Texte intégral
F. Laborde
D'abord une question sur l'attitude des parlementaires à l'Assemblée cette nuit : cinq heures de discours, des invectives, des bousculades pour ne pas dire des bagarres à l'Assemblée. Le ton était un peu vif cette nuit. Que pensez-vous de cette façon de faire ?
C. Poncelet
- « D'abord bonjour et bonjour à vos téléspectatrices et téléspectateurs. Ce n'est pas nouveau qu'il y ait, bien sûr, une tempête à l'Assemblée. Si vous regardez les travaux de l'Assemblée dans le passé vous verrez qu'à différentes occasions il y a eu des manifestations de cette nature qui ne sont - je dois le dire - pas à l'honneur du Parlement, de voir un pareil brouhaha. Mais la question qui se pose est la suivante: premièrement, est-ce qu'il n'y a pas aujourd'hui d'autres problèmes plus urgents à régler que celui qui est présenté à l'appréciation du Parlement ? Première question. D'ailleurs, je crois que le Gouvernement en a bien conscience puisque lui-même ne prend pas l'initiative de déposer un projet, il laisse le soin à une formation de sa majorité plurielle, le PS, de prendre l'initiative d'une proposition de loi, c'est-à-dire de s'avancer sur un terrain qui est pour le moins mouvant. »
F. Laborde
Vous voulez dire que le Pacs, aujourd'hui - le pacte d'action commune et civile (sic) - est quelque chose qui n'est pas encore entré dans les mœurs ?
C. Poncelet
« C'est un problème de société. Il aurait fallu peut-être précéder cette proposition de loi ou éventuellement un projet - mais le Gouvernement n'a pas pris la responsabilité d'un projet - de débats, de colloques pour bien appréhender bien sûr ce problème de société, disposer des matériaux nécessaires pour bien légiférer. Et j'indique tout de suite qu'en ce qui concerne cette proposition de loi, je crois qu'on aurait pu le régler par certaines dispositions de caractère fiscal ou de caractère juridique même - dans la majorité plurielle on le reconnaît - et qu'il n'était pas nécessaire de faire une proposition qui, pour certains, s'apparente à un sous-mariage. Et puis il y a un problème qui me préoccupe même davantage, si on voulait s'intéresser à la famille, parce que là, qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou que cela déplaise, la famille - autorisez moi cette expression un peu populaire - en prend un coup, n'est-ce pas ? C'est un sous-mariage et certains disent : qu'est-ce qui se passe ? Alors que nous avons pour la famille à nous préoccuper davantage du sort de l'enfant. Nous avons beaucoup de familles monoparentales et je crois que le sort de l'enfant, sa formation, son éducation, son insertion à. l'activité est une préoccupation qui doit bien sûr s'emparer de ceux qui ont des responsabilités comme les parlementaires. »
F. Laborde
Est-ce à dire, président, que vous appelez à un grand débat sur la famille ?
C. Poncelet
« Pour ma part oui. Je crois qu'il est nécessaire que davantage encore nous portions intérêt à la famille. Je connais un grand pays - je ne vais pas le citer mais tout le monde le connaît - qui un jour a voulu se détourner de la famille pour faire parquer les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, et puis les enfants naissaient. Ce pays s'est rendu compte qu'il allait s'affaiblir et qu'il était urgent de reconstruire la famille, et aujourd'hui ce pays porte intérêt à la famille et entoure celle-ci de tous les soins. »
F. Laborde
De quel pays parlez-vous ?
C. Poncelet
« De la Chine, sous Mao. Par conséquent, je crois qu'il est nécessaire plus que jamais de porter attention à la famille, parce que j'avais à une certaine époque déposé une proposition de loi - j'étais jeune parlementaire - pour que la mère de famille ait un salaire afin qu'elle ait le choix entre avoir une activité ou se consacrer à sa famille. Et peut-être que si on avait porté attention à la mère de famille, au milieu familial nous aurions moins de délinquance. »
F. Laborde
Les sénateurs vont avoir aussi à se saisir de ce projet du Pacs, vous pensez que les débats seront aussi vifs au Sénat ou ce n'est pas trop la tradition chez nous ?
