Texte intégral
Monsieur le président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le président de l’Association des petites villes de France,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les maires,
Je souhaiterais tout d’abord remercier le président Martin Malvy de m’avoir convié à ces quatrièmes assises des petites villes, et vous dire qu’il m’est particulièrement agréable de représenter le Gouvernement à cette première journée de vos travaux, avant que mes collègues Christian Pierret, Dominique Voynet et Jean-Pierre Chevènement, ne prennent demain le relais.
Je note que votre association, en choisissant Saverne pour y tenir ses assises, n’a pas manqué à la tradition instituée depuis sa création : après Chinon, Nuits-Saint-Georges et Figeac, c’est une petite ville riche de son patrimoine et de son art de vivre qui vous accueille. Je salue son maire, Adrien Zeller, président du conseil régional d’Alsace, ainsi que le ministre Daniel Hoeffel, président du conseil régional, en les remerciant pour leur accueil chaleureux en cette belle terre d’Alsace.
Chaque fois que cela m’est possible, j’ai plaisir à rencontrer les élus locaux et à débattre avec eux de leurs sujets de préoccupation. Ce plaisir est aujourd’hui d’autant plus vif que je retrouve dans cette salle beaucoup de visage qui me sont familiers. Le nombre de participants à ces assises témoigne de la réussite de cette manifestation mais aussi de l’audience qu’a su acquérir l’APVF. J’y vois le résultat du travail de fond mené, depuis sept ans, par mon ami Martin Malvy et toute son équipe pour faire entendre la voix des petites villes.
Nous avons tous en mémoire les premières assises de Chinon et la contribution qui fut la leur au texte qui allait devenir la loi sur l’administration territoriale de la République ; ce rôle de force de proposition ne s’est pas démenti depuis, si j’en juge par la participation active de l’APVF aux débats sur l’intercommunalité, sur le maintien des services publics et sur l’évolution des finances locales, pour ne citer que ceux-là.
Les petites villes sont aujourd’hui reconnues par l’État comme des acteurs à part entière de l’aménagement du territoire. Le président Fabius a trouvé tout à l’heure les mots justes pour rappeler combien le tissu des petites villes assure un maillage de notre pays, essentiel à sa cohésion territoriale et sociale. Comme l’ont montré les intervenants à la table ronde, non seulement le développement des petites villes est possible face au processus de concentration, mais il constitue une alternative réaliste qu’il convient d’encourager.
Pour tenir toute la place qui leur revient dans notre organisation territoriale, les petites villes pourront s’appuyer sur la volonté du gouvernement de poursuivre et d’approfondir la décentralisation.
Depuis quinze ans, la mise en œuvre des lois Defferre a transformé notre pays en mobilisant efficacement l’énergie des collectivités territoriales et de leurs partenaires, en faveur du développement local. Pourtant, c’est vrai, des progrès restent à accomplir.
Une priorité s’impose, récemment rappelée avec force par le Premier ministre devant les présidents des conseils généraux : clarifier les compétences respectives des différents niveaux de collectivités territoriales.
Les blocs de compétences fixés par les lois de 1982 ont, au fil des ans, cédé la place à des partenaires parfois complexes, d’une part, entre l’État et les collectivités, d’autre part, entre ces dernières. Dans beaucoup de domaines, il est devenu de plus en plus difficile pour le citoyen de discerner qui fait quoi de la commune, de l’intercommunalité, du département, de la région ou de l’État. L’action publique a ainsi perdu de sa cohérence et la décentralisation de sa lisibilité. Une remise en ordre s’impose donc. Non pour aboutir à des cloisonnements rigides qui se révèleraient rapidement inadaptés mais pour mieux préciser le rôle de chacun.
Dans un souci d’efficacité, le Gouvernement a choisi de procéder par étapes. Dès le premier semestre de 1998, je présenterai au Parlement, un projet de loi visant à moderniser le cadre juridique de l’action économique des collectivités locales.
Le régime des interventions économiques des collectivités locales, prévu pour l’essentiel par les lois du 7 janvier et du 2 mars 1982, est largement obsolète et répond mal aux besoins actuels des entreprises. Un récent rapport de la Cour des comptes a montré l’importance du fossé qui sépare les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, des politiques mises en œuvre par les collectivités, en faveur du développement économique et de l’emploi.
