Texte intégral
Le Monde : Quelle leçon le Parti socialiste tire-t-il des « affaires » ?
Jack Lang : Lorsqu’on le compare aux autres démocrates européennes, le système juridictionnel français est encore trop imprégné par les institutions de l’Ancien Régime ou par des traditions héritées des régimes autoritaires qui ont marqué l’histoire française. Certains juges, pour secouer cette chape de plomb, ont dû faire entendre leur voix pour que le droit et l’équité l’emportent contre des pratiques désormais inacceptables. C’est pourquoi nous voulons profondément changer la justice pénale française selon un triptyque : autonomie, impartialité, droits de la défense.
Le lien de hiérarchie entre la garde des sceaux et les procureurs sera rompu. Le statut des magistrats du parquet sera identique à celui des magistrats du siège et le pouvoir exécutif sera privé du doit d’intervenir dans les affaires individuelles. Le gouvernement devra, en revanche, fixer les orientations de la politique pénale.
A nos yeux, cette indépendance devra s’accompagner d’une exigence accrue d’impartialité des magistrats, qui seront responsables devant le Conseil supérieur de la magistrature, dont la composition pourra être élargie. Avec la même détermination, nous voulons également renforcer les droits des justiciables. Il serait, en particulier, souhaitable que l’autorité chargée de l’enquête ne soit pas la même que l’autorité chargée des libertés.
Le Monde : Comment expliquez-vous que, sur le parquet, le PS ait abandonné la position très jacobine qui était la sienne dans les années 90 ?
Jack Lang : Aujourd’hui encore, un petit nombre d’entre nous considèrent que la justice ne tire sa légitimité que d’un pouvoir élu. Cette thèse gît naturellement dans les profondeurs de tout républicain car elle est héritée de la Révolution française, qui était très méfiante à l’égard des corps judiciaires. Après un large débat, nous avons tranché en faveur de l’autonomie.
Le Monde : Si la majorité actuelle, réélue, proposait une amnistie, quelle serait l’attitude du PS ?
Jack Lang : Il n’est pas question de voter une telle loi.
Le Monde : Le PS estime-t-il nécessaire de réformer les abus de bien sociaux ?
Jack Lang : Notre attitude a toujours été claire sous l’ancienne législature et elle ne changera pas : nous y sommes hostiles.
Le Monde : Estimez-vous qu’il faut revoir les dispositions actuelles sur le secret de l’instruction ?
Jack Lang : Le secret de l’instruction fait partie du bloc de protection des droits de la personne – présomption d’innocence, débat contradictoire, libertés individuelles… - qu’il nous faut absolument mieux garantir. Nous vivons aujourd’hui dans un système para-légal : les journaux révèlent des dépositions recueillies la veille par les juges d’instruction. Il faut se garder d’un remède qui, sous prétexte de protéger le secret de l’instruction, remettrait en cause la liberté de la presse, qui, elle-même, a le devoir moral de respecter l’honneur des personnes. Au-delà de la justice pénale, notre ambition est plus ample : c’est l’ensemble du service public de la justice que nous voulons réformer et moderniser.