Texte intégral
Nous tenons tout d’abord à féliciter le gouvernement pour sa volonté affichée de respecter les engagements électoraux du président de la République pour assurer la transmission et la pérennité des entreprises familiales.
Il est vrai que de nombreux dirigeants d’entreprises personnelles ou familiales, appelées aujourd’hui entreprises patrimoniales, ont spontanément porté leur voix sur un candidat qui comprenait la gravité de leurs problèmes de transmission rendue impossible depuis le doublement, en 1984, des droits de succession, devenus confiscatoires.
Aujourd’hui, le gouvernement sait que les entreprises patrimoniales embauchent plus et licencient moins grâce à la stabilité de leur capital, de leur direction et de leur stratégie. En termes d’emplois, elles jouent, dans notre pays, un rôle essentiel qui mérite attention. Ainsi, il est annoncé une prochaine mesure d’allégement de 50 % des droits de succession pour sauver ces entreprises qui, aujourd’hui, n’ont d’autre solution que la vente pure et simple, généralement à des groupes étrangers prêts à payer une forte surprime pour s’implanter sur notre territoire, quitte, par la suite, à réduire les effectifs et même à fermer l’établissement français au nom d’une restructuration globale du groupe international.
On comprend que le gouvernement limite de façon drastique les dépenses, mais il risque de commettre, dans ces nouvelles mesures, quelques erreurs graves.
* Confusion entre PME et MEP
Tout d’abord, il peut confondre les « MPE » (sigle sympathique qui désigne généralement dans notre pays les dynamiques « petites entreprises », dont le problème essentiel est celui des fonds propres) avec les vraies « moyennes entreprises » suivant la définition allemande ou américaine, celles qui réalisent plus de 100 millions de francs de chiffre d’affaires annuels et parfois plusieurs milliards tout en restant propriété totale ou partielle d’un homme ou d’une famille qui les dirige. Ce sont les « MEP », les moyennes entreprises patrimoniales. Or ce sont ces MEP (et non les petites entreprises) qui subissent d’insurmontables problèmes de transmission, puisque les droits actuels sont progressifs (et atteignent 40 % en ligne directe à partir de 11,2 millions de francs), donc faibles pour les PE, et que les capitaux mis en jeu deviennent, pour les MEP, hors de portée d’une famille française, quelle qu’elle soit, avec les taux actuels.
Pour être simple, un fils compétent (ça existe par bonheur) doit, pour une MEP de valeur 100 millions, payer 40 millions de sa poche et le neveu 60 millions, chiffres hallucinants. Pour une MEP de 500 millions (fréquente dans notre pays, puisqu’un tiers des entreprises françaises de cette catégorie sont patrimoniales), les taxations personnelles deviennent 200 et 300 millions, chiffres pour lesquels on ne trouve plus de qualificatif.
Il est donc capital, pour la pérennité de ces MEP et de leurs emplois, que le gouvernement ne plafonne pas ces mesures pour en réserver curieusement le bénéfice à ceux qui en auraient le moins besoin.
* Transmissions et non pas donations
Une deuxième erreur pourrait résider dans la restriction de cet allégement aux seules donations en excluant les transmissions ordinaires par décès. Or celui-ci peut être accidentel à tout âge pour un dirigeant et compromettre la survie de l’entreprise. De plus, il est toujours déconseillé de léguer la totalité de son patrimoine bien avant sa mort et les études de notaires fourmillent de tristes anecdotes concernant les imprudents trop confiants. L’association Asmep, tout comme le faisait le mouvement Ethic, conseille donc des donations partielles permettant d’organiser à l’avance les successions, et il ne serait pas anormal que les mesures gouvernementales prévoient, dans ce cas, un abattement supplémentaire qui pourrait être incitatif aux donations partielles anticipées.
Enfin, outre le coût budgétaire de ces mesures, le gouvernement peut craindre le reproche facile de « favoriser les riches », expression vertueuse de la jalousie sociale. Il doit alors faire savoir qu’un chef d’entreprise ne devient « riche » qu’au moment même où il vend son entreprise et qu’il n’acquiert aucune richesse personnelle s’il la transmet à des héritiers compétents et motivés qui maintiendront l’emploi.
Si, par malheur, notre gouvernement ne retenait, pour ses mesures de sauvegarde des entreprises patrimoniales, que les seules petites entreprises et pour les seules donations, il donnerait à l’évidence un coup d’épée dans l’eau et ne résoudrait aucunement le problème de survie de nos moyennes entreprises patrimoniales, dont il connaît pourtant les incontestables atouts nationaux et sociétaux : la stabilité du capital, la stabilité des effectifs, l’innovation créatrice, l’éthique d’entreprise constante, la plus forte contribution financière au budget de l’Etat, le véritable enracinement provincial et la création permanente d’emplois nouveaux.
Alors, une grande chance aurait été manquée pour l’emploi.