Déclaration de M. Émile Zuccarelli, ministre de la fonction publique de la réforme de l’État et de la décentralisation, sur la clarification des compétences locales en matière d'intervention économique, la gestion locale, la réforme de l'intercommunalité et l'évolution des concours financiers de l’État en 1998, Puy l’Évêque (Lot) le 5 octobre 1997.

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Intervenant(s) : 
  • Émile Zuccarelli - ministre de la fonction publique de la réforme de l’État et de la décentralisation

Circonstance : Congrès de l'association des maires du Lot à Puy-l'Evèque le 5 octobre 1997

Texte intégral

Monsieur le président,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les adjoints et conseillers municipaux,
Mesdames et Messieurs,

C’est un grand honneur pour moi que de clôturer les travaux de ce congrès qui marque une étape importante dans la vie de l’Association départementale des élus du Lot puisqu’il intervient à l’occasion de son cinquantenaire.

J’ai été très sensible à l’amitié que m’a témoignée votre président en me conviant à prendre part à cette manifestation. Le dynamisme et le dévouement dont fait preuve Jean LAUNAY à la tête de l’association des élus du Lot son ici connus de tous ; je tiens, pour ma part, à le féliciter pour l’excellente organisation de ce congrès et à le remercier vivement, ainsi que Monsieur le maire de Puy-L’évêque, pour leur accueil chaleureux.

Il m’est particulièrement agréable d’être aujourd’hui des vôtres. D’abord, parce que chaque fois que cela m’est possible, j’ai plaisir à rencontrer les élus locaux de nos départements.

J’ajoute que ce déplacement est pour moi l’occasion de mieux connaître cette terre du Lot à laquelle il est difficile de rester insensible.

Enfin, ma venue à Cahors puis à Puy-L’évêque m’a permis de retrouver beaucoup d’amis (Jean MILHAU, Bernard CHARLES, Martin MALVY…) que je côtoie depuis longtemps dans mes activités politiques et parlementaires.

Vous me permettez d’avoir un mot particulier pour Maurice FAURE. Pendant ses quarante années de présidence de l’Association des élus du Lot, il s’est dépensé sans compter pour défendre les intérêts de vos communes ; sous son égide, le conseil général n’a cessé d’œuvrer pour le développement des territoires qui composent ce département ; je tenais à rendre hommage à l’action qui a été constamment la sienne au plan local comme au plan national, au service des valeurs républicaines qui nous sont chères. Maurice FAURE est de ces élus qui, sachant allier une action opiniâtre en faveur de leur terre d’élection à un grand sens de l’État, ont donné à la décentralisation ses lettres de noblesse.

La décentralisation, j’y suis, comme vous, très attaché. Depuis quinze ans, la mise en œuvre des lois DEFERRE a transformé notre pays en dynamisant le tissu local et en mobilisant les énergies des élus et de leurs partenaires, au service de l’amélioration du cadre de vie et du développement économique et social de nos communes.

Vous avez été, Mesdames et Messieurs les maires et conseillers généraux, parmi les principaux artisans de cette réussite aujourd’hui reconnue par tous.

Comme l’a indiqué tout à l’heure Claude JULIEN dans sa brillante intervention, le rôle du maire a connu une profonde mutation au cours des cinquante dernières années ; à ses responsabilités traditionnelles se sont ajoutés de nouveaux champs de compétences qui n’ont cessé de croître au cours de la dernière décennie.

Votre principal atout est la parfaite connaissance du terrain, que permettent votre proximité des citoyens et une disponibilité de tous les instants dans l’accomplissement de votre mandat.

Toutes les enquêtes d’opinion le montrent : aux yeux des Français, le maire est, parmi les responsables publics, celui qui leur est le plus familier et qui conserve la meilleure image.

Le Gouvernement, auquel j’ai l’honneur d’appartenir, sait ce que la démocratie doit aux élus locaux et il n’entend pas leur ménage sa confiance. Cette confiance trouve son expression dans la volonté, récemment réaffirmée par le Premier ministre, de poursuivre et d’approfondir le mouvement de décentralisation, en remédiant, quand il le faut, à certains dysfonctionnements qui sont susceptibles de compromettre son efficacité. De ce point de vue, trois priorités s’imposent à nous au cours de cette législature.