C. Poncelet
« La tradition n'est pas à une pareille turbulence. Les débats au Sénat seront, comme toujours, très sérieux, très approfondis et nous examinerons attentivement les dispositions qui sont prises mais sur le fond nous considérons qu'il n'était pas nécessaire de déposer cette proposition et nous allons sans aucun doute l'amender sérieusement, voire nous y opposer. »
F. Laborde
Vous considérez aussi qu'il y a beaucoup d'inconstitutionnalité dans ce texte,
C. Poncelet
« Ah oui, je pense que ce texte sera soumis au conseil Constitutionnel et que le Conseil constitutionnel, sur certaines dispositions, le repoussera. »
F. Laborde
On a vu les sénateurs, récemment, sur le cumul des mandats, se montrer, eux, beaucoup plus réticents ?
C. Poncelet
« Vous me donnez l'occasion - et je vous en remercie - de faire une mise au point : le Sénat n'est pas hostile à la limitation des mandats. Il n'est pas hostile : je tiens à le dire mais i! veut que cette limitation soit raisonnée et raisonnable. »
F. Laborde
Vous n'êtes pas sur la ligne de P. Séguin qui dit, lui : un seul mandat ?
C. Poncelet
« Non, nous ne sommes pas sur cette ligne-là. Nous disons, nous, qu'il n’est pas souhaitable d'établir une rupture entre celui qui dispose d'un mandat pour légiférer et celui qui doit avoir des responsabilités et en particulier pour le Sénat. Notons au passage que la Constitution a donné un plus - pour reprendre un langage moderne, un langage de jeunes - au Sénat, en ce sens que le Sénat doit veiller, tout particulièrement, aux intérêts des collectivités territoriales. Une question de bon sens : voulez-vous me dire sincèrement si on peut parfaitement établir une législation correcte concernant la collectivité locale si au sein de celle-ci on n'y détient pas une responsabilité ? Si on a pas vécu la vie au quotidien d'une collectivité territoriale pour bien connaître son système financier, pour bien connaître ses difficultés par l'établissement de certaines opérations. »
F. Laborde
Un sénateur qui ne serait pas maire ou élu régional ne sert à rien ?
C. Poncelet
« Il ne sert à rien : n'exagérons pas. Mais il ne peut pas bien appréhender la situation d'une collectivité locale si dans celle-ci il n'a pas de responsabilités. Et puis, cessons cette hypocrisie : on l'a vu avec les ministres. Que dit M. le Premier ministre : je ne veux pas que mes ministres soient maires ou présidents de conseil général. Ceux-ci démissionnent et immédiatement il se font élire premier adjoint et se font déléguer tous les pouvoirs. Je connais même certains ministres qui, aujourd'hui, sont premier adjoint avec tous les pouvoirs et ont même conservé leur bureau de maire, allons! Je crois qu'il y a une hypocrisie à laquelle il faut mettre fin. Le Sénat, par contre, lui, dit : il faut un mandat - député, sénateur - et il faut une fonction exécutive, c'est-à-dire bien connaître - parce qu'on est aux responsabilités - la vie d'une commune, la vie d'un département Pas les deux, l'une ou l'autre, pour pouvoir légiférer en connaissance de cause et éviter d'avoir une législation qui serait une législation en chambre en quelque sorte, coupée des réalités. »
F. Laborde
Comment cela fonctionne, aujourd'hui, au Sénat ? Est-ce que les plaies sont refermées entre vous et M. Monory ? Est-ce que l'Alliance tourne ?
C. Poncelet
« Oui, je puis vous dire qu'au Sénat, il règne une entente parfaite. D'ailleurs le Sénat, en quelque sorte, par la structure qu'il a mise en place a préfiguré ce que vous avez indiqué à l'instant, c'est-à-dire l'Alliance, il existe une structure de concertation où les forces de la majorité sénatoriale et de l'opposition nationale se rencontrent régulièrement, examinent les textes qui sont soumis à l'appréciation du Sénat et voient ensemble quels sont les amendements qu'il faut y apporter, les modifications qu'il faut y apporter. Bref, une conduite commune et cohérente. C'est ce qui fait la force du Sénat qui est une force de proposition, qui est un laboratoire d'idées. »