Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur les grandes orientations et objectifs concernant l'évolution des relations entre l'Etat et les collectivités locales, à Nice le 18 septembre 1997.

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Circonstance : Congrès de l'Assemblée des présidents de conseils généraux (APCG) à Nice les 17 et 18 septembre 1997

Texte intégral

Madame et Messieurs les Présidents,

J’ai le plaisir aujourd’hui à m’exprimer devant vous comme ministre de l’Intérieur en charge des collectivités locales. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le ministère de l’Intérieur doit être le ministère de l’Intégration républicaine, c’est-à-dire celui de tous les Français à la République.

Si l’Etat, qui a façonné la France, a un rôle essentiel en la matière, les collectivités locales sont partie prenante de cet édifice républicain.

Il y a donc une cohérence dans la répartition des compétences ministérielles qui vise à rassembler dans un même portefeuille les questions relatives à la sécurité, à l’administration territoriale de l’Etat et aux collectivités locales.

Aussi, je ne sous-estime pas l’ampleur de la tâche qui m’attend dans des attributions similaires à celles qu’a eues en son temps Gaston Defferre.

Je souhaite donc être précis aujourd’hui sur mes objectifs et vous donner des indications sur les moyens qui s’y attacheront, car je suis persuadé que la politique de l’Etat ne peut être efficace sans une articulation étroite avec celle des collectivités décentralisées, dont les interventions touchent aujourd’hui à tous les aspects du fonctionnement de notre société et à la vie quotidienne de nos concitoyens, et qui sont devenues des foyers incomparables de responsabilité.

Ce n’est pas à vous, exécutifs de collectivités en charge notamment de l’action sociale que j’apprendrai l’urgence des problèmes.

Les inégalités, le chômage, la pauvreté résultant d’une crise économique durable, attaquent les fondements même de la citoyenneté. Nous savons tous, comme élus, la détresse que constitue le chômage qui n’a pas que des conséquences sociales mais aussi des conséquences morales dont le découragement, le renoncement et finalement, la perte de tout repère sont les signes les plus explicites.

Il faut donc, par-delà des options politiques qui parfois nous séparent, savoir nous mettre d’accord sur des objectifs communs.

Je suis persuadé qu’il y a entre l’Etat et les collectivités locales, une communauté forte d’intérêt qui est avant tout celle de l’intérêt général.

C’est pourquoi, je placerai mon action sous le signe de la concertation et de la discussion, car vous êtes dans votre rôle, comme je suis dans le mien pour ce qui concerne l’Etat, de veiller au devenir de la collectivité publique que vous représentez et d’être attentif à l’ensemble de ses équilibres financiers.

Nous devons collaborer dans le cadre de relations claires, stables et confiantes qui doivent être celles d’une République moderne. D’un accord entre l’Etat et vos collectivités, sur les objectifs et sur les moyens, doit découler une action publique forte et efficace. Vos départements sont en effet, des opérateurs des politiques publiques de proximité en même temps qu’ils sont des espaces d’initiatives.

S’il appartient à l’Etat d’impulser une politique nationale, il vous revient, dans le cadre de vos compétences, de répondre avec originalité et souplesse aux nouveaux besoins de nos concitoyens.

Aussi, voudrais-je évoquer les deux priorités gouvernementales que sont le plan pour l’emploi des jeunes et la sécurité de proximité, avant d’aborder les moyens de faciliter votre action.

1.- Les principaux objectifs de l’Etat

Le Premier ministre vous a exprimé la volonté du Gouvernement de voir la mobilisation conjointe de l’Etat et des collectivités locales faire reculer le chômage et en particulier celui des jeunes.

Les collectivités locales ont déjà pris leur part dans le mise en œuvre des dispositifs existants, qu’il s’agisse des contrats d’emploi-solidarité, des contrats d’emploi consolidés et des « emplois-villes ».

Mais le projet de loi relatif au développement d’activités pour l’emploi des jeunes ne propose pas seulement de nouvelles dispositions institutionnelles : il ouvre une démarche de négociations et de discussion entre tous les partenaires locaux, permettant de déboucher sur la création d’activités nouvelles utiles aux citoyens.