D’abord, clarifier les compétences respectives des différents niveaux de collectivités : on ne sait plus toujours aujourd’hui, dans certains domaines, qui fait quoi de la commune, de l’intercommunalité, du département, de la région ou de l’État. L’action publique perd ainsi de sa cohérence et la décentralisation devient peu intelligible pour les citoyens.

Une remise en ordre s’impose donc. Je vais m’atteler à ce chantier en présentant tout d’abord au Parlement, dès le premier semestre de 1998, un projet de loi clarifiant les compétences locales en matière d’interventions économiques. Nous adopterons, par la suite, la même démarche dans d’autres domaines (formation professionnelle, action sociale, prévention sanitaire…)

Deuxième priorité : renforcer la participation des citoyens à la vie publique. Nous devons lutter contre cette désaffection que beaucoup d’entre vous constatent sur le terrain. C’est en favorisant une meilleure information des habitants, et en développant la concertation, (grâce, par exemple, à des structures consultatives associées à la gestion des services publics locaux) que nous pourrons revivifier notre démocratie locale.

Enfin, il convient d’améliorer la transparence de la gestion locale, qui est la contrepartie des prérogatives importantes conférées aux collectivités territoriales par la décentralisation. Non pas bien sûr en rétablissant une quelconque forme de tutelle, mais en améliorant les conditions d’exercice du contrôle de légalité. C’est là, soyons en convaincus, le moyen le plus sûr de renforcer la sécurité juridique à laquelle aspirent légitimement les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux. Et aussi de prévenir la mise en jeu de leur responsabilité dans certaines situations où leur probité et leur souci de bien faire ne sauraient le plus souvent être contestés.

Le Gouvernement, dans sa démarche d’approfondissement de la décentralisation, est animé par une volonté forte : améliorer l’efficacité de la gestion publique locale en confortant dans leur action des élus locaux et leurs collaborateurs. Je m’y emploierai, pour ma part, avec détermination ans les fonctions qui sont les miennes.

Je souhaiterais profiter de notre rencontrer pour vous apporter des informations sur trois dossiers d’actualité importants pour les collectivités locales : la réforme de l’intercommunalité ; l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités locales en 1998 ; la mise en œuvre du plan pour l’emploi des jeunes.

La réforme de l’intercommunalité tout d’abord. Dans tous les départements français, la coopération intercommunale est une réalité forte, vivante et bien enracinée. Je prends l’exemple du Lot : 99 SIVU et 25 SIVOM permettent de longue date d’assurer dans de bonnes conditions la gestion de services d’intérêt commun dépassant les possibilités techniques et financières d’une seule commune et nécessitant une aitre d’action assez étendue, par exemple la collecte et le traitement des ordures ménagères.

Grâce à l’impulsion donnée par la loi du 6 février 1992, la coopération intercommunale a franchi une nouvelle étape en permettant de mener à bien de plus en plus de projets communs de développement, tout particulièrement dans le cadre des communautés de communes. Regroupant près de la moitié de communes et 65 % de la population.

Un peu plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, les chiffres parlent d’eux-mêmes ; notre pays compte aujourd’hui près de 1 500 structures intercommunales à fiscalité propre qui rassemblent plus de la moitié de la population française et environ 16 500 communes. Le département du Lot, à lui seul, compte 15 communautés de communes.

Il serait bien sûr réducteur de s’en tenir à une approche exclusivement quantitative : des structures n’ont pas seulement été créées, elles ont « porté », tout au long de ces dernières années, un grand nombre de projets concourant à l’aménagement du territoire, et sont devenues les partenaires actifs des politiques de développement local contractualisées, selon les cas, avec l’État, les régions ou les départements.

Ce bilan très positif n’est pas cependant sans présenter quelques zones d’ombre.

