la rédaction actuelle de ce texte ne permet pas l'affiliation à la sécurité sociale de quelques fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière et des ouvriers d'État relevant du ministère de la Défense. La modification tend également à couvrir les intéressés au titre des prestations en espèces lorsqu'ils ont épuisé leurs droits au maintien statutaire de la rémunération, ou lorsque celle-ci est réduite.
Le titre IV, articles 12 à 16, contient les dispositions applicables en matières budgétaire et comptable dans le territoire des îles Wallis et Futuna et complètent celles que j'ai présentées dans le projet de loi organique. Le Gouvernement a en effet suivi l'avis exprimé par le Conseil d'État selon lequel devaient seules figurer dans le texte de valeur organique les dispositions touchant aux règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de ce territoire.
Le titre V comporte deux dispositions qui concernent la collectivité territoriale de Mayotte.
L'article 17 a pour but d'écarter la responsabilité civile du conservateur des hypothèques à la suite de la destruction des archives de la conservation foncière et hypothécaire de Mamoudzou.
L'article 18 abroge dans la collectivité territoriale de Mayotte un acte de la chambre des députés des Comores du 16 avril 1969 qui réprime pénalement notamment des actes de possession sur le terrain d'autrui qui, sur le reste du territoire national, ne sont susceptibles que de sanctions civiles ou administratives.
Le titre VI, enfin, ne contient qu'une disposition unique applicable dans les départements d'outre-mer.
L'article 19 institue dans les régions d'outre-mer une taxe spécifique sur l'or. Cette taxe, dont l'assiette et les modalités de recouvrement sont semblables à celles prévues au titre de la redevance communale des mines par le code général des impôts est affectée à concurrence de 60 % à la région d'extraction et de 40% aux communes concernées. Un rapport d'évaluation des conditions d'utilisation de la taxe doit être soumis au parlement dans un délai de trois ans.
Voici le contenu de ces projets de loi que je vous invite donc, mesdames, messieurs les Sénateurs, à adopter.