Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le déficit du régime général de la Sécurité sociale et les mesures de redressement des comptes pour 1998, portant particulièrement sur la politique familiale, la CSG, les dépenses d'assurance-maladie et la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire, Paris le 26 septembre 1997.

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Circonstance : Réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale à Paris le 26 septembre 1997

Texte intégral

Le Secrétaire Général de la Commission des comptes de la Sécurité sociale vous a présenté la situation des comptes des différents régimes et plus particulièrement du régime général.

37 Mds de déficit en 1997, 33 Mds en 1998.

Cruel démenti pour ceux qui en novembre 1995 nous annonçaient l’équilibre en 1997 ; exigence majeure pour ceux qui doivent aujourd’hui procéder au redressement.

Ce redressement s’impose. Une Sécurité sociale en déficit est une Sécurité sociale affaiblie. Nous savons tous combien le thème du « trou de la Sécu » peut être exploité. Prenant prétexte des difficultés financières, certains voudraient nous amener à remettre en cause des principes de solidarité qui fondent notre système de protection sociale. Notre Sécurité sociale, outil majeur de solidarité et gage de cohésion sociale, est aujourd’hui menacé par les déficits accumulés.

Notre souci premier est d’assurer la pérennité de droits que seul un système de Sécurité sociale peut garantir. Il nous appartient donc d’assumer un lourd héritage et de procéder au redressement de la situation financière. Nous entendons réduire, dès 1998, le déficit de 21 Mds et atteindre l’équilibre en 1999.

Nous n’avons pas envisagé ce redressement dans une optique purement comptable. Nous avons conçu les différentes mesures qui y conduisent à partir de plusieurs exigences :
    - une exigence fondamentale d’abord : asseoir l’avenir de la Sécurité sociale sur une base de financement plus large. Pour faire face aux dépenses – même si celles-ci doivent être maîtrisées – il faut une assiette de recette dynamique et équilibrée ;
    - une exigence de justice. Il nous faut rééquilibrer les contributions des revenus du capital et du travail, supprimer les avantages disproportionnées accordés à certains ;
    - une exigence de solidarité qui nous conduit à réorienter l’effort vers les plus modestes ;
    - dernière exigence : répondre aux besoins croissants de nos concitoyens en matière de santé. Si la nécessité de maîtriser les dépenses de santé n’est pas contestable, il nous faut partir de l’état de santé des Français et de leurs besoins et non d’une simple vision comptable.

Les mesures inscrites dans le projet de loi de financement respectent ces exigences. J’ai veillé à ce qu’elles soient cohérentes avec les différentes politiques structurelles que nous engagerons avec une unique préoccupation : assurer la pérennité de notre système de Sécurité sociale.

C’est l’exigence de solidarité qui a guidé la définition des mesures en matière de politique familiale. Lorsque l’on cumule l’impact des prestations familiales et du quotient familial, les ménages les plus aisés bénéficient du montant d’aide publique le plus élevé. Ainsi un couple avec 3 enfants bénéficie de 29 000 francs par an s’il dispose d’un revenu de 100 000 francs et de 76 000 francs s’il dispose d’un revenu de 700 000 francs. Face à un déficit de 11 Mds de la branche famille – dû en grande partie à des mesures non financées décidées en 1994 -, nous nous devions de concentrer l’aide publique sur ceux qui en ont le plus besoin. La mise sous condition de ressources concernera moins de 8 % des foyers qui perçoivent aujourd’hui les allocations familiales, soit environ 2,3 % des familles. Peut-on, au regard de ces chiffres, évoquer les classes moyennes ? Où s’arrêtent donc les classes moyennes ? Le plafond de 25 000 francs nets annoncé par le Premier ministre sera en effet majoré de 7 000 francs en cas de bi-activité ou pour les familles monoparentales et de 5 000 francs par enfant à charge à partir du 3e. Ainsi, aucune famille dont les deux parents travaillent ne sera concernée à moins de 32 000 francs et aucune famille de 3 enfants ne sera touchée au-dessous de 30 000 francs nets par mois. Une famille de 3 enfants dont les deux parents travaillent ne sera concernée qu’à partir d’un revenu de 37 000 francs par mois. Que l’on cesse d’invoquer, en considérant ces chiffres, le couple d’instituteurs, même en fin de carrière.