Cela correspond à la démarche décentralisée que vous souhaitez.

Ainsi, par-delà l’aide forfaitaire de l’Etat correspondant à 80 % du Smic dont vous mesurez bien le poids sur les finances publiques nationales, le succès de cette politique dépend de l’élaboration conjointe entre l’Etat et l’employeur public local des conventions définissant les activités nouvelles. C’est un gage de leur viabilité et l’assurance que ces emplois ne viendront pas se substituer à ceux qui existent déjà. Car il ne s’agit pas de faire faire aux jeunes ce que les fonctionnaires locaux font déjà, et très bien, mais de répondre à des besoins aujourd’hui non satisfaits.

Et vous avez noté qu’il s’agit de véritables contrats de travail, sur une période longue de cinq ans devant déboucher sur une issue professionnelle pour chaque jeune.

Dès la publication de la loi et la promulgation immédiate des textes d’application, les préfets mettront en place le dispositif d’appel à projets, permettant la conclusion des conventions avec chaque employeur, dès lors que les projets répondront au cahier des charges. C’est en effet l’intérêt commun de l’Etat, de l’employeur et surtout du jeune que l’emploi soit utile, durable et qualifiant.

Le Gouvernement ne doute pas que nous puissions atteindre, avec cette exigence qualitative, l’objectif de 50 000 jeunes embauchés en 1997 et de 100 000 en 1998.

Ce n’est pas par hasard si le même projet de loi favorise la création de 35 000 emplois de jeunes affectés dans les services de sécurité de proximité. Comme vous le savez, mon objectif est de garantir la sécurité pour tous et partout. Or ce n’est pas l’affaire de la seule police.

La première des obligations républicaines, c’est que la République soit partout chez elle. Pour cela, il est indispensable de rétablir quelques codes simples de conduite et de rappeler ce qu’est véritablement la citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de devoirs.

La répression des crimes et délits est indispensable, leur prévention nécessaire, mais répression et prévention n’atteindront pas leur but, si dans l’immense majorité de la population, dès l’enfance, dès l’adolescence, on n’a pas su faire naître et vivre durablement un profond sentiment d’attachement aux valeurs de la République, le respect de la chose publique, le sens de l’intérêt général : bref l’adhésion à une citoyenneté active et responsable.

Nous aurons l’occasion de débattre, au cours du colloque « des villes sûres pour des citoyens libres » que j’organise les 24 et 25 octobre prochains, de l’ensemble des solutions que nous devons engager en commun pour aboutir à une meilleure protection des commerces, des zones d’habitat social, des établissements scolaires et des transports urbains. Mais sachez que l’Etat s’est mis en ordre de bataille, en s’engageant sur la création de ces 35 000 emplois-jeunes.

Le rattachement de quelque vingt mille d’entre eux à la police nationale permettra d’assurer de nouvelles missions dans les endroits les plus sensibles tout en se donnant le temps d’ouvrir des voies d’intégration pour ces jeunes dans les métiers de sécurité. D’ici à la fin de 1998, 8 250 adjoints de sécurité seront ainsi recrutés et chargés de missions d’accueil et de sécurisation, notamment des tâches de surveillance générale, d’ilotage et de relations avec les victimes.

D’autre part, le Gouvernement va proposer aux communes des contrats locaux de sécurité, faisant travailler ensemble les autorités locales, les services de l’Etat et les associations. Ces contrats pourront s’appliquer à l’amélioration de l’accueil dans les commissariats, à l’accélération des interventions, à l’information des victimes, à la prévention… et, en vérité, à toute mission permettant de relever le niveau de sécurité des personnes et des biens. Et c’est dans ce cadre que des agents locaux de médiation seront recrutés au titre du programme des 350 000 emplois-jeunes, et selon les mêmes règles financières et juridiques.

Vous l’avez compris, ces deux politiques prioritaires n’aboutiront que si les institutions de la République que sont l’Etat et les collectivités locales, s’y engagent ensemble. C’est pourquoi j’entends faciliter votre action dans l’ensemble de la décentralisation.

