Texte intégral
RTL : Le Président de la République a-t-il réussi une intervention partisane ou au-dessus des partis ?
B. Bosson : Sur la partie européenne, il a été homme d'État. Il a dit clairement : premièrement, Maastricht n'est pas l'œuvre du Président de la République, mais de Douze États dont dix de droite et de centre droite. Deuxièmement, voter pour Maastricht ce n'est pas voter pour F. Mitterrand. Et enfin, il a déconnecté les problèmes de droit de vote des étrangers et de droit de vote des Européens et le problème important de la spécificité des élus français. Il a donc fait un pas dans la direction de tous ceux qui, européens convaincus, ne veulent pas faire n'importe quoi dans le cadre de ce traité.
RTL : Cela veut dire qu'il n'y a pas de piège pour l'opposition ?
B. Bosson : Il y a un piège naturel, mais nous sommes capables de placer l'Europe au-dessus du débat politique français. Ce traité n'a rien de socialiste.
RTL : Quelle doit être l'attitude de l'opposition ?
B. Bosson : Le problème se pose aux oppositions de douze pays. Dans les douze pays, la plupart des opposants vont ratifier un seul et même traité qu'est celui de Maastricht, pour une raison très simple : la CEE est notre seul avenir. Il ne s'agit pas de construire un super État, il ne s'agit pas de transférer un Paris à Bruxelles. Il s'agit simplement de mettre en commun les quelques moyens pour exister dans le monde. L'idée que l'on a d'une France rayonnante ne peut se faire qu'à partir de la construction européenne. Regardez la monnaie, avoir une monnaie unique européenne, c'est le seul moyen de ne plus subir la loi, le diktat du dollar, du yen et du mark. C'est le seul moyen de reconquérir une souveraineté monétaire. Aujourd'hui, être patriote ou européen sont synonymes.
RTL : P. Séguin affirme qu'il vaut mieux être indépendant parce que la France indépendante exerce plus de pressions sur l'Allemagne.
B. Bosson : C'est une plaisanterie. C'est le règne des États-Unis, d'abord. Ensuite, nous sommes aujourd'hui à la remorque de l'Allemagne derrière un mark géré par une banque amie mais étrangère et nous pesons moins qu'un Land allemand à qui on demande son avis. Je ne comprends pas la position, qui est un véritable abandon de souveraineté, de P. Séguin. Sa logique est la ligne Maginot. On revient à l'hexagone et nous acceptons d'être une petite puissance de dernière zone pour le XXIe siècle. J'ai une autre idée de la France.
RTL : On attend dans les rangs de l'opposition qu'il n'appartient pas à un Parlement affaibli de procéder à la révision de la Constitution.
B. Bosson : La Constitution prévoit la mécanique de révision. C'est d'abord le Parlement et ensuite le Congrès ou le référendum. Sur le plan de la théorie, je suis partisan du référendum pour changer la Constitution. Mais je crains que l'on pollue automatiquement le débat européen par le débat français, à moins qu'il n'y ait que deux questions dans le référendum : voulez-vous que le Président de la République reste et voulez-vous ou non approuver Maastricht ? Mais comme on ne posera pas deux questions et qu'elles seront mélangées, je ne suis pas partisan du référendum. Ceux qui demandent le référendum sont curieusement des anti-européens de toujours, alliance curieuse qui allie P. Séguin, le FN, le PC.
RTL : Considérez-vous que l'opposition, par la procédure retenue par le Président de la République, a toute possibilité de s'exprimer ?
B. Bosson : À une condition, le Président de la République avait deux visages : l'homme d'État, au niveau de l'Europe, le chef de guerre au niveau national. Pour être sûr que le premier visage soit le vrai, je propose qu'il crée dès cette semaine une commission qui travaille sur la réforme constitutionnelle. Par exemple sur le droit de vote. Suivant la façon dont on rédige la réforme, on met une exception européenne qui interdit le droit de vote des autres étrangers ou on ne le met pas. Voilà le genre de question que l'opposition veut traiter de telle sorte que la réforme de la Constitution soit travaillée avec nous. Il faut traiter du débat européen avant l'été de manière qu'après on puisse rentrer dans le choix gauche-droite. L'intérêt de l'opposition, comme du Président de la République c'est d'avoir traité les problèmes européens avant l'été.
