Texte intégral
Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs les Préfets,
Le 24 juin dernier, le Premier ministre vous avait indiqué, ici même, les raisons pour lesquelles l’Etat doit poursuivre et prolonger sa réforme. Il m’est apparu nécessaire de profiter de la première réunion des préfets qui suit ma communication au Conseil des ministres pour vous préciser les priorités du gouvernement en la matière, pour les mois à venir, et recueillir vos avis et propositions.
Ayant la responsabilité de l’ensemble des services déconcentrés de l’Etat, vous avez la charge d’expliquer et d’appliquer la politique de l’Etat. A ce titre, il vous appartient également d’adresser au gouvernement les éléments prospectifs que vous inspirent votre pratique et votre connaissance du terrain.
Il ne vous aura pas échappé que la réforme de l’Etat est une constante de l’action gouvernementale. Cette constance ne signifie pas pour autant que certaines inflexions ne puissent et ne doivent être données à la politique précédemment suivie, notamment en matière de méthode.
Ainsi, l’action du gouvernement s’inscrira-t-elle dans la continuité de la décentralisation intégrée à partir de 1982, du renouveau du service public de 1989 et des dispositions de la charte de la déconcentration qui l’a suivie.
Vous noterez, ensuite, que certaines mesures décidées par le gouvernement précédent ont déjà été prises en compte, en ce qu’elles ont de commun avec les orientations retenues par le gouvernement, conformément à mes propositions.
Parce qu’il s’agit, cette fois, d’un projet de long terme, qui va plus loin qu’une simple modernisation, j’ai choisi d’intituler ma communication en conseil des ministres.
« Une nouvelle ambition pour l’État ».
Je considère, en effet, que si l’Etat doit s’adapter pour répondre à la transformation accélérée de son environnement, il doit le faire dans le respect de ses finalités et des principes républicains qui le fondent.
Son administration doit y puiser le sens de son action et la motivation nécessaire pour relever les défis économiques et sociaux du moment.
Nous savons que les services publics sont un facteur de cohésion irremplaçable de la Nation : de fait, ils procèdent directement de notre conception de l’Etat Républicain.
Mon ambition est que nous conduisions les changements à venir en nous référant constamment à ces valeurs, en témoignant de leur actualité et de leur opérationnalité pour la conduite des affaires publiques. Je souhaite que vous vous y associez pleinement et quotidiennement.
L’objectif d’amélioration de la qualité de la décision publique relève de cette préoccupation. Il s’agit d’introduire plus de transparence et de démocratie dans nos processus de décision pour aborder avec plus d’assurance la complexité des problèmes que nous avons à résoudre.
Cette question nous renvoie à la connaissance que nous avons des publics concernés par nos décisions et à notre volonté de bien identifier leurs intérêts et leurs besoins avant de décider.
À cet égard, il vous revient, au niveau de responsabilité qui est la vôtre, de fixer les objectifs de progrès des services déconcentrés en matière de concertation et d’écoute de tous les interlocuteurs de l’Etat et en matière d’évaluation des politiques publiques.
Je suis convaincu que la réforme de l’Etat se jouera en grande partie dans la capacité des services à s’approprier rapidement les savoir-faire correspondants.
Pour le reste, j’ai indiqué les voies et moyens d’une modernisation ordonnée des administrations d’Etat en vue d’accroître leur efficacité. Vous aurez certainement été sensibles aux objectifs fixés en matière de déconcentration de la gestion des ressources humaines, de mobilité et de fusion des corps et de formations des fonctionnaires.
Un comité interministériel de la réforme de l’Etat aura lieu en janvier prochain pourra arrêter les mesures prises et leur calendrier de mise en œuvre.
Pour votre part, vous serez notamment appelés à conduire le chantier de la réorganisation des services déconcentrés et à piloter le débat public sur la réforme de l’État.
Bien entendu, il va de soi que les préfets sont également concernés pour la mise en œuvre de l’ensemble des mesures de modernisation que j’ai annoncées. Je répondrai donc volontiers aux questions que vous me poserez pour préciser vos objectifs et responsabilités en la matière.
