Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Vous avez bien voulu m'inviter à intervenir devant vous et je tiens à vous en remercier. J'en suis tout particulièrement honoré.
Si j'ai choisi de vous entretenir des relations financières entre l'État et les collectivités locales, c'est que ce sujet est, aujourd'hui plus que jamais, au coeur de la problématique de redressement des finances publiques que conduit le gouvernement.
Mon propos s'articulera autour de deux points principaux :
– l'effort de redressement des finances publiques implique la participation des collectivités locales ;
– le contenu et les caractéristiques du pacte de stabilité entre l'État et les collectivités locales qui a été mis en place l'an dernier.
I. – L'effort de redressement des finances publiques que conduit le gouvernement implique la participation des collectivités locales
Le redressement des finances publiques est la condition absolue de notre souveraineté nationale.
Ce n'est pas seulement parce que nous avons signé le traité de l'Union Européenne que nous devons mobiliser toutes nos énergies pour maîtriser la dérive des finances publiques. C'est, plus fondamentalement, parce qu'il y va du maintien ou non de notre capacité de choisir nous-mêmes notre avenir.
Comment croire en effet que notre indépendance n'est pas altérée dès lors que l'encours de la dette de l'État passe d'à peine 15 % du PIB en 1980 à plus de 40 % aujourd'hui. Dans l'ensemble des administrations publiques, la dette atteindra près de 4 000 milliards de francs en 1995, soit la moitié du PIB.
Quelle en est la conséquence ? La charge de la dette publique constitue aujourd'hui, par son montant, le deuxième poste du budget de l'État !
Alors qu'elle n'absorbait que 5 % des recettes fiscales nettes en 1980, 12 % en 1990, elle en requiert aujourd'hui environ 20 % soit l'équivalent de près des trois quarts du produit de l'impôt sur le revenu.
Ce poids très lourd des charges d'intérêts limite fortement nos marges de manoeuvre : en 1996, l'accroissement de la charge de la dette représente 63 % de la progression des dépenses !
Nous ne pouvons pas accepter cette évolution comme une fatalité. Elle est une menace sur notre indépendance d'action, sur notre aptitude à déterminer librement notre politique.
Face à ce niveau de déficits qui risquait de nous faire descendre en deuxième division de l'Europe, le gouvernement, vous le savez, a entrepris une politique volontariste de maîtrise des dépenses publiques.
Le déficit a été ramené à 5 % pour 1995, il sera réduit à 4 % pour 1996 et le gouvernement mettra tout en oeuvre pour que l'objectif de 3 % soit atteint en 1997.
Cet objectif de redressement ne peut être atteint sans y associer les collectivités locales.
Le poids des concours financiers de l'État aux collectivités locales - de l'ordre de 275 MdsF en 1995 - 235 MdsF hors fiscalité transférée - interdit qu'il en soit autrement.
Il faut ici rappeler qu'entre 1988 et 1995 l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités locales a progressé de 28 % environ en francs constants, alors que les dépenses du budget général ont progressé pendant la même période de 11 % et les recettes fiscales nettes de l'État de - 1 %.
C'est la constatation de cette évolution qui a conduit - dans le passé - à un certain nombre « d'aménagements » des règles d'évolution des concours que les collectivités locales ont ressenti, souvent à juste titre, comme des coups de force.
Il en est résulté une dégradation du climat de confiance qui doit - à mon sens - présider aux relations entre l'État et les collectivités locales.
Le pacte de stabilité entre l'État et les collectivités locales mis en oeuvre par la loi de finances pour 1995 répond à ces trois préoccupations :
– tout d'abord – il faut être clair entre nous – il est l'un des volets de l'effort général de maîtrise de la dépense publique. L'effort de maîtrise de la dépense publique n'aurait en effet guère de sens s'il ignorait une variable dont l'ordre de grandeur - je l'ai indiqué précédemment - est de 235 MdsF ;
– ensuite, le pacte de stabilité s'insère dans une exigence renouvelée de dialogue entre l'État et les collectivités locales.