Les textes comportent beaucoup de zones d’ombre que la jurisprudence n’a, bien souvent, qu’imparfaitement clarifiées. Je pense, en particulier, à la distinction, pour le moins confuse, entre les aides directes et les aides indirectes.
De même, beaucoup d’initiatives se sont développées en marge du droit communautaire sur les aides publiques. L’absence de notification de nombreux dispositifs mis en place par les collectivités locales, outre qu’il fait encourir à notre pays le risque d’une condamnation par le Cour de justice, exclut les projets concernés du bénéfice des cofinancements communautaires, ce qui est particulièrement regrettable.
Le projet de loi actuellement en préparation poursuivra trois objectifs :
premier objectif : simplifier le système actuel et lever ses incertitudes afin de permettre aux élus de simplifier en faveur du développement local sans craindre de franchir la « ligne jaune » de la légalité nationale et européenne ;
deuxième objectif : encourager les collectivités locales à recourir à l’intermédiation de professionnels du développement économique, notamment les sociétés financières de capital-risque et de garantie ;
troisième objectif : protéger les budgets locaux en veillant à ce que les interventions économiques des collectivités n’excèdent pas leurs capacités financières.
J’ajoute que le projet de loi comportera également des dispositions visant à moderniser le régime juridique des sociétés d’économie mixte locales et à apporter aux collectivités actionnaires, un certain nombre de garanties de transparence dans leurs relations contractuelles et financières avec ces sociétés.
J’engagerai prochainement avec les associations d’élus locaux une concertation sur ce projet de loi. Je ne manquerai pas d’y associer l’APVF.
La réforme de l’intercommunalité est également au rang de mes principales priorités. Les petites villes sont directement concernées comme me l’a rappelé Martin Malvy lorsque je l’ai reçu avec une délégation de l’APVF, pour un premier échange de vues, quelques jours après ma prise de fonctions.
La loi relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 a marqué une étape décisive en incitant les communes, déjà familiarisées avec les SIVU, les SIVOM et les districts, à s’engager dans une intercommunalité toujours volontaire mais plus structurée et reposant sur la mise en œuvre d’un projet commun de développement.
Un peu plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi, les chiffres parlent d’eux-mêmes : notre pays compte aujourd’hui près de 1 500 structures intercommunales à fiscalité propre qui rassemblent plus de 31 millions d’habitants et environ 16 500 communes. Ce renforcement du poids de l’intercommunalité constitue un véritable facteur de mutation de notre vie locale et s’affirme comme le substitut d’une restructuration en profondeur de notre carte communale à laquelle notre pays n’est pas prêt. La France a fait le choix de conserver ses 36 700 communes, qui sont autant de lieux d’exercice de la citoyenneté. Ce choix, à mon sens, est sage dès lors qu’il s’accompagne de la poursuite d’une réelle dynamique intercommunale.
Or, certains obstacles restent à lever :
- d’abord, de fortes disparités existent d’une région à l’autre : alors que dans certaines d’entre elles, l’intercommunalité de projet est la règle, d’autres en revanche, comptent encore très peu de groupements à fiscalité propre ;
- l’architecture complexe de l’intercommunalité, qui repose sur la stratification de dispositifs successifs, et l’enchevêtrement ou la superposition des périmètres, voire des compétences, ont fait de la coopération internationale une réalité de moins en moins lisible et qui souffre, de ce fait, d’une absence d’identification par beaucoup de citoyens ;
- enfin, la solidarité fiscale n’a été mise en œuvre que par un nombre limité de groupements : seules 65 des 1 500 structures intercommunales à fiscalité propre ont fait le choix du partage de la taxe professionnelle.
Il est donc devenu indispensable de procéder à une remise en forme du cadre législatif et réglementaire de l’intercommunalité et de mettre en œuvre une réforme tirant les enseignements des principales évolutions constatées ces dernières années.
J’y travaille actuellement avec mon collègue Jean-Pierre Chevènement. Je précise que je fais miennes un certain nombre des orientations dégagées par mon prédécesseur Dominique Perben et qui figurent dans le projet de loi élaboré sous son égide, même si – c’est bien naturel – je me réserve un droit d’inventaire et également d’initiative pour enrichir ce texte et le rendre plus ambitieux. Le ministre de l’intérieur et moi-même avons fait le choix de ne pas travailler dans la précipitation et de prendre le temps de la réflexion et de la concertation pour préparer un texte qui réponde au mieux aux attentes des élus locaux en privilégiant cinq axes essentiels.