Cette disposition heurte, je le sais, les convictions de ceux qui sont attachés à l’universalité de cette prestation. Mais il ne faut pas oublier que la logique profonde de la politique familiale est une logique de solidarité. Son mode de financement qui n’a jamais été assuré directement par des cotisations salariées en témoigne. Confrontés à un déficit majeur et aux difficultés de nombreuses familles modestes, nous avons dû, et nous l’assumons, faire le choix de la solidarité.

Certains nous disent que la voie choisie n’est pas la bonne et que nous aurions dû engager cette réforme par la fiscalité, que ce soit par la fiscalisation des allocations familiales ou par le quotient familial. Nous sommes prêts à réexaminer cette question dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur la famille. L’ensemble des options possibles seront mises sur la table. Nous les étudierons sans a priori. Mais j’entends que cet exercice ne se limite pas aux seules aides financières. La politique familiale doit être envisagée dans sa globalité. La politique de la famille passe aussi par la politique du temps de travail, de l’éducation, du transport et du logement.

Par ailleurs, je voudrais réaffirmer ici que la mise sous condition de ressources des allocations familiales ne constitue pas le prélude à un dispositif de même nature en assurance maladie. Le Gouvernement n’a nullement l’intention de moduler les remboursements selon le niveau de revenus. Au moment où nous allons appeler tous les revenus à participer au financement de l’assurance maladie, chacun doit bénéficier d’un même niveau de couverture. Cela n’exclut pas que nous portions une attention particulière à ceux qui, aujourd’hui, sont exclus des systèmes de santé pour des raisons financières. C’est là, à mon sens, l’élément essentiel du projet d’assurance maladie universelle.

C’est le souci de réduire des avantages disproportionnés, accordés à certaines catégories de ménages, qui nous conduit à limiter à 50 % le montant des cotisations prises en charge dans le cadre de l’A.G.E.D. Cette prestation était concentrée sur un nombre très restreint de famille : 67 000. La garde à domicile, du fait de son coût, était réservée aux ménages les plus aisées. Ce mode de garde restera aidé mais, alors que la collectivité supportait, avec la déduction emplois familiaux, 70 % de la charge, elle n’en assumera plus que 40 %, ce qui reste un taux significatif. Comment peut-on justifier que l’Etat assume plus des 2/3 du financement d’un tel service privé ?

L’aide apportée aujourd’hui, à un couple qui bénéficie d’une employée à domicile à plein temps s’élève, en cumulant l’A.G.E.D. et la réduction d’impôt, à 80 000 francs par an. Je m’étonne que certains critiquent l’effort que nous faisons pour financer des emplois jeunes qui répondent à de réels besoins sociaux et trouvent parfaitement légitime que nous apportions une aide d’une telle ampleur aux ménages les plus aisés.

Ces deux mesures (allocations familiales et A.G.E.D.) dégagent environ 5 milliards de francs. Elles contribueront d’une part au rééquilibrage nécessaire de la branche famille et, d’autre part, permettront d’accroître notre effort vers les familles modestes. Cette politique est d’ailleurs déjà engagée à travers la majoration de l’A.R.S. (Allocation de Rentrée Scolaire), la revalorisation des allocations logement, la réhabilitation de 100 000 logements H.L.M. et les mesures prises pour financer l’accès aux cantines scolaires. Ces mesures représentent déjà un effort de plus de 10,5 milliards de francs.

De plus, nous ouvrirons dès 1998, le bénéfice des allocations familiales à tous les enfants à charge de 19 ans. Mesure d’équité car rien ne justifie que les familles qui ont à charge des jeunes sans activité soient moins aidées que celles dont les enfants poursuivent des études.

J’indiquais, il y a quelques instants, que la politique familiale ne se réduisait pas aux prestations. A cet égard, les initiatives prises par ce Gouvernement en matière d’éducation, de logement ou d’emplois jeunes, pour me limiter à quelques exemples, me paraissent favoriser l’épanouissement des projets familiaux. Permettre l’insertion des jeunes comme nous l’avons entrepris à travers le programme emploi-jeunes, n’est-ce pas la meilleure manière d’aider de nombreuses familles ? Réduire le temps de travail n’est-il pas le moyen le plus efficace pour favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, pour permettre à la mère mais aussi au père de jouer pleinement leurs rôles d’éducateurs ?