2.- Les moyens des collectivités locales

La bonne articulation de la politique de l’Etat et de celle de vos collectivités passe par un débat ouvert, non seulement sur les objectifs mais également sur les moyens et notamment sur les moyens financiers.

La publication récente du rapport de la mission d’audit sur les comptes publics et celui du sénateur BOURDIN sur les finances locales résume bien la situation actuelle des collectivités locales.

Sous le double effet d’une croissance rationalisée des concours de l’Etat et d’une modération de la fiscalité locale directe, les dépenses de fonctionnement ont été, dans la majorité des cas, contenues. Il s’en est toutefois suivi une conséquence : c’est que l’effort d’investissement s’est considérablement ralenti.

Alors qu’une perspective de croissance nouvelle se fait jour, il faut franchir désormais avec prudence une étape nouvelle qui doit consister à accroître et accompagner votre capacité d’initiatives.

Comme vous le savez, les dispositions de ce qu’on appelle couramment le « pacte triennal de stabilité » défini à l’article 32 de la loi de finances pour 1996, cessent d’être applicables à la fin de 1998. Le pacte de stabilité est l’aboutissement d’un effort pour mettre en cohérence les dotations de l’Etat, et en particulier leur évolution au regard de celle des prix et de la croissance. Cependant, et malgré ses insuffisances du fait de la moindre place qu’il accorde aux dotations d’investissements, ce pacte doit être respecté jusqu’à son terme.

Il est en effet le gage de la stabilité des relations financières de l’Etat et des collectivités locales. Si les contours en ont été fixés par le Gouvernement précédent, il n’aurait pas été raisonnable, lors de ma prise de fonction au mois de juin, alors que se précipitaient les discussions sur la préparation du projet de loi de finances, d’en envisager la sortie avant l’échéance prévue.

C’est pourquoi j’ai tenu à ce que ce principe de stabilité soit respecté et vous en jugerez les résultats lors de la présentation du projet de loi de finances que je ferai mardi prochain avec Dominique STRAUSS-KAHN au Comité des finances locales.

Je peux toutefois vous préciser que pour le budget de l’année qui vient, en raison de l’actualisation des indices prévisionnels des prix 1998 et du PIB 1997 qui s’annoncent meilleurs que ceux prévus au moment de la préparation de la loi de finances, la Dotation globale de fonctionnement des départements connaîtrait une progression très légèrement supérieure à celle de l’inflation, en raison de l’impact de la régularisation négative de la Dotation globale de fonctionnement versée « en trop » en 1996. Sur ce point, j’avais dit au Comité des finances locales que le Gouvernement s’efforçait de neutraliser, sur les autres dotations, les effets de la moindre progression de la Dotation globale de fonctionnement. Vous constaterez très prochainement que cet engagement a été tenu.

Par ailleurs, ce souci de stabilité s’est manifesté également dans le traitement du dossier de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Vous savez que le Gouvernement a tranché et que la cotisation des employeurs ne progressera pas en 1998.

Toutefois, il est urgent qu’une discussion sereine ait lieu entre nous sur le devenir de cette Caisse, car si le Gouvernement n’a pas voulu cette année traiter précipitamment ce dossier, il n’en reste pas moins que la question du déséquilibre de cette Caisse continue d’être posée à l’horizon 1999, si la surcompensation et la compensation restent équivalentes à leur montant actuel.

Je n’ignore pas la complexité de tout débat sur les régimes spéciaux de retraite, mais je ne crois pas que nous pourrons faire l’économie d’un échange constructif, auquel je vous sais prêt sur le sujet.

Ce qui sera en cause, dans les prochains mois, c’est l’avenir des relations financières entre l’Etat et les collectivités locales, autrement dit, ce qu’on appelle la sortie du pacte de stabilité. Si son acquis essentiel, et qu’il faudra retenir, est l’engagement de l’Etat de garantir, pour les collectivités locales, des ressources leur permettant d’inscrire leurs actions dans la durée, il faut, je crois, aborder cette question de manière plus globale.

Notre réflexion sur les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales ne doit pas se limiter à la seule évolution des concours de l’Etat, et en particulier de la seule Dotation globale de fonctionnement, dotation de référence, emblématique de la qualité des rapports entre l’Etat et les collectivités locales.