RTL : Sur le droit de vote, on ne peut pas dire que F. Mitterrand ait agité le chiffon rouge.
B. Bosson : Bien au contraire, il a pris une décision qui est celle que nous lui demandions depuis des mois. Il a marqué un point dans notre direction, c'est l'opposition qui a gagné. Sur le droit de vote il n'avait rien dit pendant les deux ans où le traité avait été négocié, sur la spécificité des élus municipaux, il n'avait rien dit.
RTL : Votre souhait est que l'on arrive à un texte qui réalise une sorte d'unanimité nationale ?
B. Bosson : Je ne doute que Maastricht sera très largement ratifié. Imaginons que ce ne le soit pas, les onze autres États vont dire oui, ce serait la fin de la construction européenne ? Plus personne n'ose s'avouer anti-européen aujourd'hui. Les anti-européens s'avancent masqués derrière l'Europe des États. L'Europe des États se serait l'ONU au rabais. On connaît son impuissance. Il n'y a pas d'autre alternative que la construction européenne à condition qu'elle soit dans sa définition d'origine, c'est-à-dire qu'elle respecte les identités nationales, qu'elle permette le patriotisme et qu'elle interdise simplement le retour au nationalisme et à son cortège de haines et de guerres. Regardez dans le Golfe, l'année française n'a été que la roue de secours de l'année américaine. Moi, je n'accepte plus cela. Je veux une Europe qui soit armée, partenaire des États-Unis et non plus vassale. Avoir une idée de l'indépendance de la France, c'est le permettre dans le cadre la Communauté.
RTL : Les RPR vous écoutent ?
B. Bosson : L'essentiel du RPR votera Maastricht, car ils ont une certaine idée de la France. Nous ne pouvons pas continuer à être en matière monétaire et militaire un peuple qui n'est plus que l'appoint des États-Unis. Nous avons un autre rôle à remplir dans le monde, la France a un autre génie, elle a ses valeurs propres. Elle doit les faire rayonner.
13 avril 1992
Antenne 2
B. Bosson : Je ne dis pas de construire un super État qui voudrait nier nos nations. C'est tout au contraire la volonté de mettre en commun les quelques moyens indispensables pour compter à nouveau dans le monde. L'Europe, c'est la paix, l'identité nationale, le patriotisme, sans risque de retombées vers le nationalisme et son cortège de haines et de guerres. Maastricht pour l'essentiel, c'est marcher vers une monnaie unique. Mais c'est le seul moyen pour cesser de subir le règne sans partage du dollar, du yen et du mark. La France n'existera qu'ainsi. Regardez en matière monétaire. Grâce à une monnaie unique européenne, nous retrouvons une souveraineté. Qu'on ne me parle pas d'abandon de souveraineté. On va enfin retrouver à Douze une souveraineté monétaire. Être patriote aujourd'hui, c'est être européen. Il faut dire, pour la France, oui à l'Europe. C'est le moyen d'exister dans le monde.
16 avril 1992
Europe 1
B. Bosson : Je ne suis pas favorable au référendum, si toute la classe politique française est d'accord, on offre un triomphe à F. Mitterrand ; et si l'opposition se déchire devant les Français dans le cadre d'un référendum, la situation sera absurde. Le problème de fond est de se demander si l'Europe est une bonne ou une mauvaise chose pour la France et si Maastricht est un bon traité. Il est évident que oui ! Il n'y a pas d'alternative à la Communauté européenne. Il n'y a plus d'anti-européens en France, honnis le FN et le PC.
J.-P. Elkabbach : P. Séguin et P. de Villiers ?
B. Bosson : Ce sont des anti-européens qui s'avancent masqués. Ils rêvent d'une Europe des États. Ce serait une sorte d'ONU au rabais où l'on tenterait à l'unanimité de se mettre d'accord. Cette Europe n'existerait jamais, c'est une fiction. Ou bien c'est une France frileuse, repliée sur elle-même qui ne comptera pas dans le monde, ou bien c'est une Communauté qui respecte notre identité, mais qui nous permette de mettre des moyens en commun pour exister dans le monde.
J.-P. Elkabbach : Il y a une inquiétude pour la France ?