C’est la volonté d’asseoir la Sécurité sociale sur une base pérenne et un souci de justice qui nous ont guidés dans notre décision d’opérer un transfert d’ampleur des cotisations maladie sur la C.S.G. La C.S.G. sera augmentée de 4,1 points sur les revenus de l’épargne et du travail, de 2,8 points sur les revenus de remplacement.
En contrepartie, les cotisations maladie seront réduites de 4,75 points sur les revenus d’activité et de 2,8 points sur les revenus de remplacement.

Ce transfert vise à rééquilibrer les prélèvements sociaux entre les revenus de travail et ceux liés à la détention d’un capital. Il est juste en effet que l’ensemble des revenus soit appelé à contribuer à un système d’assurance maladie fondé sur la solidarité de tous devant la maladie. Ce rééquilibrage sera d’ailleurs prolongé par l’extension de l’assiette des prélèvements de 1 % actuellement affectés à la C.N.A.F. et à la C.N.A.V.T.S., à l’ensemble des revenus de l’épargne concernés par la C.S.G.

Mais cette réforme vise également à doter notre protection sociale d’une base de financement plus large et donc plus stable. Elle sera ainsi confortée. Une assiette, exclusivement concentrée sur les salaires, fragilise notre sécurité sociale, notamment lorsque la part des salaires dans la valeur ajoutée est en diminution. Depuis le début des années 1980, cette part a baissé de 10 %, c’est une des raisons majeures des difficultés de la Sécurité sociale.

De plus, le basculement des cotisations maladie vers la CSG permet un accroissement substantiel du pouvoir d’achat des actifs salariés (1,1 %) et une grande part des autres actifs. Cet accroissement permettra d’engager dans les meilleures conditions les négociations qui s’engageront après la conférence sur l’emploi, les salaires et le temps de travail. Le transfert CSG/cotisations maladie s’effectue en préservant le pouvoir d’achat des chômeurs et de la quasi-totalité des retraites. Leurs cotisations maladie seront réduites à une concurrence de la hausse de la C.S.G. Il s’agit là d’une rupture avec la politique conduite précédemment, qui a conduit la pension de base d’un retraité imposable à perdre 3 % de pouvoir d’achat de 1993 à 1997.

Ainsi, le transfert C.S.G. et l’extension de l’assiette des prélèvements de 1 % permettent d’apporter un montant significatif de recettes au régime général d’environ 9 Mds.

Aurons-nous après ce transfert achevé la réforme structurelle du mode de financement de notre système de protection sociale ? La question de l’assiette des cotisations employeurs est posée. Faut-il prendre en compte la valeur ajoutée ou une autre assiette ? Faut-il moduler l’assiette en fonction du rapport masse salariale/valeur ajoutée ? Les réflexions sont en cours, elles n’ont pas abouti. Je souhaite qu’elles se poursuivent en concertation avec les partenaires sociaux. Il faudra que nous vérifiions que de telles évolutions auraient un impact positif sur l’emploi. Si tel est le cas, l’emploi étant notre objectif majeur, nous engagerions cette réforme dès la prochaine loi de financement.

J’entends dire que le transfert de cotisations maladie vers la C.S.G. préparerait l’éviction des partenaires sociaux de la gestion de la Sécurité sociale. Les salariés continueront à payer des cotisations. Ils acquittent une part importante de la C.S.G. Les cotisations employeurs pèsent indirectement sur les salaires. L’ensemble de ces prélèvements justifie pleinement donc le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des caisses. D’ailleurs, je ne crois pas que ce soit seulement le mode de financement qui légitime leur intervention. En quoi des cotisations dont le taux est fixé par simple décret du Gouvernement sont-elles une garantie du rôle des partenaires sociaux ? Une C.S.G. clairement affectée aux régimes de Sécurité sociale n’offre-t-elle pas de meilleures assurances de pérennité ? Pouvons-nous déplorer que le Parlement se saisisse à travers la C.S.G. du financement de notre Sécurité sociale ? La légitimité des partenaires sociaux se fonde sur leur rôle effectif dans les Caisses, sur la richesse des débats dans les Conseils d’administration, sur la qualité des décisions qui y sont prises, sur leur capacité à informer et à mobiliser tous ceux qu’ils représentent. Je suis attachée, vous le savez, au dialogue social, à la démocratie sociale. Le rôle confié aux partenaires sociaux pour la gestion de nos régimes de Sécurité sociale est un élément fondamental de cette démocratie sociale. C’est la vigueur de cette démocratie sociale qui bien plus que le mode de financement me paraît le meilleur garant du rôle des partenaires sociaux.