Je voudrais insister sur ce dernier point car je le crois fondamental. Le pacte de stabilité a fait l'objet d'une concertation approfondie et préalable dans le cadre d'un groupe de travail avec les élus locaux, mis en place par le Premier ministre et qui s'est réuni à plusieurs reprises l'été dernier. Il a été soumis au Comité des finances locales puis discuté au Parlement lors du vote de la loi de finances et je puis vous assurer que le gouvernement a tenu le plus grand compte des avis exprimés tout au long de cette procédure.
Enfin, le pacte de stabilité répond à l'exigence légitime de prévisibilité à moyen terme que réclament les élus locaux, c'est pourquoi il s'inscrit dans une période triennale 1996-1998.
II. – Venons-en maintenant au dispositif du pacte de stabilité
Pour la clarté de l'exposé, je distinguerai les concours, c'est-à-dire par exemple la Dotation globale de fonctionnement, la Dotation globale de décentralisation, la Dotation globale d'équipement et les dégrèvements.
Pour ce qui est des concours, la démarche du gouvernement consiste à identifier une enveloppe pendant la durée du pacte et à garantir à cette enveloppe une progression égale à celle de l'indice des prix hors tabac.
Je veux dès ce stade insister sur deux points qui me paraissent fondamentaux :
D'une part, l'État s'engage à garantir que l'enveloppe progressera comme les prix : c'est la logique même du pacte triennal ;
D'autre part, cette indexation de l'enveloppe sur les prix sera incontestablement plus favorable que la progression des dépenses de l'État sur la même période.
S'agissant de l'enveloppe, les dotations suivantes en font partie : la Dotation globale de fonctionnement (DGF), la Dotation spéciale instituteur (DSI), le Fonds national de péréquation (FNP) et sa majoration (1), la Dotation élu local, la DGE, les dotations finançant les transferts de compétences et la Dotation de compensation des allègements de base de la taxe professionnelle (DCTP), hors réduction pour embauche et investissement.
Il aurait été concevable d'inclure d'autres dotations dans cette enveloppe ; je pense par exemple au Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) ou aux amendes de police. Ce choix n'a pas paru judicieux au gouvernement dans la mesure où la notion même de pacte de stabilité excluait les dotations soumises à des variations exogènes, ce qui est le cas tant du FCTVA que des amendes de police.
Au surplus, s'agissant du FCTVA, son inclusion dans l'enveloppe n'aurait pas manqué de pénaliser les investissements des collectivités locales, ce que le gouvernement a écarté, alors même qu'il s'agit d'une dotation de près de 23 MdsF.
L'autre question fondamentale est de savoir comment s'opèrent les ajustements à l'intérieur de l'enveloppe, afin de ne pas dépasser l'évolution des prix.
Conformément au souhait exprimé par les élus, la règle d'indexation de la DGF, telle qu'elle est définie par l'article 52 de la loi de finances pour 1994, est intégralement maintenue, c'est-à-dire que la DGF progressera comme les prix plus la moitié de l'évolution en volume du PIB constatée l'année précédente.
S'agissant des économies nécessaires au respect de l'enveloppe normée, deux postes, vous le savez, ont été retenus :
– la suppression de la première part de la DGE pour les communes de plus de 10 000 habitants, disposition que le Parlement a souhaité aménager en portant cette limite à 20 000 habitants, mais en la complétant par un critère de potentiel fiscal ;
– une économie de solde - c'est-à-dire correspondant au besoin de financement complémentaire nécessaire pour assurer le respect de l'enveloppe - portant sur la Dotation de compensation des allégements de base de la taxe professionnelle ou DCTP.
Aucune autre dotation de l'enveloppe n'est touchée : autrement dit leurs règles d'indexation demeurent inchangées.