Nous devons par exemple réfléchir aux mécanismes actuels de péréquation et élargir les perspectives à la révision de bases locales.

Nous devons surtout être attentifs à l’évolution des charges qui pèsent et qui pèseront sur vos budgets. Votre collègue Paul GIROD, dans un rapport publié à l’Observatoire des finances locales, le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation présidée par Daniel HOEFFEL, les réflexions conduites par la Commission consultative d’évaluation des charges sont présentes à mon esprit et constituent une base solide de réflexions et de propositions. En effet, il ne servirait à rien de veiller aux ressources des collectivités locales si dans le même temps les charges des collectivités locales continuaient de croître au même rythme qu’au début des années 90. Les stabiliser est l’affaire de tous. Au premier chef, des élus, mais également de l’Etat, qui fixe lui-même de nombreuses charges. Je connais aussi votre inquiétude devant l’impact des normes européennes en matière d’environnement sur le mode de financement desquelles le Premier ministre vous a indiqué qu’il demandait une réflexion.

Enfin, il conviendra d’être particulièrement attentif à l’évolution inquiétante des compensations pour exonérations et dégrèvements. Le poids des compensations qui est aujourd’hui de l’ordre de 60 milliards de francs, dont 40 pour la seule taxe professionnelle est excessif. Sa croissance rapide et régulière durant ces dernières années a transformé l’Etat en premier contribuable local. Il y a là une dérive contraire à l’esprit de la décentralisation et à votre pouvoir de décision en matière financière. Il faut, sur le plan, prendre des initiatives en vue de diminuer progressivement le poids de ces compensations.

Enfin, je ne saurais oublier dans cette réflexion la nécessité d’élargir vos marges de manœuvres financières. La sortie du pacte de stabilité doit être conçue avec, en perspective, vos nécessaires efforts pour l’investissement et pour la création d’emplois. Des études récentes ont démontré qu’il y a dans les collectivités locales une capacité de reprise des investissements qu’il ne faut pas compromettre.

Mais dans mon esprit comme d’ailleurs, je crois, dans le vôtre, ce souci de stabilité ne nous exonère pas d’un besoin de réforme.

Je connais votre souhait de voir se poursuivre la décentralisation à travers la clarification des compétences. Nul ne saurait critiquer cet objectif. Il faut en effet, faciliter les conditions d’exercice par les collectivités locales de leurs compétences. Ce chantier à peine ouvert doit être relancé ; je dis cela dans un souci d’aboutir à des décisions significatives. Le Premier ministre vous a, d’ailleurs, fait part de son sentiment en recommandant une démarche pragmatique sur des dossiers clairement identifiés. Tel est, je crois, votre avis.

Le dossier dont le traitement a le plus progressé et qui nous importe au plus haut point est celui du secteur sanitaire et social. Je me réjouis d’ailleurs que le volet social soit jugé par vous prioritaire. Si la clarification s’impose dans ce domaine, c’est aussi qu’il y a dans notre pays une forte attente.

Les départements ont su répondre à cette exigence et vous avez d’ailleurs pour un grand nombre d’entre vous, utilisé toutes les ressources que vous donne la loi, parfois même au-delà, pour développer une politique sociale ambitieuse. Les projets du Gouvernement pour la sécurité sociale, qui englobent la prise en charge des cotisations d’assurance personnelle ou bien encore la reprise par l’Etat de la prévention sanitaire qui a fait l’objet de nombreuses discussions depuis plusieurs mois, posent autant de questions auxquelles, avec ma collègue Martine AUBRY, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, j’apporterai une réponse.

Chaque volet de ce dossier doit être considéré dans un souci de neutralité financière entre l’Etat et les collectivités locales. La clarification des compétences ne doit pas être un enjeu financier entre l’Etat et les collectivités, si l’on souhaite atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés. Je me propose de vous en entretenir prochainement.

Le second dossier qui a également évolué est celui des services d’incendie et de secours.