Les difficultés auxquelles est confronté notre système de sécurité sociale ne permettent pas que certains types de revenus soient exonérés de l’effort demandé à tous. Ainsi, nous achèverons le déplafonnement des cotisations familiales des travailleurs indépendants les alignant ainsi sur le régime qui prévaut pour les salariés. Nous augmenterons également de 6 à 8 % la taxe sur les contrats de prévoyance collective. C’est dans cet esprit que sera réexaminée la loi sur les fonds de pension. Il serait dangereux de bâtir un système sur complémentaire de retraite par capitalisation à partir d’exonération de cotisations sociales. La retraite par capitalisation ne se construira pas en affaiblissant les régimes par répartition. Je redis ici que l’objectif prioritaire de ce Gouvernement est de les consolider. L’ensemble des dispositions que je vous présente aujourd’hui aboutira d’ailleurs à une réduction de moitié du déficit de la C.N.A.V.T.S.

Avant d’évoquer l’assurance maladie et les dispositions du projet de loi en ce domaine, je voudrais vous indiquer dans quelle perspective j’aborde le problème de la santé. Ma préoccupation, c’est d’abord de répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de santé. Répondre aux besoins tels qu’ils sont et là où ils sont. Assurer à tous l’accès à des soins de qualité. Améliorer l’efficience de notre système pour utiliser au mieux les ressources qui y sont allouées. Tels sont les principes qui nous guident. Cette politique, nous entendons la conduire en concertation avec des professionnels du secteur mais également en donnant la parole aux citoyens et leurs représentants. Les Etats Généraux de la Santé qui se réuniront à partir du printemps prochain seront un moment fort du dialogue que nous appelons de nos vœux. La santé est au cœur des préoccupations des Français, le système de soins n’évoluera ni contre eux, ni sans eux.

Pour 1998, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit un objectif national de dépenses d’Assurance Maladie, qui conduit à majorer de 500 MF les dépenses qui vous ont été présentées par le Secrétaire Général. L’O.N.D.A.M. proposé dans le projet de loi s’élèvera à 613,6 Mds en progression de 2,2 % par rapport à l’année précédente.

Ce taux d’évolution des dépenses, largement inférieur à celui des recettes, représente une contribution au rééquilibrage des régimes d’assurance maladie d’environ 9 Mds.

Je suis, vous le savez, favorable à la maîtrise des dépenses de santé. Elle est indispensable pour maintenir notre niveau de couverture sociale. Or, ce niveau est faible. La part des dépenses de santé prise en charge par la Sécurité sociale ne s’élève qu’à 73,5 % en France. Ce taux nous place parmi les derniers du classement des Pays de l’O.C.D.E. Dans ce contexte, vous comprendrez que le Gouvernement n’envisage pas de déremboursements qui réduiraient encore le niveau de couverture dont disposent nos concitoyens.

En revanche, le niveau élevé de dépenses de santé dans notre pays – 9,8 % du PIB soit le 3e rang des pays de l’O.C.D.E. – nous indique que l’on peut réguler l’évolution des dépenses sans nuire en rien à la qualité de soins.

Pour autant, nous ne régulerons pas l’évolution des dépenses en étouffant notre système de santé sous des enveloppes.

L’enveloppe médico-sociale progressera de 3,15 %. Ceci nous permettra de financer 7 000 lits de section de cure médicale et 2 000 places de service de soins infirmiers à domicile. Par ailleurs, les moyens supplémentaires consacrés aux personnes handicapées progressent de 150 millions par rapport à 1997.