B. Bosson : C'est absurde ! Maastricht c'est la monnaie. Or, je ne place pas les valeurs nationales, l'identité française, le drapeau dans la monnaie. La monnaie est un outil au service de l'emploi, de l'économie. On nous dit que l'on va abandonner la monnaie aux technocrates. Les Français préfèrent certainement les technocrates plutôt que les politiciens qui dévaluent la monnaie. La monnaie donnée aux technocrates est une monnaie forte : l'Allemagne, les États-Unis et la Suisse. On nous dit : on abandonne la souveraineté. Mais aujourd'hui, le Franc français faible permet au Yen et au Dollar de régner sur le monde et au Mark sur l'Europe.
J.-P. Elkabbach : Ce ne sera plus le cas après ?
B. Bosson : On va cogérer à douze une monnaie. On reconquière une souveraineté.
J.-P. Elkabbach : Le problème des frontières extérieures ?
B. Bosson : Une Communauté des Douze qui supprimera ses frontières internes doit renforcer à tout prix ses frontières extérieures. Nous ne pouvons avoir une politique des visas que de manière communautaire et non pas si on le décidait à l'unanimité. Le texte actuel y répond. Sur le droit de vote, il s'agit simplement de permettre, aux municipales, uniquement aux communautaires et pas aux étrangers, et lorsqu'ils sont installés depuis longtemps en France, de voter aux municipales et de pouvoir être conseillers municipaux sans être membres du collège sénatorial et sans être maire ou maire-adjoint.
J.-P. Elkabbach : Pourquoi toutes ces querelles ?
B. Bosson : Il y a deux visions de la souveraineté de la France. Il y a ceux qui croient que la France éternelle peut continuer à exister dans le monde et ceux qui veulent, non pas transférer Paris à Bruxelles, non pas construire un super-État, mais se donner les moyens pour exister. Dans le Golfe, l'armée française n'a été que la roue de secours de l'armée américaine. Nous voulons être partenaires des États-Unis, mais plus vassaux, ni dans le domaine de la Défense, ni dans le domaine monétaire.
J.-P. Elkabbach : Sur quelles bases l'opposition pourrait-elle se mettre d'accord ?
B. Bosson : Le Général de Gaulle a accepté le Traité de Rome, J. Chirac a accepté l'Acte Unique, le RPR acceptera Maastricht. Ce traité n'est pas socialiste, cc n'est pas l'affaire de F. Mitterrand. Il est soutenu par J. Major en Angleterre, Kohl en Allemagne.
J.-P. Elkabbach : Qui les convaincra ?
B. Bosson : Nous les convaincrons tous. C'est un domaine dans lequel l'UDF est moteur et dans lequel, en expliquant simplement les choses aux Français, ils seront favorables à ce qui est le seul avenir de notre jeunesse. Si Maastricht ne passait pas, il n'y aurait plus de traité sur la monnaie, l'Europe prendrait un coup fatal et n'y survivrait pas. C'est cela l'enjeu !
20 avril 1992
La Croix
Souveraineté
Par le traité de Maastricht, les pays membres de la future union aliènent des attributs essentiels de leur souveraineté.
Bernard Bosson : Le combat n'est pas entre les partisans de la souveraineté de la France et ceux qui souhaiteraient son abandon mais entre deux visions de la souveraineté française, Philippe Séguin refuse en réalité la construction d'une communauté européenne et sa logique devrait conduire à la sortie de la construction actuelle, notamment du système monétaire européen, en un mot du cadre que nous a fixé le général De Gaulle depuis le traité de Rome. La France entrera alors dans le XXIe siècle comme une nation secondaire… Ce serait définitivement le règne des États-Unis et du Japon dans le monde, de la force allemande et du mark en Europe.
J'ai une autre ambition pour la France, une plus grande confiance dans son génie. Nous devons construire une Communauté qui fasse de vous les parlementaires et non les vassaux des États-Unis, une Communauté capable de relever le défi économique mondial. Il ne s'agit nullement d'un abandon de souveraineté, mais, dans le cadre d'une souveraineté partagée à 12, d'une véritable reconquête de souveraineté par rapport au monde.
Citoyenneté
La reconnaissance, au-dessus des citoyennetés nationales, d'une "citoyenneté européenne" ne pourrait conduire qu'au triomphe de la technocratie sur la démocratie.
Bernard Bosson : Ceux qui ont le pouvoir en Europe ce ne sont pas, comme on tente de le faire croire, les technocrates de la Commission de Bruxelles. C'est le Parlement européen et surtout le conseil des ministres et le conseil des chefs d'État sont bien élus démocratiquement par le peuple. La critique me paraît donc infondée.