Comme l’a souligné le Premier Ministre, la déconcentration sera l’un des axes majeurs de la réforme de l’Etat. Le Ministre de l’intérieur l’a également rappelé récemment au Sénat.
C’est au 1er janvier prochain que la déconcentration des décisions administratives individuelles prévue par décret du 15 janvier 1997 entrera en vigueur.
À cette date, le préfet de département deviendra l’autorité compétente de droit commun pour prendre toute décision administrative individuelle de l’Etat.
Près de six cents procédures représentant annuellement près de 500 000 décisions seront automatiquement déconcentrées au niveau des préfets de départements de région et aux autres autorités déconcentrées de l’Etat. Parallèlement, près de 400 régimes d’autorisation administrative seront supprimés ou simplifiés.
Les ministères ont déjà engagé des actions d’information et de formation en direction des services déconcentrés, ou s’apprêtent à le faire. Ils organiseront avec notre concours l’information des usagers concernés par le rapprochement des circuits de décision. Une circulaire précisera les conditions de mise en œuvre du décret du 15 janvier 1997.
L’étape du 1er janvier 1998 est importante. Elle témoigne de la volonté de l’Etat de disposer d’une administration plus proche et plus réactive, au service des citoyens.
Les décrets qui seront examinés demain en Conseil des ministres arrêteront la liste des décisions maintenues au niveau ministériel. Celles-ci ne représenteront plus, alors, que le quart des procédures de décisions administratives individuelles prises par l’État.
L’étape suivant sera de nature budgétaire.
La préparation du projet de loi de finances 98 a permis d’achever pratiquement la globalisation des crédits de fonctionnement du tire III et l’identification, sur des chapitres ou articles spécifiques, des dépenses de fonctionnement des services déconcentrés.
Vous mesurez sans aucun doute l’importance de cette disposition pour le bon fonctionnement des services déconcentrés.
Le gouvernement a ensuite prévu, pour le projet de loi de finances pour 1999, la simplification des crédits d’intervention et le regroupement sur un même chapitre des crédits déconcentrés correspondant à une même politique publique. Je pense en particulier à l’aménagement du territoire, aux aides aux entreprises et aux crédits de lutte contre l’exclusion.
Les mesures de déconcentration ne peuvent cependant suffire. Le diagnostic des forces et faiblesses de l’administration territoriale de l’Etat l’a déjà établi mainte fois.
En dernier lieu, le commissariat à la réforme de l’Etat et le comité de réorganisation et de déconcentration des administrations ont fait des propositions relatives à l’action territoriale de l’Etat et au développement de sa capacité stratégique au niveau local. Le temps est venu d’en tirer les conclusions en matière de structures et de modes de fonctionnement.
Il est maintenant urgent que l’Etat soit en mesure de mieux prendre en compte, la réalité géographique, démographique et socio-économique des territoires de la France.
J’ai donc proposé au gouvernement, qui l’a accepté, de vous confier la responsabilité d’adapter l’organisation de services déconcentrés au contexte de chaque département et région.
A cet effet, vous disposerez en avril prochain de l’éventail des modalités de réorganisation possibles que le gouvernement aura préalablement arrêté. Certaines se traduiront par des modifications de l’organisation des services, d’autres porteront sur les méthodes de travail ou l’utilisation des nouvelles technologies de l’information.
Le gouvernement arrêtera également les domaines de compétence de l’Etat pour lesquels l’amélioration de l’efficacité globale des services est prioritaire.
Des représentants du corps préfectoral seront associés aux travaux des administrations centrales sur l’ensemble de ces points, car votre expérience vécue sera indispensable : la déconcentration, c’est aussi la juste association des hauts fonctionnaires présents sur tout le territoire à la préparation des décisions du gouvernement.
Toutes ces dispositions seront soumises à l’avis de la commission de modernisation du conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat et des comités techniques paritaires ministériels. Un décret en arrêtera le détail.