L’enveloppe des dépenses d’assurance maladie consacrée à l’hospitalisation publique augmentera globalement de 2,2 %, en 1998, après une année 1997 où l’évolution avait été brutalement limitée à 1,25 %. Ce taux nous permettra notamment de poursuivre le mouvement de réduction des inégalités entre régions.

En prévoyant cette augmentation, je ne nie pas la nécessité d’une adaptation de notre tissu hospitalier. Bien au contraire, je la rends possible et je l’inscris dans la durée.

Il serait vain de croire que les hôpitaux évolueront par l’effet d’une asphyxie budgétaire. Il serait également faux de penser qu’ils ne doivent évoluer que pour des motifs financiers. L’adaptation de notre système hospitalier doit d’abord être guidée par la volonté de mieux répondre aux besoins, par le souci de la qualité des soins et de la sécurité des patients et enfin par la recherche de l’efficience des structures. C’est en s’adaptant en permanence que le service public hospitalier restera fidèle à sa vocation.

Pour cela il nous faut mieux appréhender les besoins et partir d’une connaissance plus précise de l’état de santé des populations concernées mais également des comportements en matière de consommation, de déplacements. Il nous faut également disposer d’un état des lieux plus précis sur l’état actuel des structures de soins, sur les manières dont les besoins de santé sont actuellement pris en compte.

Dans cette perspective, un travail méthodologique préalable est en cours, confié à un comité de pilotage, composé d’experts et de professionnels. Sur la base de ce travail, j’ai décidé de lancer, dès la fin de l’année 1997, la révision des schémas régionaux d’organisation sanitaire.

Cette révision, il nous faut y associer les populations et les élus. La recomposition de notre tissu hospitalier ne peut être le produit de décisions technocratiques aussi éclairées soient-elles. L’hôpital est au centre de la vie locale, c’est le lieu où l’on accouche, où l’on est soigné pour les pathologies les plus graves. C’est aussi bien souvent l’employeur principal et un élément d’aménagement du territoire. Chacun est donc concerné. Je fais en ce domaine le pari de la démocratie. Je suis certaine, qu’à partir d’un diagnostic partagé, le dialogue est seul à même de favoriser les évolutions nécessaires. Dans le même esprit, je souhaite que dans chaque région, les directeurs d’A.R.H., les directeurs de DRASS et de CRAM associent à leurs travaux des personnalités ayant une grande légitimité au plan médical.

Je ne souhaite pas que la relance de cet exercice de planification se traduise par une pause dans les évolutions en cours et dont la nécessité est attestée. J’encourage les A.R.H. à inscrire ces évolutions dans une relation contractuelle, respectueuse de l’autonomie de gestion des établissements.

Cette adaptation nécessaire, nous entendons la favoriser dès 1998 en apportant aux établissements l’appui méthodologique dont ils ont besoin, ainsi que les moyens d’accompagnement nécessaires. Le budget du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité prévoit une enveloppe de 500 MF en A.P. pour favoriser les investissements nécessaires. Pour rapprocher deux structures hospitalières, transformer un service de court séjour en unités de soins de longue durée, il faut pouvoir investir. Nous nous donnons les moyens de ces évolutions. De plus, un fonds d’accompagnement social, pour favoriser la mobilité et la formation, sera financé sur le budget de l’assurance maladie à hauteur de 300 MF.

Il nous faut donner une perspective aux acteurs de terrain et mobiliser leur énergie et leurs talents. La pression sur les budgets n’est pas à mes yeux une fin en soi. Je n’en constate pas la nécessité mais il faut revenir à l’essentiel : le système de soins est fait pour soigner, les soins doivent contribuer à améliorer l’état de santé. Je sais que seule une vraie perspective de service public permettra aux personnels de se mobiliser.

Je mesure cependant la distance à parcourir et les efforts à fournir. L’hôpital doit faire sa mue : développer le travail en commun avec les structures voisines, cesser de ne considérer comme nobles que les lits de court séjour alors qu’il faut développer les soins de longue durée, diversifier les prises en charge ambulatoires en liaison avec la médecine de ville pour répondre aux souhaits des patients.