Néanmoins, je fais partie de ceux qui trouvent que l'Europe manque d'une vie suffisamment démocratique. J'aurais souhaité que Maastricht décide que la Commission devienne un organe démocratique et politique… Mais, précisément, je me heurte depuis des années à Philippe Séguin et à ses amis qui dénoncent les "eurocrates" de Bruxelles mais qui ne veulent pas en faire des hommes politiques responsables.
Pour les commissaires européens, Jacques Delors aujourd'hui et ses successeurs demain, le choix est simple : ou ils ne font rien, ou ils agissent et se font traiter de technocrates, Maastricht aurait certes dû aller plus loin sur ce plan mais, alors on aurait entendu hurler Philippe Séguin sur les abandons de souveraineté. La contradiction est chez lui.
Décision
La souveraineté des nations est manifestement amputée par des organismes communs qui vont trancher en son domaine à la majorité des volants c'est-à-dire éventuellement contre la volonté de l'État français.
Bernard Bosson : Le premier responsable politique français à avoir accepté la mise en œuvre la règle de la majorité est le général De Gaulle dans les années 60 sur un sujet capital : la fixation des prix agricoles. Personne ne l'a jamais accusé d'avoir attenté à notre souveraineté. Il faut sortir de ce débat. La vraie question n'est pas sur la majorité, indispensable dans les domaines de compétences de l'Europe si l'on veut concrètement avancer… mais dans la définition de ce qui doit être demain de compétence communautaire et de ce qui doit demeurer de compétence nationale.
La Communauté ne doit avoir comme compétence que ce qui est lui indispensable pour exister comme, par exemple, la monnaie… Nous devons mettre en œuvre le principe de subsidiarité qui veut que la Communauté ne s'occupe que du strict minimum indispensable. Souvent, nous nous comprenons mal à ce sujet car, pour les Européens convaincus, le mot fédéral signifie la mise en commun de moyens minimum alors que pour nombre de gaullistes, le mot fédéral veut dire création d'un super-État européen et tentaculaire.
Social
La charte des droits sociaux est un texte vague, tellement vague que personne ne peut raisonnablement savoir à quoi il s'engage en le signant.
Bernard Bosson : Je suis étonné de cette critique. Il y a unanimité dans le domaine social pour dire que le but de la Communauté est de servir l'économie, l'emploi, le progrès social. L'Europe est en quelque sorte sociale par définition puisque, comme le disait Kennedy, "la marée fait monter tous les bateaux". On l'a bien vu pour l'Espagne, la Grèce ou le Portugal qui ont vu leur niveau de vie augmenter très rapidement.
En revanche, l'organisation sociale est du domaine de l'identité nationale et doit le demeurer. C'est à chaque pays de définir s'il veut tel ou tel type d'organisation, s'il préfère par exemple avoir plus de salaires directs ou un meilleur système collectif de protection sociale. J'ajouterai que les États les plus riches ont pu se doter de droits sociaux plus forts et ne sauraient les imposer aux pays les plus pauvres sans les écraser.
Monnaie
Il faudra des ressources considérables pour mettre tous les pays membres au niveau requis par la monnaie unique. La France donnera beaucoup plus qu'elle ne recevra, ce qui réduira sensiblement la marge de manœuvre de sa politique nationale.
Bernard Bosson : Je ne comprends pas ce raisonnement. Si nous nous dotons d'une monnaie unique, cette monnaie sera gouvernée de manière indépendante par rapport à nos États ou aux institutions bruxelloises. Et, en ce qui concerne l'indépendance de la future banque centrale, nous ne saurions en faire une position de principe. Philippe Séguin et moi-même avons d'ailleurs été élus en 1986 sur une plateforme commune UDF-RPR qui prévoyait que la Banque de France serait rendue indépendante du pouvoir politique.
Aujourd'hui, nous sommes dans le SME qui laisse une banque amie mais étrangère, la Bundesbank, régner sur l'Europe grâce au mark, seule monnaie dont le poids compte au niveau mondial. Nous doter ensemble d'une monnaie puissante et forte servira les intérêts de la France, renforcera notre économie et sera au service de l'emploi. Il y a là vraiment une reconquête de souveraineté… En outre, je ne comprends pas cette idée matérialiste selon laquelle le franc serait aujourd'hui une composante de l'identité culturelle nationale… La monnaie c'est un outil, choisissons donc le meilleur possible.