1. Premier axe : la simplification du cadre institutionnel de la coopération intercommunale
Un consensus de dégage aujourd’hui pour reconnaître que la multiplication, au fil des ans, des types de groupements de communes, a généré une complexité parfois inutile. Les communautés de communes, les communautés de villes et les districts présentent ainsi de nombreuses similitudes qui pourraient justifier leur regroupement en une seule catégorie d’établissement public de coopération intercommunale, moyennant une harmonisation des règles régissant leur création, leur fonctionnement et leurs compétences.
2. Une deuxième question devra impérativement être traitée par le projet de loi : le partage de la taxe professionnelle
Beaucoup d’élus locaux, quelles que soient leur sensibilité et la taille de leur commune ou agglomération, se rejoignent pour considérer que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Nous ne pouvons durablement laisser perdurer les fortes distorsions de concurrence, ni les choix parfois irrationnels de localisation d’activités, qu’entraînent les écarts de taux de taxe professionnelle au sein d’une même agglomération. Il nous faut aussi remédier aux iniquités qui en découlent dans la répartition des richesses, souvent au détriment des villes ou bourgs centre qui assument l’essentiel de la charge des équipements collectifs. C’est une réalité que beaucoup d’entre vous connaissent bien.
L’unification des taux et la mise en commun des ressources de la taxe professionnelle dans le cadre de l’intercommunalité à fiscalité propre apparaissent aujourd’hui comme deux conditions indispensables de la réussite de politiques cohérentes de développement local.
Plusieurs propositions ont été formulées. Je pense, en particulier, à la possibilité pour un EPCI de pratiquer une fiscalité mixte conjuguant taxe professionnelle unique et fiscalité additionnelle aux impôts ménages ; ou encore, à la suggestion visant à apporter certains assouplissements à la règle du lien entre le taux de la taxe professionnelle intercommunale et le taux des impôts ménages des communes membres. On éviterait ainsi une trop forte dépendance des ressources des établissements publics de coopération intercommunale à l’égard, d’une part, des variations de la conjoncture économique et, d’autre part, des décisions fiscales des communes membres. Ces propositions seront prises en considération par le projet de loi. Je souhaite, cependant, que le débat reste ouvert sur des mesures plus volontaristes permettant d’aboutir, dans des délais raisonnables, à l’unification des taux et à la mise en commun de la taxe professionnelle dans un plus grand nombre de structures intercommunales.
3. Troisième question qu’il nous faudra aborder : la nécessité d’une plus grande sélectivité de l’aide de l’État
On ne peut nier que certains groupements à fiscalité propre ont été constitués, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 février 1992, afin de pouvoir bénéficier de la dotation globale de fonctionnement et des autres incitations financières mise en place par l’État. De même, il est clair que certains établissements publics de coopération intercommunale n’ont pas résisté à la tentation – si vous me permettez l’expression – de « charger la barque » afin d’accroître ainsi, assez artificiellement, leur coefficient d’intégration fiscale et, de ce fait, leurs attributions de DGF.
Il serait à la fois logique et équitable que l’effort financier de l’État soit prioritairement consenti en faveur des groupements qui ont fait le choix d’une réelle intégration et qui se consacrent à la mise en œuvre effective de projets de développement.
4. Un autre sujet est également au cœur de tous les débats actuels sur l’avenir de l’intercommunalité : le mode de désignation des délégués à l’assemblée délibérante des EPCI à fiscalité propre.
Certains – et leur préoccupation est légitime – s’étonnent que l’assemblée délibérante d’une structure qui lève l’impôt soit élue au deuxième degré. Ils considèrent que les compétences croissantes exercées par les groupements rendent indispensables une responsabilité directe des élus intercommunaux devant les électeurs.
D’autres récusent une telle évolution en soulignant les risques, d’une part, de « politisation » des instances de décision intercommunales et, d’autre part, d’affaiblissement et de perte progressive d’identité de l’entité communale.