En ce qui concerne les soins de ville, nous envisageons en 1998 une évolution identique à celle retenue en 1997 soit 2,1 %. Je pense, sans préjuger des discussions entre la C.N.A.M.T.S. et les médecins, que ce taux permettra de desserrer par rapport à 1997 les objectifs fixés aux médecins compte tenu de l’évolution des autres soins de ville.

Les objectifs et les enveloppes ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour faire évoluer notre système de soins de ville. Je voudrais évoquer quelques points qui, en ce domaine me paraissent fondamentaux.
Le premier thème que je voudrais évoquer est celui qu’il est convenu d’appeler la maîtrise médicalisée. Ce dispositif, conçu autour des Références Médicales Opposables, doit évoluer avec l’élaboration de références positives et de recommandations de bonne pratique. J’en appelle aux professionnels eux-mêmes. En lien avec les Caisses, ils peuvent être les agents de cette évolution. Il nous faut sans tarder engager ensemble une réflexion pour donner un second souffle aux Unions Régionales de Médecins.

Dans le même esprit, j’entends favoriser l’expérimentation de nouvelles formes d’organisations des soins. J’ai décidé d’agréer l’option conventionnelle dans la mesure où elle était exploratoire. L’évaluation permettra de vérifier si les objectifs visés sont atteints : meilleure cohérence du suivi du patient, développement des actions des préventions et de la prescription de génériques. Cette option n’épuise pas les possibilités d’expérimentation. Nous installerons prochainement le Conseil d’orientation des filières et des réseaux et je souhaite que son travail soit fructueux. Je sais que de nombreuses initiatives sont prêtes à voir le jour. Mais il doit être clairement affirmé qu’il n’est pas question, par le biais d’expérimentations, de remettre en cause les bases sur lesquelles repose notre système de sécurité sociale solidaire.

Autre élément majeur d’évolution de notre système de soins, l’informatisation. Initiée dans la perspective d’automatiser les remboursements, ce projet est en fait porteur de changements fondamentaux, sous réserve qu’il soit mis au service des professionnels et de la qualité des soins. Je pense aux informations que contiendra le volet d’information médical de la carte Vitale, au développement des logiciels d’aide à la prescription, aux échanges que permettra le réseau Santé Social pour un meilleur suivi du patient.

Un véritable saut qualitatif aux retombées considérables est possible : pouvoirs publics, caisses et professionnels de santé doivent le réussir ensemble.

Je voudrais également évoquer le médicament. Tout le monde s’accorde à reconnaître, qu’en France, nous en consommons trop. Triste record que celui de figurer parmi les premiers consommateurs de psychotropes. Comprenez-moi bien. Là encore, ma préoccupation c’est d’abord la santé des Français. La surconsommation de médicaments entraîne notamment des interactions médicamenteuses dangereuses et conduit à des hospitalisations évitables. J’ai demandé à l’Observatoire des prescriptions un bilan, par classe thérapeutique, de l’adéquation entre les besoins et la consommation de médicaments. Sur la base de cet état des lieux et dans le cadre de la politique conventionnelle avec l’industrie pharmaceutique, je souhaite que des objectifs ambitieux de réduction des volumes soient fixés. Une telle modération est d’ailleurs nécessaire pour que nous puissions attribuer les prix qu’ils méritent aux médicaments nouveaux issus de l’effort de recherche des laboratoires.

Sans attendre, nous devons faire baisser les dépenses de promotion. Industrie pharmaceutique et Sécurité sociale ont en ce domaine des intérêts convergents. Le P.L.F.S.S. prévoit à cet égard une augmentation de la taxe sur les dépenses promotionnelles. Elle touchera ceux d’entre eux qui dépensent le plus. Pouvons-nous enfin nous résigner au développement infime des médicaments génériques dans notre pays ? Sûrement pas. A cet égard, j’attends beaucoup des promesses contenues dans l’avenant n° 1 à la convention médicale et des efforts d’information que déploiera la C.N.A.M.T.S. Je fais confiance en ce domaine à l’initiative des partenaires conventionnels. Les pouvoirs publics prendront quant à eux leurs responsabilités : il nous faut accélérer la publication des listes des génériques, favoriser la promotion de ce type de médicaments, faire évoluer en concertation avec les pharmaciens leur mode de rémunération qui actuellement freine le développement des médicaments les moins chers. Le projet de loi de financement prévoit d’ailleurs un abattement de la taxe sur la publicité pour favoriser le développement des génériques.

