Texte intégral
Le Figaro : – Les présidents des conseils généraux redoutent une panne de la décentralisation. Au cours de leur récent congrès, il me semble que vous ne les ayez pas rassurés…
Émile Zuccarelli : – Le gouvernement présente ses intentions et dit ce qu'il va faire. Il doit être jugé à l'aune de ce qu'il fait et de ce qu'il annonce. Mais je dis aux présidents des conseils généraux que leurs suspicions sont paradoxales. N'oublions pas que c'est la gauche qui a fait la décentralisation ! Je leurs dis aussi que 1999 permettra d'approfondir ce qui existe déjà.
L'année prochaine sera en effet marquée par trois grands projets : la loi d'orientation et l'aménagement durable du territoire, de Dominique Voynet, la loi sur l'intercommunalité, de Jean-Pierre Chevènement et la loi sur les interventions économiques des collectivités locales, que je déposerai. Trois textes élaborés par des ministres différents, mais dans un grand souci de cohérence.
Le Figaro : – À l'inquiétude manifestée sur l'avenir même des départements, que répondez-vous ?
– J'ai cru en effet déceler une crainte. C'est vrai que, çà et là, j'entends des propos selon lesquels, dans notre paysage national, il y aurait peut-être superposition d'un grand nombre de structures. C'est la raison pour laquelle il a déjà été précisé que le « pays » n'était pas à un niveau d'administration supplémentaire. En tout cas, cela ne veut pas dire que la chose la plus urgente soit de réduire cette éventuelle abondance. Ce n'est pas à l'ordre du jour. J'ai toujours dit que les départements étaient un élément essentiel de la décentralisation.
Le Figaro : – Le gouvernement compte-t-il les associer à la renégociation des contrats de plans État-régions ?
– Je propose – et les textes sont explicites – une démarche participative des départements et des grandes collectivités de la région.
Le Figaro : – Certains élus estiment que les préfets ont déjà tout ficelé et qu'il n'y aura pas de véritable négociation.
– Dans un temps préparatoire, les préfets ont dégagé de grandes lignes. On va les rapprocher de ce que souhaitent les responsables de région, qui font parallèlement le même exercice, et on rassemblera toutes les propositions. La place est ouverte pour une discussion large. On affine la méthode et on va vers une meilleure prise en compte des aspirations de toutes les collectivités concernées.
Le Figaro : – Que répondez-vous aux élus qui se plaignent d'un contrôle par l'État, désormais, de plus de la moitié de la fiscalité locale ?
–Il est bien exact qu'une partie croissante des ressources des collectivités sont des compensations, par l'État, de suppressions ou de réductions de certaines taxes. C'est la contrepartie de la simplification de notre système fiscal, dont l'excessive complexité est reconnue par tous. Et c'est le mérite de ce gouvernement de s'attaquer au problème. Ainsi en est-il de la disparition de la part salariale de la taxe professionnelle. Cela a donné lieu à de nombreuses séances de concertation avec les élus. La compensation a été faite d'une manière honnête, de sorte que les collectivités ne peuvent raisonnablement prétendre qu'elles sont pénalisées. Nous avons un pacte de croissance, et les compensations y participent.
D'autre part, on ne mesure pas le degré d'autonomie des collectivités au montant des taxes qu'elles perçoivent directement. Au Pays-Bas, considérés comme très décentralisés, les collectivités reçoivent la quasi-totalité de leurs ressources de l'État. Elles sont autonomes dans l'utilisation.
Le Figaro : – C'est une forme d'assistanat…
– Mais non ! Mais non ! Il ne faut pas sataniser le fait que l'État assure des péréquations. Ce qui est important, c'est la liberté d'utilisation des ressources pour les collectivités.