Je vous rappelle que la situation actuelle, pour des raisons historiques que vous connaissez bien, est fondée sur la mixité entre les sapeurs-pompiers volontaires au nombre d’environ 200 000, et les sapeurs-pompiers professionnels, qui sont un peu plus de 25 000. Ce principe ne sera pas remis en cause car il est le garant de la meilleure couverture territoriale d’intervention en milieu urbain comme en milieu rural.

Plusieurs d’entre vous se sont émus à propos de la mise en œuvre des lois du 3 mai 1996 qui ont essentiellement pour vocation de moderniser chaque service départemental. Ces lois recueillent à mon sens, l’assentiment d’une très grande majorité d’élus locaux.

J’observe d’ailleurs que la réforme se met progressivement en place puisqu’une vingtaine de conseils d’administration sont installés à ce jour.

Les mesures d’application de cette loi et en particulier la question du régime indemnitaire et du régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels ont donné lieu à débat au cours des derniers mois. Comme vous le savez, j’ai souhaité, à mon arrivée, relancer la concertation avec les organisations syndicales représentatives des sapeurs-pompiers professionnels, pour chercher l’accord le plus large possible sur ce dispositif.

Je crois que nous y sommes aujourd’hui parvenus et que nous pourrons faire aboutir ces textes avant la fin de l’automne. Il y aura, à cette occasion, une légère augmentation des dépenses relatives aux services d’incendie et de secours, dans une fourchette comprise en moyenne (sur le territoire national) entre 3 et 5,5 %. Ces chiffres sont connus depuis longtemps et votre association, comme d’autres associations d’élus, nous ont demandé de réfléchir aux possibilités de refinancement des services. C’est une question que j’ai demandé à la direction de la sécurité civile d’étudier dès le début de 1998.

Enfin, s’agissant du statut des sapeurs-pompiers professionnels, nombreux sont les élus qui s’interrogent sur l’appartenance à la fonction publique territoriale de ces agents. La question ne peut pas être éludée et nécessite une réflexion approfondie. Mais, dans l’immédiat, les personnels sont attachés à leur statut et le plus important apparaît bien de mener à son terme la phase actuelle de réforme des services d’incendie et de secours, qui permettra à nos concitoyens de bénéficier d’un système de secours modernisé et mieux réparti sur l’ensemble du territoire national.

J’évoquais tout à l’heure mon souci d’encourager vos capacités d’initiatives. Sur ce point, je voudrais aborder la nécessaire refonte du régime des interventions économiques des collectivités locales. Chacun le sait ici, le régime actuel est aujourd’hui inadapté aux besoins du développement économique local. Il date, pour l’essentiel, de 1982. Pourtant, c’est une affaire qui mobilise chaque année plus de 15 milliards de francs. Il appartient à l’Etat, en liaison avec les élus, de remédier à cette situation qui expose les responsables locaux à de trop nombreuses critiques.

Ce dossier doit être abordé dans un triple souci :
    - sécuriser juridiquement le régime des aides et par la même sécuriser vos décisions ;
    - clarifier et simplifier le régime des aides dans son ensemble ;
    - veiller à ce que les aides des collectivités locales ne fragilisent pas les finances locales.

Cette réflexion doit intégrer, à mon sens, le régime juridique des sociétés d’économie mixte locales. C’est un important chantier sur lequel l’Etat travaillera avec vous, ainsi qu’avec les autres collectivités locales.

Autre objectif majeur pour 1998, la réforme de l’intercommunalité. Chacun est ici convaincu des enjeux qu’elle comporte. L’intercommunalité est un élément qui concourt à dessiner notre paysage institutionnel local ; plus que cela, elle est un complément indispensable à vos propres efforts en matière de développement local. Sa diversité et son développement depuis 1992 en témoignent.

Le projet de loi approuvé en Conseil des ministres en mai dernier, contient, je l’ai déjà souligné, des idées neuves que je reprendrai à mon compte. Mais je souhaite aborder différemment ce projet et lui donner une dimension nouvelle. Si je ne remets pas en cause les trois volets que le projet initial contenait – institutionnel, fiscal et financier –, je souhaite que ce projet modernise le cadre d’exercice des compétences locales et qu’il tienne le plus grand compte des équilibres financiers et notamment de la répartition de la Dotation globale de fonctionnement entre communes, groupement de communes et départements. La réflexion que nous aurons à conduire sur « l’après-pacte » devra intégrer cet aspect. Nous ne pouvons pas, je crois, donner une impulsion nouvelle à l’intercommunalité sans la relier aux relations financières entre l’Etat et les collectivités locales. Les dotations de l’Etat ne peuvent pas dans l’avenir être fixées sans que le financement de l’intercommunalité ne le soit également.