Il vous appartiendra ensuite l’élaborer et de transmettre au gouvernement le schéma d’organisation répondant le mieux aux contraintes et caractéristiques de votre circonscription territoriale.
Pour ce faire, vous vous doterez d’une structure de projet associant des chefs de service déconcentrés et vous soumettrez vos hypothèses de travail au débat avec les usagers, les élus et les agents et notamment leurs représentants, dans le cadre d’une concertation locale.
Ces travaux se dérouleront sur une période de trois mois.
Après validation par le Premier ministre, les modifications d’organisation, qi pourront donc être différentes d’un département ou d’une région à l’autre, seront mises en œuvre à partir du mois de septembre. Les administrations centrales adapteront leur organisation et leurs procédures en conséquences.
Il ne vous échappera pas que la méthode proposée se distingue de l’expérimentation de la réorganisation des services déconcentrés envisagée par le gouvernement précédent et que j’ai interrompue dans le courant de l’été.
Cette fois, vous aurez à conduire la réforme sur le terrain et à prendre personnellement les décisions stratégiques qui détermineront l’efficacité et l’avenir des services placés sous votre autorité, y compris les services préfectoraux. Il s’agira plus d’expérimentation. La réforme s’appliquera à tous les départements et toutes les régions.
Vous devrez donc veiller à créer les conditions favorables au changement. Il vous reviendra notamment d’impliquer et de fédérer les services et leurs agents dans la réalisation d’un projet collectif local.
Je sais l’attention que le Ministre de l’Intérieur porte à ces développements qui vous placent au cœur de la réforme de l’Etat. Nous partagerons la conviction que votre réussite dans cette tâche ouvrira une nouvelle étape de la déconcentration correspondant à un rééquilibrage des rapports entre le niveau central et les échelons déconcentrés plus conforme aux besoins du pays.
Un débat national sur la réforme de l’Etat se déroulera d’avril à octobre 1998.
Le gouvernement entend que les citoyens, les usagers, les fonctionnaires, bien sûr, l’encadrement des services déconcentrés, mais aussi les élus locaux, les entreprises, les organisations syndicales et le secteur associatif puissent faire part de leurs réflexions sur la façon dont l’Etat remplit ses missions. Des rencontrent interrégionales se tiendront en avril, mai et juin prochains à cet effet.
L’organisation de ces rencontres vous sera également confiée. Le commissariat à la réforme de l’Etat et la direction générale de l’administration et de la fonction publique vous apporteront leur appui technique et financier. Une circulaire en précisera les modalités.
Ces rencontres seront précédées par un débat parlementaire qui se tiendra en avril prochain. En effet, à l’exception d’une loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les parlementaires n’auront pas à se prononcer sur la réforme de l’Etat. Considérant que la représentation nationale ne pouvait être tenue à l’écart d’un tel débat, le gouvernement a donc prévu de la saisir de ses orientations lors de la prochaine session parlementaire.
En octobre 1998, des assises nationales auront lieu à Paris. Elles seront l’occasion d’une restitution des travaux menés au niveau régional et d’une mise en valeur des services de l’Etat du rôle de l’Etat dans notre société.
À cette occasion, et ce sera la conclusion de mon propos, nous pourrons faire valoir l’énorme richesse que constitue la fonction publique pour notre pays.
Faire vivre les principes républicains requiert une capacité d’innovation et un souci constant d’amélioration de la gestion publique qui font la noblesse et justifient l’utilité sociale du métier de fonctionnaire.
Plus cette ambition sera partagée, plus s’exprimeront à la fois le civisme et l’aspiration au progrès des hommes et des femmes qu’elle réunit.
Une fonction publique confiante, en phase avec son environnement, et sûre de la légitimité de ses objectifs saura d’elle-même se mobiliser à la recherche d’une plus grande efficacité au service des citoyens et des usagers.
Nous aurons alors accompli l’essentiel du chemin qui nous reste à parcourir.