Enfin, je renouvelle ici les propositions de dialogue que j’ai été amenée à formuler auprès du corps médical.

Il nous faut disposer, je crois, d’un mécanisme de régulation globale des dépenses de médecine des villes. On ne peut prétendre maîtriser l’évolution de ces dépenses en visant simplement à vérifier que chaque acte individuel est pertinent. La médecine ne peut pas se réduire à des protocoles. La relation patient médecin n’obéit pas à des standards. Vouloir fonder la régulation sur le seul contrôle des pratiques médicales, ce serait engager dans la voie d’un contrôle bureaucratique de l’activité des médecins, qui, même s’il s’avérait possible, ne serait pas souhaitable et ne me semble souhaité par personne.

Le premier rôle des médecins est bien évidemment de soigner. Mais en soignant, ils assument collectivement des responsabilités économiques au regard de notre système de sécurité sociale. Je souhaite qu’ils se saisissent pleinement de cette responsabilité. Qu’ils considèrent que dans un système, dit libéral, où leur activité serait contrôlée par une société d’assurance, cette responsabilité économique leur serait opposée avec encore plus de rigueur.

Les mécanismes, dont nous héritons, pour mettre en œuvre cette responsabilité économique, sont imparfaits et donc perfectibles. L’essentiel est de mettre en place des mécanismes qui conjuguent régulation et amélioration de la qualité des soins. Les modalités de la régulation peuvent impliquer plus directement les acteurs de terrain au contact des réalités.

Les professionnels peuvent s’ils le souhaitent jouer un plus grand rôle dans cette régulation des dépenses. J’étudierai attentivement toutes leurs propositions.

Pour conclure sur l’assurance maladie, nous prévoyons d’affecter 300 MF à des actions de prévention en 1998 notamment pour améliorer le dépistage des cancers féminins. Le même souci de santé publique nous conduit à majorer les droits sur le tabac de 1,3 Md pour lutter contre le tabagisme, fléau majeur responsable de 60 000 morts par an.

En conclusion, les différentes mesures que je viens d’évoquer permettront d’atteindre les objectifs suivants :
    - redresser les comptes de notre système de sécurité sociale pour assurer sa pérennité ;
    - rééquilibrer son mode de financement en faisant contribuer tous les revenus et notamment ceux liés aux placements financiers ou à la détention d’un capital ;
    - réorienter notre politique familiale vers les familles les plus modestes et contribuer au retour à l’équilibre de la branche ;
    - répondre aux besoins de santé de nos concitoyens tout en maîtrisant l’évolution des dépenses ;
    - améliorer le pouvoir d’achat des actifs afin de faciliter les négociations sur l’emploi.

J’ajoute que le Gouvernement est conscient du fardeau que supporte la Sécurité sociale du fait des déficits accumulés au cours de la législature précédente. Il a donc décidé d’apurer le passé. La dette sera reprise à hauteur de 87 Mds selon des modalités qui seront précisées très prochainement par le Ministre des Finances. La charge d’intérêt du régime général sera ainsi allégée de 3 Mds. Cette reprise de dette sera une contribution majeure au redressement des comptes.

L’ensemble des dispositions que je viens d’évoquer ainsi que certaines autres, dont je vous laisse découvrir le détail dans le dossier de presse qui vous sera remis, permettent de ramener le déficit de 33 milliards à 12 milliards soit une réduction majeure du déficit de 21 Mds. Si la croissance que nous attendons, et que nous faisons tout pour stimuler est au rendez-vous, l’équilibre sera atteint en 1999. Mais les déclarations de mes prédécesseurs en ce domaine sont suffisamment récentes pour que je n’évoque cette perspective qu’avec prudence et modestie mais aussi avec détermination.

Tel est en tout cas mon objectif. Je suis persuadée, qu’attachée comme moi la pérennité de notre système de protection sociale, vous aurez à cœur, chacun dans votre domaine de responsabilité, de contribuer à ce qu’il soit atteint.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de votre attention.