C'est donc un schéma simple qu'a retenu le gouvernement : les ajustements rendus nécessaires par le respect de l'enveloppe normée sont concentrés sur deux postes seulement : la 1re part de la DGE des communes et la DCTP.
Il est évident - et il faut être très clair sur ce point – qu'à partir du moment où les règles d'indexation de la DGF demeurent inchangées, cela implique un effort plus important sur la DCTP.
Ceci est la conséquence logique et nécessaire du choix qui a été fait par les élus de maintenir la règle de progression très favorable de la DGF.
Pour en terminer avec la question des concours - et bien que ce point ne fasse pas partie du pacte de stabilité à proprement parler - je voudrais souligner que s'agissant du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), le gouvernement a décidé de compenser intégralement le relèvement du taux normal de TVA intervenu le 1er août 1995.
Compte tenu du décalage de deux ans entre l'investissement et le remboursement par le FCTVA, cette mesure n'aura qu'un effet partiel en 1997 et un effet plein en 1998.
Néanmoins, dans le souci d'offrir un cadre clair à la politique d'investissement des collectivités locales, la loi de finances pour 1996 intègre d'ores et déjà les modifications de taux nécessaires en 1997 et 1998.
Venons-en maintenant au problème de la compensation des dégrèvements consentis au titre de la fiscalité locale.
L'objectif du gouvernement en la matière est double :
– stabiliser le dégrèvement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée dont je rappelle qu'il était de 2,9 MdF en 1988 et qu'il aurait dépassé les 29 MdF en 1995 sans les premières mesures de correction qui ont été prises à l'occasion de la loi de finances pour 1995 ;
– aménager le dispositif de plafonnement de la taxe d'habitation en vue de le recentrer sur les contribuables modestes.
L'objectif de stabilisation du dégrèvement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée sera atteint grâce à trois mesures : tout d'abord, la reconduction du relèvement du taux de plafonnement de 3,5 % à 3,8 % ou 4 %, selon le chiffre d'affaire des entreprises, mesure qui venait à expirer fin 1995.
Cette prorogation n'est toutefois pas suffisante, à elle seule, pour garantir l'objectif de stabilisation du dégrèvement puisqu'elle ne traite pas du problème fondamental des taux.
Les collectivités locales n'avaient en effet aucune raison, lorsque leurs entreprises sont plafonnées, de ne pas relever le taux de la taxe professionnelle puisqu'elles obtiennent ainsi un supplément de recettes qui n'est pas à la charge de l'entreprise contribuable, mais de l'État.
Cette situation ne pouvait se poursuivre et il est apparu souhaitable, comme l'idée en avait été d'ailleurs avancée par certains parlementaires, de figer au niveau actuel le taux de la taxe professionnelle en fonction duquel est calculé le dégrèvement.
De cette façon, les augmentations de cotisations qui résulteront des augmentations de taux décidées en 1996 et ultérieurement n'ouvriront pas droit à dégrèvement.
C'est la seconde mesure retenue.
Enfin, la troisième mesure réside dans la mise en place d'une cotisation minimale pour les entreprises dont la taxe professionnelle est d'un montant très faible par rapport à leur valeur ajoutée.
À cet égard, le projet de loi de finances pour 1996 retient l'institution d'une cotisation minimum de 0,35 % de la valeur ajoutée appliquée aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 MF.
Certains ont estimé que le montant de cette cotisation était insuffisant. Les simulations qui ont été élaborées par l'administration fiscale et soumises à l'examen des parlementaires montrent à l'évidence les risques que comporteraient une assiette encore plus large ou un taux plus élevé :
– les très petites entreprises doivent être exclues car elles seraient trop lourdement pénalisées par une cotisation en fonction de la valeur ajoutée ;
– il convient par ailleurs d'éviter une augmentation trop importante de l'impôt. Je ne sais pas en effet comment nous pourrions expliquer à une entreprise, quelle que puisse être l'importance de sa TP par rapport à sa valeur ajoutée, pourquoi sa cotisation de TP est multipliée par 10, 15 ou 20 ;
– enfin, il faut observer que l'impôt risque d'être concentré sur un petit nombre de secteurs dont la situation financière actuelle n'est pas toujours bonne.