Immigration
L'essentiel des compétences en matière de circulation des personnes et de contrôle des flux migratoires est transféré à l'Union. Aux États ne restera qu'à faire face aux problèmes que leur poseront un ordre public et une sécurité compromis par les décisions communautaires.
Bernard Bosson : D'ores et déjà, nos frontières nationales sont extrêmement perméables. Pour construire en semble une communauté de destins sans frontières internes, nous devons renforcer notre protection aux frontières externes de la Communauté. C'est en nous dotant d'une politique d'immigration, d'une politique de visas communautaires que nous protégerons la France. Contrairement aux idées reçues, la seule véritable interrogation est de savoir si, en voulant éviter une Europe-passoire, nous ne sommes pas en train de construire une Europe-forteresse.
Défense
La France voulait l'identité européenne de défense, en marge de l'Alliance atlantique. La plupart de ses partenaires étaient surtout soucieux de ne pas compromettre leurs liens avec l'Otan. Ce n'est pas un compromis, c'est une série de contradictions.
Bernard Bosson : Je suis ahurie par cette critique. On ne peut pas, au nom de la souveraineté, ne pas vouloir mettre la monnaie en commun et, dans le même temps, critiquer Maastricht parce qu'on n'a pas construit une défense communautaire. On ne peut pas tenir ce double langage. Maastricht affirme la volonté d'une réflexion commune en matière de diplomatie et de défense. Nous ne devons plus, comme dans le Golfe, n'être que de simples supplétifs de l'armée américaine. Philippe Séguin semble aujourd'hui vouloir une Communauté européenne de défense face à l'Otan, que lui et ses amis ont refusée il y a quarante ans…
L'histoire de l'Europe de l'Ouest est celle d'une identité nationale et d'un patriotisme mal vécu qui chaque fois dérape dans le nationalisme et conduit à la guerre. Nous avons su construire une communauté qui respecte les identités nationales, serve les patriotismes et nous interdise de retomber dans le nationalisme. Nous devons parachever cette Europe qui constitue une communauté de destins. Nous ne serons pas libres et forts demain si les autres ne le sont pas.
22 avril 1992
France Inter
France Inter : Le projet du gouvernement vous satisfait-il ?
B. Bosson : Largement oui. C'est une main tendue à tous les Européens et notamment à l'opposition. Le droit de vote est un droit minimum qui, pour les Européens, leur donne uniquement le droit de vote au Parlement européen et aux élections municipales. Tout ce que nous avions mis en avant comme critiques, a été réglé par le gouvernement dans sa proposition. En ce qui concerne les visas, il est clair, que lorsqu'on va faire une communauté de douze pays sans frontière interne, il faut renforcer les frontières extérieures. Il est capital qu'on ait une politique de visas communautaires. C'est le seul moyen pour la France de mettre des visas aux pays du Maghreb. L'Europe est donc une protection pour la France et les Français. Sur la monnaie, il est sans doute trop large. Il permet tous les transferts de souveraineté possible et il faudra que le Parlement l'étudie avec le gouvernement pour limiter ces transferts à la monnaie unique, qui contrairement à ce que certains disent, n'est pas un abandon de souveraineté pour la France ; il y a longtemps que le Franc français n'existe pas dans le monde, que le fait que l'Europe n'ait pas de monnaie, permet au Dollar, au Yen, de régner sur la planète et au Mark de régner sur l'Europe. Cogérer une monnaie unique, c'est retrouver une souveraineté à travers la Communauté européenne.
France Inter : Pensez-vous que vos amis de l'opposition se sentiront rassurés par le texte du gouvernement ?
B. Bosson : Je crois d'abord qu'il y a une main tendue gouvernementale. Ensuite, je crois que nous allons entraîner le reste de l'opposition. Sans Europe, il n'y a pas d'avenir pour ce pays. Nous ne pouvons exister dans le monde que par une Communauté européenne qui ne niera jamais l'identité nationale, mais qui va, au contraire, permettre de rayonner notre identité nationale, notre patriotisme, notre vision, notre idée de la France et en même temps, mettre en commun les moyens indispensables pour exister dans le monde. Dans le Golfe, l'armée française, a été la roue de secours de l'armée américaine. Ce n'est pas avoir une ambition pour la France que d'être ainsi les vassaux des Américains. Nous devons être leurs partenaires, leurs égaux, mais plus jamais leurs vassaux.