L’objectif que je me fixe est triple :
    - assurer le financement de l’intercommunalité dans le cadre d’une redéfinition des relations financières de l’Etat et des collectivités ;
    - favoriser à travers la taxe professionnelle d’agglomération et la Dotation globale de fonctionnement des groupements, le développement local et l’intercommunalité de projet ;
    - encourager la constitution d’agglomération pour mieux s’adapter à l’évolution des réalités urbaines.

C’est une perspective ambitieuse, et elle ne pourra aboutir qu’avec votre entière collaboration.

Permettez-moi enfin de vous dire un mot de la fonction publique territoriale, dont la responsabilité ministérielle revient à mon collègue Emile ZUCCARELLI.

Sur cet aspect comme sur celui des finances locales, un besoin de stabilité se fait sentir et le Gouvernement cherchera à faciliter votre action.

Il est évident qu’il reste quelques carences dans le dispositif statuaire dont la construction est pour l’essentiel achevée. Je pense notamment ici aux règles de recrutement et de formation sur lesquelles nous allons lancer, avec Emile ZUCCARELLI, une mission conjointe, ou aux dispositions relatives à l’avancement, qu’il faut élargir.

Je n’ignore pas non plus votre attente sur la parution d’un décret créant les emplois fonctionnels de directeurs généraux et de leurs adjoints, sujet qu’il me semble effectivement nécessaire de régler.

Pour autant, je serai défavorable à des remises en cause de fond de cette fonction publique, comme par exemple un déplafonnement des régimes indemnitaires.

Il est normal que les fonctionnaires revendiquent des avantages nouveaux et que des employeurs soucieux d’un dialogue social de qualité, soient sensibles à leurs arguments. Mais ma responsabilité est de vous dire que cette question ne peut être traitée que globalement entre les fonctions publiques, sauf à laisser se créer des discriminations, qui seraient sources d’insatisfactions.

Sachez aussi que vous trouverez en moi un interlocuteur attentif à faire passer vos messages sur le besoin de transparence du régime indemnitaire de l’Etat. On ne peut évidemment pas débattre utilement des avantages comparés des différentes fonctions publiques, si l’on ne connait pas clairement et complètement leurs rémunérations respectives.

Voilà, madame et messieurs les Présidents, les principaux objectifs que je me fixe pour les mois à venir.

Mais je serais incomplet si j’oubliais le projet relatif au cumul de certains mandats que je suis chargé d’élaborer.

Faire en sorte que les élus titulaires d’un mandat ou d’une fonction importante s’y consacrent à plein temps, ouvrir plus largement l’accès à des responsabilités électives et par la même favoriser le renouvellement des élus suppose une limitation du cumul de certains mandats et fonctions électifs.

L’intention du Gouvernement est donc de limiter les possibilités de cumul d’un mandat parlementaire avec la responsabilité d’un exécutif local.

Le Premier ministre a annoncé que l’initiative d’une rencontre sur ce sujet avec les dirigeants des grandes formations républicaines serait prise dans un souci de concertation et avec une volonté d’aboutir.

Nous reparlerons dons ensemble de ce sujet qui me semble être au cœur d’une modernisation effective de la vie politique.

Je verrais pour ma part dans une telle limitation des mandats, une nouvelle chance pour la décentralisation, du fait de l’émergence d’une génération d’élus locaux spécifiquement attachés à leurs mandats de proximité.

Je comprendrais parfaitement que des analyses différentes me soient opposées. Dans le débat qui doit prévaloir dans une République moderne, elles méritent d’être amplement discutées.

Vous me trouverez prêt à le faire, comme je le suis des autres questions car démocratie et décentralisation vont de pair.

Aussi en concluant ces travaux, je vous dis à très bientôt pour poursuivre notre travail.