Il convenait donc d'être modéré dans cette voie sauf à renouveler l'expérience malheureuse de la réforme de 1975.
C'est pourquoi le dispositif retenu prévoit que la cotisation minimum ne peut avoir pour effet de multiplier l'impôt dû précédemment par plus de 2,5 la première année.
S'agissant des dégrèvements en matière de taxe d'habitation, le gouvernement a retenu l'hypothèse d'un léger recentrage du dispositif.
Ces dégrèvements sont pour une part importante motivés par des considérations sociales : il en va ainsi notamment des dégrèvements des personnes non imposables à l'impôt sur le revenu, ou aux contribuables dont la cotisation d'impôt sur le revenu n'excède pas 1 750 F.
Le nombre des bénéficiaires de ces dégrèvements est élevé. Aussi, le gouvernement a-t-il préféré aménager le dispositif de plafonnement de la taxe d'habitation à 3,4 % du revenu en vue de la recentrer sur les contribuables modestes. Ainsi par exemple, le dégrèvement prévu en faveur des contribuables dont la cotisation d'impôt sur le revenu n'excède pas 1 750 F concerne plus de 500 000 personnes.
Dès lors, il a été décidé de ne pas modifier les dégrèvements accordés aux contribuables dont la cotisation d'impôt sur le revenu est inférieure à 1 750 F.
La mesure retenue consiste à abaisser le plafond d'impôt sur le revenu à partir duquel le dispositif cesse de s'appliquer de 16 937 F à 13 300 F, ce qui correspond, pour un couple avec deux enfants à charge, à un salaire net de l'ordre de 225 000 F. Cette mesure affecte environ 220 000 contribuables.
Voici rappelées à larges traits, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les grandes orientations de la loi de finances pour 1996 en ce qui concerne les collectivités locales.
S'agissant de 1997, le gouvernement n'entend bien évidemment pas remettre en cause la logique du pacte de stabilité, c'est-à-dire la garantie de progression de l'enveloppe normée, conformément aux engagements qui ont été pris l'an dernier et qui seront tenus.
Je crois cependant qu'il faut que nous nous interrogions sur la progression de la compensation par l'État des exonérations et dégrèvements au titre de la fiscalité locale qui demeure inquiétante. Les collectivités locales ont tout à attendre d'un succès de la politique de redressement des finances de l'État : elles seraient vraisemblablement les premières à pâtir d'un éventuel échec.
Je tiens à souligner à nouveau que leur participation à l'effort de redressement des comptes n'est pas seulement indispensable mais incontournable compte tenu des masses financières en jeu.
Je crois que chacun mesure aujourd'hui combien la maîtrise de la dépense publique, la limitation des dépenses courantes au profit de l'investissement, la gestion plus rigoureuse encore des budgets concerne les collectivités territoriales comme l'État. C'est en réduisant avec discernement nos coûts et en redéployant nos moyens que nous retrouverons une capacité véritable d'initiative et d'action.
Ni la croissance ni la confiance ne peuvent, assurément, se décréter. Mais en montrant que nous avons une vision claire de la situation et que nous sommes déterminés, chacun pour la responsabilité qui est la nôtre, à y porter remède, en nous efforçant de dessiner l'horizon et de tracer ensemble, pour nos compatriotes, le chemin qui par étapes mais résolument permet de progresser, alors me semble-t-il nous contribuerons efficacement au développement économique et à la cohésion sociale.
Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les observations et les analyses que je souhaitais vous livrer avant que ne s'engage le débat. Je me tiens maintenant prêt à répondre aux questions que vous voudriez me poser.