France Inter : Si vous aviez un choix à faire entre l'Union Européenne et l'union de l'opposition, que choisiriez-vous ?
B. Bosson : Nous choisirions l'avenir de la France, c'est-à-dire l'Europe. Mais il n'y aura pas ce choix. Le RPR nous suivra, les gaullistes n'ont jamais été partisans d'une France frileuse, d'une France peureuse. C'est le Général de Gaulle qui a accepté l'Europe en 1958 et en dehors de certains qui ont une dérive, l'essentiel des gaullistes, suivra. Le problème, c'est de ratifier Maastricht, puis que l'union de l'opposition permette une alternance et permette de bien préparer ce pays aux enjeux européens.
France Inter : Que voulez-vous : un referendum ou la voie parlementaire ?
B. Bosson : On est dans un débat tout à fait secondaire. Sur le plan de la procédure, nous ne sommes pas favorables au referendum. Nous craignons que les Français mélangent leur refus de F. Mitterrand et du gouvernement socialiste avec l'Europe. Laisser polluer un débat d'avenir comme l'Europe, par un débat français circonstanciel est dangereux. En tant qu'opposant, je ne vois pas notre intérêt. Ou nous appelons tous à voter "oui", et on offre un triomphe à F. Mitterrand ; ou nous nous divisons, et c'est ridicule pour l'opposition.
France Inter : Comment expliquez-vous cette cacophonie dans les rangs de l'opposition ?
B. Bosson : Ce n'est pas très adroit, mais nous allons arranger ça de telle sorte que nous présentions une liste sur un débat de fond. Sur l'Europe nous devons mettre au point une plateforme commune. Il n'est pas possible de prétendre gouverner le pays ensemble, si nous ne sommes pas capables sur un sujet essentiel de mettre une plateforme commune. Cela va au-delà de Maastricht, et nous avons, en tant que centristes, des exigences et nous sommes sûrs de la réponse de nos amis du RPR.
France Inter : On reproche à F. Mitterrand d'aller un peu trop vite vers Maastricht.
B. Bosson : Il a tout à fait raison. La France doit donner le ton. Nous devons notamment aider le Chancelier KOHL, qui, lui, fait les seuls vrais efforts. Maastricht, c'est la monnaie ; il n'y a qu'un pays qui ait une monnaie en Europe, c'est l'Allemagne. Le seul homme d'État qui prend des risques et qui a des difficultés dans son pays, c'est le Chancelier. Nous devons par un "oui" massif du Parlement français, aider cet homme d'État allemand, qui veut à la fois une Allemagne forte et unie, dans une Europe forte et unie.
France Inter : Que craignez-vous dans les mois qui viennent ?
B. Bosson : Je crois que le Parlement français votera facilement. Une monnaie ce n'est pas une identité nationale, c'est un outil qui doit être au service de l'économie et de l'emploi. Nous devons avoir le meilleur outil possible. Pour l'instant notre petit outil n'existe pas. Ensemble nous pouvons construire une monnaie qui sera l'égale du Dollar et du Yen, qui imposera une nouvelle organisation mondiale et qui nous permettra de vendre dans cette monnaie.
France Inter : La restructuration de l'année.
B. Bosson : Si les États-Unis avaient refusé d'intervenir, nous n'aurions pas pu faire la guerre du Golfe seuls. Nous ne sommes déjà plus à la taille d'un petit dictateur du Moyen-Orient, et comme Français, ça, je ne le supporte pas. Concernant la ratification, si la France ne ratifiait pas Maastricht, il est clair qu'il ne peut pas y avoir de nouvelles négociations. C'est un coup fatal porté à la Communauté européenne, elle n'y survivrait pas. Et c'est là où il y a une responsabilité très grande des hommes politiques. Ceux qui n'ont pas d'alternative à Maastricht n'ont pas le droit de parler. C'est pour cette raison que je suis très sévère avec les ringards du FN, du PC ou d'une certaine aile du RPR ou du PS. L'Europe ne résout pas tout, mais est un point de passage obligé, à la condition qu'elle soit au service de nos identités.