L’architecture complexe de l’intercommunalité qui repose sur la stratification de dispositifs successifs, l’enchevêtrement ou la superposition des périmètres, voire des compétences, ont fait de la coopération intercommunale une réalité de moins en moins lisible et, de ce fait, mal identifiée par beaucoup de citoyens. Ceux-ci n’en appréhendent bien souvent qu’une seule dimension : celle d’une colonne supplémentaire sur leurs feuilles d’impôts locaux !

Dans le même temps, un nombre limité de groupements ont choisi de mettre en œuvre une réelle solidarité fiscale : 65 des 1 500 structures à fiscalité propre ont opté pour le partage de la taxe professionnelle. Cette situation ne peut que contrarier l’efficacité de la politique d’aménagement du territoire en pérennisant de fortes distorsions de concurrence entre entreprises et de non moins fortes inégalités de richesses entre collectivités.

Il est donc devenu indispensable de procéder à une remise en forme du cadre législatif et réglementaire de l’intercommunalité et de mettre en œuvre une réforme tirant les enseignements des principales évolutions constatées ces dernières années.

Mon prédécesseur Dominique PERBEN a ouvert ce chantier. Je fais miennes un certain nombre des orientations essentielles du projet de loi élaboré sous son égide, même si – c’est bien naturel – je me réserve, avec mon collègue Jean-Pierre CHEVENEMENT, ministre de l’intérieur, un droit d’inventaire et également d’initiative pour enrichir ce texte et le rendre plus ambitieux.

Un projet de loi sera soumis au Parlement au cours de l’année prochaine. Il comportera cinq axes majeurs :
    1. Simplifier le paysage institutionnel de l’intercommunalité en réduisant le nombre de catégories d’établissement publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
    2. Inciter activement les groupes dotés d’une fiscalité à s’engager dans la mise en commun de la taxe professionnelle ;
    3. Renforcer l’aide de l’État aux structures intercommunales qui se consacrent réellement à la mise en œuvre de projets de développement local ;
    4. Favoriser une plus grande coordination des politiques locales de l’emploi, conformément aux recommandations récemment formulées par le groupe de travail de l’Association des maires de France ;
    5. Enfin, assurer une meilleure information des citoyens et des conseils municipaux des communs membres sur les décisions prises par les structures intercommunales.

Le projet de loi sera placé sous le double signe du pragmatisme et de la volonté de moderniser l’intercommunalité pour en faire un levier encore plus performant au service de l’aménagement du territoire et du développement local.

J’en viens à un sujet qui vous intéresse directement dans la perspective de la préparation de votre prochain budget primitif : l’évolution des concours financiers de l’État en 1998.

Le Gouvernement a décidé de maintenir, jusqu’à son terme, c’est-à-dire le 31 décembre 1998, le pacte de stabilité financière instaurée en 1996.

Les dotations de l’État aux collectivités locales évolueront en 1998 au même rythme que l’indice prévisionnel des prix hors tabac figurant dans la loi de finances et connaîtront ainsi une progression de 1,3 % pour atteindre 156,7 milliards de francs. En tenant compte de l’abondement du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) par la fiscalité locale acquittée par la Poste et France Télécom, cette progression sera légèrement supérieure à l’inflation prévue pour 1998.

Les dotations de fonctionnement, qui recouvrent la dotation globale de fonctionnement, la dotation spéciale instituteur (DSI), la dotation élu local, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et le fonds national de péréquation (FNP), seront en progression de 1,78 % par rapport à cette année.

La progression de la DGF devrait permettre de réaliser un effort supplémentaire en faveur de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR).

Par ailleurs, après deux années de baisse, la dotation globale d’équipement (DGE) progressera en 1998 de 2,5 % et atteindra un peu plus de 5 milliards de francs.

Je terminerai ce tour d’horizon financier en vous rappelant que le taux de cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ne sera pas augmenté en 1998. C’est un sujet auquel vos collectivités sont particulièrement sensibles : il est vrai qu’un point d’augmentation de la cotisation à la CNRACL équivaut à un coût d’un milliard de francs pour les collectivités territoriales et n’est pas sans incidences sur la fiscalité locale.