Ce débat devra, le moment venu, être tranché et pas nécessairement d’ailleurs avec une réponse uniforme. Si le choix de l’élection au suffrage universel était jugé prématuré, je suis convaincu qu’il ne serait pas pour autant souhaitable d’en rester au statu quo. Il y a place pour des mesures qui permettent de renforcer l’enracinement démocratique des structures intercommunales et la transparence de leur gestion, notamment en assurant une meilleure information des citoyens mais aussi, et surtout, des conseils municipaux des communes membres, sur les décisions prises par le EPCI.
5. Enfin, il me paraît opportun d’aller vers une reconnaissance plus explicite du rôle des structures de coopération intercommunale dans le domaine de la coordination des politiques locales de l’emploi. J’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de certaines recommandations en ce sens, formulées par le rapport du groupe de travail ad hoc de l’Association des maires de France. Elles ne manqueront pas d’être prises en compte dans la préparation du projet de loi.
Je souhaiterais, avant de conclure, vous dire quelques mots de l’action que j’entends conduire en matière de fonction publique territoriale. C’est un sujet auquel vous êtes tous très sensibles : tout ce qui concerne le statut et la carrière de vos collaborateurs ne peut, en effet, vous laisser indifférent.
J’ai annoncé, le 3 juillet dernier, devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ma volonté de traiter les problèmes du recrutement des fonctionnaires territoriaux et de l’organisation de leur formation. En dépit des incontestables améliorations apportées par la loi du 17 décembre 1994, préparée par Daniel Hoeffel, les collectivités locales continuent à éprouver de réelles difficultés pour recruter les fonctionnaires dont elles ont besoin.
Ces difficultés tiennent à des problèmes de délais d’organisation et de plus ou moins bonne adaptation des épreuves des concours aux réalités de l’action des collectivités locales, mais également au contenu et aux modalités de la formation. Par ailleurs, les règles de répartition de l’organisation des concours entre le CNFPT, les centres de gestion et les collectivités non affiliées demeurent perfectibles.
C’est dans ce contexte d’insatisfaction des élus, des candidats aux concours et de l’ensemble des acteurs du processus de recrutement-formation, qu’en accord avec le ministre de l’intérieur, j’ai demandé à M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d’État de rédiger un rapport d’étude et de propositions sur ces questions. Ce rapport me sera remis à la fin du mois de janvier prochain. Je ne vais pas, bien sûr, devant vous anticiper ses conclusions. Je voudrais seulement vous faire part de quelques pistes qui m’apparaissent essentielles :
- nous devons corriger les imperfections les plus notoires du système actuel : outre le partage des compétences entre les différents intervenants que je viens d’évoquer, je pense aux difficultés particulières du concours d’administrateur. La fonction publique territoriale a besoin de programmer sur la durée, le recrutement et la formation de cadres supérieurs de qualité ;
- il m’apparaît également indispensable de renforcer les synergies entre les institutions. Le CNFPT doit pouvoir développer ses relations avec les écoles de l’État, notamment celles placées sous ma tutelle, l’ENA et les IRA ;
- je souhaite, par ailleurs, qu’une plus grande complémentarité puisse s’instaurer entre le CNFPT et les centres de gestion. La programmation des concours, leur préparation et la formation initiale d’application sont autant de terrains sur lesquels cette complémentarité doit être organisée au bénéfice de tous ;
- par ailleurs, le contenu des concours et la formation doivent être adaptés aux métiers de l’action locale. Je veillerai à ce que l’on aboutisse rapidement à des solutions réalistes et susceptibles de produire, à brève échéance, des résultats tangibles ;
- enfin, la question du déroulement de carrière doit être abordée en termes objectifs. C’est pourquoi, dans le cadre de la mission que je lui ai confiée, M. Schwartz sera chargé de l’examiner. Il s’agit d’un domaine complexe. Les quotas d’avancement et de promotion interne sont, bien entendu, au cœur de la problématique des déroulements de carrière, mais ils n’en sont pas la seule composante. En tout état de cause, je n’envisage pas de les supprimer.
Telles sont les principaux points que je souhaiterais développer devant vous ce soir. Les relations étroites de concertation que j’entends entretenir avec l’Association des petites villes nous conduirons à vous revoir bientôt.
Dans l’immédiat, je forme des vœux de pleine réussite pour es quatrièmes assises et je vous remercie de votre attention.