Je suis personnellement intervenu auprès du Premier ministre pour que le taux de cotisation soit maintenu à son niveau actuel. Je suis heureux que mes arguments aient été entendus.

Au total, le Gouvernement tient, dans la loi de finances, ses engagements à l’égard des collectivités locales et s’attache à préserver les marges de manœuvre de ces dernières à l’heure où il sollicite leur engagement actif pour la mise en œuvre du plan pour l’emploi des jeunes.

Ce sera le troisième et dernier point que je souhaitais développer devant vous ?

C’est en partant d’une double constat – d’une part, la persistance d’un chômage massif des jeunes, d’autre part l’existence de besoins non satisfaits, dans le domaine des services – que l’État a décidé de soutenir, dans la durée, la création de nouvelles activités d’utilité sociale pour les jeunes de moins de 26 ans qui n’ont jamais accédé à l’emploi. Vous êtes, en tant qu’élus locaux, bien placés pour savoir qu’il était urgent d’agir.

Trois grands principes définissent la philosophie du projet de loi déjà examiné en première lecture par chacune des deux assemblées :
1. Offrir dans le cadre de contrats de travail de droit privé, de vrais emplois répondant à des besoins actuellement non couverts mais aussi à des besoins nouveaux liés à l’évolution de notre société tels les services aux personnes, la préservation de l’environnement et du patrimoine, la qualité du cadre de vie ;
2. Engager les collectivités territoriales, d’autres personnes morales de droit public et les associations à partager ces nouveaux emplois.
3. Pérenniser et professionnaliser les emplois, en suscitant la création de véritables métiers et en structurant l’offre de services, pour rechercher la solvabilisation de la demande.

J’appelle tout particulièrement votre attention sur un point essentiel : l’intention du Gouvernement n’est pas, comme certains ont pu le dire, de créer une fonction publique au rabais ; c’est nouveaux emplois n’ont, en effet, en aucune façon, vocation à se substituer aux emplois de la fonction publique territoriale.

Pour assurer la réussite de ce programme, l’aide de l’État sera importante : un financement pendant 5 ans à hauteur de 80 % du SMIC, charges sociales comprises. Le budget mobilisé en 1998 approchera les 10 milliards de francs.

Un partenariat étroit entre l’État et les collectivités locales devra s’instaurer pour la mise en œuvre de ces mesures. La procédure d’instruction des dossiers sera simple et rapide. Pour l’État, elle sera conduite par le préfet de département. Une convention annuelle sera établie avec chaque employeur, qui mentionnera les activités concernées et le nombre d’emplois à créer bénéficiant de l’aide de l’État. Celle-ci sera versée mensuellement, un mois à l’avance.

Pour notre jeunesse, ce programme doit réussir. Aussi devons-nous tous nous mobiliser. Quelle que soit la taille de vos collectivités, vous pouvez contribuer à cet effort national.

J’ai conscience, étant moi-même élu local, que les maires sont sollicités sur de nombreux fronts. Mais, historiquement, les attentes n’ont-elles pas toujours été fortes à l’égard des élus municipaux ?

Dès 1843, un chroniqueur écrivait dans un bulletin institué « Le propagateur des connaissances pratiques et indispensables », la rubrique suivante que je ne résiste pas au plaisir de vous lire :

« Le maire possède des attributions de bienveillance et de confiance qui en font, dans chaque localité, le tuteur de tous les intérêts communs… Il doit être d’un caractère actif, ferme, modéré, accessible ; il doit agir sans passion ; il doit jouir de l’estime de ses administrés et connaître tous les besoins de la commune ».

Je ne doute pas que tous les maires du Lot répondent à ce profil et seront ainsi à même de relever les nombreux défis auxquels leur commune est confrontée !

Je ne doute pas davantage que l’Association départementale des élus du Lot, riche de ses cinquante d’année d’expérience et de travail sur le terrain, saura leur apporter, demain comme hier, un concours efficace.

Je vous remercie de votre attention.